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Des délais d’attente variables d’un établissement à l’autre, les tensions se concentrant

A. LE MOUVEMENT D’AUGMENTATION CONTINUE DE LA FRÉQUENTATION

2. Des délais d’attente variables d’un établissement à l’autre, les tensions se concentrant

importants

De manière assez contre-intuitive, compte tenu de la prégnance des images médiatiques de files d’attente interminables dans les services d’urgences, la prise en charge est en réalité très rapide dans la majorité d’entre eux. Lors de son audition par vos rapporteurs, la Drees a indiqué que la perception de délais d’attente insoutenables aux urgences résulterait d’une vision trop « parisiano-centrée », ou en tous cas « franciliano-centrée » de la question.

Vos rapporteurs ont ainsi eu la surprise d’apprendre dans l’étude conduite par la Drees que, pour 70 % des patients, la prise en charge débute en moins d’une heure : l’enregistrement, très rapide, intervient en moins de 15 minutes dans 95 % des cas, suivi d’une évaluation dans les 30 minutes suivant leur arrivée pour 9 patients sur 10, avant le début de la prise en charge proprement dite. La moitié des patients évalués attendent même moins de 20 minutes avant le début des soins. Au total, 50 % des passages durent moins de 112 minutes au total.

Vos rapporteurs soulignent cependant que, alors que la société française de médecine d’urgence (SFMU) recommande de ne pas dépasser 30 minutes entre l’arrivée des patients et leur triage ou évaluation, ce délai n’est pas respecté pour 10 % des patients.

Délais de passages aux urgences en 2013

Source : Drees

Les situations diffèrent cependant selon les caractéristiques des établissements et de leur patientèle. Les délais de passage dépendent de multiples facteurs, parmi lesquels le moment de la journée, l’affluence, la densité du personnel par rapport aux patients, le degré de gravité des pathologies, l’âge des patients, et enfin la nature des soins à réaliser, en fonction notamment du recours ou non au plateau technique.

L’étude de la Drees1 fait apparaître que la prise en charge est la plus rapide pour les patients ayant un diagnostic de lésions traumatiques ou d’empoisonnements. Elle est en revanche plus longue pour les patients présentant des symptômes de malaises, de fatigues, de céphalées ou des symptômes digestifs, respiratoires ou circulatoires. Leur prise en charge nécessite en effet des investigations plus importantes, qui se traduisent par un plus grand nombre d’examens à visée diagnostique ou de recours à des avis spécialisés.

Plusieurs des équipes rencontrées ont pointé le problème de la réalisation des examens complémentaires, qui peut allonger considérablement les délais d’attente, dans la mesure où la plupart des services n’ont pas de plateau technique à disposition – d’autant qu’il faut ajouter, au délai d’accès au plateau technique, le délai de restitution des résultats. A Reims, il ne serait ainsi pas rare qu’il faille compter jusqu’à neuf heures d’attente pour accéder à un scanner.

Le problème spécifique des examens complémentaires « inutiles » dans les services d’urgences

Plusieurs des interlocuteurs de la mission ont mis en avant un problème de pertinence des actes effectués dans les services d’urgences, où seraient pratiqués de nombreux examens aussi inutiles que coûteux.

Cette appréciation, si elle peut en effet recouvrir certaines situations problématiques – le cas de certains établissements privilégiant la réalisation d’examens aux urgences, où ils sont facturés à l’acte, plutôt que dans les services, où leur coût est intégré dans les GHS, ayant été rapporté -, doit cependant être appréciée avec nuance.

Il a ainsi été rappelé qu’il pouvait être utile, voire indispensable, de procéder à des examens immédiats dans certaines pathologies : en cas de risque d’embolie pulmonaire, par exemple, une investigation technique permet d’éliminer la suspicion et ainsi d’éviter l’hospitalisation.

Il a par ailleurs été largement souligné que la réalisation de nombreux examens décrits comme inutiles provient en réalité d’une lacune des systèmes d’information : le dossier médical partagé n’est pas encore une réalité, sans même parler d’un système d’information commun ou simplement interopérable entre établissements.

1 Drees, Panorama des établissements de santé, Structures des urgences hospitalières : premiers résultats de l’enquête nationale réalisée par la Drees, 2014.

Le problème est tel que certaines équipes ont organisé des programmes d’action spécifiques sur ce sujet : les professionnels exerçant à Lariboisière ont ainsi mis en place une réunion d’équipe journalière visant à limiter le recours aux examens. Il s’agit de définir en commun une nouvelle manière de prendre en charge les patients, la philosophie en étant que les examens réalisés doivent permettre de confirmer une hypothèse formulée a priori, et non de tâtonner à la recherche de pistes.

Au total, en dehors des patients hospitalisés en unités d’hospitalisation de courte durée (UHCD)1, 12,3 % des patients restent aux urgences entre quatre et six heures, 5,1 % entre six et huit heures, et 4,3 % plus de huit heures.

Il faut enfin souligner que le passage par une UHCD, qui concerne 8 % des patients, augmente considérablement le temps de présence aux urgences. C’est notamment le cas pour les personnes âgées, singulièrement lorsque ce passage précède une hospitalisation : compte tenu des difficultés pour trouver un lit d’aval, le temps passé aux urgences peut alors être multiplié par 10 par rapport à un passage aux urgences simple avant retour à domicile, pour atteindre une vingtaine d’heures.

En tout état de cause, les dysfonctionnements constatés dans la prise en charge des urgences sont très loin de constituer la majorité des cas. C’est en réalité leur concentration sur certains établissements qui pose problème. Il faut en effet rappeler qu’un quart des services d’urgences (soit 187 établissements) accueillent moins de 40 patients par jour, tandis que les 95 services ayant l’activité la plus importante doivent prendre en charge plus de 120 passages journaliers.

Ainsi le problème des délais d’attente est-il particulièrement aigu en Ile-de-France, où les délais médians sont supérieurs de 50 % à ceux de presque toutes les autres régions hexagonales. On rencontre une situation du même ordre dans les départements d’outre-mer (Dom). D’une manière générale, les établissements régionaux importants sont également concernés.

Déjà surchargés en temps normal, ces établissements se trouvent rapidement débordés en cas de pics épidémiques. Il est ainsi déjà arrivé en de telles occasions que certains services d’accueil des urgences pédiatriques parisiens ou franciliens n’aient eu d’autre choix que de transférer des enfants en dehors de l’Ile-de-France.

1 Les UHCD sont des unités destinées à accueillir des patients provenant uniquement de la salle d’urgences, dans l’attente d’un lit pour hospitalisation ou nécessitant une surveillance, pour une durée en principe de 72 heures au maximum.

Surtout, cette situation serait susceptible de remettre en cause la qualité, voire la sécurité des soins, selon les inquiétudes formulées par certaines des équipes soignantes rencontrées par vos rapporteurs. Dans ces services, il ne serait en effet pas rare que l’affluence entraîne un tel débordement des équipes que les prises en charge ne puissent plus être hiérarchisées avec toute l’efficacité nécessaire, ce qui ferait parfois passer à côté de véritables urgences. Il serait également courant que certains patients échappent à la vue et donc à la vigilance des équipes soignantes, ce qui pose particulièrement problème lorsque sont en cause des pathologies psychiatriques.

3. La question de l’accessibilité à l’aide médicale urgente reste