A - Constat général
AVIS DECLARATIONS/SCRUTIN ANNEXESS’il est urgent d’en terminer avec les symboles de la société de surconsommation
que sont le tout-jetable et l'usage unique, ce changement de paradigme ne pourra s’opérer que s’il s’accompagne d’un effort d’éducation à l’environnement, de concertation entre toutes les parties prenantes, de recherche sur l’écoconception, de réflexion sur la valorisation des déchets, et qu’il démontre sa capacité à créer ou à relocaliser des emplois ainsi que des activités économiques durables.
Préconisation 23 :
Parce que la promotion de nouveaux modes de vie, celle d’une organisation de la société orientée vers plus d’équilibre et de durabilité, ne sera efficace qu’à la condition d’y embarquer l’ensemble des générations, en ne laissant personne sur le quai, l’éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD) concerne tous les âges de la vie.
Le CESE préconise de sensibiliser les citoyens et les citoyennes pour faire évoluer les habitudes de consommation afin qu’ils et elles aient recours plus naturellement à des productions locales, favorisant une alimentation de proximité, accessible, traçable, respectueuse de l’environnement et compatible avec le « zéro déchet », sujet sur lequel le CESE prépare un avis.
Le rôle de l’EEDD est ici fondamental. Le CESE lui a consacré un avis en 2013 et un nouveau travail est en cours. Sa place doit être renforcée dans l’intérêt des générations futures.
Une mission a été confiée fin 2019 par les ministres Elisabeth Borne et Brune Poirson à Thierry Libaert et Géraud Guibert sur le rôle de la publicité dans la transition écologique. Ses conclusions seront rendues cette année. Le Conseil y sera attentif.
Préconisation 24 :
Parce qu’elle influence fortement nos comportements et nos habitudes de consommation, il convient également de s’interroger sur la place de la publicité et sur sa régulation. Avec l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) qui publie chaque année conjointement avec l’Ademe un bilan publicité et environnement, notre pays figure parmi les plus avancés en matière de régulation publicitaire.
Le CESE préconise de renforcer le rôle de cette agence en étendant ses compétences au contrôle des publicités allant à l’encontre des engagements environnementaux nationaux. Il s’agirait :
- d’alerter les pouvoirs publics et les commanditaires des publicités lorsque celles-ci ne sont pas en accord avec les objectifs gouvernementaux en matière d’environnement;
- de transmettre à la justice les irrégularités constatées ;
- de présenter chaque année un rapport public sur l’activité publicitaire au regard des objectifs environnementaux, support d’une réflexion critique sur son évolution.
Avis
Nous, le groupe citoyen, nous sentons profondément concernés et sensibilisés à la problématique environnementale et écologique.
Aujourd’hui, nous subissons une dégradation de la biodiversité et nous risquons un emballement du climat. L’épuisement des ressources est un risque majeur : perte de production agricole, impact sur la santé, etc.
Il y a néanmoins une prise de conscience et des actions locales qui existent et se développent pour contrer les effets néfastes sur l’environnement. Ces actions concernent la consommation locale, en circuit court, des modes de déplacement nouveaux et la réduction des trajets non obligatoires. Des systèmes d’entraide et d’échange existent par exemple pour réparer les objets défectueux, mais on n’en a pas forcément connaissance. En général, les personnes n’ont pas de vision de ce qui existe au niveau local autour d’elles, alors qu’il y a par ailleurs, dans ce type de pratiques, de très bonnes idées à diffuser. La crise sanitaire liée au Covid-19 a révélé que des formes de solidarité entre citoyens sont possibles et nous sommes convaincus qu’elles doivent perdurer.
Il y a une véritable inertie entre ce qui naît de la société civile et ce qui est pris en compte au niveau politique. Par exemple : les mobilités évoluent, mais on ne réfléchit pas assez aux impacts à court, moyen et long terme. La voiture électrique est un exemple de cette idée : utilisation de matériaux rares, recyclage difficile des batteries, bilan carbone mitigé en termes de résultats.
