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Dans le cadre de cette recherche empirique, nous nous sommes proposé d’étudier l’influence du « social appraisal » dans une perspective qui n’a pas encore été étudiée. Nous nous sommes intéressés à son influence sur la catégorisation des expressions faciales

émotionnelles, ou en d’autres termes, comment les évaluations des autres influencent notre reconnaissance ou catégorisation des expressions faciales émotionnelles. Il nous a paru important de distinguer un effet général du contexte d’un effet plus spécifique du « social appraisal », c’est-à-dire un contexte évaluatif dans lequel la cible de l’influence contextuelle est explicite.

Nos résultats nous montrent un effet de congruence du contexte émotionnel. Dans une condition de « non social appraisal », la catégorisation de l’expression faciale émotionnelle de peur, de colère et de joie est meilleure lorsque le contenu émotionnel de l’expression faciale contextuelle est identique, que lorsque le contenu émotionnel contextuel est neutre. Nous avons aussi constaté que cet effet est spécifique à l’émotion évaluée, et ceci pour deux raisons. Premièrement, pour les émotions de joie et de colère, la différence entre l’échelle cible et les échelles non cibles se maintient indépendamment de l’émotion en périphérie, qu’elle soit neutre ou congruente. L’effet de congruence n’augmente donc pas la confusion pour la perception d’une émotion de joie ni de colère. Par ailleurs, la peur est confondue avec la surprise dans les deux conditions. Cela laisse entendre qu’une information contextuelle congruente ne suffit pas à désambigüiser la perception d’une émotion de peur dans une condition de « non social appraisal ». Deuxièmement, les scores sur les échelles non cibles n’augmentent pas selon que le contexte exprime une émotion congruente ou neutre. Bien au contraire, ce dernier apporte même une désambigüisation pour des émotions de joie et de peur.

Dans le cadre de notre hypothèse d’un effet du « social appraisal » sur la congruence du contexte émotionnel, les résultats nous montrent que cet effet de congruence du contexte émotionnel se produit aussi dans une condition de « social appraisal ». Tout comme dans une condition de « non social appraisal », la différence entre l’échelle cible et les échelles non cibles se maintient indépendamment selon que l’émotion en périphérie soit neutre ou

congruente pour les émotions de colère et de joie. Par ailleurs, il est intéressant de relever que dans une condition de « social appraisal », la peur n’est plus confondue avec la surprise lorsque l’émotion exprimée par le contexte est congruente. On peut donc dire qu’une information contextuelle congruente permet une désambigüisation de la peur dans une

condition de « social appraisal ». Plus intéressant encore, les résultats révèlent que la

catégorisation des expressions faciales émotionnelles de joie, peur et colère est meilleure dans une condition de « social appraisal » que dans une condition de « non social appraisal ». De plus, on constate que l’effet du « social appraisal » est spécifique à la congruence du contexte émotionnel et pas simplement à un déplacement de la direction du regard.

Ces premiers résultats vont dans le sens de nos hypothèses, tout comme ceux des travaux menés sur l’influence des informations contextuelles sur la reconnaissance des

expression faciales (Meeren et al., 2005 ; Aviezer et al., 2008 ; Fenske et al., 2003 ; Righart et al., 2008). Dans notre étude, nous retrouvons alors les mêmes résultats en utilisant des

expressions faciales émotionnelles comme informations contextuelles. Par ailleurs, ces résultats nous montrent qu’il y a une distinction entre un effet général du contexte et un effet du « social appraisal ». En relation avec les résultats trouvés dans l’étude des évaluations affectives des objets (Bayliss, et al., 2006), lorsque la cible de l’influence contextuelle est explicite comme dans le cas d’une condition de « social appraisal », la catégorisation de l’expression faciale émotionnelle est meilleure.

En fonction de la relation existante entre l’émotion de peur et de colère, nous avons prédit un effet de cohérence pour la reconnaissance de l’expression faciale de peur. En d’autres termes, notre prédiction était que la reconnaissance de l’expression faciale de peur serait facilitée par une expression faciale émotionnelle contextuelle de colère. Les résultats ne nous permettent pas de confirmer cette hypothèse dans une condition de « non social

appraisal », car on constate toujours une ambigüité dans la perception de la peur, que ce soit avec une émotion exprimée en périphérie de colère ou neutre. En revanche, dans une

condition de « social appraisal » on observe que la reconnaissance d’une expression faciale émotionnelle de peur est meilleure lorsque le contexte exprime de la colère que lorsqu’il est neutre, qu’il exprime de la joie ou même que lorsqu’il exprime de la peur. La catégorisation d’une expression faciale de peur, souvent confondue avec de la surprise, est meilleure avec un contexte qui exprime de la colère, mais seulement dans une condition de « social appraisal ».

