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DYNAMIQUE DE LA VOIE D'EMBDEN-MEYERHOF ET DE LA DERIVATION DE RAPOPORT-LUEBERING

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I. Patients réalimentés ni Témoins

7.1. DYNAMIQUE DE LA VOIE D'EMBDEN-MEYERHOF ET DE LA DERIVATION DE RAPOPORT-LUEBERING

7.1.1. Absence d'accumulation de 2,3-diphosphoglycérate.

La normalité du taux de 2,3-DPG, contrastant avec l'abaissement du taux d'hémoglo­ bine, constitue l'une des caractéristiques les plus singulières du tableau hématologique observé dans le kwashiorkor marastique. Elle pourrait être due, soit au fait qu'il n'y a pas d'hypoxie dans ce syndrome, soit au fait que la réponse érythrocytaire à l'hypo­ xie est déréglée.

Un bref rappel des conceptions actuelles des mécanismes grâce auxquels l'hypoxie in­ duit habituellement une accumulation de 2,3-DPG est avant tout nécessaire.

La désoxygénation de l'hémoglobine modifie la glycolyse éthrocytaire par deux méca­ nismes correspondant, d'une part à l'affinité accrue de certains effecteurs pour l'hémo­ globine désoxygénée, d'autre part à l'augmentation du pH érythrocytaire.

Rapoport et coll. (1976) ont récemment démontré que lorsque le pH érythrocytaire est maintenu constant, la désoxygénation augmente le flux glycolytique sans accroftre le taux global de 2,3-DPG. La désaturation de l'hémoglobine entraîne une diminution de la concentration de 2,3-DPG et d'ATP non liés à l'hémoglobine ainsi qu'une aug­ mentation de la concentration d'ions magnésium. Comme le 2,3-DPG libre est un inhibiteur de l'HK, de la PFK et de la PK, la vitesse de ces réactions s'accroît. L'augmentation de la concentration d'ions magnésium active l'HK et la réduction du taux d'ATP libre désinhibe la PFK. Bien que la diminution du taux de 2,3-DPG libre tende aussi à accroître l'activité de la DPGM, la synthèse de 2,3-DPG n'est pas augmentée car le taux de 1,3-DPG, substrat de la DPGM, serait réduit à la suite de l'activation de la PK. L'accumultation de 2,3-DPG survenant dans les états d'hypoxémie implique donc l'intervention d'un autre mécanisme. On sait que la désoxygénation de l'hémoglobine entraîne une augmentation de pH dans les hématies (effet Haldane). Cette alcalose accrue désinhibe la PFK et active la DPGM, mais inhibe la DPGP, ce qui pourrait expliquer l'accumulation du 2,3-DPG (Rose, 1973).

Le métabolisme du 2,3-DPG dans les états d'anémie est moins bien connu. Un fait essentiel serait la désaturation accrue de l'hémoglobine dans le sang veineux ; pendant un cycle circulatoire, les hématies passent un temps plus long dans le sang veineux que

dans le sang artériel, de sorte que la valeur moyenne du rapport Hb/HbÜ2 au cours du temps serait augmentée. A l'appui de cette interprétation, Thomas et coll. (1974) ont décrit une corrélation négative entre le taux de 2,3-DPG et la saturation en oxygène du sang veineux mêlé chez des animaux présentant des taux variables d'hémoglobine mais un pH plasmatique normal. Le taux de 2,3-DPG dépend aussi du métabolisme des hématies. Ainsi, il est plus faible dans les anémies aplastiques que dans les anémies hémolytiques, ce qui s'expliquerait par l'augmentation de l'âge médian de la population cellulaire et la diminution concomitante de l'activité glycolytique érythrocytaire (Opalinski et Beutler, 1971). Pour Brewer et coll. (1974), une activation de la glycolyse liée à une stimulation de l'HK serait une condition nécessaire à l'accumulation du 2,3-DPG observée dans les anémies.