Le chemin à faire est encore long pour amorcer une transition environnementale satisfaisante à partir des politiques publiques mises en place aujourd’hui. D’un côté, des biens et services sobres répondant aux défis environnementaux sont encore trop chers pour être utilisés par tous, de l’autre, le système de réglementation et d’accompagnement n’est pas en capacité d’aider financièrement les ménages.
Au-delà de ces deux dynamiques, la transition environnementale relève aussi de chacun et des comportements individuels. La sobriété énergétique et la révision de nos modes de consommations sont les maîtres-mots qui doivent porter l’avenir de notre société.
4. Expression et participation citoyennes : pour un renouvellement démocratique
Le désir d’autonomisation, de réalisation de soi, cohabite avec une volonté de développer de nouveaux modes de « collectif », une aspiration à prendre part et à contribuer à la vie de la collectivité, de renouveler les formes d’expression démocratique qu’elle soit représentative, participative ou directe. Les mobilisations citoyennes pour la défense de l’environnement contribuent à ces évolutions.
Les fractures dans la représentation démocratique, la défiance éprouvée par une part importante de la population à l’égard des responsables politiques s’expriment régulièrement dans la société, au travers notamment des mouvements sociaux et ont été rendues particulièrement visibles lors de la crise des « Gilets jaunes ». On pourra aussi à cet égard se reporter utilement aux analyses contenues dans l’avis du CESE
AVISDECLARATIONS/SCRUTINANNEXES
« Fractures et transitions »216 qui note que si cette défiance, relevant d’une part d’une crise de légitimité et d’autre part d’une crise d’efficacité, se concentre sur les représentantes et les représentants politiques nationaux, elle n’épargne ni certains élus locaux ou élues locales, ni les organisations collectives, ni la parole des expertes et des experts217. Chez certains, c’est l’idée même de représentation qui semble être remise en question au nom de la singularité de leur expérience et de leur identité.
Bien davantage qu’une crise de la citoyenneté, cette défiance doit se comprendre comme une aspiration à un renouvellement de notre modèle démocratique et d’une pratique citoyenne qui ne saurait se résumer au seul exercice du droit de vote. Aussi, si l’on constate une abstention croissante, en particulier chez les plus jeunes et dans les milieux populaires, « les Français ne se désintéressent pas de la vie politique et appellent de leurs vœux un système qui les associerait plus directement et plus fréquemment aux décisions politiques »218. Ce renouveau de la citoyenneté se traduit dans l’engagement au service de causes d’intérêt général et par la recherche de formes de participations à la vie politique plus actives que la seule participation aux élections.
Sous l’idée de « démocratie participative » de nombreuses expériences, de nombreuses démarches sont conduites. Loïc Blondiaux en donne la définition suivante : « La démocratie participative désigne, dans sa définition la plus simple et la plus englobante, l'ensemble des démarches et des procédures qui visent à associer les citoyens « ordinaires » au processus de décision politique, ce qui permet de renforcer le caractère démocratique du régime politique. Elle comprend à la fois la démocratie participative institutionnalisée, qui est mise en œuvre par les autorités afin de compenser un déficit de légitimité et qui est parfois codifiée et imposée par la loi.
Elle renvoie aussi à toutes les initiatives plus spontanées et informelles qui résultent des citoyens eux-mêmes et de la société civile organisée, dans le but de prendre la parole, de protester, de revendiquer, d'interpeler les autorités politiques. »219. Ce besoin de renouvellement démocratique vient notamment du fait que les jeunes ne se sentent pas représentés et que leurs préoccupations quotidiennes sont trop peu prises en compte.
Depuis les années 90, un certain nombre de dispositifs ont été mis en place afin de matérialiser cette participation dans nos institutions. En souscrivant à l’Agenda 21 à l’issue du Sommet de Rio en 1992220 puis en ratifiant la convention d’Aarhus221 en 2002, la France a adhéré au principe d’un développement durable reposant sur la
216 « Fractures et transitions : réconcilier la France », déjà cité.
