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R EVUE DE LA LITTERATURE GENERALE

1/ Environnement architectural et santé

L’objectif ici n’est pas de faire un état de la question exhaustif car chaque thème pourrait

faire l’objet d’une thèse en soi mais plutôt d’éclairer les notions utilisées dans cette

recherche pluridisciplinaire.

1.1 Environnement architectural

1.1.1 Environnement

A la notion d’espace – couramment employée en architecture - nous avons préféré celle

d’environnement car d’une part celle-ci implique nécessairement un individu mais aussi

parce qu’elle est moins équivoque. Selon la définition du Larousse (2015), l’environnement

se définit de plusieurs manières : il est à la fois l’ensemble des éléments qui entourent un

individu et dont certains contribuent à subvenir à ses besoins, cadre de vie d’un individu

composé d’éléments objectifs (qualité de l’air, bruit, etc.) et subjectifs (beauté d’un paysage, qualité d’un site, etc.) et contexte psychologique ou social (ambiance,

atmosphère, climat).

1.1.2 Architecture

La grande diversité des définitions de l'architecture – données depuis des siècles par les

architectes eux-mêmes – reflète la difficulté de cerner cet art multiple. Nous présenterons

ici quelques définitions majeures afin de refléter la diversité sémantique et conceptuelle que recouvre cette discipline, sans prétendre pour autant être exhaustif.

Au 1er siècle avant J.-C., l’architecte romain Vitruve, auteur du célèbre traité De

architectura est le premier à définir l’architecture par ses finalités : « firmitas, utilitas, venustas », à savoir la solidité, l’utilité et la beauté.

« Dans tous ces différents travaux, on doit avoir égard à la solidité en

creusant les fondements jusqu’aux parties les plus fermes du terrain, et en

choisissant avec soin et sans rien épargner, les meilleurs matériaux ; à

l’utilité, en disposant les lieux de manière qu’on puisse s’en servir aisément, et en distribuant chaque chose d’une manière convenable et

commode ; à la beauté, en donnant à l’ouvrage une forme agréable et

élégante qui flatte l’œil par la justesse et la beauté des proportions. »

Selon l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1751), l’Architecture «est en général l’art

de bâtir. On en distingue ordinairement de trois espèces ; savoir, la civile qu'on appelle architecture tout court, la militaire, & la navale. On entend par architecture civile, l'art de composer & de construire les bâtiments pour la commodité & les différents usages de la vie, tels que sont les édifices sacrés, les palais des rois, & les maisons des particuliers ; aussi bien que les ponts, places publiques, théâtres, arcs de triomphes, etc. »

Cette définition classique a été revue au début du XXèmesiècle par l’architecte moderne Le

Corbusier qui distingue la simple construction de bâtiments des ouvrages d’architecture : «

On met en œuvre de la pierre, du bois, du ciment ; on en fait des maisons, des palais ; c’est la construction. L’ingéniosité travaille. Mais, tout à coup, vous me prenez au cœur,

vous me faites du bien, je suis heureux, je dis : c’est beau. Voilà l’architecture. L’art est ici. »

Avant d’ajouter :

« L’architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés

sous la lumière

- LE CORBUSIER- Architecte urbaniste peintre (1923)

Pour cet architecte et le mouvement moderne de manière plus général, l’architecture est

un véritable art qui repose sur l’ordre et la rationalité (Bresson, 2010) dans une approche

universelle des besoins humains.

Une posture radicalement différente est celle de l’architecte français Jean Renaudie qui

privilégie dans sa conception la complexité qui caractérise les relations humaines. Pour lui,

la mission de l’architecte ne consiste pas à rechercher des solutions universelles, qui

puissent convenir à tous, ou traverser les cultures et les situations familiales mais « de

satisfaire la diversité humaine » (Renaudie, 1992) et de permettre l’expression des

différences.

« L’architecture est la forme physique qui enveloppe la vie des hommes

dans toute la complexité de leurs relations avec leur milieu »

- Jean RENAUDIE - Architecte et urbaniste (1992)

Dans cette vision, il n’y a pas d’objetarchitectural, il n’y a que composition architecturale

(Bresson, 2010).

