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Etude des modèles théoriques et historiques qui favorisent le principe de l'universalité déléguée

du principe de l'universalité

4. Etude des modèles théoriques et historiques qui favorisent le principe de l'universalité déléguée

4.1 Le principe de 1 'universalité déléguée

206. Comme nous l'avons déjà vu partiellement au chapitre 1., le principe de l'universalité déléguée a pour base, contrairement au principe de l'universalité unilatérale, la compétence originaire d'un autre Etat. Ce demi er renonce à exercer sa propre compétence pour juger une infraction en faveur de 1 'Etat où se trouvent une personne ou des biens.

207. Le principe de 1 'universalité déléguée se distingue du principe ordinaire de la compétence déléguée du fait que, dans le premier cas, les Etats déléguants renoncent le plus souvent de façon anticipée, générale et abstraite, à juger dans cetiaines circonstances certaines infractions en faveur d'autres Etats. Même si dans la plupati des cas une telle renonciation prend la forme d'un traité multilatéral, elle peut aussi être tacite ou expresse, voire découler d'une coutume.

4.2 La criminalité transnationale et la défense sociale universelle: l'exemple de l'école des statuts333

4.2.1 L'école italienne des statuts et l'extension des compétences territoriales et personnelles par le locus deprehensionis

208. L'école italienne des statuts est la première en Europe à avoir développé une véritable science du droit international privé et du droit pénal international.

Ces deux branches du droits' enchevêtraient d'ailleurs très étroitement, au point que cetiains ont affirmé que le droit pénal international des statutistes n'était bien souvent que le prolongement du droit international privé334.

209. Le début de l'école italienne des statuts coïncide avec la moti de l'Empereur Frédéric II en 1250. Les cités, dont cetiaines de territoire extrêmement réduit, étaient à ce moment acculées à trouver des solutions aux nombreux conflits de droits et de juridictions qui entravaient leurs échanges. Pour ce faire, les juristes des cités de 1 'Italie du Nord cherchèrent tout d'abord leur inspiration dans les textes du Code, du Digeste et des Institutes, symboles du grand système centralisé romain335. L'époque initiale fut ainsi surtout marquée par les grands commentateurs- les glossateurs-, dont Accurse (1181/85-1259/63). Puis la doctrines' affranchit progressivement des grands textes impériaux pour développer des solutions originales.

21 O. Les commentateurs s'attachèrent principalement, pour ce qui est du droit pénal international, au fameux passage «Ubi de criminibus agi opotiet» du Codex de Justinien (Lib. III, tit. XV). Accurse en fit l'interprétation suivante:

Commentaire sur le titre: une affaire criminelle est traitée à l'un de ces trois endroits, à savoir soit là où le crime a été commis, soit là où l'àf-faire a été commencée, soit encore là où il est établi que le détenu a son domicile. (Balde et Salicet. A ce cas s'ajoute celui de vagabond).

(Tra-333 Pour ce chapitre, nous nous sommes largement appuyés, comme l'ont fait la plupart des pénalistes internationalistes et des privatistes, sur les travaux effectués par les Professeurs Friediich MEILI, Joseph KOHLER et Edouard Mamitz MEIJERS. Le premier est l'autem de nombreuses conllibu-tions érudites sur 1 'histoire du &·oit international privé et du droit pénal international à 1 'époque des statuts. Son ouvrage, Internationales Strafrecht und StrajjJJVzessrecht, datant de 1910, reste une référence incontomnable. Le second auteur, avec son ouvrage de synthèse!nternationales Strafrecht, publié en 1917, et le troisième, avec ses nombreux atticles sur la matière, complètent efficacement le tableau. Nous citerons également souvent DONNEDIEU DE VABRES (1922), auteur qui ap-potia wte conllibution très importante à 1 'histoire du droit pénal international. Son ouvrage, même si parfois très confus- et peu précis quant à ses sources- a l'avantage d'être beaucoup plus connu et diffusé que ceux des auteurs précités.

