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Facteurs explicatifs de l’inadéquation entre l’offre et la demande .89

CHAPITRE IV LES AFRICAINS FRANCOPHONES ET LE MONDE

1. Facteurs explicatifs de l’inadéquation entre l’offre et la demande .89

appeler les pénuries durables et les pénuries momentanées. Il est difficile de différencier les deux tendances dans la mesure où la prévision des entreprises a été défaillante. Il semble, pourtant, que les études identifient une inadéquation d’ordre permanent entre certaines offres d’emploi et les demandes enregistrées.

Cette inadéquation n’est pas le reflet de la croissance en cours qui nécessite de faire appel à des catégories professionnelles particulières sur une période de quelques années ; elle paraît relever davantage de la désaffection des demandeurs

1 Ces solutions s’entendent bien évidemment aussi pour l’ensemble des ressortissants de l’Union européenne qui bénéficient de la libre circulation des travailleurs.

2 La France est à citer en exemple pour la façon dont elle a géré administrativement et médiatiquement le recrutement d’étrangers informaticiens : deux circulaires de dérogation aux règles générales d’introduction des travailleurs étrangers, lui ont permis d’accueillir 2 169 informaticiens en 1999 dont 1 130 permanents : 54 % viennent d’Afrique (dont 70 % du Maghreb), 15 % d’Asie (Libanais, Chinois), 16 % d’Amérique du Nord (Américains et Canadiens), 14 % d’Europe (Roumains et Russes).

nationaux pour certaines filières ou d’une défaillance à long terme des formations nécessaires et de la gestion prévisionnelle des emplois.

On peut isoler plus précisément à ce titre les secteurs suivants :

• transports et logistique où les difficultés de recrutement sont estimées

« sérieuses » dès 1995 ;

• construction où la pénurie d’emploi est constante depuis quatre ans, malgré une forte demande du secteur ;

• restauration collective ;

• nettoyage industriel.

La pénurie de personnels et de cadres dans ces secteurs est due selon les analystes à des défaillances en raison :

- de l’image et de l’information véhiculées sur le secteur ;

- de la non adéquation des compétences ou des qualifications des candidats ;

- de conditions de travail jugées défavorables (horaires, pénibilité) ; - de l’insuffisance des rémunérations.

De fait, ces branches attirent peu les cadres et l’on peut généraliser l’appréciation selon laquelle les pénuries de main d’œuvre qualifiée dans les métiers de l’industrie, de la construction ou de la logistique s’étendent.

Parallèlement à ces tendances générales, la liste des métiers où les difficultés à recruter se font jour dans l’emploi est longue. On a relevé jusqu’à 28 secteurs en difficulté parmi lesquels on peut citer au titre des fonctions intermédiaires ou d’encadrement :

- pénurie très importante : métiers qualifiés du bois, métiers de bouche et de l’hôtellerie, de la restauration, métiers de la vente , certaines professions de santé ;

- pénurie importante : informaticiens et cadres des industries de process, techniciens et agents de maîtrise des industries mécaniques, de l’électricité et de l’électronique, professions para-médicales et de l’action sociale.

Globalement, sur la période actuelle, deux métiers sur trois, soit 57 % de l’emploi total, augmentent leurs effectifs de plus de 25 %. Il s’agit avant tout de métiers qualifiés portant sur des emplois de cadres et de techniciens.

Symétriquement, dans les métiers non qualifiés, l’emploi chute fortement.

Les besoins de recrutement se heurtent, selon les cas, à des difficultés qualitatives ou quantitatives.

Ainsi, il est difficile, en termes constants, de recruter de bons vendeurs à tous niveaux, car les écoles de commerce forment surtout des gestionnaires et des financiers, tandis que les vendeurs ont reçu des formations peu poussées vers lesquelles ils se sont souvent orientés par défaut et par insuffisance de reconnaissance de leurs métiers. Les jeunes formés dans ces métiers les quittent rapidement, obligeant les employeurs à recruter parmi des populations n’ayant pas de formation initiale. Il en est de même pour les métiers de l’hôtellerie et du

tourisme qui « importent » de nombreux salariés venant d’autres formations. En tout état de cause, on ne peut éluder le fait que, dans ces secteurs, tant les conditions de travail que les rémunérations expliquent ces difficultés de recrutement.

Les difficultés quantitatives d’ordre conjoncturel affectent les métiers d’informaticien et d’ingénieur en logistique. Comme Arnaud du Crest l’analyse, en novembre 2000, dans un article de la revue Problèmes économiques : « Le problème est ici que la constante de temps de l’emploi est de plus en plus courte avec la volatilité des marchés, la gestion en flux tendus, les erreurs de prévision, tandis que la constante de temps de formation ne peut pas être réduite au même niveau …».

