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Pour illustrer le propos, on peut prendre l'exemple le plus fréquent d'un projet en zone de développement 3 sur fond villa. Pendant de nombreuses années, la valeur de terrain admise était dans ce cas de figure fixée en relation avec l'usage futur admis du terrain, en particulier de l'indice d'utilisation du sol (lUS), et s'établissait, pour un terrain nu, à 542 CHF surface brute de plancher (SBP) pour un lUS de 1 (la valeur actuelle est de 688 CHF SBP''!). En d'autres termes, cela signifiait que si la parcelle pouvait recevoir dans l'usage futur une construction dont les surfaces brutes de plancher étaient équivalentes à la contenance de la parcelle (par hypothèse 1000 m') alors le prix admis était de 542 000 CHF pour le terrain. Dans le même exemple, si les surfaces brutes prévues par le plan de quarrier s'élèvent à 1200 m', soit l'application de l'indice de ré-férence de 1.2 pour la

3 ' -

zone de développement, le prix admis aurait été de 650000 CHF, soit les 650 CHF/m' SBP qui sont encore dans les esprits.

4S Par convention, la notation xxx F/m1 SBP indique par suite une relation entre la valeur admise pour le prix du terrain et l'indice futur d'utilisation du sol (logique dite de faisabilité) alors que la notation xxx F/m2 indique un prix unitaire par ml de terrain (logique de remplacement).

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Les mécanismes de contrôle du prix du terrain

A noter toutefois que, de pratique constante, le résultat est réexaminé lorsque l'indice concret s'écarte sensiblement de l'indice usuel de la zone.

Un indice de 2,5 peut conduire, toujours pour une parcelle de 1000 m', à n'admettre que 1 000 000 CHF oU 1 200 000 CHF (soit 1000 ou 1200 CHF/m' SBP), alors qu'une application arithmétique conduirait au montant de 1 355 000 CHF". Le montant finalement retenu dé·

pend en toute hypothèse de la réalité du projet, autrement dit des in-cidences du prix admis sur le résultat (montant du loyer), compte tenu des autres variables comme le coût de la construction 47 ou la structure de financement et son coût. Cette approche (logique de «faisabilité»

suivant l'expression utilisée plus haut) participe également des principes mêmes du contrôle voulu par le législateur visant à ce que les plus-values résultants d'un indice plus élevé ne profitent pas exclusivement au propriétaire. En effet, ce mode de faire diminue marginalement, on l'aura compris, la part du terrain dans le prix de revient, ce qui peut permettre de rattraper les surcoûts d'une construction pour un loyer constant, soit de baisser ce dernier si les coûts de construction sont dans la cible.

Hormis sa formalisation, cette pratique administrative a connu ces der-nières années deux évolutions importantes.

La première concerne le plafond admis pour le terrain bâti sur fond villa

(s'm,

zone). Deux modifications sont intervenues: d'une part le montant a été adapté à la hausse et, d'autre part, le montant s'inscrit désormais dans une seule logique de remplacement. Qu'est-ce que cela signifie?

S'agissant du montant, celui-ci est passé, pour une zone de développe-ment 3 de 450 CHF/m' SBP à une valeur de 1000 CHF/m' 48. La logique

46 Dans la directive sur le prix terrain cette non linéarité est exprimée par la réfé-rence suivant: «les prix admis sont fixés sur la base des densités usuelles prévues par le plan directeur cantonal. Le plan directeur cantonal prévoit des indices de référence (lUS) de 1.2 en 3·rn~ zone, 0.8 en zone 4A et 0.6 en zone 4B It. Voir à cet égard la fiche 2.01 du plan directeur cantonal hup:/Ietat.geneve.ch/sadconsult/

mapldocum .. ltslfiches _pdflfichel 0 1.pd(.

47 Il existe également un plafond pour les prix de construction, fixé en CHF/m2, et qui est différent selon les catégories d'immeubles (HBM, HLM-HM, logements loués, contrôlés mais non subventionnés). Les valeurs sont rappelées dans la direc-tive relative au plafonds de loyer (Voir note 41).

48 A ce montant vient s'ajouter la valeur de la construction.

de remplacement stricte signifie que ce montant est admis indépendam-ment de l'lUS prévu".