334 BATTIFOL 1 LAGARDE, W 216, p. 260.

335 A vrai dire, le Digeste, le Codex et les Institutes n'ontjamais été appliqués à la partie occidentale de l'Emope mais uniquement à la pmtie orientale. Par contre, il est vrai que ces compilations, en tant que somme des principes de droit romains, reprenaient dans une large mesme les ptincipes juridi-ques applicables avant le schisme.

duction de: Causa criminalis tracta/ur altera de tribus lacis, scilicet, ubi cri men est commissum vel causa est inchoata, velu bi deprehenditur reus habere domicilium). Ba/cl. et Salie. Additur et ali us in vagabundo:

ut in gl. Sa lie et).

Commentaire sur le mot quaestiones: Toi, qui es de Modène, tu as commis un délit à Bologne. La question est de savoir où tu dois être convoqué. Je réponds là où tu as commis le délit, ainsi que là où l'af-faire a été commencée. (Traduction de: Tu Mutinensis Bononiae deliquisti; ubi conveniri debeas quaeritur: Respondeo ibi, ubi deliquisti:

Item ubi causa inchoata est).

Commentaire sur le mot reperiuntur: C'est-à-dire: où qu'ils soient, se-lon P (= Placentinus). D'où ceci: Quel que soit le lieu où je t'aurai trouvé c'est là où je te jugerai ( ... ). Tu dis «sont trouvés», s'ils ont un domicile ou un forum; ou tu dis qu'il s'agit ici de vagabonds, parce qu'ils peuvent être convoqués en n'importe quel lieu. (Traduction de:

Id est ubicumque sint, secundum P. (= Placentinus) Unde illud, ubi te invenero, ibi te judicabo etc. et pro eo j. !. prox. ibi, ubi degit etc. (= C.

3, 15) Tu die: reperiuntw; sc. habere domicilium siveforum, quod muftis modis constituitur .... Vel die quod loquitur ibi de vagabundis, ut illi ubilibet possint conveniri?36.

211. On le voit, le commentaire des glossateurs faisait dépendre la compétence pénale de plusieurs critères, soit le lieu de commission de 1 'infi·action, le lieu de domicile de l'auteur, le lieu du «commencement de l'affaire», sans qu'il soit possible de savoir exactement ce que les commentateurs entendaient par «affaire»

(causa )337, et enfm le lieu de capture, ou de convocation, pour les personnes sans domicile fixe. La doctrine minoritaire ne vit cependant dans le lieu de la capture qu'un moyen pour désigner l'autorité d'instruction de 1 'affaire, sans pour autant que le jugement dût avoir lieu au même endroit que 1' instruction338.

212. Les textes romains, qui servaient de base à la réflexion des statutistes, avaient pour vocation de régler des cas de conflits de compétence interne, soit de désigner, entre les différents gouverneurs ou juges de 1 'Empire, celui qui devait admettre sa compétence. En cas de conflits positifs entre diverses provinces, les autorités provinciales pouvaient toujours en référer à Rome, qui désignait alors la juridiction compétente. Eventuellement, les juridictions concurrentes pouvaient s'entendre entre elles. Le but était seulement d'éviter qu'un criminel reste impuni,

336 ACCURSE, Lib.lll, tit. XV, col. 616. Textes reproduits également dans DONNEDIEUDE VABRES (1922), p. 106; MEIL! (1910), p. 33. Sm le sujet, voir aussi KOHLER (1917), pp. 19ss.

337 Le texte du Codex, Lib. III, tit. XV «( ... ) ubi commissa vel inchoata sunt ( ... ).»laisse cependant clairement entendre que causa se réfère au crime, et non à 1 'instmction pénale.