Quel que soit le secteur, ces tensions ne sont pas fonction du taux de chômage, mais du rythme de la croissance économique. En croissance lente (moins de 2 %), l’ensemble du système a le temps de s’adapter ; en croissance rapide comme actuellement, le système est dépassé et il est amené à faire appel à des solutions de substitution parmi lesquelles figurent le recours à des intérimaires et l’appel à des salariés venant d’autres pays. Encore faut-il que les droits de ceux-ci soient respectés et que leur insertion se réalise dans les mêmes conditions que celles de leurs homologues nationaux. On assiste depuis quelques années au recrutement à l’étranger, et notamment au Maghreb, de cadres pour les secteurs en déficit par le biais d’agences d’intérim travaillant avec le marché de l’emploi français. Les modalités de ces recrutements ne sont pas satisfaisantes, car elles constituent un facteur de précarisation.

2. Métiers non ouverts aux étrangers

Le rapport Brunhes Consultants remis au Gouvernement en novembre 1999, Les emplois du secteur privé fermés aux étrangers, recense une cinquantaine de professions privées qui font l’objet de restrictions liées à la nationalité et une trentaine qui requièrent la possession d’un diplôme français.

Les premières concernent environ 615 000 emplois et les secondes 625 000.

Ces restrictions ont souvent été adoptées au coup par coup sous les pressions des milieux professionnels concernés afin de protéger l’activité économique des nationaux contre la concurrence étrangère. Elles se sont accumulées au fil du temps sans qu’une remise à plat permette de dégager le principe qui les justifie.

Ainsi, une cinquantaine de professions font l’objet de restrictions explicites liées à la nationalité1. Parmi celles-ci figurent :

- 17 professions fermées à tous les ressortissants étrangers ; - 15 professions fermées aux étrangers hors Union européenne ; - 20 professions fermées aux ressortissants d’Etats non membres de

l’Union européenne, d’Etats parties à l’accord sur l’espace économique européen et d’Etats non liés avec la France par une convention de réciprocité.

1 Voir en annexe n°3, la liste des professions fermées aux ressortissants des pays tiers.

Pour près de trente professions, la possession d’un diplôme français ou la détention d’une carte professionnelle sont requises. Sont concernées toutes les professions de santé, les professions juridiques (avocats, notaires, huissiers de justice), des professions techniques d’expertise (experts comptables, architectes), mais aussi les agents immobiliers, les agents de voyage, les professions de la communication, etc. Certaines professions sont, elles, soumises au respect d’un quota (marins ou personnels des industries travaillant pour la défense nationale).

Pour d’autres, un contrôle particulier est exercé par l’administration : la profession de journaliste suppose l’obtention d’une carte de presse délivrée par une commission paritaire qui demande un avis ministériel préalable.

Sont également exclus des professions que peuvent exercer les étrangers, les métiers du service public : fonctions publiques et entreprises publiques, voire para-publiques. Seuls les ressortissants de l’Union européenne sont admis dans les trois fonctions publiques françaises après les modifications introduites par la loi du 26 juillet 1991 qui prévoient que des emplois de fonctionnaires peuvent être occupés par des ressortissants de la communauté s’ils ne comportent aucune participation directe ou indirecte à des prérogatives de puissance publique.

Cependant, des étrangers non communautaires exercent dans les fonctions publiques et notamment la fonction publique hospitalière, mais uniquement sur des emplois de contractuels ou d’auxiliaires, ce qui implique une précarité. Ces emplois, contraignants de par leurs conditions d’exercice, sont moins rémunérés que les emplois des fonctionnaires et s’exercent souvent à temps partiel.

Progressivement, des entorses ont ainsi été faites au principe général sous la pression des besoins. C’est le cas notamment pour plusieurs fonctions dans les hôpitaux publics qui ont été ouvertes à tous les étrangers (médecins hospitaliers par la loi du 3 novembre 1976 ; dentistes des hôpitaux par la loi du 23 décembre 1980). A noter aussi que depuis les lois du 15 juillet 1982 et du 26 janvier 1984, des étrangers peuvent être recrutés et titularisés dans les corps de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Pour les entreprises publiques (Poste, Air France, RATP, SNCF) , les emplois statutaires sont généralement fermés aux étrangers hors Union européenne. Ces entreprises ont en revanche recours à des étrangers pour des emplois hors statut.

Les emplois des chambres consulaires et des organismes de sécurité sociale sont également fermés en théorie aux étrangers. Certaines de ces restrictions ne relèvent pas stricto sensu d’une réglementation mais peuvent être assimilées à un usage.

L’analyse du groupe d’études sur les discriminations conclut que l’application de ces normes contribue à produire « une image sociale négative de la fonctionnalité du travailleur étranger, alors que les nouveaux métiers et secteurs économiques émergents exigent à l’inverse l’appel à l’initiative, donc au talent et à la compétence individuelle sans restriction de nationalité autre que celle justifiée par l’exercice de l’autorité ou de la puissance publique ».

B - SECTEURS DENCADREMENT SOIT « EXCÉDENTAIRES », SOIT « DÉFICITAIRES » (CONJONCTURELS)

Sans vouloir transposer de manière identique les pratiques mises en oeuvre dans certains pays industrialisés on peut néanmoins s’y référer, et au besoin s’en inspirer, pour définir en France une politique de l’immigration plus en phase avec les réalités et qui tienne compte des besoins exprimés tout en ne renouvelant pas les erreurs du passé qui ont lourdement pesé sur la perception collective de la notion d’immigration en France.