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CHAPITRE 3 : LE CLASSIFICATEUR GA (CL. 16)

3 Emplois comme marqueur de lieu

3.1 Emplois suivi d’un nom de lieu

Ga (cl. 16) est suivi d’un toponyme dans l’énoncé (14) :

Kúnkookesá « faire descendre » indique qu’au terme du procès, le sujet cent-cent « le taxi-bus » (cl. 9) positionne l’objet n- qui représente l’énonciateur, sur la zone de contact que représente Moukondo3 ; ga (cl. 16) se rapport donc à cet espace.

Par le fait qu’il est un quartier, Moukondo active sa valeur d’absence de limites ; la zone qu’il représente est mise à contribution pour exprimer la surface. Dans ce contexte, ga- (cl. 16) ne détermine pas -uma « endroit », comme dans ses occurrences de classificateur nominal, mais le terme construit Moukondo qui du reste, fait son accord en classe 3.

Cependant, le verbe yizí « il est venu » exprime le déplacement de cent-cent « le taxi-bus » (cl. 9), repris par le marqueur du sujet yi- (cl. 9), au point d’arrivée Moukondo, en direction de l’objet n-, c’est-à-dire de l’énonciateur. Cela veut dire que celui-ci s’est projeté4, au moment de l’énonciation, à Moukondo d’où il voit cent-cent « le taxi-bus » (cl. 9) le conduire à cet endroit où il se trouvait déjà. L’énonciateur s’est donc cognitivement dédoublé pour être, à la fois, dans le « taxi-bus » et à Moukondo. Nous voyons

1 Ce terme est à considérer dans le sens où il localise un lieu.

2 Mbouroue Elisabeth, Bruxelles, le 20 juillet 2015.

3 Nom d’un quartier de Brazzaville.

4 Les projections sont fréquentes dans la relation spatiale exprimée par le classificateur ku (cl. 17).

(14) Cent-cent yizí kúnkookesá ga Moukondo.2

Ø-cent-cent yi-Ø-yiiz-i ku-n-kook-is-á ga

CL9-cent-Cent MS9-RSLT-venir-R CL15-MO1-descendre-CAUS-NR LOC16 Ø-Moukondo

CL3-Moukondo

m. à m. « Cent-cent [le taxi-bus] il [le taxi-bus] est venu me descendre contact Moukondo. » « [Le taxi-bus] me descend à Moukondo. »

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ici que la relation spatiale, exprimée par ga- (cl. 16), met d’abord en scène le contact sur la surface lorsque le déplacement est également toléré dans l’énoncé.

Ga (cl. 16) est également suivi d’un toponyme dans les énoncés (15a) et (15b).

L’énoncé fonctionne dans ce contexte où ga (cl. 16) est employé avec les noms Pointe Noire et Kinshasa ayant des notions qui ne sont pas associées à l’éloignement. En effet, le premier détermine un lieu localisé dans le même pays que celui où se trouve l’énonciateur. Le second, Kinshasa, exprime également la proximité par le fait qu’il est la capitale du pays voisin, ce qui n’est pas le cas de Mputú « Europe » (cl. 9) en (15c).

La notion de Mputú « Europe » (cl. 9) est associée à l’éloignement1 ayant trait à son inaccessibilité qui marque la frontière entre les deux points. En effet, il détermine que ce lieu est très éloigné, par le fait qu’il est situé à des milliers de kilomètres de l’endroit où se trouve l’énonciateur. Rappelons que ga (cl. 16) a une valeur notionnelle marquée par l’absence de limites, d’où son incompatibilité avec mputú « Europe » (cl. 9).

