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CHAPITRE II LES PAYS DE DÉPART EN GÉNÉRAL ET

3. Données spécifiques à certains pays

La politique éducative s’est caractérisée au Sénégal par son inadéquation avec les objectifs de développement. Si on procède à une analyse de la répartition des étudiants en fonction des filières universitaires en 1976-1977, on se rend compte que les études littéraires et celles en sciences humaines ont nettement prévalu, montrant ainsi que le savoir théorique dans ce pays a été fortement privilégié. Ainsi en 1976-1977, seuls 11,4 % des étudiants de l’université étaient inscrits dans les filières scientifiques et techniques. Le gouvernement conscient du poids et de la nécessité d’un développement de l’enseignement scientifique et technique, tenta d’inverser la tendance afin d’arriver à une répartition au niveau des bacheliers avec 2/3 de scientifiques et 1/3 de littéraires. On a noté alors une progression de la proportion des étudiants en sciences et techniques passant de 17 % en 1981-1982 à 19 % en 1990-1991 avant de retomber à 16 % en 1995. Les orientations en matière de politique éducative ont également longtemps négligé les enseignements agricoles au profit de l’enseignement général.

Par ailleurs, un des problèmes majeurs de la recherche-développement est la faible reconnaissance sociale et financière du statut de chercheur, à quoi s’ajoute une absence notoire d’équipements et de moyens de travail. La combinaison de ces facteurs a eu des répercussions négatives sur la dynamique d’innovation et de croissance de l’économie sénégalaise et a favorisé la « fuite des cerveaux ».

1 Extraits de Salif Sada Sall « L’exode des compétences en Afrique » in Brain Drain and Capacity building in Africa, ECA/IDRC/IOM, Addis Abéba, Fév 2000.

3.2. Burkina Faso1

Le Burkina compte environ 12 millions d’habitants et une soixantaine de groupes ethniques. Appelé autrefois Haute-Volta, ce pays a connu quatre républiques accompagnés d’une série de coups d’Etat. Bien que l’Indice de Développement Humain (IDH) soit passé de 0,203 en 1992 à 0,219 en 1995 et à 0,303 en 1998, le Burkina est toujours considéré comme un des pays les plus pauvres au monde. En 1995, l’espérance de vie ne dépassait pas 40 ans, le taux d’analphabétisation des adultes était de 81 % et le pourcentage de personnes ayant accès à l’eau potable n’était que de 22 %.

En 1992, s’est amorcée la politique des plans d’ajustement structurel limitant ainsi le nombre de recrutement dans la fonction publique2 (surtout dans le domaine de l’enseignement de base qui recrute le plus d’agents).

Les débouchés pour les nouveaux diplômés sont assez rares. Le secteur moderne reste très embryonnaire et subit la concurrence des produits étrangers (notamment ceux des pays anglophones d’Afrique et d’Asie). Chaque année les deux universités produisent plus de 1 000 diplômés dont la plus grande proportion est dans le domaine des sciences sociales. Faute d’emplois sur place (et de salaires très bas) et pour échapper aux pressions familiales, les médecins, les ingénieurs, les informaticiens, entre autres… se sont dirigés vers les Organisations internationales ou encore vers les pays développés, notamment la France, mais le plus grand nombre d’entre eux se trouvent en Côte d’Ivoire (sans compter le Ghana, le Niger et le Gabon où il existe une forte communauté burkinabé)3.

« Aujourd’hui avec la mondialisation, les compétences se trouvent là où sont les meilleures rémunérations et les meilleures conditions de travail. A moins de stopper la loi du marché… l’Afrique n’a aucune chance de freiner le mouvement. Dans un tel cas, il faut prendre le problème dans son aspect positif et organiser ces compétences à des fins de contribution à l’investissement en Afrique. Cette solution offre plus de garantie que le « rapatriement » de plus en plus hypothétique »4.

1 Extraits de Taladidia Thiombiano, Centre d’Etudes, de Documentation, de Recherches Economiques et Sociales (CEDRES) « L’exode des compétences en Afrique » in Brain Drain and Capacity building in Africa, ECA/IDRC/IOM, Addis Abéba, février 2000.

2 Les salaires de la fonction publique sont bloqués et les nouveaux arrivants ne peuvent accéder qu’à un statut de « contractuels ».

3 C’est l’occasion de rappeler que les plus fortes migrations se font du Sud vers le Sud.

4 Extraits de Taladidia Thiombiano, Centre d’Etudes, de Documentation, de Recherches Economiques et Sociales (CEDRES) « L’exode des compétences en Afrique » in Brain Drain and Capacity building in Africa, ECA/IDRC/IOM, Addis Abéba, février 2000.

3.3. Rôle des institutions sous-régionales de formation et de recherche1 M. Cheikh Modibo2 disait que « les pays devraient mettre en commun leurs maigres moyens pour créer des institutions sous-régionales de formation et de recherche afin de contribuer à la lutte contre la fuite des cerveaux africains ».

Les institutions sous-régionales d’enseignement supérieur constitueraient alors un dispositif clé dans le plan stratégique de l’utilisation des « cerveaux » là où ils sont.

