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Le tabou des règles engendre une forme de silence sur ce sujet pour lequel aucune connaissance particulière ne serait nécessaire et qui pourrait être vécu naturellement par les jeunes filles et les femmes concernées, sans que cela ne cause de problèmes particuliers. Or, il apparaît que de nombreuses idées fausses circulent à propos des règles et qu’il existe beaucoup de zones d’ombre et d’incertitudes. Les intéressées sont souvent en demande d’informations, sans toujours savoir à qui s’adresser pour obtenir des réponses et sans parfois oser aborder cette question, y compris auprès de professionnels de santé. Ce déficit d’information a des conséquences préjudiciables pour le bien-être et la santé des femmes et il est indispensable d’y remédier.

1. Une mauvaise connaissance des menstruations et une demande croissante d’informations

Au fil de leurs auditions et de leurs déplacements sur le terrain, vos Rapporteures ont constaté que les femmes avaient une connaissance insuffisante des menstruations. Fonctionnement du cycle menstruel, diversité des produits de protection, précautions d’usage et d’hygiène, risques sanitaires, problématiques de dysménorrhées (1), sujets qui semblent assez mal connus des femmes.

L’enquête réalisée à la demande de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) auprès d’un échantillon de plus de 1 000 femmes a d’ailleurs

(1) Les dysménorrhées sont des troubles du cycle menstruel, se traduisant la plupart du temps par des douleurs abdomino-pelviennes cycliques, rythmées par les règles. Elles peuvent apparaître dès le début de la vie génitale (dysménorrhées primaires) ou plus tard (dysménorrhées secondaires).

montré que peu d’entre elles connaissent les risques liés à l’utilisation des protections intimes et a mis en évident une insuffisance des mesures d’hygiène (1). Ce rapport souligne d’ailleurs que « l’ensemble des répondantes a nettement exprimé un souhait d’information sur tous ces points (symptômes, compositions, mesures d’hygiène et de port) » (2).

Cette même volonté d’information a été remarquée par les militantes et start-upeuses engagées qui ont créé en ligne des lieux d’échange et d’information.

Les Glorieuses abordent par exemple ce sujet régulièrement dans leurs newsletters et soulignent l’importance d’informer et de déculpabiliser les jeunes filles souvent mal à l’aise avec leurs règles (3). Les créatrices de la start-up Fempo ont également insisté sur l’importance de parler librement de ce sujet et d’informer les femmes sans tabou ; de nombreuses questions leur sont adressées sur Internet et révèlent un véritable besoin de connaissances sur ce sujet (4). Comme cela a été mis en avant par les personnels du Planning Familial que vos Rapporteures ont rencontrés à Paris et à Rennes, les femmes manifestent une volonté de plus en plus affirmée de comprendre et de maîtriser tout sujet ayant trait à leur corps et notamment les menstruations (5).

Vos Rapporteures se réjouissent de cette dynamique qui participe pleinement à la liberté des femmes et au droit fondamental de disposer de leur corps et de maîtriser leur vie sexuelle et reproductive. Elles considèrent qu’une telle dynamique ne doit pas être laissée de côté mais au contraire être reprise et amplifiée par les pouvoirs publics pour permettre une meilleure information de chaque femme sur ces sujets et pour lever définitivement le tabou des menstruations dans notre pays.

Recommandation n° 3 : diffuser une campagne d’information sur les menstruations pour déconstruire plus rapidement les tabous et préjugés qui y sont liés.

Au-delà des sites et communautés Internet qui se sont développés ces dernières années pour répondre à ces interrogations sur les menstruations, plusieurs applications pour smartphones ont également été créées afin de permettre aux femmes de suivre leur cycle menstruel. Si plusieurs associations soulignent l’intérêt de cette démarche, qui participe de la compréhension et de la réappropriation du corps féminin, vos Rapporteures alertent toutefois sur les risques que peuvent présenter ce type d’applications en termes de protection des données personnelles. Leur fonctionnement implique souvent de collecter des données de santé ou des données qui peuvent révéler un état de santé du fait de

(1) Enquête réalisée par la société Opinion Way, à la demande de l’Anses, du 26 juin au 4 juillet 2017 auprès d’un échantillon de 1 065 femmes réglées et âgées de 13 à 50 ans représentatif de la population féminine française.