On en déduit que ga (cl. 16) détermine des termes qui expriment une absence de limites tels que Moukondo, Pointe Noire et Kinshasa, dans les énoncés (14), (15a) et (15b). Il ressort que l’accessibilité résulte de l’absence de limites. On comprend alors pourquoi ga (cl. 16) ne fonctionne pas lorsque qu’il y a extraction, à cause du déplacement, de l’endroit qu’il exprime

1 Capitale économique de la République du Congo.

2 Capitale de la République Démocratique du Congo.

(15a)

Ga Pointe Noire kabeelé.

ga Ø-Pointe Noire1 ka-á-ba-il-i

LOC16 CL9-Pointe Noire MS1-PASS-être -APPL-R M. à m. « Contact Pointe Noire il était. »

« Il était à Pointe Noire. » (15b) Gá Kinshássa kabeelé.

ga Ø-Kinshasa2 ka-á-ba-il-i

LOC16 CL7-Kinshasa MS1-PASS-être -APPL-R m. à m. « Contact Kinshasa il était. »

« Il était à Kinshasa. »

(15c) *Gá mputú kabeelé.

ga N-pútu ka-á-ba-il-i

LOC16 CL9-Europe MS1-PASS-être -APPL-R m. à m. « Contact Europe il était. »

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car celui-ci appelle l’éloignement. La notion de ga (cl. 16) semble être associée à l’accessibilité.

Ga (cl. 16) est suivi d’un nom de lieu dans l’énoncé (12b) :

Zaandu « marché » (cl. 5) a les propriétés [+ ouvert], il n’a pas de limites. Il est, par conséquent, accessible. Au terme du déplacement, le sujet ni- est positionné sur zaandu « marché » (cl. 5).

L’énoncé (12c), où ga (cl. 16) est placé devant, exprime que le procès est réalisé en très peu de temps.

Ga (cl. 16) est le repère absolu de l’énoncé, cela veut dire qu’il est l’espace de zaandu « le marché » (cl. 5) que l’énonciateur se représente cognitivement. Il s’y retrouve mentalement dès l’instant où il formule son énoncé. Le procès exprimé par njeelé « je vais » est perçu comme étant bref à cause de cette localisation anticipée, ce qui n’est pas le cas en (12b) où gá (cl. 16) n’est pas antéposé ; le temps mis est plus important.

De par sa position, gá (cl. 16) peut donc influencer l’aspect, en termes de durée, du procès avec lequel il utilisé. En (12b), le sujet va ‘effectivement’ au marché’ alors qu’en (12c) il y va ‘pour un laps de temps’. C’est pour cette raison que les énoncés (12d) et (12e), où gá (cl. 16) est suivi d’un nom qui exprime des contours, fonctionnent.

1 Ce contexte, est celui du locatif 17.

2 Emprunt lexicalisé.

(12b) Njeelé ga zaandu.

ni-Ø-yend-i ga Ø-záandu MS1-RSLT-aller-R LOC16 CL5-marché m. à m. « Je suis allé contact le marché. » « Je vais au marché. »

(12c) Gá zaandú njeéle.

ga Ø-marché ni-Ø-yend-i

LOC16 CL5-marché MS1-RSLT-aller-R m. à m. « Contact le marché je suis allé. » « Je vais [fais un saut] au marché. »

( 12d) Ga lukólo njeéle.

ga lu-kólo2 ni-Ø-yend-i

LOC16 CL11-école MS1-RSLT-aller-R m. à m. « Contact l’école je suis allé. » « Je [fais un saut] à l’école. »

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Par contre, les énoncés (12f) et (12g), précèdes du verbe, ne sont pas possibles.

Ga (cl. 16) est affranchi, en (12d) et (12e), des contraintes imposées, par lukólo « l’école » (cl. 11) et nzó « maison » (cl. 9), liées à leurs pourtours.

Le rôle de repère absolu qu’il joue, fait de lui le lieu ‘par excellence’ où tout est localisé lui permettant ainsi de prendre le dessus sur les limites qui lui sont imposées.

Ga (cl. 16) est employé avec des noms de lieux associés à la notion d’ouverture, d’absence de pourtours. Il détermine la surface où peut avoir le contact qu’il exprime.