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A - Constat général

1. Des évolutions dans le rapport au travail

1.1. L’engagement des jeunes au travail

Le rapport au travail s’est modifié ces dernières années, notamment chez les jeunes. Le besoin de se réaliser soi-même dans et par le travail, d’y trouver du sens au-delà de sa rémunération, d’une meilleure qualité de vie au travail, d’équilibre des temps de vie, s’exprime très fortement.

Cette recherche d’une qualité de vie au travail et de sens conduit d’ailleurs de jeunes diplômés et diplômées, après quelques années d’exercice professionnel dans des fonctions d’encadrement, à se reconvertir dans des métiers plus concrets. L'avis sur les jeunes et l'avenir du travail souligne qu'une installation d’artisan sur trois est aujourd’hui le fruit d’une reconversion, 8 % d’entre elles concernent des jeunes de niveau Bac+5.

Si la jeunesse est plurielle et ses aspirations diverses, de nombreux éléments témoignent de cette aspiration à un travail émancipateur, source d’épanouissement.

Le succès croissant auprès des jeunes professionnels comme du public des Olympiades des Métiers, compétition internationale de la jeunesse et de la formation professionnelle, démontre qu'ils et elles savent s'engager.

Dans le même sens, on signalera qu’Emmanuel Sulzer, lors de son audition déjà citée, formulait sur la base de l’enquête du Céreq le constat qu’un certain nombre de jeunes, plutôt qualifiés, mettent fin de leur propre initiative à un premier CDI, parce qu’elles et ils considèrent que cette expérience ne répond pas à leurs aspirations. Ce phénomène, qui n’a pas encore été quantifié avec précision, n’est cependant pas négligeable. Il a ajouté que sur la période d’observation, les jeunes ayant deux expériences professionnelles sont généralement les plus satisfaits dans l’emploi et restent généralement de manière durable dans le second emploi.

On pourra se référer sur ce sujet aux très nombreuses enquêtes et aux travaux cités dans l’avis sur « les jeunes et l’avenir du travail176 », notamment les résultats de

176 Mars 2019, déjà cité.

AVISDECLARATIONS/SCRUTINANNEXES l'enquête en ligne de la CFDT « Parlons travail ». Il est précisé sur ce point que les

15-29 ans adhèrent très majoritairement à l’idée de changer de métier au fil de leur carrière professionnelle et qu’un peu moins de la moitié envisage de changer souvent d'employeur ou d’employeuse pour progresser. Cette représentation positive de la mobilité professionnelle, dans laquelle la possibilité du chômage est intégrée, est corrélée cependant au niveau de diplôme et plus le niveau de diplôme est bas, plus ce type de risque est redouté.

D’autres enquêtes établissent qu’en matière d’aspirations professionnelles, les jeunes générations ne diffèrent pas foncièrement des précédentes : l'intérêt du travail, la stabilité de l'emploi, de même que la sociabilité qu’il permet, correspondent à des attentes fortes dans toutes les tranches d’âge. Les personnes qui indiquent considérer leur travail comme un simple gagne-pain sont globalement minoritaires, même si leur nombre est plus élevé chez les moins diplômées.

Les jeunes accordent également une grande importance à la qualité du collectif de travail, au comportement éthique de leur employeuse ou employeur, à l’utilité ressentie de leurs tâches, à la conciliation et à l’articulation de leurs vies professionnelle, personnelle et familiale. Le même avis relève « une tendance des jeunes salariés à rechercher une meilleure articulation entre la vie professionnelle et la qualité de vie au travail et en dehors du travail. Cela peut se traduire pour les uns par un engagement professionnel en lien avec un engagement militant, pour les autres par une autre façon de vivre les relations professionnelles ».

Enfin, il faut prendre en considération la « part des jeunes qui aujourd’hui manifestent leur opposition à l’encontre de modèles de production et de consommation incompatibles avec les multiples enjeux environnementaux et la gestion raisonnée des ressources naturelles. Cette opinion doit être vue comme le signal d’un renouvellement des aspirations de certains jeunes qui souhaitent placer l’humain et l’environnement au cœur de leur activité professionnelle » 177.

