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Des dispositifs pour évacuer un problème d’information sur la qualité…

Du problème social à l’objet sociologique

Partie 1 Comment étudier les « labels » ?

I- Des dispositifs pour évacuer un problème d’information sur la qualité…

L’analyse des labels et des logos en économie est marquée par la question de la prise en compte de l’incertitude sur la qualité des biens ou services échangés. Si la théorie standard n’envisage pas la notion de qualité des produits et accuse les labels et logos de fausser le jeu du marché, la théorie de l’information appréhende en revanche ces dispositifs comme solutions aux problèmes posés par la qualité.

A-La prise en compte de la qualité en économie

1) Une notion difficilement intégrée à l’économie standard

La notion de qualité peut être définie comme « manière d'être, bonne ou mauvaise, de quelque chose »29, ou encore « ce qui fait qu'une chose est plus ou moins recommandable »30. Pour l'ISO31, « la qualité est l'ensemble des caractéristiques d'un produit, d'un processus ou d'un service qui lui confère son aptitude à satisfaire des besoins implicites ou explicites ». Elle renvoie à l'existence de classifications des biens et services, dépendant du jugement des agents. Or, dans le modèle traditionnel de la concurrence pure et parfaite, les biens sont soit identiques, soit de nature entièrement différente. La possibilité que des biens soient de nature similaire tout en possédant des caractéristiques différentes (la couleur par exemple) qui puissent influencer le choix des consommateurs, n'est pas envisagée (Coestier et Marette, 2004).

Intégrant l'existence de biens différenciés, E. O. Chamberlin (1933) complète la théorie économique néo-classique sans pour autant revenir sur l'universalité de la théorie des prix. Chacun de ces biens est considéré comme un bien homogène associé à un marché

29 Le petit Larousse illustré, 2007.

30 Petit Robert 1993, cité par COESTIER, Bénédicte, MARETTE, Stéphane, (2004), Économie de la

qualité, Coll. Repères, La Découverte, Paris.

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particulier. Les différences de qualités ont ainsi pour effet d'atténuer la concurrence par les prix.

Ce n'est qu'avec les travaux de K. J. Lancaster (1966) que les caractéristiques des produits sont véritablement prises en considération. Les biens et services sont envisagés comme des « paniers de caractéristiques » : ce n'est pas d’eux en tant que tels que les consommateurs tirent satisfaction, mais de leurs caractéristiques. Celles-ci sont immuables, indépendantes et combinables entre elles. Les économistes s’intéressant aux produits différenciés, à la suite de cet auteur, distinguent plusieurs sortes de caractéristiques. Celles-ci sont dites différenciées verticalement, lorsqu'il existe un accord des consommateurs quant à leur classement mutuel. A prix identique, tous les acheteurs choisissent le bien présentant la même caractéristique. La hiérarchie des prix reflète la hiérarchie des qualités. La différence de prix entre deux qualités couvre la différence de coûts de production. Le domaine du transport aérien illustre cette situation : certains consommateurs se tournent vers des vols « low cost », à bas prix mais aux services réduits, tandis que d’autres privilégient les vols traditionnels, au coût plus élevé mais proposant de meilleurs services.

Des caractéristiques sont dites différenciées horizontalement, quand pour un même prix il n'existe pas d'accord des consommateurs sur le bien à choisir (c’est le cas par exemple pour deux voitures ne se différenciant que par la couleur). Une demande existe pour tous les produits différenciés horizontalement. Les économistes considèrent souvent que la qualité correspond à une différenciation verticale, bien qu'il soit en pratique difficile de distinguer différenciation verticale et horizontale (Coestier et Marette, 2004).

Selon ces approches, le prix concentre l’ensemble de l’information nécessaire sur le produit. Les classifications (telles que la classification des emplois par exemple), normes et standards, interfèrent dans le mécanisme des prix : les produits qui n’obéissent pas aux normes sont rejetés, la baisse des prix ne suffit pas à en assurer l’allocation. Ces dispositifs sont donc accusés de fausser le jeu du marché et l’allocation optimale des ressources (Eymard-Duvernay, 1989).

2) La qualité pose problème en situation d’information imparfaite

Les approches précédentes raisonnent dans le cadre d’une situation d’information gratuite et immédiatement disponible pour tous. Au moment de leur choix, les consommateurs sont pourtant rarement en mesure de connaître et identifier toutes les propriétés d'un produit.