Les considérations qui précèdent nous conduisent à envisager le rôle joué dans le kwashiorkor marastique par deux mécanismes bien précis : d'une part la saturation en oxygène du sang veineux mêlé; d'autre part, l'activité in vivo des deux enzymes-clés de la voie d'Embden-Meyerhof, l'HK et la PFK.

A Lwiro, Viart (1977, b) a déterminé le pH et la pOj du sang artériel (a) et du sang prélevé dans l'artère pulmonaire par microcathétérisme (v). A tous les stades du traite­ ment, les valeurs du pHa, du pHv et de la paO^ ne diffèrent pas de celles observées chez des témoins locaux du même âge. Par contre, les valeurs de la pvOj sont signifi­ cativement abaissées, de manière aussi importante à l'admission qu'après deux mois de traitement. Comme les valeurs de la P50 obtenues à l'admission ne diffèrent pas de celles mesurées chez des témoins locaux du même âge (Fondu et Mandelbaum, 1975), on peut conclure que la saturation en oxygène du sang veineux est anormalement bas­ se à l'admission.

Les résultats présentés dans le chapitre 4 montrent, d'une part que la consommation de glucose et la formation de lactate par les hématies sont normales ou accrues, d'autre part que le taux de G6P est élevé. Ces faits témoignent d'une activation de • l'étape catalysée par l'HK; une augmentation de la concentration de l'enzyme peut en rendre compte.

Par ailleurs, l'absence de cross-over entre le F6P et le FDP rend improbable l'existence d'une diminution d'activité de la PFK dans le kwashiorkor marastique. La validité du théorème des cross-over ayant été critiquée par Rapoport et coll. (1974), il est utile de citer ici un second argument à l'appui de notre conclusion. Pour Rapoport et coll., la constante de vitesse de la PFK pourrait être exprimée par la formule :

■^PFK __y__

(F6P)

V étant le flux glycolytique et (F6P) la concentration du fructose-6-phosphate. En retenant les valeurs moyennes de la concentration de F6P et de la consommation de glucose évaluées à l'admission (a) et chez les sujets réalimentés (r), on arrive à l'approximation suivante :

-105

-kpFK (a)/l<pFK 1,2.

Il est donc peu vraisemblable que le bilan de l'action des effecteurs sur la PFK se solde par une transformation plus lente du F6P en FDP chez les enfants étudiés à l'admission que chez les enfants réalimentés.

Par d'autres investigations, nous avons montré que les facteurs actuellement reconnus comme susceptibles de contrôler le taux de 2,3-DPG exercent sur la concentration de ce métabolite l'effet modulateur qui serait attendu si les hématies étaient normales. Comme dans l'étude de Hamasaki et coll. (1974), consacrée à des adultes normaux ou souffrant d'hypoxémie mais ayant un pH artériel dans les limites normales, des corré­ lations significatives ont été observées entre le taux de 2,3-DPG et le pH artériel ou le taux d'hémoglobine. La corrélation négative entre le taux de 2,3-DPG et la CMHC, précédemment décrite chez des sujets normaux (Brewer et coll., 1972)est retrouvée dans le kwashiorkor marastique. Enfin, il ne nous a pas été possible de démontrer l'existence d'une instabilité du 2,3-DPG.

A la lumière des connaissances actuelles, il est impossible de proposer une interpréta­ tion du mécanisme par lequel le pool de 2,3-DPG augmente dans la plupart des anémies mais non dans le kwashiorkor marastique. La synthèse et le catabolisme du 2,3-DPG dans la dérivation de Rapoport-Luebering semblent dépendre de l'intervention de fac­ teurs multiples et mal connus, par exemple de certaines hormones ou encore de l'acti­ vité physique (Snyder et Reddy, 1970 ; Rôrth et coll., 1972 ; MoUnari et coll., 1973 ;

Thomas et coll., 1974 ; Bôning et coll., 1975, 1976).

Nous pouvons cependant conclure que la normalité paradoxale du taux de 2,3-DPG dans le kwashiorkor marastique ne s'explique ni par une absence d'accroissement de la désa­ turation de l'hémoglobine du sang veineux ni par une absence de stimulation des réactions- clés de la voie d'Embden-Meyerhof. A l'encontre de la théorie antérieurement défendue par Valeri et Portier (1969), nous affirmons donc que le dosage du 2,3-DPG ne permet pas toujours d'évaluer valablement la pOj des tissus.

