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CHAPITRE II LES PAYS DE DÉPART EN GÉNÉRAL ET

2. Les facteurs économiques

En ce qui concerne les facteurs économiques agissant sur les migrations, il y a lieu de distinguer trois phases historiques récentes. La première va de la décolonisation au premier choc pétrolier des années soixante-dix et se caractérise par une croissance soutenue en Afrique où l’émigration est faible. La deuxième s’étend du milieu des années soixante-dix au milieu des années quatre-vingt et se caractérise par une stagnation économique qui commence à encourager les migrations. La troisième période, qui va du milieu des années quatre-vingt à nos jours, est marquée par la mise en œuvre de programmes de stabilisation et d’ajustement structurel qui n’ont pas diminué les pressions migratoires comme espéré par les pays du Nord.

Quelques repères fondamentaux permettent de décrire l’état socio-économique des pays africains en question.

2.1. Croissance, taux d’investissement, épargne

Tableau 1 : Croissance, taux d’investissement et épargne en 1999 et 2000 par rapport au PIB

Croissance PIB 1999

Croissance PIB 2000 (estimation)

Part Investissement

/PIB

Part Epargne

/PIB MONDE (1) + 3,3 + 4,2

AFRIQUE (1) + 2,3 + 4,4

(2) + 3,5

Afrique du Nord* (2) + 4,5 21,0 % 19,1 % Afrique de l’Ouest (Cedeao)

(2)

+ 2,7 23,2 % 14,9 %

Afrique Centrale** (2) + 2,0 19,5 % 10,5 % Afrique Australe (2) + 2,0 14,1 % 16,5 % Afrique Orientale (2) + 4,4 18,8 % 13,0 %

TOTAL AFRIQUE 20,8 % 15,4 %

Zone Franc + 3,3 + 4,6

UEMOA + 2,4

CEMAC - 0,2

(1) Source FMI.

(2) Source BAD.

* Afrique du Nord : Mauritanie, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Egypte.

** L’Afrique Centrale recouvre une zone géographique plus large que la CEMAC.

Source : Rapport 2001 du CIAN.

Le tableau ci-dessus indique que la croissance est réelle sur l’ensemble du continent. Elle est tirée par l’Afrique du Nord et l’Afrique Orientale et à contrario ralentie par l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique Centrale et l’Afrique Australe. Certains analystes lient ces résultats aux conflits armés de ces régions.

Les taux d’investissement, de l’ordre de 20 % se rapprochent de ceux des pays développés (25 %). Il en est de même pour les taux d’épargne (environ 15 % contre 26 %).

Tableau 2 : Indicateur de développement humain Classement selon IDH PIB par habitant

(PPA) 1998

Valeur de l’IDH 1998

Différence de classement selon le PIB par habitant et

l’IDH

Développement élevé

12. France 21 175 0,917 5

Développement humain moyen

71. Maurice 8 312 0,761 - 21

101.Tunisie 5 404 0,703 - 29

105. Cap-Vert 3 223 0,688 - 3

107. Algérie 4 792 0,683 - 27

123. Gabon 6 353 0,592 - 60

124. Maroc 3 305 0,589 - 22

134. Cameroun 1 474 0,528 4

137. Comores 1 398 0,510 5

Faible développement humain

141. Madagascar 756 0,483 23

145. Togo 1 372 0,471 0

147. Mauritanie 1 563 0,451 - 11

149. Djibouti 1 266 0,447 - 2

152. Congo, Rép. dém. du 822 0,430 8

154. Côte d’Ivoire 1 598 0,420 - 20

155. Sénégal 1 307 0,416 - 9

157. Bénin 867 0,411 0

162. Guinée 1 782 0,394 - 34

164. Rwanda 660 0,382 4

165. Mali 681 0,380 2

166. RCA 1 118 0,371 -15

167. Tchad 856 0,367 - 9

170. Burundi 570 0,321 1

172 Burkina faso 870 0,303 - 16

173.Niger 739 0,293 - 9

Source : PNUD

En matière d’indicateur de développement, l’IDH (Indicateur du développement humain) est de plus en plus utilisé. Outre le PIB par habitant, il intègre des facteurs socio-économiques comme l’espérance de vie à la naissance, le taux d’alphabétisation des adultes, le taux brut de scolarisation combiné (du primaire au supérieur). Le classement habituel des pays par rapport à leur PIB/habitant subit quelques changements lorsqu’on passe au classement par rapport à l’IDH.

Ainsi la France qui, avec un indicateur de PIB à 0,89 est au 17ème rang mondial, remonte au 12ème rang mondial avec un IDH à 0,917. Parmi les pays qui nous intéressent dans le cadre de cette étude, la Tunisie, par exemple, recule de 29 places en utilisant l’IDH au lieu du PIB/habitant. Le record est détenu par le

Gabon qui recule de 60 places, ce qui signifie que les autres éléments de l’IDH, hors le PIB/habitant, sont bas1.