217 Voir notamment le rapport « Expertise et démocratie. Faire avec la défiance », France stratégie, décembre 2018.
218 Étude annuelle du Conseil d’État « La citoyenneté aujourd’hui. Être (un) citoyen aujourd’hui », septembre 2018.
219 « La démocratie participative : entretien avec Loïc Blondiaux », ressources en sciences économiques et sociales, SES ENS, janvier 2018.
220 L’alinéa 10 de la Déclaration de Rio déclare : « la meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens ».
221 Signée en 1998 et ratifiée en 2002 par la France, la Convention d’Aarhus pose dans son article 1er que
« les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement doivent être garantis »
Avis
participation des citoyennes et des citoyens. La Charte de l’environnement intégrée en 2005 dans notre bloc de constitutionnalité reconnaît ainsi que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. »
Évoquant la Convention citoyenne pour le climat décidée par le Président de la République et ouverte le 4 octobre 2019 au CESE, Hélène Landemore explique dans une récente tribune222, l’intérêt de ces processus participatifs et délibératifs.
Expérience démocratique inédite en France, la Convention regroupe 150 personnes tirées au sort et illustrant la diversité de la société française. Elle a pour mandat de définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 dans un esprit de justice sociale223.
Avant même cette expérience, le CESE a commencé à introduire une plus grande prise en compte de la parole citoyenne dans les processus de décision. Le Conseil, faisant le pari de l’intelligence collective224 et de la co-construction, s’est engagé pour placer au cœur de la démocratie l’échange entre citoyennes et citoyens et articuler démocraties représentative, démocratie participative et démocratie sociale. Le recueil des pétitions, le lancement de plateformes de consultation ou les méthodes de co-construction du présent avis ou de l’avis « Fracture et transitions », participent de ce pacte démocratique associant davantage les citoyennes et les citoyens à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques, que le Conseil appelle de ses vœux225.
Dans les régions, les CESER, qui regroupent des hommes et des femmes de la société civile organisée, de tous milieux et de toutes convictions, constituent des lieux de débat, de dialogue et de participation à la définition de l’avenir de chaque région.
Les liens forts tissés entre le CESE et les CESER de métropole et d’Outre-mer, contribuent par ailleurs à offrir un débouché institutionnel aux attentes portées par les personnes dans les territoires. Le CESER de La Réunion comme le CESE de la Nouvelle-Calédonie ont ainsi organisé des auditions auprès de jeunes Réunionnais/Réunionnaises et de jeunes Néo-Calédoniens/Calédoniennes afin d’enrichir le présent travail de leurs analyses, de leurs attentes et de leurs propositions226.
Au niveau local, ces processus de participation se développent également, c’est notamment le cas en matière d’urbanisme : « Toutes échelles confondues, les
222Tribune d’Hélène Landemore, pour Le Monde, 10 février 2020, professeure de sciences politique à l’Université de Yale suivant les travaux de la Convention citoyenne pour le climat.
223 Voir le site de la Convention : www.conventioncitoyennepourleclimat.fr
224 Audition du Dr Lex Paulson, Directeur de l’Ecole d’intelligence collective, 14 novembre 2019.
225 Voir « Recréer la confiance par un pacte démocratique », avis « Fractures et transitions : réconcilier la France », déjà cité.
226 Le CESER de La Réunion a par exemple organisé des tables rondes auxquelles ont participé une trentaine de jeunes de moins de 35 ans, en emploi ou non, et aux profils différents. Ils ont échangé « sur la formation, sur l’accès et le rôle social de l’emploi, sur leur avenir et sur la capacité du territoire à faire face aux défis sociaux et environnementaux. » Le bilan de ce travail a été présenté aux membres de la Commission temporaire et du Groupe citoyen le 13 mars 2020 par Maryvonne Quentel et Philippe Doki-Thonon, membres du CESER de La Réunion.
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