Ceci nous laisse entendre c’est uniquement lorsque la cible de l’influence contextuelle est explicite, comme dans le cas d’une condition de « social appraisal », que la relation entre un contexte exprimant de la colère et une expression faciale de peur devient évidente et cela permet une désambigüisation de cette expression de peur. On constate cette désambigüisation principalement en s’intéressant aux scores sur l’échelle correspondante à l’émotion de peur, qui augmentent dans la condition de « social appraisal », mais aussi aux scores correspondant à l’émotion de surprise, qui diminuent dans cette même condition.

Toujours en fonction de la relation existant entre l’émotion de peur et de colère, nous avons également prédit un effet de cohérence pour la reconnaissance de l’expression faciale de colère. Nos résultats nous montrent que la reconnaissance d’une expression faciale

émotionnelle de colère est meilleure lorsque le contexte exprime de la colère que lorsqu’il est neutre et qu’il exprime de la joie. Cependant, dans une condition de « non social appraisal », la catégorisation de cette expression n’est pas différente si le contexte exprime de la peur ou de la colère. Les résultats nous dévoilent que l’effet de cohérence pour la reconnaissance de l’expression faciale de colère se produit aussi bien dans une condition de « social appraisal » que dans une condition de « non social appraisal ». Toutefois, conformément à nos

prédictions, la catégorisation de l’expression faciale de colère est meilleure dans une condition de « social appraisal ». De plus, dans une condition de « social appraisal », la catégorisation de cette expression est meilleure lorsque le contexte exprime de la peur que lorsqu’il est neutre, qu’il exprime de la joie ou même de la colère. Ces résultats nous montrent que lorsque la cible de l’influence contextuelle est explicite, comme dans le cas dans une condition de « social appraisal », la relation entre un contexte exprimant de la peur et une expression faciale de centrale colère devient évidente et cela permet une meilleure

catégorisation de cette expression. Ces informations nous laissent entendre que la relation entre l’émotion de peur et colère devient évidente uniquement lorsque la cible de l’influence contextuelle est explicite, comme c’est le cas dans une condition de « social appraisal », la relation entre l’émotion de peur et colère devient évidente.

La littérature nous fournit l’évidence que le « social appraisal » influence le ressenti (Jakobs et al., 1997) et l’expression émotionnelle (Evers et al., 2005). Nos résultats mettent clairement en évidence l’influence spécifique du « social appraisal » sur la reconnaissance d’expressions faciales émotionnelles, ou en d’autres termes, que les évaluations effectuées par d'autres personnes influencent la perception d’expressions faciales émotionnelles. On constate donc que les objets des « appraisals » ne se limitent pas à un événement où l’autre personne est ou non directement investie, mais les comportements, pensées et sentiments des autres personnes dans une situation émotionnelle sont évalués en plus de l’évènement (Manstead et Fischer, 2001). Par conséquent, on ne doit pas simplement considérer les autres individus comme faisant partie du contexte, mais il est essentiel de prendre en compte le fait que leurs évaluations d’un événement émotionnel influencent notre perception de ce même événement.

Le concept du « social appraisal » devrait être pris en considération dans les différentes études menées sur les processus des « appraisal ». Et cela, d’autant plus si l’on veut comprendre le véritable fonctionnement des émotions dans des situations sociales. En effet, nous percevons,

ressentons et exprimons des émotions en étant souvent entourés d’autres personnes, et le

« social appraisal » peut influencer ces trois aspects.

En conclusion, nous avons abordé dans ce travail l’étude du « social appraisal » par une approche qui n’avait pas encore été réalisée jusqu’à présent, c’est-à-dire en étudiant directement son influence sur la perception émotionnelle. De plus, nous avons apporté une façon nouvelle et adéquate d’opérationnaliser le concept du « social appraisal » (A.S.R Manstead, communication personnelle, Annual Research Forum of the Swiss Center for Affective Sciences, Mars 2009).

Nos résultats nous ouvrent des perspectives futures pour élargir l’étude du « social appraisal » dans d’autres modalités sensorielles ou avec des populations spécifiques. En admettant que l’olfaction a un caractère émotionnel, nous pourrions par exemple nous intéresser à l’influence du « social appraisal » sur les jugements de l’agrément intrinsèque pour des odeurs. Autrement dit, nous devrions tester si les évaluations des autres influencent notre perception de l’agréabilité d’une odeur. Finalement, nous pourrions aussi nous

intéresser aux performances des personnes autistes dans la même tâche que nous avons utilisée. Etant donné leurs déficits dans la perception des regards, auront-ils les mêmes performances dans une condition de « social appraisal » que de « non social appraisal » ?

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