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UNE DÉPENSE QUI CONCERNE PLUS DE 15 MILLIONS DE FEMMES

L’achat de protections menstruelles concerne en France 15,5 millions de femmes âgées de 13 à 50 ans. La prise en charge du coût de cette vie menstruée mérite d’être questionnée et la protection des femmes les plus précaires est assurément une priorité.

1. Le coût moyen des protections menstruelles

Selon l’Institut national d’études démographique (INED), 90 % des jeunes filles en France ont leurs premières règles entre 11 et 14 ans. « En deux siècles, l’âge moyen aux premières règles n’a cessé de diminuer en France. Sans doute proche de 16 ans vers 1750, il est descendu à près de 15 ans vers 1850 puis 13 ans en 1950. En 1994, les premières règles arrivent, en moyenne, à l’âge de 12,6 ans. Dans tous les pays riches, les jeunes filles deviennent pubères plus tôt qu’autrefois. Ce développement plus précoce est attribué notamment à l’amélioration de l’alimentation. À la fin du 20e siècle, l’âge moyen aux premières règles s’est stabilisé entre 12,5 et 13,5 ans dans plusieurs pays, comme les États-Unis ou le Japon. Il semble probable que cela se passe aussi en France » (1). La ménopause intervenant en moyenne autour de l’âge de 50 ans (2), les femmes ont donc leurs règles pendant 38 années. À raison de 5 jours de menstruations par mois en moyenne (3), cela représenterait donc environ 2 280 jours de menstruations par femme. En estimant qu’une femme utilise en moyenne cinq protections menstruelles par jour, cela représente plus de 11 400 protections sur l’ensemble d’une vie.

Le coût de ces protections est extrêmement variable en fonction du type choisi, de la marque, des caractéristiques, etc. Pour bien estimer les dépenses liées aux menstruations doivent en outre être ajoutés des coûts liés au renouvellement des sous-vêtements et linge de lit, ainsi que l’achat éventuel d’antidouleurs et les visites de contrôle chez un gynécologue, médecin généraliste ou sage-femme, dont la tarification varie également, notamment selon les territoires. Selon l’association Règles élémentaires (4), les estimations du budget dédié aux menstruations iraient de 8 000 à 23 000 euros pour la durée d’une vie. D’autres estimations plus basses ont été réalisées ; plusieurs auditions ont notamment mis en avant un budget d’environ 10 euros par mois, soit environ 4 500 euros à l’échelle d’une vie menstruée.

Chacune de ces estimations, qui, pour la plupart, s’échelonnent donc de 10 euros à 50 euros par mois, montre toutefois que les menstruations représentent un coût fixe et régulier. Cela permet de rendre visible ce coût des protections menstruelles qui pèsent de manière systématique sur les femmes. Ce coût concerne, en France, 15,5 millions de personnes, c’est-à-dire l’ensemble des femmes âgées de 13 à 50 ans, se situant donc dans l’âge de la vie menstruée (5). Que l’on retienne la fourchette haute ou la fourchette basse de ces estimations, vos Rapporteures soulignent que ces coûts ne peuvent être négligés et qu’ils sont de nature à aggraver la situation des femmes en situation de précarité.

(1) Focus Ined, « L’âge aux premières règles », août 2014 [URL consultée le 3 décembre 2019].

(2) Inserm, dossier d’information sur la ménopause, octobre 2017 [URL consultée le 3 décembre 2019].

(3) Collège national des gynécologues et obstétriciens français [URL consultée le 3 décembre 2019].

(4) Audition de Règles élémentaires par vos Rapporteures, 27 juin 2019.

(5) Insee, population totale par sexe et par âge au 1er janvier 2019.

2. L’accès aux protections, un enjeu de dignité humaine

L’accès aux protections menstruelles n’est pas une question de confort mais, s’agissant d’un produit de première nécessité absolument indispensable, il s’agit en réalité d’une condition nécessaire au respect de la personne humaine.

Or, il n’est pas toujours facile d’accéder à ces protections, comme le montre le sondage Ifop sur la précarité menstruelle réalisée à la demande de Dons solidaires : 8 % des femmes interrogées parmi le « grand public » (1) et 39 % des femmes interrogées parmi les bénéficiaires d’associations (2) déclarent qu’il leur arrive de ne pas disposer de suffisamment de protections hygiéniques pour elles-mêmes ou leur fille par manque d’argent.

Au-delà de la question de la dignité et de l’estime de soi, cette précarité peut également représenter un risque pour leur santé. Ainsi, selon le même sondage, 10 % des femmes interrogées parmi le « grand public » (3) et 29 % des femmes interrogées parmi les bénéficiaires d’associations (4) déclarent renoncer à changer de protections hygiéniques aussi souvent que nécessaire par manque d’argent.

La précarité menstruelle a des conséquences très concrètes : comme en témoignent les associations, telles Agir pour le développement de la santé des femmes (ADSF) ou Règles élémentaires, les femmes les plus précaires, notamment lorsqu’elles sont sans-abri, en sont réduites au « système D » pour gérer leur flux sanguin menstruel. Elles ont recours à des protections de fortune, comme des éponges, du coton, du papier hygiénique, des chaussettes, des morceaux de tissus déchirés, etc. Inadaptées, ces solutions ne sont pas acceptables et peuvent être dangereuses ; vos Rapporteures s’inquiètent vivement de ces situations et attirent l’attention sur leur gravité.

Non seulement grave, cette situation est aussi massive puisqu’en 2017 les femmes sont 4,7 millions à avoir un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté (soit 60 % de la médiane des niveaux de vie). Avec un pouvoir d’achat limité, ces femmes sont régulièrement confrontées à des difficultés dans l’achat des produits de première nécessité, des produits d’hygiène et donc des produits de protection menstruelle. Le soutien à l’accès à ces produits constitue donc une question essentielle pour la santé et la dignité des femmes précaires et vos Rapporteures appellent à une action rapide et efficace dans ce domaine. Elles considèrent qu’aucune femme ne devrait aujourd’hui être privée de protection menstruelle pour des raisons financières.

(1) Échantillon de 1 503 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus

(2) Échantillon de 701 personnes bénéficiaires d’associations caritatives du réseau Dons Solidaires (Épiceries sociales, centres d’hébergement et d’accueil de jour, associations d’aide aux personnes en grande difficulté).

(3) Échantillon de 1 503 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus

(4) Échantillon de 701 personnes bénéficiaires d’associations caritatives du réseau Dons Solidaires (Épiceries sociales, centres d’hébergement et d’accueil de jour, associations d’aide aux personnes en grande difficulté).

Sur la base de ce constat alarmant, vos Rapporteurs ont souhaité concentrer leur analyse sur les femmes en situation de grande précarité avant d’envisager des mesures d’ordre plus général.

B. LES FEMMES EN SITUATION DE GRANDE PRÉCARITÉ, UNE PRIORITÉ