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Deuxième partie : étude du champ visuel entre 30 et 50°

Cette deuxième partie a pour but de compléter les résultats observés précédemment en comparant la sensibilité aux contrastes de luminances entre les deux groupes expérimentaux à des excentricités visuelles plus importantes.

Méthode

Matériel et procédure

Après le CV 30-2, les participants réalisaient un CV 60-4. Ce test détermine, avec la même méthodologie que le 30-2, les seuils de 68 points situés entre 30 et 60° d’excentricité visuelle (i.e., 30°, 40° et 50°). Mais contrairement au 30-2, .l’intensité lumineuse de la cible autour de l’intensité seuil ne varie pas selon un pas de 2dB, mais de 4dB, rendant l’estimation du seuil moins précise.

Analyse des données

Tout comme pour le 30-2, les seuils de sensibilités mesurés ont été transformés en candela par mètre carré (cad.m²). Puisque nous n’avions pas d’hypothèse sur une zone, nous avons conservé la division du CV avec les 4 cadrans classiques (i.e., nasal supérieur, nasal inférieur, temporal supérieur et temporal inférieur).

A partir de 40° d’excentricité visuelle, si la tête n’est pas parfaitement alignée avec le centre de la machine ou si le participant bouge légèrement la tête pendant le test, il est possible que les mesures soient bruitées par les limites anatomiques du visage. En effet, la mesure dans les cadrans nasaux peut être très rapidement altérée par l’arête du nez (d’autant plus si le nez est long ou large) et les cadrans supérieurs par l’arcade sourcilière ou la paupière (d’autant plus si l’arcade est prononcée ou la paupière tombante). Une illustration de ces différents cas est à retrouver figure 2.32. Afin d’éviter d’analyser du bruit, nous avons décidé dans un premier temps de retirer les cadrans bruités des CV pour chaque participant puis de conduire l’analyse statistique sur les cadrans restants. Face au nombre important de cadrans retirés ainsi que face à la grande variabilité du nombre de cadrans restants entre les participants, nous avons finalement décidé d’opter pour une méthode plus conservatrice, mais n’entrainant aucune variabilité en conservant uniquement le cadran temporal inférieur pour l’analyse statistique. En effet, ce cadran est le seul à ne pas être susceptible d’être bruité par les contraintes anatomiques du participant.

Figure 2.32 : Champs visuel 60-4 de l’œil droit. Plus le niveau de gris est prononcé, plus la mesure est bruitée. Le CV de gauche est un CV quasiment parfait dont les données sont exploitables. Au contraire, le CV du milieu est bruité dans les cadrans supérieurs à cause d’une arcade sourcilière prononcée et le CV de droite est bruité dans les cadrans nasaux à cause de l’arête du nez. Les données des cadrans bruités ne peuvent par conséquent pas être exploitées.

Nous avons donc conduit une ANCOVA sur les seuils de sensibilité aux contrastes de luminance dans le cadran temporal inférieur avec l’excentricité visuelle (i.e., 30°, 40°, 50°) comme variable intra-sujet, le groupe (i.e., entendants signeurs vs entendants non-signeurs) comme variable inter-sujet et l’âge des participants en covariable. Les données des yeux gauche et droit ont été comparées (avec des tests t) avant d’être moyennées pour chaque

participant. Enfin, avoir d’avoir une compréhension rapide et facile des résultats, les données ont été retransformées en décibels pour la réalisation des graphiques.

Résultats

Les données de deux participants du groupe des entendants signeurs ont été exclues des analyses statistiques car elles étaient considérées comme déviantes par la méthode des résidus supprimés studentisés (Belsley, Kuh, & Welsch, 2005). L’analyse des données a donc été conduite avec 15 entendants signeurs et 16 entendants non-signeurs.

L’ANCOVA révèle un effet principal du groupe avec des seuils plus élevés chez les signeurs que les non-signeurs, F(1,28) = 5.73, p = 0.023, η²p = 0.17, ainsi qu’un effet principal de l’excentricité, F(2,56) = 48.67, p < 0.0001, η²p = 0.63, avec des seuils baissant avec l’excentricité. L’interaction entre le groupe et l’excentricité visuelle est non-significative, F(2,56) = 1.56 p = 0.22, η²p = 0.05. On observe enfin un effet de l’âge, F(1,28) = 6.79, p = 0.014, η²p = 0.19, avec une corrélation négative entre l’âge de la personne et la valeur du seuil, r = -0.38, p = 0.034 (figure 2.33).

Figure 2.33 : Seuils de sensibilité aux contrastes de luminance moyens (en dB) dans le cadran temporal inférieur chez les entendants signeurs et non-signeurs entre 30 et 50 degrés d’excentricité visuelle. Les barres d’erreurs représentent l’erreur standard à la moyenne.

24 25 26 27 28 29 30 31 30 40 50 Se ui l de s e ns ib il ité (dB) Excentricité visuelle Signeurs Non-signeurs

Discussion

La deuxième partie de cette étude avait pour but d’explorer la sensibilité aux contrastes de luminances d’entendants signeurs et non-signeurs dans une partie du CV périphérique située 30 et 50 degrés d’excentricité visuelle. À cause du bruit expérimental lié aux contraintes anatomiques telles que l’arête du nez, la paupière ou encore l’arcade sourcilière, seules les données du cadran temporal inférieur ont été analysées. L’analyse révèle que les signeurs semblent avoir des seuils de sensibilités plus élevés que les non-signeurs.

Compte tenu des résultats observés dans la première partie avec le CV 30-2, les résultats de cette troisième partie sont surprenants. En effet, alors qu’entre 20 et 27 degrés d’excentricité visuelle signeurs et non-signeurs possédaient des seuils de sensibilité comparables, les signeurs possédaient des seuils plus élevés que les non-signeurs entre 30 et 50 degrés. D’un point de vue théorique, ce contraste de résultats est difficilement explicable, mais pourrait davantage s’expliquer d’un point de vue expérimental/méthodologique. D’une part ces résultats sont uniquement basés sur 1/4 des données recueillies puisque nous avons jugé que les 3/4 restants étaient susceptibles d’être trop bruitées pour être analysées et interprétées. Bien que cela nous a semblé nécessaire, retirer 75% des données de l’analyse statistique n’est pas forcément une solution correcte. De plus, la différence significative observée entre les deux groupes dans le 60-4 est d’environ 0.63 dB soit une différence similaire à celle observée dans le 30-2 (∆dB ≈ 0.64), or l’estimation des seuils de sensibilité du 60-4 est deux fois moins précise que celle du 30-2. Il ne semble donc pas pertinent d’interpréter ces différences de façon similaire. En effet, il est tout à fait possible que la différence significative observée dans le 60-4 ne soit due à la moindre précision de la mesure. Nous émettons donc des réserves quant aux résultats du CV 60-4, c’est pour cela qu’ils ne seront pas considérés ou discutés plus en détails dans ce travail de thèse.