Une autre manière de définir l’architecture est celle qui consiste à l’appréhender à partir

du plein et/ou du vide. L’architecture est généralement entendue comme art du plein –

« art de construire les bâtiments » (Larousse, 2015). Cette conception est notamment issue

de l’étymologie du mot architecture qui est issu du grec « arche » qui signifie « chef,

« On modèle l’argile pour former un vase et c’est précisément dans l’espace vide que l’on peutl’utiliser comme vase. On ouvre des portes et

des fenêtres dans les murs d’une maison et c’est à partir de ces espaces

vides que l’on peut l’utiliser. »

- LAO TSEU– Sage chinois fondateur du taoïsme (-600 av. J.-C.)

Cette vision orientale du monde peut être étendue à l’environnement architectural et a

été reprise par l’approche phénomélogique de Bachelard (1957). Pour lui, le vide est la

«matière des possibilités d’être» qui précède la définition formelle de l’architecture. Il s’agit

de partir de l’expérience vécue par le sujet. Dans son Eloge du vide, l’architecte Jorge Cruz

Pinto (2010) définit le vide comme se rapportant essentiellement à la signification de

l’architecture et de l’habitabilité qui en résulte, porteuse de valeurs d’utilisation, de modes

de vie et de sens. Selon lui, l’espace vide est réceptacle de l’action et de l’occupation de la

vie, et véhicule le vécu esthétique (Cruz Pinto, 2010).

Figure 1Deux manières de voir l’architecture(source personnelle, 2015)

1.1.3 Environnement architectural

Nous avons choisi dans cette recherche d’employer le terme «d’environnement

architectural ». Cette notion englobe celle du cadre bâti et de l’ambiance ou d’atmosphère

créée par l’architecture d’un lieu.

L’expression « cadre bâti » désigne tout ce qui, de près ou de loin, a trait à la production

architecturale ou urbanistique, c’est-à-dire à l’aménagement de l’espace construit, par

opposition à l’espace dit naturel, autrement dit non construit (Sperandio, 1976).

L’ambiance se définit comme : « l’atmosphère matérielle et morale qui environne une

personne » (Robert, 2015). Le mot atmosphère vient du grec atmos (-vapeur) et sphaira

(-sphère) et définit le milieu au regard des impressions qu’il produit sur nous (Augoyard,

1995).

Plus récemment, l’architecte Peter Zumthor (2008) définit l’atmosphère comme ce qui

entoure ; « à la fois les choses, les personnes, l’air, les bruits, le son, les couleurs, les

présences matérielles, les textures, les formes ». Selon lui, il existe un savoir-faire dans cette tâche qui consiste à créer des atmosphères architecturales, en travaillant sur la masse, la

matérialité, la sonorité, la température, les objets, les parcours, la relation entre l’intérieur et

l’extérieur, l’intimité et la lumière. Selon Augoyard (1995), une ambiance architecturale ou

et par une impression composée d’éléments sensibles et cognitifs (complexe perception -représentation).

Ainsi, la notion d’environnement architectural dépasse celle de l’architecture, au sens

d’une construction confiée à un architecte pour englober tout ce qui constitue l’environnement physique et sensible d’une personne ou d’un groupe d’individu.

Figure 2 Illustration du concept d'environnement architectural (source personnelle, 2015)

1.2 La santé et ses déterminants

La définition de la notion de santé a évolué au fil du temps. Selon l’encyclopédie de

Diderot et d’Alembert (1791), la santé est «l’état le plus parfait de la vie ; l'on peut par

conséquent le définir, l'accord naturel, la disposition convenable des parties du corps vivant, d'où s'ensuit que l'exercice de toutes ses fonctions se fait, ou peut se faire d'une manière durable, avec la facilité, la liberté, & dans toute l'étendue dont est susceptible chacun de ses organes, selon sa destination, & relativement à la situation actuelle, aux différents besoins, à l'âge, au sexe, au tempérament de l'individu qui est dans cette disposition, & au climat dans lequel il vit.». Cette définition de la santé comme l'aptitude de l'organisme à fonctionner relève du point de vue biomédical.