338 DONNEDIEUDE VABRES (1922), pp. 106-107, particulièrement notes 1) et 2) etMEILI (1910), pp. 33-34.

et de faciliter 1 'enquête et le jugement des prévenus. Qui plus est, le droit pénal matériel, du moins pour les infractions les plus graves, était relativement uniformisé, et Rome gouvemait son Empire grâce à un système légal et judiciaire centralisé. Dans ce cadre, il était relativement aisé de pratiquer la territorialité de la poursuite pénale, d'autant plus que le code prévoyait expressément 1' obligation faites aux gouvemeurs de provinces de se prêter assistance capturer les criminels en fuite et les remettre à l'autorité du lieu de commission339. Ces textes n'étaient cependant pas prévus pour régler des cas d'infractions commises entre 1 'Empire et des souverainetés éh·angères.

213 Au contraire de 1 'Empire romain, les cités italiennes étaient indépendantes de facto par rapport à l'Empereur340 . Pour les cités, les principes de la défense de leurs citoyens et de la protection de 1 'Etat prenaient ainsi une toute autre dimension que dans un cadre purement interprovincial. Ces deux principes ne pouvaient notamment pas aussi facilement s'effacer devant le principe territo-rial. Qui plus est, nul pouvoir central à défaut de celui éventuel du pape ou de 1 'Empereur germanique- ne pouvait déterminer des règles applicables à toutes les cités ou procéder à des arbitrages. Les cités devaient trouver leurs solutions propres, réconcilier leurs intérêts personnels, l'exigence d'une nécessaire soli-darité dans la lutte contre le crime et les impératifs liés à la souveraineté des autres cités341 .

214. Dans la pratique, la compétence du juge local à l'égard des infractions commises sur son territoire trouva rapidement l'adhésion des juristes. Les postglossateurs, dont Jacques de Bellevue (Jacobus de Bellovisu, 1270-1335), relevèrent par exemple que c'est au lieu de commission de l'infraction que la sentence produisait le plus utilement son double effet d'intimidation et de réparation342 . Pour d'autres, tel Battole de Saxoferrato (Bartolus de Saxoferrato, 1313/14-1357), le principe de compétence devait être déterminé en fonction du droit applicable, soit selon l'adage «le juge doit suivre le droit». Selon Bartole, le délinquant savait qu'il tombait sous le coup du droit où il agissait. Il se soumettait dès lors tacitement au droit du lieu de commission, soit au seul droit qui était vraiment touché par son comportement343. L'auteur de l'infraction

339 Codex, Lib. IX, tit. IX, 15.

340 NUSSBAUM, p. 37.

341 Von BAR, p. 504, considère au contraire que le droit des cités de l'Italie du Moyen Âge était tellement semblable qu'il fom1ait un jus commune dont les différents statuts des cités ne consti-tuaient finalement que des nmmes particulières.

342 DONNEDIEU DE VABRES (1922), p. 117, note 3.

343 Dans cette logique, Bariole admit également que le lieu de commission de l'infraction devait être établi en fonction des effets de 1 'infi'action, et non pas seulement selon le lieu de 1' action (BARIDLUS DA SASSOFERRAID; KITZINGER; MEIL!( 191 0), p. 38). Par contre, Bariole était de 1 'opinion que, pour être applicable sans autre, la lex loci ne devait pas être en conh·adiction avec le jus

acceptait aussi tacitement la compétence du judex loci delicti commissi sauf si, pour quelque raison que ce fût, l'on appliquait lejudex domicilii pour favoriser l'auteur. Grâce à cet argument tiré du droit des contrats, Bartole fit largement progresser l'argumentation en faveur du judex loci, dont il était l'un des plus grands défenseurs344.

215. Les questions de juridiction et de compétence étaient cependant largement déterminées par le fait que les cités italiennes étaient généralement en guene permanente l'une contre l'autre. La haine qu'attisaient ces conflits entraîna la mise en place d'un véritable arsenal législatif pour protéger les intérêts des cités ou ceux de leurs citoyens. Dans ces circonstances, le principe du judex loci préconisé par la doctrine ne put s'imposer seul. Il ne put notamment jamais évincer les principes de la compétence réelle et de la compétence passive, qui étaient très développés et pratiqués à cette époque345.

