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Présentation du modèle biologique Le triton alpestre

2.2. Différenciation et répartition

2.2.1. La sous-espèce nominative, Triturus alpestris alpestris

(L

AURENTI

, 1768)

Sa description est conforme au patron général donné ci-dessus (fig. 10 à 13). Elle se rencontre d’ouest en est : de la Bretagne aux Carpates orientales ; et du nord au sud : du nord de la France, du sud du Danemark et du sud de la Pologne au sud-est de la France, au nord de l’Italie, au centre de l’Albanie et au sud de la Bulgarie (BURESCH & ZONKOV1941, FUDAKOWSKI 1958, PARENT 1984, BERGMANS& ZUIDERWIJK1986, MORAVEC1986, GROSSENBACHER1988, BRUNO 1989, CASTANET& GUYETANT 1989, BRINGSOE & MIKKELSEN1993, MORAVEC 1994, KUZMIN 1995, BAUWENS& CLAUS 1996, DENOEL1996, GÜNTHER1996, Societas Herpetologica Italica 1996, GASC et al. 1997, MAZZOTTI et al. 1999, COGALNICEANUet al. 2000, CABELA et al. 2001 ; DZUKIC et KALEZIC comm. pers.) (fig. 9). La localité type se trouve à Etschero Monte dans les Alpes Noriques, en Autriche. Il est néanmoins possible que les populations balka- niques et nord-italiennes constituent un ou plusieurs taxons différenciés de la sous-espèce nominative (HERREROet al. 1989a) (cf. infra).

Fig. 7. Face ventrale d’un pédomorphe mâle (Triturus alpestris, Lac de la Cabane, France, juillet 1996).

CHAPITRE 2

2.2.2. Triturus alpestris apuanus(B

ONAPARTE

, 1839)

Sa région gulaire présente de nombreux points noirs, souvent gros et contrastés. Néanmoins, il existe des populations dont la gorge est presque exempte de ponctuation noire (FERRACIN et al. 1980). La coloration ventrale est générale- ment vive, parfois ponctuée de quelques points noirs. Les mâles ont aussi une livrée bleue et des points latéraux bien marqués (fig. 8). La pédomorphose est fréquente dans ce taxon (ANDREONE& DORE1991). Cette sous-espèce est loca- lisée en Italie, dans les Apennins, plus précisément au Piémont, en Ligurie, en Lombardie, en Emilia-Romagna, en Toscane, dans la région de Marche et dans le Latium (GIACOMA 1983, ZILIANI & BARBIERI 1993, Societas Herpetologica Italica 1996, ANDREONE& SINDACO1999, MAZZOTTIet al. 1999) ainsi qu’autre- fois au lac de Tinibras dans les Alpes Maritimes (France) (KNOEPFFLER1967) (fig. 9). Une population appartenant peut-être à la sous-espèce apuanus a été découverte près de Rieti, en Italie (CAPULA& BAGNOLI1982). Sa localité type est située à Seravezza dans les Alpes apuanes.

PRÉSENTATION DU MODELE BIOLOGIQUE : LE TRITON ALPESTRE

2.2.3. Triturus alpestris cyreni W

OLTERSTORFF

, 1932

Cette sous-espèce se distingue de la sous-espèce nominative par un corps plus trapu (surtout chez le mâle) et un crâne plus large. Les mâchoires ont une forme semi-circulaire. La gorge est souvent légèrement tachetée, le ventre de couleur rouge vif. La coloration dorsale d’individus d’altitude apparait terne et unie (HERRE1932, DELY1959, DENOEL1996). Cette sous-espèce occupe le nord de l’Espagne : dans et au nord des Monts Cantabriques, des Asturies à l’ouest à la Navarre à l’est (fig. 9). On la rencontre également dans le massif de Peñalara (nord-ouest de Madrid) (BREUILet al. 1984, PLEGUEZUELOS 1997), mais l’indi- génat de cet isolat n’est pas certifié (ARANOet al. 1991). La localité type est le lago Ercina dans les Picos de Europa.

Fig. 9. Répartition géographique des principales sous-espèces de Triturus alpestris. Y : taxon yougoslave

CHAPITRE 2

2.2.4. Triturus alpestris inexpectatus D

UBOIS

& B

REUIL

, 1983

Cette sous-espèce se caractérise par un nombre, et surtout une superficie de taches gulaires nettement inférieure à celle habituellement rencontrée chez Triturus alpestris apuanus. La coloration dorsale est plus foncée et la queue, un peu plus courte. La pédomorphose a été observée chez cette sous-espèce (DUBOIS & BREUIL 1983). Six localités seulement sont connues en Calabre (Italie) (fig. 9). Elles sont situées entre 830 et 1130 m d’altitude (DUBOIS1983, GIACOMAet al. 1988, ROSSIet al. 1991).