Annoncé le 17 mai 2006, ce changement décidé par l'autorité politique a été voulu pour favoriser la politique de densi fication de la zone villa. En offrant plus aux propriétaires, il était escompté que ceux-ci semient plus nombreux à accepter de vendre. La justification d'une augmentation de cette nature reposait par ailleurs sur une considération simple: le mon-tant admis précédemment ne permettait plus au propriétaire en place de se reloger à des conditions équivalentes. En effet; les effets conjugués de l'inflation et de la hausse de l'immobilier résidentiel avait singulièrement amoindri la capacité de trouver un bien de remplacement. De fait, cette modification a eu des effets certains sur le nombre de transactions effec-tuées entre propriétaires et promoteurs privés et publics'o.

La deuxième modification porte sur le terrain dont la zone de fond est agricole. Le Conseil d'Etat a pris la décision, en octobre 2007, de porter le montant admis à 450 CHF/m' SBP pour du terrain non bâti

'1.

Pré--49 La situation est différente pour du terrain non bâti en zone villa puisque la valeur admise est, elle, toujours corrélée à l'indice le montant admis étant de 688 CHF!

m' SBP.

50 Voir à cet égard les tableaux 2 et 3 p. 19 du rapport d'activité 2007·2008 de la LUP (www.ge.ch/logementlpdfILUP-rapport-activites-2008.pdf) qui montre que l'introduction de cette mesure a conduit de manière significative à l'augmen-tation du nombre de transaction. Pour une évaluation de l'importance de la den·

sification de la zone villa en matière de production de logements voir notamment les fiches consacrées au monitoring du plan directeur cantonal: http://daelmap.

etat -ge. chldaellP D LI M onitoringlmonito _ US .pdf.

jJ Pour du terrain bâti, a6n de permettre au propriétaire de retrouver un bien de substitution [Out en évitant une charge foncière trop importante pour les opéra·

tions futures, on retrouve le mélange des logiques de remplacement et de faisabi·

lité. Dans une logique de remplacement, il sera admis pour l'assiette d'un bâtiment résidentiel, laquelle est déterminée selon l'indice légale de la 5eme zone, soit 0.2 (arr. 59 LeI), un montant de 1000 CHF, le solde, dans une logique de faisabi·

lité étant admis à 450 CHFlm2 SBP. Exemple: une parcelle de 5000 m2 en zone agricole de développement 3 faisant l'objet d'un PLQ prévoyant 3200 m2 de SBP (indice 0.8) et comportant une villa de 150 m2. Le prix admis sera déterminé de la manière suivante: 750 ml pris à 1000 CHF (valeur de remplaçement en zone villa pour l'assiecte pouvant supporter 150 m2 de SBP selon l'indice légal de la Sem.. zone) soit 750000 CHF. Le solde du terrain soit 4250 m' sera pris à 360 CHF (450 x 0.8), soit 1 530000 CHF pour un total (hors valeur de la maison et aménagements extérieurs) de 2 280 000 CHF. Le même raisonnement a été appliqué pour les ter·

rains colloqués en zone de développement 4 qui usuellement permet des densités moindre pour les nouveaux projets.

'Les mécanismes de contrôle du prix du terrain

cédemment, la valeur admise était de 100 CHF par m' de terrain". Le principe de cette augmentation était d'inciter plus d'agriculteurs, ou plus de propriétaires terriens à vendre afin de concrétiser le porentiel d'ur·

banisation de périmètres en zone agricole mais prévus ou déjà déclassés en zone de développement". Simultanément à cette annonce, le Conseil d'Etat indiquait vouloir relancer le débat sur l'imposition de la plus-value foncière, dont le principe est visé à l'article 5 LAT. JI déposait à cet effet le 4 octobre 2007 un projet de loi 1012554 qui est actuellement pendant devant la Commission d'aménagement du Grand Conseil.

52 Hormis la pratique administrative, le législateur a fixé dans un cas au moins la valeur de transaction pour du terrain agricole de développement 3, in casu à 150 CHF (cf. Projer de loi 8926 adopté le 16 mai 2003). Il avair rejeté peu de temps auparavant, soit le 28 mars 2003, le principe d'une inscription générale dans la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du prix de terrain à hauteur de 100 CHF, voulu par les auteurs d'un projet de loi 7835. On était ici toutefois dans des logiques de contrôle direct du prix de terrain, Les auteurs de l'initiative populaire IN 140 pour leur parr prévoyaient l'inscription d'un art. lOB, let. g, de la Constitution genevoise qui aurait fixé un prix admissible dans les plans financiers à 100 CHF. Pour mémoire, il sera rappelé que le Tribunal fédéral a confirmé, par arrêt du 9 mars 2009 (IC_289/2008), la décision d'irrecevabilité de cette initiative pour défaut d'unité de matière.