216. Pour ce qui est de la compétence active, les solutions semblent avoir beaucoup différé de cité en cité346. Certains auteurs faisaient par exemple la différence entre les infractions de droit privé, qui faisaient 1 'objet d'une procédure accusatoire, et pour lesquelles la règle dujudex domicilii pouvait être appliquée, et celles intéressant 1 'ordre public de la cité, poursuivies selon la procédure inquisitoire, pour lesquelles la compétence du juge du domicile ne devait pas être retenue347 . A l'inverse, pour Cino (Cinus Pistorensis, 1270-1336), les crimes commis à 1 'étranger par des résidents devaient être réprimés par le judex loci, subsidiairement par leur cité de domicile, cela indépendamment du mode de procédure appliqué348 . Quels que furent les arguments pour ou contre le judex domicilii, cette compétence ne fut probablement reconnue par la doctrine de 1' époque que cmrune une compétence subsidiaire au forum delicti.

217. Avec ces principes de compétence, les postglossateurs ne pouvaient cependant pas régler le problème des mendiants, voleurs de foires et brigands sans domicile fixe. En effet, il était souvent difficile de les appréhender sur le fait commune. En effet, dans ce cas, elle ne pouvait pas être prévue parl'auteur (Von BAR, p. 505, note 3; DONNEDIEU DE VABRES (1922), p. 146). Cette idée, contraire à celle émise précédemment par Cino, sera reprise et développée notamment par le grand juriste hollandais MATTHAEUS.

344 MEIL! (1910), p. 38.

345 KOHLER (1894), p. 230; MEILI (1910), pp. 42-43; OEHLER (1983), p. 74.

346 La compétence de la personnalité active était déterminée à 1' époque par le domicile et non par une hypothétique nationalité. Voir les exemples de solutions donnés par MEIL! (191 0), pp. 43-44. Voir également HE LIE, pp. 566-567.

347 DONNEDIEU DE VABRES (1922), pp. 121-123; OEHLER(l983),p. 70.

348 CINUS PISTORIENSIS, Lib. III, p. 147 A: <<Mais on distingue le lieu dans lequel on a commis un crime, de celui dans lequel habite tu1 criminel, en disant que lui-même peut être convoqué dans n'impOlie quel lieu, et stu· ce point la loi du Codex s'accorde en tout», (traduction de: «Sed distinguit {oCllm, in quo commissum est cri men, a !oco in quo habitat criminosus, di cens, ipsum passe quo-libet conveniri, et in hoc concordat per omnis lex CodiciS>>).

et de détetminer exactement le lieu de leurs méfaits et on ne pouvait leur appliquer le principe de la personnalité active, précisément parce qu'ils n'avaient pas de domicile fixe. Qui plus est, les relations détestables qui prévalaient entre les cités italiennes de 1' époque rendaient la pratique de 1 'extradition aléatoire.

218. Pour lutter tout de même contre cette forme de criminalité, les juristes statutistes proposèrent d'élargir les critères de rattachement à la base des principes de compétence ordinaires: multum interest ne delie ta impuni ta remaneant. Ainsi, Accurse recmmut un droit de poursuite et de jugement spécialement applicable aux vagabonds au lieu où ils étaient trouvés349. Entre les cités, leur poursuite et leur jugements' organisèrent ainsi sur la base d'unforum domicilii fictif, à défaut de forum delie ti: «Je dis que l'on définit vagabond celui qui n'a pas de domicile, considéré comme habitation, et pour cette raison, en voulant garantir une réponse, celui-ci ne doit pas être entendu dans son lieu d'origine parce qu'il n'y a pas son propre domicile et le forum peut être établi en tous lieux»350.

219. La doctrine du <<Keine Heimat ist auch eine Heimat» allait avoir un succès considérable en pratique351 . Elle fut notamment rapidement admise également pour les bannis352. Guillaume Durant (Guilielmus Durantis, 1237-1296) mentionne par exemple le cas d'un habitant de Lucca qui, banni à perpétuité de cette ville, aurait dépouillé un Florentin à Florence. Reconnu à Pise, il fut jugé et condamné dans cette ville353.

