La nouvelle loi ajoute que l’ONSS et le curateur peuvent tenir les administrateurs, anciens administrateurs et administrateurs de fait comme étant personnellement et solidairement responsables pour les cotisations sociales, majorations, intérêts de retard et indemnité forfaitaire (14) dus au moment du prononcé de la faillite :

- s’il est établi qu’une faute grave qu’ils ont commise était à la base de la faillite OU

- si au cours de la période de cinq ans qui précède le prononcé de la faillite, les administrateurs en question se sont trouvés impliqués dans au moins deux faillites, liquidations ou opérations similaires entraînant des dettes à l’égard d’un organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale (15).

Est considérée comme faute grave, toute fraude fiscale grave et organisée au sens de l’article 3, § 2, de la loi du 11 janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Cette dernière disposition reprend comme infractions, entre autres, celles liées à l’état de faillite.

Est également considéré comme faute grave, le fait que la société soit dirigée par un gérant ou un responsable qui a été impliqué dans au moins deux faillites, liquidations ou opérations similaires entraînant des dettes à l’égard d’un organisme percepteur des cotisations sociales.

Enfin, le Roi peut, après avis du comité de gestion de l’ONSS, déterminer les faits à considérer comme faute grave.

2.2.

Outre le cas de la faillite, la grande nouveauté provient de l’article 60 de la loi cadre qui donne à l’ONSS le pouvoir d’obliger des employeurs, sociétés commerciales ou grandes ASBL qui, au cours d’une période de 12 mois, n’ont pas payé leurs dettes ONSS de deux trimestres, à fournir les données relatives à leurs clients ainsi que les sommes en souffrance dont ces clients et tiers seraient redevables.

Cette disposition est entrée en vigueur le 1er juillet 2006.

Le but de cette disposition est évident : permettre à l’ONSS, sur base des éléments obtenus, de pratiquer des saisies auprès de ces clients afin de percevoir les cotisations sociales dues.

Dans le cas où l’employeur omet de transmettre ces données, l’ONSS pourra se retourner contre les dirigeants de la société ou de la grande ASBL, avec en première ligne les dirigeants chargés de la gestion journalière.

14 Article 54 de l’AR du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.

15 Article 38, 3 octies, 8°, de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des

Ceux-ci seront personnellement et solidairement tenus de l’acquittement des dettes de sécurité sociales, qu’il y ait faute ou non !

Cette responsabilité pourra être étendue aux autres dirigeants de la société ou de la grande ASBL, mais dans ce cas, uniquement si une faute ayant contribué à ces manquements est établie dans leur chef.

3. En matière fiscale

La responsabilité des dirigeants d’entreprise a également été amplifiée au niveau du précompte professionnel et de la TVA.

En s’inspirant des législations néerlandaise et française, le législateur a estimé que l’Etat se doit de réagir face aux comportements « déloyaux » des opérateurs et d’adopter des mesures destinées à le protéger contre le risque de pertes fiscales liées à l’impossibilité de recouvrer l’impôt auprès de celui qui en est le redevable normal (16).

Sur base de l’article 21, § 3, de la 6e Directive TVA qui permet aux Etats membres de prévoir que toute personne peut être solidairement tenue d’acquitter la TVA avec toute personne qui en est redevable, le législateur belge a donc instauré un nouveau régime de responsabilité pour les dirigeants d’entreprise.

En effet, les articles 14 et 15 de la loi-programme (17) qui introduisent un article 442 quater au Code d’impôts sur les revenus et un article 93 undecies au Code TVA, ont mis en place un régime de responsabilité personnelle et solidaire des dirigeants chargés de la gestion journalière d’une société ou d’une grande ASBL en cas de manquement de ces dernières à leurs obligations de paiement du précompte professionnel ou de la TVA, à la condition qu’une faute au sens de l’article 1382 du Code civil soit imputable à ces dirigeants.

Parallèlement à ce qui a été prévu en matière sociale, cette responsabilité peut être étendue aux autres dirigeants, s’il est établi que ceux-ci ont commis une faute qui a contribué aux manquements visés ci-avant.

L’originalité consiste à avoir instauré une présomption réfragable de faute dans le chef des dirigeants chargés de la gestion journalière en cas de non-paiement du précompte ou de la TVA.

En matière de précompte professionnel, par inobservation répétée de l’obligation de paiement, on entend :

- soit pour un revenu trimestriel du précompte, le défaut de paiement d’au moins deux dettes échues au cours d’une période d’un an ;

16 Projet de loi-programme, Doc. Parl., Ch. Repr., 31 mai 2006, Doc 51 2517/001, p. 17.

- soit pour un redevable mensuel du précompte, le défaut de paiement d’au moins trois dettes échues au cours d’une période d’un an.

En matière de TVA, par inobservation répétée de l’obligation de paiement, on entend :

- soit pour un assujetti soumis au régime de dépôt de déclarations trimestrielles à la TVA, le défaut de paiement d’au moins deux dettes exigibles au cours d’une période d’un an ;

- soit pour un assujetti soumis au régime de dépôt de déclarations mensuelles à la TVA, le défaut de paiement d’au moins trois dettes exigibles au cours d’une période d’un an.

La responsabilité des dirigeants ne pourra être engagée, en ce qui concerne le précompte professionnel, que pour le paiement en principal et intérêts des dettes.

En ce qui concerne la TVA, elle ne sera engagée que pour le paiement en principal et accessoires des dettes.

Il est remarquable que cette présomption de faute tombe lorsque le non-paiement, tant du précompte que de la TVA, provient de difficultés financières qui ont donné lieu à l’ouverture d’une procédure de concordat judiciaire, de faillite ou de dissolution judiciaire.

Enfin, une telle action en responsabilité contre les dirigeants responsables ne sera recevable qu’à l’expiration d’un délai d’un mois à dater d’un avertissement adressé par le receveur par lettre recommandée invitant le destinataire à prendre les mesures nécessaires pour remédier au manquement ou pour démontrer que celui-ci n’est pas imputable à une faute de sa part.

4. Conclusion

Ces dispositions de la loi cadre du 20 juillet 2006 confirment, pour leur majeure partie, le principe de responsabilité basé sur l’article 1382 du Code civil.

La responsabilité des dirigeants, excepté ceux chargés de la gestion journalière, ne pourra donc être engagée qu’à la condition qu’une faute puisse leur être imputée.

Par contre, pour les dirigeants chargés de la gestion journalière, la plus grande prudence s’impose ! Le législateur ayant, en matière sociale, instauré un régime de responsabilité objective et, en matière fiscale, une présomption de faute.

Les Tribunaux seront, in fine, appelés à connaître de l’application de ces dispositions. Reste à voir l’accueil qui leur sera réservé.

In document NOTIONS DE DROIT DES SOCIETES, DROIT DE LA FAILLITE, DE LA LIQUIDATION ET DE LA CONTINUITE DES ENTREPRISES (Page 90-94)