Cependant, dès 1946, la santé, fut définie dans le préambule à la constitution de

l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1946 de manière très différente et plus

globale afin d'établir un lien entre la santé et le bien-être (WHO, 1946):

« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. »

- ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTE (OMS / WHO) -(1946)

La façon de définir le bien-être et les processus qui en favorisent l’atteinte fait l’objet de

nombreux débats (Laguardia & Ryan, 2000). L’approche la plus importante au cours du

XXème siècle sur le sujet définit le bien-être en termes d’obtention de plaisir et de bonheur.

Dans leurs travaux sur la santé humaine positive (-Positive Human Health), Ryff et Singer

(1998) donnent une définition du bien-être qui dépasse les concepts d’hédonisme, à l’aide

d’ailleurs que la santé est encore actuellement ce qui est communément entendu comme

l’absence de maladie (Larousse, 2015).

Dans les années 1980, l’OMS favorise le développement de la promotion de la santé, ce

qui modifie la conception de la santé non comme un état, mais comme un processus

dynamique. Cela fait l’objet d’une redéfinition de la santé en 1984 : « mesure dans laquelle

un groupe ou un individu peut, d'une part, réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins et, d'autre part, évoluer avec le milieu ou s'adapter à celui-ci. La santé est donc perçue comme une ressource de la vie quotidienne, et non comme le but de la vie; il s'agit d'un concept positif mettant en valeur les ressources sociales et individuelles, ainsi que les capacités physiques » (OMS, 1986).

A l’extrémité positive du processus dynamique de la santé se trouve la notion de

mieux-être. Les discussions portant sur le mieux-être ont progressivement desserré l'emprise du modèle biomédical. Dès les années 1980, des modèles écologiques sont apparus en guise de remplacement ; ces modèles tiennent compte des interactions complexes entre les personnes, leurs caractéristiques individuelles et l'environnement (Hancock, 1993). Le mandala de la santé illustre cette nouvelle pensée (Figure 3).

Figure 3The mandala of health - Mandala de la santé (Hancock & Perkins, 1985)

Le schéma présenté ci-dessus est un modèle écosystémique de la santé qui représente les déterminants de la santé en tant qu'influences concentriques imbriquées. La personne se

trouve au centre, avec une distinction entre le corps, l’intellect et l'esprit. Les facteurs

externes sont ensuite pris en considération, soit le milieu social et physique, puis les influences culturelles, économiques et sociétales. Le mandala de la santé donne une vision large des déterminants de la santé, afin que l'élaboration de stratégies d'amélioration de la santé tienne compte de ces multiples niveaux (Hancock & Perkins, 1985).

Dans la continuité, Barton et Grant (2006) ont développé un modèle des déterminants de la santé (Figure 4) basé sur le modèle holistique de la santé (Dalgren & Whitehead,1991) qui montre comment les déterminants individuels de la santé (âge, sexe, facteurs

héréditaires) sont imbriqués à une échelle plus grande avec des déterminants d’ordre

Figure 4The health map - Carte des déterminants de la santé et du bien-être (Barton & Grant, 2006)

On remarque que par rapport au mandala de la santé, cette carte met en avant le rôle de

l’environnement bâti (-built environment), précédemment intitulé de manière plus

générale environnement physique (-physical environment). De plus ; cette notion est

détaillée ; elle contient les bâtiments, les lieux, les routes et les rues. L’objectif à travers ce

modèle établi avec le mouvement de l’OMS Healthy Cities (Villes en bonne santé) et la

Commission for Architecture in the Built Environment (-commission anglaise pour

l’architecture dans l’environnement bâti) était de montrer le rôle des acteurs du cadre bâti

dans la santé des individus (Barton & Grant, 2006).

1.3 Environnement architectural : entre pathogène et thérapeutique

1.3.1 Historique des interrelations entre architecture et santé

Au début du XIXème siècle, on assiste à l’industrialisation des villes en Europe occidentale

grâce à l’invention de machine à vapeur (fin du XVIIIème siècle), qui se propage et

s’accélère à partir des années 1840 en raison du développement du réseau ferroviaire (en

France 350 km en 1840, 51 000 km de ligne en 1930) (Daviet, 1997). Le chemin de fer constitue une avancée majeure car cela facilite et réduit le coût et les délais de la circulation des produits, des hommes et des idées. Le « boom ferroviaire » et la

concentration des forces productives en usines et manufactures bouleversent l’économie,

la société et les paysages. L'organisation du territoire est redéfinie ; on assiste à un exode rural et une croissance démographique qui provoquent une très forte urbanisation. Les villes industrielles se développent avec leurs ports, leurs gares, leurs faubourgs (Figure 5).