(2) Agence nationale de sécurité sanitaire, Sécurité des produits de protection intime, avis de l’Anses, rapport d’expertise collective, juin 2018.

(3) Audition de l’association Les Glorieuises par vos Rapporteures, 3 juillet 2019.

(4) Audition de la start-up Fempo par vos Rapporteures, 27 juin 2019.

(5) Audition du 10 juillet 2019 et déplacement du 7 novembre 2019.

leur croisement avec d’autres données. En outre, elles peuvent aussi collecter des données dites sensibles, relatives notamment à la vie sexuelle des personnes.

Auditionnée par vos Rapporteures, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) n’a pas été à ce jour saisie de plainte relative à ces applications spécifiquement dédiées aux cycles menstruels (1). Mme Hélène Guimiot-Breaud, cheffe du service santé de la CNIL, a toutefois souligné le caractère sensible de la collecte de telles données et a rappelé que le business model des applications gratuites repose principalement sur la monétisation des données recueillies. Vos Rapporteures appellent donc à la vigilance sur ce sujet.

2. Des sujets insuffisamment abordés dans le cadre scolaire et le cadre médical

S’appuyant sur les témoignages de leur communauté, les associations et start-ups engagées sur ce sujet ont dénoncé une forte carence d’informations sur les menstruations dans les cadres scolaire et médical, pourtant considérés comme essentiels dans l’accès à l’information sur la santé et le corps humain.

Mme Sarah Durocher, accueillante au Planning Familial, faisait valoir que les jeunes filles sont peu informées (2) : si le sujet est présent dans le programme de 6e, il n’est en réalité abordé que de manière allusive, voire pas du tout.

Certaines interventions, notamment des infirmières médicales, permettent d’aborder ce sujet, mais cela ne semble pas se faire de manière systématique. Le détail des menstruations ne semble en réalité n’être abordé de manière précise qu’au cours de la classe de quatrième, à l’occasion des enseignements de sciences de la vie et de la terre. Or, de nombreuses jeunes filles ont leurs premières règles avant la quatrième. Les témoignages recueillis par vos Rapporteures ne permettent pas de faire de cette carence une généralité, mais il n’en demeure pas moins que cette problématique est apparue de manière récurrente tout au long de leurs travaux et a encore été confirmée lors de leur déplacement au collège Rosa Parks à Rennes.

Par ailleurs, il semble que les séances d’éducation à la sexualité et à la vie affective ne soient mises en œuvre que de façon très disparate, en fonction des moyens et de la bonne volonté de chaque établissement scolaire. Ce constat, régulièrement fait par les associations sur le terrain, a été clairement établi par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) dans son enquête menée auprès d’un échantillon représentatif de 3 000 établissements scolaires publics et privés au cours de l’année scolaire 2014-2015 (3).

Au-delà du cadre scolaire, les menstruations ne semblent pas systématiquement abordées non plus dans le cadre médical. Mmes Mathilde

(1) Audition de la CNIL par vos Rapporteures, 18 septembre 2019.

(2) Audition du Planning familial par vos Rapporteures, 10 juillet 2019.

(3) Rapport n° 2016-06-13-SAN-021 relatif à l’éducation à la sexualité – Répondre aux attentes des jeunes, construire l’égalité femmes-hommes, Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 13 juin 2016.

Lefevre et Anne-Claire Bouscal, présidente et directrice du Planning Familial d’Ille-et-Vilaine, ont expliqué que les femmes rencontrées dans le cadre de leur association indiquent qu’aucun médecin ne les a interrogées sur les menstruations ou sur l’utilisation des protections menstruelles. Vos Rapporteures ont rencontré plusieurs professionnels de santé, médecins généralistes, gynécologues et sages-femmes, qui considèrent pourtant que ce sujet doit bien être abordé avec les patientes.

Les témoignages de terrain conduisent vos Rapporteures à considérer que la situation n’est pas satisfaisante en l’état et que les informations sur les menstruations sont insuffisantes. Il semble en outre que la relation soignant-patiente ne prenne pas assez en compte la question des douleurs pendant les règles, ainsi que la question de l’usage des différents types de protection menstruelle.