C’est pourquoi, le rôle de développement des capacités en santé et production animale par l’Ecole Inter-Etats des Sciences et Médecine vétérinaires (EISMV) de Dakar sera pris en exemple. Cet établissement d’enseignement supérieur, de recherche et de formation professionnelle créé en 1968 par 13 Etats africains francophones au Sud du Sahara, est un outil d’intégration africaine et de coopération sous-régionale et internationale qui a pour mission première et principale de mettre à la disposition des pays africains des docteurs vétérinaires3 entièrement formés avec et dans les réalités de leur région, d’appuyer et de stimuler la recherche qui permet de résoudre les problèmes dans la filière de l’élevage au niveau des Etats.

L’EISMV est un centre d’excellence en productions animales. Elle bénéficie d’une expérience dans les activités de développement des ressources humaines, dans les activités d’échange avec des personnes, ressources des universités du Nord et d’Afrique, et dans l’établissement d’une base de données des compétences pour la filière production et santé animale. Elle pourra valablement contribuer au niveau régional à la mise en œuvre d’un programme de rétention des compétences vivant à l’extérieur, notamment dans le domaine du développement rural.

Il est à noter le rôle joué par la coopération française4 pour aider les structures publiques à résister à la crise des « diplômés-chômeurs ». Elle s’est exercée de manière suivie, contrairement à celle des bailleurs plus « versatiles » en Afrique anglophone. Certains dispositifs de coopération ont été particulièrement structurants.

L’Agence des Universités Partiellement ou Entièrement de Langue Française (AUPELF) apporte un soutien financier à certains programmes des Universités, complétant ainsi l’action du ministère de la coopération. Les Instituts et certains départements d’Université se sont quasi « jumelés » à des établissements français, spécialisés en science tropicale (IRD, CIRAD, réseau Pasteur…) : au-delà des liens institutionnels, les liens inter-personnels forts et les aides informelles ont permis aux « capacités scientifiques », anciennes et nouvelles, de se reproduire en partie au plus fort de la crise.

1 Yalacé Y Kaboret « L’exode des compétences en Afrique » in Brain Drain and Capacity building in Africa, ECA/IDRC/IOM, Addis Abéba, février 2000.

2 M. Cheik Mobido est un ingénieur malien, responsable à la NASA.

3 Docteurs vétérinaires formés de 1968 au 31/12/1999 : 526 en Afrique de l’Ouest, 180 en Afrique Centrale.

4 Etude intitulée « L’état des sciences en Afrique », réalisée par Roland Waast, IRD, UR Savoirs et développement, 2001.

D - LE RESTE DU MONDE

Après les pays du Maghreb et ceux d’Afrique subsaharienne francophone, les pays non européens qui fournissent les plus forts contingents d’immigrants étrangers sont les pays de l’ex-Indochine, le Liban et la Turquie. Alors que les immigrés originaires d’Afrique sub-saharienne ont augmenté de 37 % entre 1990 et 1999, ceux d’Asie ont augmenté de 35 % et ceux de Turquie de 16 % pour des raisons assez différentes.

En effet, les ressortissants de l’ex-Indochine sont, de fait, sortis de l’espace francophone après les guerres de libération nationale et ont bénéficié de possibilités d’accueil privilégiées en France. Ceci tient à la fois aux conventions spéciales qui régissent leur accueil en France d’une part et à l’existence sur le territoire national d’une diaspora importante, active et solidaire vis-à-vis des parents restés au pays. La reprise de bonnes relations politiques entre ces pays et leur ancienne métropole les a même conduit à établir un courant favorable à leur retour dans l’espace francophone et ses institutions comme l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) et l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF). Il en résulte une intensification des migrations de ces pays vers la France et, au-delà, vers l’Europe.

Au titre de la francophonie, on peut aussi citer le flux d’immigration en provenance du Moyen Orient et en particulier du Liban1.

Quant aux ressortissants originaires de Turquie, leur proximité géographique par rapport à l’Europe2 et les conditions de travail actuelles dans leur pays les ont poussés à s’expatrier. Ils ont longtemps préféré émigrer vers l’Allemagne pour des raisons tant historiques qu’économiques mais se tournent aujourd’hui vers d’autres pays dont la France.

1 Le flux de ressortissants en provenance du Liban a été plus important au moment de la guerre dans ce pays. Il est aujourd’hui en assez forte diminution notamment à cause de l’enthousiasme créé par l’effort de reconstruction.

2 La Turquie est candidate à l’adhésion à l’Union européenne.

Graphique 4 : Principaux pays de destination des Turcs, par pays d’émigration (%)

Source : Pourquoi les individus migrent-ils ? Statistiques en Bref, Thème 3 : Population et conditions sociales, Eurostat, (Communautés Européennes, 2001)

NB : cette figure présente les principaux pays de destination de la dernière migration des personnes qui ont quitté leur pays d’origine au moins une fois au cours des dix ans précédant l’enquête. Celle-ci est menée dans le pays d’origine.