Là-bas, devant nous, un nuage s’élève tout noir, il semble monter de la

terre. C’est la fumée du Creusot. Cent cheminées géantes vomissent dans l’air des serpents de fumée noire, d’autres crachent de la vapeur blanche.

Tout cela couvre la ville, emplit les rues, cache le ciel. Il fait presque sombre maintenant. Une poussière de charbon pique les yeux, tache la

peau, macule le linge. Les maisons sont noires, les pavés sont noirs, les

vitres poudrées de charbon. Une odeur de cheminée flotte dans l’air,

avec parfois une saveur de fer, de forge, de métal brûlant qui coupe la respiration.

- Guy de MAUPASSANT - Ecrivain français (1883)

En 1810, le décret impérial relatif aux Manufactures et Ateliers qui répandent une odeur

insalubre ou incommode paraît et soulève la question de l’éloignement de l’activité

industrielle insalubre des habitations. Ce décret, considéré comme l'un des actes inaugurant le contrôle sanitaire de la pollution industrielle, soumettait à une autorisation

administrative l’installation de ces industries (Le Roux, 2009). Pour ce faire, des conseils de

salubrité composé d’érudits hygiénistes, ont été instaurés dans les grandes villes avec pour

mission la définition de la mesure de cette distance. L’interprétation et l’application de ce

décret par l’administration furent confiés aux autorités locales avec pour conséquence une

grande disparité territoriale. A Paris, la politique fut de déménager les industries, mais dans les grandes villes de provinces, le choix fut celui du renforcement industriel.

Figure 5 A gauche, huile sur toile « Gares et usines à Saint-Denis » (Maurice Fallies, fin XIXème

siècle). A droite, gravure des forges Lemoine installées à Ivry-Port à partir de 1873 (inconnu, 1881)

Durant la deuxième moitié du XIXème siècle et jusqu'au début du XXème siècle, les villes

européennes ont vu leur population augmenter, les quartiers populaires se densifier (la

population de l’agglomération parisienne passe de 1,9 millions d’individus en 1850 à 4,4

millions en 1906). L’industrialisation des villes et l’exode rural ont pour effet le

développement anarchique de la banlieue, où les nouveaux arrivants s’entassent dans des

conditions de vie misérables, ne disposant que d’une à deux pièces par famille, travaillant

jusqu’à 14 heures par jour, sans protection sociale, sans confort ni sécurité (Bourdelais,

2001). Ces villes sont été le théâtre d'une succession de maladies épidémiques. Au XIXème

siècle, la tuberculose, nommée « peste blanche », est responsable d’un décès sur sept en

19.000 victimes en six mois sur la capitale (Bouillaud, 1832). A Londres une épidémie de Choléra sévit en 1854 causant le décès de plus de 600 personnes en quelques jours. Hommes de science et médecins lancent le débat sur les conditions de vie urbaines et

dénoncent l'insalubrité des logements et des villes qu’ils suspectent d’être des foyers

d’infection. Une démarche rationnelle dans l’inventaire des causes d’épidémie, de maladies liées à l’habitat, des pollutions et d’absence d’hygiène est mise en œuvre. Les

découvertes médicales de Pasteur et Koch montrent l’influence de l’air et de la lumière sur

le bacille de la tuberculose et mettent en avant l’ensoleillement comme facteur

microbicide. L’épidémie de choléra à Londres permet la découverte par John Snow de la

transmission du choléra par l’eau contaminée. Cela marque le début du courant

hygiéniste social, politique, médical et urbanistique (Bourdelais, 1998).

Une grande politique d’aménagement reposant sur les théories hygiénistes permet le

développement des réseaux d’égouts, le traitement des eaux usées, le ramassage des

déchets, la ventilation et l’éclairage naturel dans les logements.

Un des exemples le plus édifiant de l’application de ce courant de pensée est l’intervention

du préfet Haussmann à Paris. En 1852, à l'avènement du Second Empire, Paris est telle

qu’elle était au Moyen Âge ; ses rues sont tortueuses, sombres, peu sûres, avec un

manque d’hygiène (les déchets et eaux usées sont jetées à même le sol) (Lapointe, 2007).