Nous nous représentons le kwashiorkor marastique observé au Kivu comme un état pathologique accompagné d'hypoxie et dans lequel certains mécanismes d'adaptation à l'hypoxie sont déréglés, en particulier l'accumulation de 2,3-DPG dans les hématies. Sur le plan thérapeutique, l'absence d'accroissement du taux de 2,3-DPG pourrait sans doute être palliée par l'administration de phosphates (Deuticke et coll. 1971; Brewer

et coH., 1974). Il n'est cependant pas certain que l'augmentation de la P50 qui

s'ensuivrait faciliterait l'oxygénation des tissus ; bien au contraire, elle pourrait avoir un effet hématologique néfaste en freinant la production d'érythropoiétine (Rôrth, 1974).

7.1.2. Age médian de la population érythrocytaire.

Il semble que le taux de l'HK dépende plus étroitement de l'âge des hématies que celui de la plupart des autres enzymes; selon plusieurs auteurs, une diminution d'activité se produirait durant la maturation des réticulocytes et se poursuivrait ultérieurement lors du vieillissement des cellules mûres (Brok et coU., 1966 ;

Chapmann et Schamburg, 1967 ; Bishop et Van Caste!, 1969 ; Rogers et col!., 1975).

L'activité glycolytique est accrue dans les globules jeunes (Ultmann et coU., 1957 ;

Bernstein, 1959) et le profil des intermédiaires glycolytiques révèle une augmentation

de concentration de divers métabolites, principalement du G6P et du F6P (Oski,

1969 ; Niessner et Beutier, 1973).

Ces données sont similaires à celles que nous avons observées chez les patients, même lorsque le pourcentage de réticulocytes est faible.

Il est donc possible, sinon formellement établi, que l'âge médian de la population érythrocytaire est diminué chez les patients étudiés à l'admission. A l'état station­ naire, ceci indiquerait l'existence d'un processus hémolytique dans lequel l'hyper* destruction serait limitée aux hématies les plus âgées. Les faits observés sont essentiel­

lement différents de ceux décrits chez l'animal soumis à un jeûne brutal : les taux de plusieurs constituants érythrocytaires sont alors réduits (Bisiani, 1965 ; Sanchez de

Jimenez et coii., 1965 ; ito et Reissmann, 1966 ; Aschkenasy, 1971).

7.1.3. Diminution du taux d'adénosine triphosphate.

Le taux d'ATP est modérément diminué chez les patients que nous avons étudiés à l'admission. Cette anomalie ne signe pas nécessairement l'existence d'une diminution d'activité de la voie d'Embden-Meyerhof et ne peut, en particulier, être attribuée à une diminution de concentration de la PK. Le taux du nucléotide dépend à la fois de la vitesse de sa synthèse et de la vitesse de son utilisation dans de nombreuses réac­ tions métaboli^ques. Au moins deux mécanismes requérant de l'ATP ont une activité accrue dans le kwashiorkor marastique : la pénétration des acides gras dans ta membrane et le transport des cations par ta pompe à sodium et potassium (cf. 7.3.).

Il est bien connu qu'un appauvrissement en ATP compromet la viabilité des hématies

(Nakao et coii., 1962), notamment parce qu'il altère les interactions entre les protéines

et les lipides de la membrane (Gazitt et coii., 1976). Le taux d'ATP doit être très bas, inférieur à 15 % de la moyenne normale, avant que des perturbations évidentes de la membrane ne surviennent (Jacob et Amsden, 1970). Rien ne suggère donc que l'augmen­ tation de la probabilité de destruction érythrocytaire existant dans le kwashiorkor ma­ rastique du Kivu soit attribuable à une anomalie de la voie glycolytique.

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-7.2. TENDANCE A L'HEMOLYSE OXYDATIVE ET ETUDE DE SES MECANISMES.

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