53 Les terrains cn tone agricole représentent plus de la moitié des zones du ter-ritoire cantonal (53.20% au 31 décembre 2007 cf. hup://elal.geneve.ch/dt/

Si/verpeasWebFi/eServerIBROCHURE_ZONES_200B.pd(?Componen,Id=

kmelia 6 4 7 BeSourceFi/e=12185 4 9 35 4409 .pd(BeMimeType=ap p/icationlpd( Be Directory=Attachment/lmages/). D'aucuns ont vu une occasion manquée de pou-voir édi6er du logement à moindre coût, grâce à cette valeur de cerrain extrême-ment basse. De fait, M. DE LA PALICE n'aurait pas manqué de souligner qu'en augmentant (en moyenne par un multiple de 3.6) un poste qui constitue à hauteur d'environ 16 à 20% du prix de revient dans une opération ordinaire, mais 5 à 10%

pour une valeur de 100 CHF, on augmente le prix de l'opération d'envÎron 20 à 30%. Il n'empêche que le même M. DE LA PALICE aurait pu admettre l'idée que si des plafonds de loyers pour de l'habitation à loye[ modéré ou bon marché som respectés pour des opérations qui comprennent du terrain valorisé à 1000 CHF, alors de tels plafonds peuvent a fortiori être respectés lorsque le tenain est valorisé à environ un tiers de ce montant. D'autres ont encore relevé que cette augmenta-tion ne s'inscrivait pas dans l'esprit du protocole d'accord sur le logement signé le 10' décembre 2006 qui prévoit à son art. V que « Le Conseil d'Etat veillera à la mo-dération du prix du terrain déclassé. En particulier, le terrain issu d'un déclasse-ment de la zone agricole devra être maintenu à un prix modeste ». Le débat n'a pas à être tranché ici; d'un point de vue pragmatique, il conviendra de vérifier si cette initiative pourra déployer les mêmes effets que ceux qui Ont prévalu en 5';-zone.

S< www.ge.chlgrandco .. sei/ldataltex tel PLI 0125 .pdf.

IV.

Elérnents conclusifs

La pratique actuelle du contrôle indirect des prix du terrain, au titre de l'article 5 LGZD, s'inscrit dans le cadre des objectifs voulus par le législateur dès la fin des années 1950. Pragmatique, elle recherche un point d'équilibre entre des valeurs suffisamment attractives pour inciter le propriétaire à vendre sans obérer de manière excessive le coût des opérations à réaliser. Elle évite d'instaurer un contrôle du prix de vente des transactions", dont la constitutionnalité devrait être examinée par ailleurs, tout en donnant un cadre aux négoci'ations entre parties sur le prix du terrain 56.

Cette approche est-elle encore adaptée aux questions qui se posent au-jourd'hui dans le développement du canton? On songe ici plus particu-lièrement aux grands projets, qu'ils soient en milieu périurbain, comme les communaux d'Ambilly, ou en milieu urbain, comme le projet Praille Acacias Vernets. Les coûts de ces grands projets sont aujourd'hui éle-vés: aux montants déjà importants des infrastructures propres aux grands projets viennent s'ajouter des coûts induits importants liés; par exemple, aux exigences de dépollution, à l'ambition de réaliser des quar-tiers exemplaires sous l'angle environnemental et social dans ce qu'il est convenu d'appeler couramment des éco-quartiers. Dans le cas de renou-vellement urbain, s'additionne encore la difficulté de financer le coût de délocalisation des activités. Dans ce contexte, la pratique actuelle touche à ses limites.

55 L'acquéreur qui paierait un terrain au-delà des plafonds admis s'expose simplement à voir la partie du montant payé, qui serait supérieur au' plafond, n'être pas prise en compte dans le plan financier si bien que son investissement serait rentabilisé à un taux plus bas. C'est sous réserve d'un prix manifestement excessÎf. Dans ce cas.

le Conseil d'Etat peut être amené à interpeller les parties dans le cadre de l'examen du droit de préemption. Il peut également, au titre des art. 5 LGZD et RGZD et 15 de l'annexe au RGZD du 20 décembre 1978 (RGZD2 - RS/GE L 1 35.04) refuser d'appliquer au projet les normes de la zone de développement lorsque des terrains sont vendus à des prix de spéculation.