Les résultats de l’enquête « Parlons travail », précitée, indiquent que le rapport critique au management s'accentue avec l'âge. Cette tendance se double aussi d’un rapport plus complexe à la hiérarchie et à la bureaucratie d’entreprise, qui peut se traduire par la volonté de participer plus souvent et plus directement à la prise de décisions. Ce malaise touche aussi la population cadre : le baromètre annuel UGICT-CGT/SÉCAFI, réalisé par Viavoice révèle dans son édition de mars 2018 un divorce net entre l'encadrement et les directions, particulièrement dans la fonction publique.

La « perte de sens et éthique professionnelle mise à mal » est le point saillant de l'édition 2019178.La priorité donnée à un travail enrichissant et à une diversification des missions, conduit un certain nombre d’entreprises à concevoir leur management d’une autre manière. De nouveaux modes d’organisation du travail auraient ainsi tendance à raccourcir les lignes hiérarchiques, en prévoyant moins de postes de managers et en attendant de ces derniers qu’ils occupent des fonctions d’accompagnement des collaborateurs et collaboratrices dans la construction collective de projets. Certaines pratiques en entreprise (dont les entretiens

177 « Les jeunes et l’avenir du travail », déjà cité.

178 http://www.ugict.cgt.fr/ugict/presse/opinions-et-attentes-des-cadres--la-colere

Avis

d'évaluation annuels, avec la fixation d'objectifs individuels et d'une rémunération liée à leur atteinte) ont contribué à faire primer l'individu et le rendement immédiat sur le collectif et le sens du travail. Cette tendance a montré ses limites pour susciter l'implication des salariés et salariées, et a vu l'essor de pratiques alternatives, qui replacent ceux-ci et celles-ci au cœur de l’entreprise, et redonnent place à la créativité, à l’innovation et à une efficacité qui est aussi sociale et environnementale179.

Pour le CESE, cette crise engage les actrices et acteurs de l’entreprise et des organisations à repenser les modes d’organisation et de gouvernance vers un modèle de management moins hiérarchique et plus horizontal qui présente l’avantage de favoriser la circulation de l’information et de libérer la créativité et l’implication de toutes et tous.

Dans ces conditions, l’accompagnement des jeunes salariés et salariées dans l’acquisition de compétences et l’enrichissement de leurs tâches est perçu par les DRH auditionnés comme une nécessaire évolution du management des jeunes recrues, dimension à laquelle la gouvernance des entreprises, souvent composée d’équipes de génération plus âgée, où la parité et la diversité sont rarement présentes, s’avère trop peu sensible.

Du côté des employeurs publics, les enquêtes présentent le choix de rejoindre la fonction publique soit comme une vocation pour les métiers qui s'y exercent, soit pour l'intérêt général, la rémunération individuelle étant citée comme une motivation seconde. Pour les moins diplômées et diplômés, la sécurité de l’emploi est néanmoins souvent un motif plus important que la vocation pour le métier.

« Une entreprise où l’organisation du travail fait l’objet de discussions régulières avec les salariés, où la répartition des tâches se distribue de façon collaborative et dont les missions collectives sont correctement définies et partagées garantit l’amélioration de la productivité et, au final, des conditions de travail plus favorables. »180

Recommandation 22 :

Aussi, à la suite de cet avis, le CESE préconise d’instituer des espaces de discussion, sur le lieu et le temps de travail, favorisant l’expression directe des salariés et salariées sur leur travail et son organisation.

Contribuant à une meilleure qualité de vie au travail, au partage d’information et aux relations sociales, ces espaces doivent permettre aux salariés et salariées de faire valoir leur droit d’expression - institué par les lois Auroux de 1982 - et d’enrichir ainsi la vie de l’entreprise et du collectif de travail par leurs réflexions et leurs suggestions. Ces espaces ne seraient institutionnalisés que dans les entreprises de dix salariées et salariés et plus, celles de taille inférieure étant néanmoins encouragées à les mettre en œuvre.

179 « Pour en finir avec le Wall Street management » de Marie-José Kotlicki et Jean-François Bolzinger, 2009, Les éditions de l'Atelier.

180 « Les jeunes et l’avenir du travail », déjà cité.

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