220. Enfin et surtout, les voleurs, les publici la trones et les brigands de grand chemin furent également assimilés aux vagabonds et aux bannis. Le raismmement changea cependant, pour passer d'une fiction de domicile à une fiction relative au lieu de l'infraction: les voleurs et autres brigands de grand chemin étant censés, en transportant avec eux l'objet ou 1' argent volé, poursuivre leur activité criminelle où qu'ils se trouvassent. Ils étaient supposés commettre un délit continu tant qu'ils conservaient le produit de leur rapine: <<Actor sequiturforum rei»354. Il

349 ACCURSE, Lib. III, tit. XV, commentaire sur le mot «reperiuntm»: «tu dis qu'il s'agit ici de vaga-bonds, parce qu'ils peuvent êh·e convoqués en n'impmte quel lieU>> (traduction de: «Vel die quod loquitur ibi de vagabundis ut illi ubilibet possint conveniri» ). Voir aussi DONNEDIEU DE VABRES (1922), pp. 106 et 128; KOHLER(1917), p. 37.

350 SALI CET, pp. 24ss. (h·aduction de: <<Ego dico quod vagabundus dicitur qui domicilium ra ti one personae habitationis non habet (. .. ) et ideo valens satisdare de respondendo in loco domicilii originis non debet audiri quia ibi propriam sedemnon habet, et ubiquejoiUm sortitur»).

351 KOHLER(1917), p. 37.

352 DONNEDIEUDE VABRES (1922),pp. 128-130; KOHLER(1917), p. 37. Le domicile se confon-dait le plus souvent à cette époque tant avec la nationalité qu'avec l'origine.

353 DURANTIS, Li v. II, Ch. I, «de competentis iudicis aditione», pp. 40-53.

354 Ibid., p. 41. Selon DONNEDIEU DE VABRES (1922), p. 128, l'extension de ces plincipes de compétence aurait été la cause de la pendaison de 10 000 à 100 000 voleurs (ibid., pp. 139-142).

s'agissait, par ce raisonnement, de confondre le locus deprehensionis avec le locus delicti commissP55

221. D'autres auteurs admirent enfin également une compétence générale au lieu de capture des criminels pour les infractions poursuivies selon le mode accusatoire, sur la base d'une fiction de prorogation de for entre les parties au lieu d'ouverture de l'enquête356.

222. Par contre, malgré ce foisonnement inconnu jusqu'alors de doctrines et de pratiques par rappmt aux principes de compétence, la doctrine italienne des statuts refusa d'une manière générale d'ériger le judex deprehensionis en principe de compétence.

4.2.2 L'école allemande des statuts et le développement dujudex deprehensionis

223. La situation de l'Allemagne aux XVIe et XVIIe siècles était assez similaire à celle prévalant en Italie du Nord aux siècles précédents, avec des entités politiques théoriquement dépendantes d'un pouvoir supérieur, en l'occunence 1 'Empereur du Saint Empire romain germanique, mais qui en réalité étaient très, voire totalement indépendantes. Qui plus est, un fond de droit commun, germanique et romain, se superposait aux législations locales. Par conséquent, les mêmes difficultés apparaissaient pour le commerce et les relations entre les cités allemandes qu'entre celles de leurs voisines du Sud357.

224. Il n'est dès lors pas étonnant que des auteurs tels Clams(??- 1575), Pros-perus Farinacius (??-1613), Benedikt Carpzov (1595-1666) et plus tard David Mevius (1609-1670), Carl Ziegler (1621-1690), Heinrich von Cocceji (1644-1719) et Hertius (1652-171 0) aient recherché leur inspiration dans 1 'école italienne des statuts358.

225. La grande différence par rapport aux siècles précédents en Italie du nord est que le vagabondage avait pris une forme particulièrement endémique, notamment à la suite des guetTes de trente ans, ce qui a eu pour conséquence une criminalité, supposée ou réelle, très élevée. Le vagabondage créait une insécurité permanente sur les chemins et autres voies de cmnrnunications, dans les foires, les marchés, etc.