2.2.5.Triturus alpestris lacusnigri (S

ELISKAR

& P

EHANI

, 1935)

Cette sous-espèce s’éloigne fort de la sous-espèce nominative. Elle est caracté- risée par une grande taille (une femelle de près de 13 cm de longueur totale a été capturée), des taches ou des points noirs sur le ventre, des lobes labiaux pro- noncés (qui se recourbent sous la mâchoire inférieure), des yeux proéminents et une queue relativement longue. Elle se rencontre uniquement au Crno Jezero (1294 m) dans les Alpes Juliennes (Slovénie). Néanmoins des tritons alpestres ayant l’habitus de la sous-espèce nominative, ou bien un habitus intermédiaire, ont été observés dans le même lac (obs. pers.).

2.2.6.Triturus alpestris veluchiensis(W

OLTERSTORFF

, 1935)

Le triton alpestre hellénique présente fréquemment des patrons de coloration particuliers (fig. 14 à 17). La coloration des mâles n’est jamais bleu foncé. Elle peut être extrêmement vive et parfois ponctuée de points noirs. La coloration des deux sexes peut parfois aussi être jaunâtre. Les femelles présentent parfois une ligne bleue ou blanchâtre en bas des flancs. La crête est assez élevée (2.5 mm). Dans certaines populations, on peut voir sur le corps la présence de petits filets fins qui forment un léger treillis brunâtre. Les populations du Mont Smolikas s’éloignent morphologiquement, de façon assez prononcée, des autres populations. Nombre d’individus de ces populations présentent des taches noires sur le corps pouvant dépasser un cm2. Il s’agirait peut-être d’un taxon micro-endémique (BREUIL & PARENT1987, 1988). Des populations pédomor- phiques ont été signalées (BREUIL & PARENT1987). Leur dimorphisme sexuel n’est pas toujours prononcé et ce, tant en ce qui concerne la coloration que la forme cloacale (fig. 16). Ce taxon se distribue entre le nord du Péloponnèse et le nord de l’Epire en Grèce : les populations du nord et du sud étant séparées par le golfe de Corinthe (BREUIL & PARENT 1988, SOTIROPOULOS et al. 1995, BRINGSOE 1994) (fig. 9). Il est possible que cette sous-espèce remonte aussi jusqu’en Albanie où elle pourrait rencontrer les populations de la sous-espèce «nominative» (BRUNO1989, DUGUET 1994). La répartition s’échelonne de 700 à 2150 m (BREUIL& PARENT 1987, BRINGSOE 1994). La localité type est le Mont Velouchi, en Grèce.

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2.2.7. Les sous-espèces «douteuses» ou invalidées

L’unique population de Triturus alpestris lacustris (SELISKAR& PEHANI, 1935) (JEZERO, 1428 m, Alpes Juliennes, Slovénie) a aujourd’hui disparu suite à un alevinage du lac (obs. pers.). Les auteurs y avaient découvert des individus métamorphosés et pédomorphiques. Mais BREUIL(1986) les rattache à la sous- espèce nominative.

Triturus alpestris reiseri (WERNER 1902) est une forme plus trapue que la sous-espèce nominative. Son crâne est nettement plus large. Ce taxon se ren- contre au Prokosko Jezero (1640 m) dans les Monts Vranica (Bosnie) (obs. pers.). Ce taxon ne présenterait que peu de différences alloenzymatiques (ARANO& ARNTZEN1987) et chromosomiques avec la sous-espèce nominative (ARANO1988, HERREROet al. 1989a). Il lui a ainsi été associé. Toutefois, nous n’excluons pas qu’il s’agisse d’un taxon bien individualisé car les individus examinés pourraient être de nouveaux colonisateurs. Des individus appartenant à la sous-espèce nominative ont en effet été aperçus dans le même lac (BREUIL 1986).

RA D O V A N O V I C a décrit trois sous-espèces du triton alpestre au Monténégro : Triturus alpestris montenegrinus (en 1951), T. a. serdarus et T. a. piperianus (en 1961). Ces taxons, tous les trois pédomorphiques, ont été mis en synonymie (par étude électrophorétique) avec la sous-espèce nominative (BREUIL & GUILLAUME 1984). Les études chromosomiques plaident aussi en faveur de la ressemblance entre T. a. serdarus et la sous-espèce nominative (ARANO1988, HERREROet al. 1989a). Toutefois, d’autres études électrophoré- tiques revalident T. a. serdarus et T. a. montenegrinus comme sous-espèces à part entière (ARANO& ARNTZEN1987, ARANO1988). T. a. montenegrinus est connu au Bukumirsko Jezero (1430m), Monts Komovi ; T. a. piperianus au Manito Jezero (1773m), Monts Sinjajevina (ces Tritons pédomorphiques ont été éliminés de la localité type, Kapetanovo Jezero, 1678 m, suite à l’importa- tion de salmonidés en 1975-76 : Breuil 1985) ; T. a. serdarus au Zminicko Jezero (1285 m), Massif du Durmitor.