56 les parties peuvent solliciter du département une '< valeur d'estimation". Cette procédure rapide permet aux parties de savoir qu'elle pourrait être le prix du bien fonds dans le cadre d'une opération soumÎse au contrôle de la LZGD. Sur les mo-dalités de cette demande et le formulaire qui lui est associé: www.ge.chllogement/

pdflnotice_estimatio"s.pdf et www.ge.cbllogementldoc!estimations.xls.

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~r~::::'

Les mécanismes de contrôle du prix du terrain

Il n'est pas certain tout d'abord qu'elle permette de gérer, voire géné-rer les plus-values foncières nécessaires pour couvrir l'ensemble de ces coûts.

La pratique actuelle est également questionnée par les différences assez importantes des situations. Comment intégrer dans la pratique actuelle les valeurs foncières différentes pour mieux tenir compte des contraintes tels que la faible densité de certaines zones combinées souvent avec des exigences accrues de protection, ou l'importance de l'écart avec les prix du marché selon les localisations des parcelles?"

Il appartiendra bien entendu au législateur de donner les éventuelles orientations qu'il souhaite apporter.

On peut toutefois observer qu'a priori nombre des éléments qui ont fondé l'intervention du législateur dans les années 1950 sont toujours d'actua-lité. L'augmentation de la population et les besoins en logement sont des faits avérés, la nécessité d'une politique volontariste en la matière peu contestée. Dans cette mesure, une remise en cause fondamentale du mécan isme de contrôle reviendrait certainement à devoir se poser la question des instruments permettant le partage des coûts et bénéfices.

Nous pensons que des adaptations ponctuelles (par exemple sur une prise en compte des éléments de localisation, sur des plus-values dif-férentes selon la qualité des projets à réaliser) peuvent assurément être examinées. Elles peuvent sans doute trouver un accueil favorable dans le cadre d'un large débat qui viserait à définir de nouveaux points d'équi-libre qui ne fasse pas supporter à la politique du logement le poids de l'ensemble des politiques publiques.

Il serait en revanche délicat de vouloir procéder à une remise en cause fondamentale du système, que ce soit par une simple abrogation ou, pis encore, de manière indirecte, notamment par le moyen de déclassements massifs et systématiques en zone ordinaire. L'expression de spéculation foncière pourrait dès lors connaître un nouvel essor. Le risque serait alors immense de susciter de vives réactions qui freineraient de manière durable le développement dont ce canton a tant besoin.

57 Pour des indicateurs sur la valeur du marché, à comparer avec les plafonds admis, voir par exemple www.expert-immo.ch/terrain.html.

L'expropriation matérielle

MAYA HERTIG RANDALL*

Professeure à l'Université de Genève

I.

Introduction

Acclamée par certains «comme la création jurisprudentielle la plus si-gnificative dans le domaine de la garantie de la propriété» " la théorie de l'expropriation matérielle' est vue d'un œil plus critique par d'autres.

Développée dans le but de compenser les propriétaires pour des restric-tions qui ont pour effet de vider la garantie de la propriété de sa subs-tance, l'indemnisation pour expropriation matérielle est en effet sou-mise à des conditions très strictes. Selon trois auteurs, les propriétaires

It Cette contribution se fonde sur MAYA HERTIG RANDALL, «L'expropriation maté-rielle à l'aune de la jurisprudence récente », in: Fotx/HoTTELIER (éd.), La garantie de la propriété à l'aube du XXIe-siècle, Zurich, 2009, p. 29-50. L'auteur remercie

IRtNE RENFER, assiscante au département de droit constitutionnel de l'Université de Genève, pour son aide dans la mise au point du présent texte.

PETER SALADIN, Grundrechte im Wandel, 3~mc éd., Berne, 1982, p. 174, traduction par l'auteur.

Pour des contributions générales sur l'expropriation matérielle, cf. HEINZ AEMISEGGER, Raumplanung und Entschiidigungspflicht. materiel/e Emeig-mmg. Vertrauensschutz., Berne, 1983; ANDREAS AUER, GIORGIO MALINVERNI,

~hCHEL HOTTELlER, Droit constitutiotmel suisse, vol. Il, 2kr~ éd., Berne, 2006, p. 373 ss; URS EYMANN, «Grundzüge des Enteignungsrechts in der Schweiz", DEP 2003 p. S62 SS; PETER HANNI, Planungs-, Bau- und beson,deres Umwe/t-schutzrecht,

s ·m.