355 DURANTIS, Li v. II, Ch. I, p. 41: <<Le remède doit être appliqué partout où le mal s'est produit», (traduction de: «ubi enim malum contingit, ibi moriatur»).

356 Voir à ce sujet DONNEDIEUDE VABRES (1922), p. 130.

357 Ibid., p. 311; MEILI (1908), p. 27.

358 KELLER/ SIEHR, pp. 52-54; OEHLER(1983), W 82-83.

226. Les pouvoirs publics utilisèrent massivement l'outil répressif pour tenter de le restreindre. Les vagabonds, les enants étaient considérés comme des

«hommes suspects vivant suspectement»359. Selon Vexliard, à partir du XVIe siècle, «( ... ) on vo(yait) se succéder à une cadence rapide des ordonnances, édits, mandements, arrêts, lettres royales, émis par les autorités centrales, locales, municipales ou provinciales, contre les vagabonds, mendiants, sans condition et sans aveu, camaïands, gueux ( ... 360 . La répression fut sévère. Si les peines prévues pour les vagabonds furent d'abord bénignes (bannissement, trois jours de prison, fouet), elles devinrent de plus en plus lourdes par la suite. Elles devaient répondre à l'idée et aux besoins, alors essentiels, de la prévention générale par 1 'intimidation: «( ... ) et seront tellement pugnis (sic) que sera exemple tout autour».

La menace de la peine de mort pour vagabondage appamt en France en 1507, celle des travaux forcés en 1516, la menace de tortures en 1523, celle des galères en 1549361 .

227. L'outil répressif du forum loci, prôné notamment par Decian (?? -1575) à la suite de 1 'école italienne362, ou du forum domicilii, préféré par Carpzov363, ne suffit plus pour émdiquer cette forme de crinlÎnalité, réelle ou supposée. Dans ces circonstances, l'idée du judex deprehensionis en tant que principe de compétence sui generis eut de plus en plus de succès. Parce qu'il subissait 1 'influence italienne et parce qu'il était un pénaliste, Carpzov reconnut le premier l'importance du principe «multum interest ne delicta impunita remaneant». Il alla cependant plus loin que la plupart des statutistes italiens et admit que le principe du judex deprehensionis devait s'appliquer non seulement aux mendiants et autres vagabonds ou brigands de gmnd chenlÎn, mais à tous les délinquants dangereux ou dont les actes pouvaient s'avérer dangereux pour la communauté tout entière364. Il inclut dans cette catégorie, outre les voleurs et les assassins, les agitateurs, les émeutiers et les faux-monnayeurs365. D'autres auteurs du Nord de l'Europe, tels Matthaeus366 ou Uh'icus

227. L'outil répressif du forum loci, prôné notamment par Decian (?? -1575) à la suite de 1 'école italienne362, ou du forum domicilii, préféré par Carpzov363, ne suffit plus pour émdiquer cette forme de crinlÎnalité, réelle ou supposée. Dans ces circonstances, l'idée du judex deprehensionis en tant que principe de compétence sui generis eut de plus en plus de succès. Parce qu'il subissait 1 'influence italienne et parce qu'il était un pénaliste, Carpzov reconnut le premier l'importance du principe «multum interest ne delicta impunita remaneant». Il alla cependant plus loin que la plupart des statutistes italiens et admit que le principe du judex deprehensionis devait s'appliquer non seulement aux mendiants et autres vagabonds ou brigands de gmnd chenlÎn, mais à tous les délinquants dangereux ou dont les actes pouvaient s'avérer dangereux pour la communauté tout entière364. Il inclut dans cette catégorie, outre les voleurs et les assassins, les agitateurs, les émeutiers et les faux-monnayeurs365. D'autres auteurs du Nord de l'Europe, tels Matthaeus366 ou Uh'icus

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