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4 B Calcul du flux thermique émis par les lacs volcaniques :

4.4 B Estimation du flux thermique pour le Kelud et vérification du modèle:

4.4.16 B Eruption du Kelud :

50 60 70 80 90 Tempé rat ure (°C) 29 30 31 32 33

Figure 4.35 : évolution du flux thermique au Kelud (courbe rouge) comparée à l’évolution de la température du lac (courbe bleue).

4.4.16 BEruption du Kelud :

4.4.16.1 Signes précurseurs :

L’éruption du volcan Kelud de novembre 2008 a été précédée, outre l’augmentation du flux thermique, de plusieurs signes précurseurs étalés dans le temps. Le 11 juillet 2008, une mesure de l’activité de dégazage du lac, à l’aide d’un échosondeur adapté (échosondeur Simrad ES60) mesurant sur deux fréquences (50 et 200 KHz), ce qui

permet de mettre en évidence les bulles (50 KHz) et le fond du lac (200 KHz), montre une intense activité de dégazage (figure 4.36).

Une carte de répartition des bulles a été réalisée à l’aide de 16 profils couvrant la totalité de la surface du lac (figure 4.37). Ces profils montrent que 70% de la surface du lac présentait une activité de dégazage intense. Cependant, la mesure de ces profils bathymétriques pour détecter le dégazage magmatique, représente une première lors de cette mission. Il manquait donc un point de comparaison avec des mesures effectuées précédemment pour savoir si cette intense activité de dégazage était un phénomène normal ou un indice précurseur de l’éruption.

Figure 4.36 : profil bathymétrique à travers le lac du Kelud. Les traînées verticales montrent les bulles de gaz qui réfléchissent à 50 KHz les ondes sonores émises par l’échosondeur. Les variations de couleurs correspondent à des variations dans l’intensité des réflexions avec la plus forte intensité pour le rouge et la plus faible pour le bleu.

Figure 4.37 : répartition des bulles à la surface du Kelud, telle que déterminée à l’aide de l’échosondeur.

L’importance de l’activité de dégazage par rapport à l’activité normale du volcan a été confirmée fin juillet 2007 lors de mesures effectuées à l’aide de la chambre d’accumulation. Cette méthode de mesure à la surface d’un lac, utilisée pour la première fois par Mazot (2005) (voir chapitre 3), avait été utilisée sur l’ensemble du lac du Kelud, chaque année depuis 2001, afin de mesurer le flux de CO2 à la surface du lac.

Les 200 à 250 points de mesure effectués sur l’ensemble du lac chaque année avec une grille de 20 m ont ensuite été interpolés par la méthode des simulations stochastiques (Mazot, 2005), afin d’obtenir un flux global pour l’ensemble du lac.

Figure 4.38 : évolution du flux de dioxyde de carbone depuis 2001, mesuré à l’aide de la méthode de la chambre d’accumulation sur un ensemble de 200 à 250 points de mesure avec une grille de 20 m sur l’ensemble du lac et interpolé à l’aide des simulations stochastiques.

Le flux mesuré fin juillet 2007 était de 330T/j, ce qui représente une augmentation très importante par rapport à l’année précédente (35T/j). Cette augmentation, phénomène unique depuis le début de la période de mesure en juillet 2001 (figure 4.38), a été confirmée lors d’une deuxième mesure effectuée les 6 et 7 septembre 2007 où le flux mesuré était de 730 T/j. Ce dégazage important représente un signe clair de

l’augmentation du dégazage du magma, ce qui est un signe précurseur important de l’éruption. En même temps que la mesure de flux de dioxyde de carbone de fin juillet, une nouvelle campagne de mesures du dioxyde de carbone à l’aide de l’écho sondeur a été effectuée. Lors de cette campagne, des profils bathymétriques similaires à ceux observés lors de la campagne du 11 juillet indiquent que l’activité de dégazage mesurée lors de cette campagne était déjà très importante par rapport aux valeurs de background. Cette méthode n’est malheureusement pas applicable pour des mesures en continu ; il est dès lors difficile de savoir quand cette augmentation de flux a commencé. Il serait intéressant d’essayer une méthode acoustique permettant d’entendre en continu le bruit des bulles pour connaître l’évolution de l’activité de dégazage.

L’activité sismique quant à elle n’a commencé que le 10 septembre avec quelques séismes répertoriés pour cette journée. Cette activité sismique peut sembler négligeable, cependant, l’activité de background du Kelud est très basse, la moindre activité sismique est donc déjà un signe inquiétant (figure 4.39). Cette activité sismique a continué à se développer surtout à partir du 26 septembre, c'est-à-dire plus de 3 mois après que le flux thermique n’ait commencé à augmenter. Cependant, l’augmentation de l’activité sismique est intéressante pour la prévision à court terme de l’éruption.

2007

Jul Aug Sep Oct Nov

Nombr

e

de tremblemen

ts de terre par jour

0 90 180 500

Figure 4.39 : activité sismique au Kelud dans les mois qui précèdent l’éruption.