2.2. L’aide publique au développement

Tous les pays d’Afrique sont bénéficiaires, à des degrés divers, de l’aide publique au développement (APD) dont l’essentiel (63,6 %) est fourni par l’aide bilatérale (où la France est en tête avec 13,5 % du total de l’APD). L’aide multilatérale représente 35 % de l’APD (l’Union européenne y représente 14,6 %, c’est à dire à peine plus que la France à elle seule). En l’aide bilatérale La France est dépassée en Afrique du Nord2 par les Etats-Unis, à cause essentiellement de l’aide spécifique accordée à l’Egypte.

Tableau 3 : Les fournisseurs d’APD en 1998

En millions de dollars Nord Sahara Sud Sahara Total Afrique

TOTAL 3 008 13 559 16 567

Multilatérale 854 4 952 5 806

dont Union européenne (479) (1 670) (2 419)

Bilatérale 1 965 8 565 10 530

France 714 1 521 2 235

Etats-Unis 775 714 1 489

Japon 152 948 1 100

Allemagne 76 1 008 1 084

Royaume-Uni 13 814 827

Pays-Bas 26 633 659

Pays Arabes 190 41 231

Source : Rapport 2001 du CIAN.

1 Pour remédier à cet état de fait, il est nécessaire de consacrer une part plus conséquente des revenus comptabilisés pour l’évaluation du PIB dans les domaines éducatifs et sanitaires et ceci sur le long terme.

2 Dans ce tableau l’Afrique du Nord représente : la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et l’Egypte.

Tableau 4 : Les principaux bénéficiaires de l’APD en 1998 En millions

de dollars

APD/hab (dollars)

APD/PIB (%)

Egypte 1 915 32 2,5

Mozambique 1 039 63 31,9

Tanzanie 998 32 14,4

Côte d’Ivoire 798 56 8,5

Ghana 701 39 10,2

Ethiopie 648 11 10,2

Afrique du Sud 512 13 0,4

Sénégal 502 57 11,3

Madagascar 494 35 14,3

Kenya 474 17 4,7

Ouganda 471 23 7,2

Malawi 434 42 17,0

Cameroun 424 31 5,0

Source : Rapport 2001 du CIAN.

Le tableau ci-dessus classe les 13 premiers pays africains par ordre décroissant de l’APD reçue (toutes origines confondues). On constate que la part de l’APD tourne autour de 10 % du PIB sauf pour les pays les plus pauvres (31,9 % pour le Mozambique) ou pour les pays à revenu intermédiaire comme l’Egypte, l’Afrique du Sud ou le Kenya (entre 2,5 % et 5 %).

Grâce aux programmes d’ajustement structurel, les pays d’émigration espèrent restaurer la croissance et attirer les investissements étrangers directs.

Les gouvernements sont devant une épreuve : ils doivent d’une part, restructurer l’économie afin de parvenir à assurer un développement soutenu et durable, et d’autre part, réduire la pauvreté et freiner la baisse du niveau de vie s’ils ne veulent pas être pénalisés politiquement et mis dans l’impossibilité de poursuivre les réformes.

Ces programmes d’ajustement structurel ont eu et auront un impact sur le marché de l’emploi. Depuis le milieu des années quatre-vingt, en raison de la réforme structurelle et de la forte baisse de l’activité économique, les marchés du travail connaissent un ralentissement dû aux restrictions et réductions affectant l’embauche dans le secteur public et l’administration, et aux difficultés des entreprises privées pour prendre le relais.

Dans ces conditions, l’émigration a longtemps été considérée comme un facteur de développement des pays et des régions d’origine ou comme un substitut au développement, puisque la migration de main d’œuvre allège les pressions sur le marché du travail et par conséquent réduit le chômage, relève les salaires réels, crée une main d’œuvre plus qualifiée et engendre des envois de fonds. Cependant, on peut avoir des doutes sur la réalité de ces avantages.

En effet, les familles installées en Europe, ont dû, du fait du regroupement familial, diminuer leurs envois de fonds (ils diminuent la part des fonds investis dans le pays d’origine en prévision du retour et privilégient plutôt des investissements dans le pays d’accueil). Le volume de ces envois de fonds reste très important pour les travailleurs immigrés en situation irrégulière qui, étant en majorité des hommes seuls, gardent des liens plus étroits avec leur famille restée

au pays. La valeur des envois a surtout augmenté comme il a été vu précédemment, grâce à la dévaluation des monnaies.

Cependant cet apport financier des émigrés est loin d’offrir un remède aux problèmes de développement puisque les envois de fonds des travailleurs migrants ne sont pas souvent utilisés de manière productive et ne permettent pas de créer beaucoup d’emplois. Enfin, ces transferts aggravent souvent les inégalités et provoquent des pressions inflationnistes qui appauvrissent encore plus les familles qui n’en reçoivent pas et incitent aussi ces familles à émigrer.

Par ailleurs, en cas de retour, les migrants ont peu l’occasion d’utiliser leurs compétences et peu de possibilités d’investissement productif. Ce phénomène a contribué au déclin du mythe du retour, à l’établissement des familles en Europe et au ralentissement de leurs envois.

En outre, comme ceux qui partent sont les éléments les plus entreprenants, les plus instruits et les plus qualifiés, les migrations se traduisent aussi par ce que l’on a l’habitude de nommer « exode des compétences ».