Trois taxons ont été décrits comme sous-espèces à part entière par DELY en 1959 : Triturus alpestris bukkiensis et T. a. satoriensis de Hongrie et T. a. carpathicus du Mont Sinaia (Roumanie). Actuellement, ces trois taxons sont mis en synonymie avec la sous-espèce nominative (THORN1968, ROCEK1972, BREUIL 1986). Des analyses électrophorétiques montrent que les populations hongroises divergent de celles d’Allemagne et d’Autriche, mais insuffisamment pour être considérées comme des sous-espèces indépendantes (ARANOet al. 1991).

2.2.8. Relations entre les taxons

Les analyses alloenzymatiques montrent une nette séparation entre les popula- tions les plus au sud et celles du nord et du centre de l’aire de distribution. Ainsi, veluchiensis, cyreni, serdarus et apuanus sont isolés et considérés comme sous-espèces indépendantes. T. a. veluchiensis est la sous-espèce la plus différenciée. D’autre part, les populations de France et d’Allemagne sont fort proches, de même pour alpestris de Krusevac (Yougoslavie) et pour reiseri du Prokosko jezero (Bosnie). Les différentes populations traditionnellement asso- ciées à la sous-espèce nominative semblent ainsi former un bloc (ARANO & ARNTZEN1987). De fortes différences inter-populationnelles au sein des taxons alpestris (BR E U I L 1986), cyreni (AR A N O et al. 1991) et veluchiensis (KYRIAKOPOULOU- SKLAVOUNOU1997) ont aussi été soulignées.

Les études cytogénétiques (C-banding) confirment également la diffé- renciation des sous-espèces veluchiensis et cyreni (HERREROet al. 1989a). La caractéristique chromosomique unique de la sous-espèce cyreni est la présence de la quatrième paire de chromosomes à l’état homozygote. Cette sous-espèce présente également quelques différences au point de vue des bandes-C. Les études cytogénétiques rassemblent les populations du nord de l’aire de réparti- tion de la sous-espèce nominative (France, Allemagne, Hongrie et Autriche), mais les isolent par contre des populations de Bulgarie et de «Yougoslavie», classiquement considérées comme appartenant à la même sous-espèce. La sous- espèce apuanus paraît aussi plus proche du taxon «yougoslave» que des popu- lations du nord de l’Italie. Les taxons yougoslaves reiseri et serdarus paraissent aussi fort proches (ARANO1988, HERREROet al. 1989a). BREUIL(1986) signale qu’il y aurait une intergradation secondaire entre alpestris et apuanus à la limite occidentale du Parc National des Ecrins.

Les taxa cyreni, apuanus et veluchiensis paraissent les plus anciens du complexe du triton alpestre (HERREROet al. 1989a). T. a. montenegrinus pour- rait même être encore plus ancien (ARANO 1988). On constate plus d’hétéro- chromatine télomérique chez T. a. veluchiensis (ARANO1988) et T. a. cyreni (HERREROet al. 1989b) que chez T. a. alpestris, un critère qui, selon le modèle évolutif de MACGREGOR& SESSIONS(1986), montrerait que ces taxons auraient bien une origine ancienne. HERRERO& ARANO(1986) ont même attribué un sta- tut spécifique au taxon ibérique. Les populations d’Europe centrale auraient pu dériver des populations bulgares et yougoslaves qui auraient, elles aussi, divergé de la sous-espèce apuanus (HERRERO et al. 1989a). Il semblerait que l’origine du complexe soit balkanique (BREUIL1986, ARANO& ARNTZEN1987, ARANO 1988). Les données fossiles sont presque inexistantes pour le triton alpestre. Le plus vieux fossile proviendrait du Pliocène supérieur de Tchéquie (HODROVA 1984), tandis que des exemplaires plus récents ont été découverts dans des terrains du pléistocène de Bavière, des Asturies et d’Italie (HOLMAN 1998, DELFINO& BAILLON2000).

PRÉSENTATION DU MODELE BIOLOGIQUE : LE TRITON ALPESTRE