La conductivité du lac de cratère du Kelud évolue tout au long de l’année en fonction des précipitations avec une conductivité qui atteint son maximum un peu après le début de la saison des pluies (figure 4.40). La diminution de conductivité qui s’ensuit est due à un effet de dilution du système hydrothermal par l’eau de pluie.

L’évolution de la conductivité à partir de début juillet 2007 est donc normale puisqu’elle correspond au début de la saison sèche. Cependant, si la vitesse d’augmentation est comparée avec l’année précédente, on constate une augmentation beaucoup plus rapide de la conductivité en 2007 qu’en 2006.

Figure 4.40 : évolution de la conductivité au Kelud depuis août 2006 (courbe rouge) comparée aux précipitations (bleue).

Cette vitesse d’augmentation est un peu faible comme argument pour dire que l’activité du volcan va vers une éruption, mais à partir du 3 septembre, la conductivité est supérieure à tout ce qu’elle a atteint l’année précédente et continue à augmenter, ce qui constitue un signe avant coureur d’un changement dans l’activité du volcan.

Le lac de cratère du Kelud a aussi commencé à changer de couleur dans la période de temps comprise entre début et fin juillet 2007 (figure 4.41), ce qui fait de ce changement de couleur un des premiers signes de changement dans l’activité du volcan. Cependant, en juin 2007, une odeur d’H2S inhabituelle pour le Kelud a été détectée par l’observateur du volcan et le technicien qui l’accompagnait lors d’une opération d’entretien d’une station de mesures située sur le lac, indiquant que le dégazage observé à l’aide de l’écho-sondeur début juillet avait déjà commencé fin juin. Cet apport d’H2S était très

probablement accompagné de dioxyde de carbone, vu la très grande mobilité de ce gaz dans le magma.

Les signes précurseurs de l’activité volcanique sont donc, dans l’ordre (figure 4.42) : l’augmentation du flux thermique qui commence à la mi-juin 2007; le changement dans la couleur du lac 1 mois et demi plus tard ; l’augmentation significative du dégazage mesuré sur le volcan à la fin du mois de juillet 2007.

Date 1/1/2007 3/1/2007 5/1/2007 7/1/2007 9/1/2007 11/1/2007 Flux thermique (MW) 40 50 60 70 80 90 Te m p éra ture (°C ) 29 30 31 32 33 Activité sismiq ue (sé isme/j) 0 100 200 300 400 500 600 Flux thermique Couleur lac et flux CO2 Température Activité sismique Conductivité

Figure 4.42 : situation dans le temps des différents signes précurseurs de l’éruption du Kelud.

Il est à noter que le dégazage a probablement commencé plus tôt (voir discussion plus haut dans le texte), mais l’absence de mesures en continu n’a pas permis de le mettre en évidence. La température quant à elle a seulement commencé à augmenter au milieu du mois d’août, car l’effet de l’augmentation du flux thermique sur la température a été gommé jusqu’à ce moment-là par une période de vents forts (voir discussion plus haut dans le texte). Enfin, la conductivité a commencé à monter suffisamment fort pour être

significative à partir de début septembre et il a fallu attendre le 10 de ce même mois pour que l’activité sismique commence à augmenter.

L’estimation du flux thermique est donc un paramètre intéressant à étudier pour suivre l’activité volcanique, car elle a commencé à évoluer 1 mois et demi avant tous les autres indicateurs de l’éruption et plus de 4 mois avant le début de l’éruption.

4.4.16.2 Déroulement de l’éruption :

L’activité éruptive des 2 derniers siècles a été essentiellement caractérisée par des éruptions pliniennes fréquentes produisant des coulées pyroclastiques et des lahars (Simkin and Siebert, 1994). Le déroulement de l’éruption de 2007 a été une surprise puisqu’elle n’a débouché que sur l’extrusion d’un dôme de lave. Cependant, la présence de plusieurs dômes formant les sommets du volcan indique que ce type d’activité n’est pas unique dans l’histoire du volcan.

L’éruption a commencé le 4 novembre 2007 par l’extrusion d’un dôme de lave andésitique dans le lac de cratère (figure 4.43).

L’extrusion, qui s’est déroulée essentiellement de façon non explosive avec de petits épisodes d’explosions de vapeur dans le lac de faible amplitude, a progressivement évaporé le lac de cratère jusqu’à n’en laisser qu’une portion congrue (figure 4.44, 4.45 et 4.46).

Figure 4.43 : photo du début de l’éruption, le 4 novembre 2007.

Figure 4.44 : évolution du dôme de lave le 20 novembre 2007 et image du satellite IKONOS de ce dôme le 22 novembre.

Figure 4.45 : photos prises le 29 novembre et le 6 décembre 2007.

Figure 4.46 : fin de la croissance du dôme le 12 avril 2008 et photo du résidu du lac volcanique.

L’absence d’épisode explosif lors de l’éruption indique qu’elle est le résultat de l’extrusion d’un magma dégazé. Il s’agit probablement du magma résiduel de la dernière éruption de 1990. Le dôme a cessé de croître le 12 avril 2008 (figure 4.46), il a atteint un diamètre de 400 mètres et une hauteur de 200. Son volume est estimé à 25 millions de mètres cubes.

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