Une campagne intitulée « Paris embellie, Paris agrandie, Paris assainie » est lancée dont

l’objectif affiché est celui d’assainir la ville, de moderniser les systèmes de communication,

d’aménager l’arrivée des trains et de sécuriser la ville (Poutissou, 2008). Mais des

contemporains de Napoléon III l’ont accusé d’avoir caché sous des préoccupations

sociales et hygiénistes un projet politique et militaire : le dessin des voies aurait pour

objectif de permettre de tirer au canon sur une foule en émeute (Callet, 1900, Panerai et

al., 1997). L’assainissement de Paris a nécessité 18 années de travaux, l’expropriation et la

démolition de 18 000 maisons et l’équivalent de 25 milliards d’euros aujourd’hui

(Marchand, 2011) pour créer toutes les percées, les squares, les parcs, les Champs Elysées, etc. (Horn, 1869) (Figure 6).

Figure 6 A gauche, tracé pour la rue du Visonti à Paris (Hôtel de Ville de Paris, 1909). A droite, transformation du boulevard Henri IV à Paris sous Haussmann (Figaro, 27/03/2012)

Autre exemple, au milieu du XIXèmesiècle, les conditions de vie et d’hygiène à Barcelone

étaient désastreuses, avec une des plus hautes densités de population d’Europe (856

Ildefons Cerdà, un ingénieur civil et ancien député progressiste propose en 1859 un plan

pour l’extension de Barcelone, l’Eixample (-extension en catalan). Le plan reprend les

principes des théories hygiénistes : la nécessité de l’éclairage naturel et de la ventilation

dans les foyers, la création d’espaces verts à proximité de la population, un traitement des

déchets, un système d’égouts efficaces, et une libération des flux pour les personnes, les

marchandises, l’énergie et l’information (Permayer & Venteo, 2008). Pour cela, il réalisa

une des études les plus exhaustives du XIXème siècle sur les conditions de vie de la classe

ouvrière et dessina une carte topographique très détaillée de Barcelone. Cerdà présenta

son plan pour l'extension, et d’une manière plus générale ses idées d'urbanisme, comme

une conséquence de cette recherche scientifique sociale. (Aibar & Bijker, 1997, Cerdà, 1859) (Figure 7).

Figure 7 A gauche, plan de Barcelone en 1806 (Lartigne & Moulignier, 1806). A droite, plan

Cerdà pour l’extension de Barcelone, (Cerdà,1859)

Outre le problème de l’adaptation de la ville aux nouveaux modes de production et de

transport, un problème majeur est celui de la question sociale et du logement nécessaire

en conséquence de la constitution d’un prolétariat urbain. Jusque-là, l’architecture était le

fait des princes d’état et d’égliseet la construction de l’habitat populaire était réalisée par

les habitants eux-mêmes et ne faisait pas l’objet d’une planification urbaine (Ragon, 1977).

Les préoccupations sanitaires et sociales sur les conditions de vie des ouvriers ont donné lieu aux premières réflexions architecturales sur le logement social, renforcées par la première loi sur les logements insalubres 1850. Bien que cette loi définisse succinctement

la notion d’insalubrité («Sont réputés insalubres les logements qui se trouvent dans des

conditions de nature à porter atteinte à la vie et à la santé de leurs habitants » - article 1 de la loi sur le logement insalubre), elle donne aux locataires la possibilité de se plaindre de leur logement auprès de leur bailleur.

Deux modèles apparaissent ; le lotissement ouvrier (majoritaire) et le phalanstère. Utopie pensée par de Charles Fourrier (1832), le phalanstère est un lieu de vie communautaire

dédié à l’agriculture, grand ensemble de logements organisés autour d’une cour couverte

centrale, destiné à accueillir environ 400 familles (Jarrige, 2014). Une des uniques

applications de cette idée s'est construite à Guise dans l’Aisne entre 1859 et 1870, mise en

place par l’industriel Godin, baptisée « palais sociale » ou « familistère » pour se distinguer

du phalanstère ; l’idée ici était de loger des ouvriers de l’industrie et non de l’agriculture