éd., Berne, 2008, p. 589 S5 j RUDOLF KAPPELER, Die bundesge-richtliche Entschiidigungspraxis hei materiel/er Enteignung infolge Bauverbots-zonen. Entwicklung se;t 1989, Zurich, 2007; jÔRG PAUL MÜLLER, MARKUS SCHEFER, Grundrechte in der Schweiz, 4""'" éd., Berne, 2008, p. 1030 SS; ENRICO RIVA, Hauptfragen der materiel/en Enteigmmg, Berne, 1990; ENRICO RIVA, «ad art. 5 al. 2», in: AEMISEGGER/KuTTLER/MoOR/RucH (éd.), Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, Zurich, 1999; CLAUDE ROUILLER,

t( Considérations sur la garantie de la propriété et sur l'expropriation matérielle faites à partir de la jurisprudence du Tribunal fédéral », RSJB 1985 p. 1 ss;

BERNHARD WALDMANN, PETER HA.NNI, .cad art. 5», in: WALOMANN/HANNI,

Raumplanungsgesetz, Berne, 2006, p. 137 5S; PIERMARCO ZEN-RUFFINEN, CHRISTINE GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropria-tion, Berne, 2001, p. 578 ss.

concernés doivent passer par des "portes étroitement posées d'un sla-lom spécial particulièrement ardu"J, les conditions jurisprudentielles constituant «autant d'obstacles à la reconnaissance d'un droit à une indemnité pour expropriation matérielle» 4.

Les appréciations contrastées de la théorie et de la pratique de l'expro-priation matérielle ne sont guère étonnantes. Elles reflètent la difficulté de concilier, dans un pays très densément peuplé, le droit individuel des propriétaires avec les intérêts publics, comme les impératifs liés au développement durable (en particulier l'~tilisation rationnelle du sol et la protection de l'environnement), la préservation du patrimoine historique et la lutte contre la pénurie de logements. Ce problème est loin d'être résolu, comme le montrent les travaux de révision de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT)' en cours'. L'expropriation matérielle restera donc un sujet tant actuel que controversé.

Dans ce contexte, la présente contribution a pour but d'exposer les grandes lignes de la théorie et de la pratique de l'expropriation maté-rielle tout en mettant en exergue les défis qu'elle soulève. E.lle commen-cera par situer l'expropriation matérielle dans le contexte de la garantie de la propriété (II), pour la délimiter ensuite de concepts voisins (III), ce qui nous permettra de mieux cerner la notion et les conditions de l'expropriation matérielle (IV). Nous nous pencherons par la suite sur la concrétisation jurisprudentielle de l'expropriation matérielle (V), pour conclure avec un examen des questions liées à la prétention qu'elle fonde (VI).

J AUER/MALlNVERNl/HoTTELlER (n. 2) p. 398, 839.

4 AUER/MALlNVERNl/HOTTELlER (n. 2) p. 398, 839.

RS 700.

li Le Conseil fédéral a décidé de renoncer à la révision totale de la LAT en raison de la nature rrès controversée du projet de la loi fédérale sur le développement territo-cial (<< LDTer ») du 12 décembre 2008, voir www.are.admin.chldokumentationl 00121100224/index.htmJ?lang=fr&msg.id=29104 (état au 5 octobre 2009). Pour un aperçu critique de ce projet, voir MISCHA BERNER, «Der Entwurf des Rau-mentwicklungsgesetzes - Eine Übersicht», fus/etter 23 mars 2009; voir aussi la prise de position du Cercle de droit de l'aménagement du territoire du 15 avril 2009, ZR/ 2009 p, 345 ss; ALAIN GRIFFE L, «Gut gemeint, aber nicht in allen Teilen tauglich., NZZ du 30.01.2009.

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L'expropriation matérielle

Il. Expropriation matérielle et garantie de la propriété

La garantie de la propriété, ancrée à l'article 26 Cst.', confère aux pro-priétaires une double protection'. Son premier alinéa permet d'une part de contester une mesure qui restreint le droit de propriété en tant que tel en conférant au propriétaire le droit de demander son annulation au motif que les conditions de restriction des droits fondamentaux, prévues à l'article 36 Cst., ne sont pas réunies. C'est la fonction dite individuelle de la garantie de la propriété, visant la protection de la

La garantie de la propriété, ancrée à l'article 26 Cst.', confère aux pro-priétaires une double protection'. Son premier alinéa permet d'une part de contester une mesure qui restreint le droit de propriété en tant que tel en conférant au propriétaire le droit de demander son annulation au motif que les conditions de restriction des droits fondamentaux, prévues à l'article 36 Cst., ne sont pas réunies. C'est la fonction dite individuelle de la garantie de la propriété, visant la protection de la