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L'accès à l'information est un enjeu clé de la qualité. Il est possible de distinguer trois types de caractéristiques selon qu'elles sont facilement identifiables ou non (Nelson, 1970 ; Darby et Karni, 1973) : celles qui sont observables avant l’achat sont dites « de recherche », celles qui ne sont observables qu’après l’achat sont dites « d’expérience », enfin, celles qui ne sont vérifiables ni avant ni après l’achat sont dites « de confiance » (ou de « croyance », ou « Potemkine »). L'absence d'information attribue de fait à de nombreuses d’entre elles une dimension de confiance.

En situation d'incertitude sur la qualité des biens et services, on observe une réduction de l'offre de qualité supérieure (Akerlof, 1970) : les consommateurs ne sont pas prêts à payer des prix élevés pour des produits dont la qualité est incertaine et se rabattent donc sur des produits moins chers, de qualité moindre. Les produits de qualité supérieure sont éliminés du marché.

Le prix est donc un mauvais indicateur de la qualité en situation d'information imparfaite. Les consommateurs peuvent effectuer des démarches pour obtenir de l'information sur la qualité des biens et services. Les entreprises peuvent de même chercher à signaler la qualité, par l'intermédiaire de la publicité (celle-ci agit comme un signal, le consommateur en déduisant que les dépenses investies dans la publicité sont soutenues par un fort profit dû à la qualité), l'offre de dédommagements en cas de défaillances sur la qualité ou encore à l’aide d’une marque dont la réputation renforce la fidélité des consommateurs (Coestier et Marette, 2004).

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B- Les labels comme dispositifs volontaires de régulation de la qualité.

1) La régulation de la qualité

En situation d’information imparfaite, les problèmes répétitifs d’incertitude sur la qualité peuvent être résolus par des formes de régulation, visant une meilleure identification des produits. Les économistes de l’information justifient ainsi l’existence de normes et de dispositifs concernant la qualité. Deux types de problèmes de coordination doivent en particulier être palliés : concernant la production (le dispositif livre aux producteurs des informations utiles à la conception de nouveaux produits) et l’échange (par le signalement des produits dotés de certaines caractéristiques) (Lelong et Mallard, 2000).

L'autorégulation (régulation privée) peut s'avérer moins coûteuse que la régulation publique. Le groupe de producteurs concerné est censé non seulement disposer d'une meilleure information sur son propre fonctionnement que la puissance publique, mais également d'un pouvoir de contrôle et de sanction ainsi que d'une plus grande capacité à faire évoluer les règles de son secteur. L'autorégulation met en jeu non pas la réputation du seul producteur mais celle d'un groupe dans son ensemble. L'adhésion aux règles peut être obligatoire, comme dans le cas des professions réglementées, ou volontaire, comme dans le cas des certifications ou labels. L’adhésion volontaire présente l’avantage d’éviter le contrôle des entreprises n'appliquant pas les règles. L’existence de comportements opportunistes s’avère être la principale limite de l’autorégulation pour l’économie. La marque collective, le label ou le logo, sont à l’origine d’une rente car ils opèrent une différenciation des produits par la qualité. Cette rente est susceptible d’intéresser des offreurs ne respectant cependant pas toujours les réglementations qui y sont liées (Coestier et Marette, 2004).

Les labels ou les logos correspondent à des démarches volontaires. Ils signalent la certification du bien ou service auquel ils sont attachés ; c'est-à-dire le contrôle ou l’audit de celui-ci par un organisme indépendant, dans le but de vérifier le respect d’une norme (Grenard, 1993). Ils peuvent être définis comme les signes « garantissant qu'un produit ou service possède une ou plusieurs caractéristiques valorisées par un certain nombre de consommateurs, conférant ainsi une certaine supériorité au produit ou service »(Coestier et Marette, 2004, p 58).

Ces signaux peuvent être privés, comme c’est le cas pour le logo de commerce équitable Max Havelaar, ou avalisées par les pouvoirs publics, comme dans le cas du label

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d’agriculture biologique français AB ou de la norme NF. Les certifications sont des marques collectives : les caractéristiques mises en avant ne sont pas spécifiques à une seule firme. Les entreprises en bénéficiant doivent respecter les règles régissant leur utilisation, et se soumettent pour cela aux contrôles généralement instaurés par le propriétaire de la certification. Les premiers labels ont émergé en France dans le domaine agricole, pour attester de l'origine d'un produit, avec les « appellations d'origine contrôlée » (issues de la loi de 1935), ou d'une qualité supérieure avec le « label rouge ». La tendance est aujourd'hui plutôt au développement de labels éthiques et environnementaux, tels que le label FSC (Forest Stewardship Council) sur le bois (Cashore, 2003).

Encadré 2 : Organismes nationaux et internationaux de normalisation