En injectant de l’œstradiol radioactif à des rattes immatures, Noteboom & Gorski démontrent en 1965 sa fixation préférentielle sur des tissus-cibles tels que l’utérus, le vagin et l’hypophyse
antérieure (Noteboom & Gorski, 1965). Ils émettent alors l’hypothèse de la présence de sites
spécifiques permettant la liaison de l’œstradiol sur ces organes. Ce site de liaison est caractérisé
l’année suivante (Toft & Gorski, 1966). Il s’agit en fait du récepteur Erα (aussi appelé ESR1 ou Nr3A1).
Un second récepteur, Erβ (ou ESR2, Nr3A2), est identifié et caractérisé en 1996 (Kuiper et al., 1996).
Ces deux récepteurs appartiennent à la superfamille des récepteurs nucléaires, agissant comme des
Figure 24: Structures comparées des récepteurs des œstrogènes.
Avec plus de 90 % d’homologie au sein d’une même espèce, le domaine C, assurant la liaison à l’ADN, est le plus conservé. Le domaine de liaison au ligand (E) est quant à lui similaire à 60 %.
D’après Krust et al., 1986, Kumar et al., 1986, Kuiper et al., 1996, Pace et al., 1997.
♂
♀
Os : Erα, Erβ, Gper
Muscle : Erβ, Gper
Rein : Erβ, Gper Foie : Erα, Erβ, Gper
Système gastro-intestinal : Erα < Erβ
Système urinaire : Erα, Erβ, Gper Surrénales: Erα, Erβ, Gper
Système cardio-vasculaire : Erα > Erβ, Gper Glande mammaire: Erα, Erβ, Gper
Système Nerveux Central : Erα, Erβ, Gper
Poumon : Erβ, Gper
Ovaire : Erα < Erβ, Gper
Oviducte : Erα > Erβ, Gper Pancréas : Erα, Erβ, Gper
Utérus : Erα > Erβ, Gper Vagin : Erα > Erβ, Gper ??
Épididyme : Erα, Erβ, Gper
Vésicule séminale : Erα, Erβ, Gper ?? Prostate : Erβ, Gper
Testicule: Erα, Erβ, Gper Thyroïde: Erα, Erβ, Gper Thymus: Erα, Erβ, Gper
Autres organes du tractus uro-génital :
Humain
Souris
Figure 25 : Distribution tissulaire des récepteurs des œstrogènes.
Cette distribution est très conservée entre les espèces. Les récepteurs des œstrogènes sont exprimés A/B A/B C D E F C D E F Erα Erβ Liaison à l’ADN Dimérisation
Liaison aux œstrogènes Activité
transcriptionnelle
Activité transcriptionnelle Translocation nucléaire
des structures assez proches, découpées en 6 domaines selon leur fonction (figure 24). Ces structures sont très conservées entre les espèces. Les domaines A/B sont impliqués dans les transactivations non ligand-dépendantes par liaison avec des co-activateurs ou co-répresseurs. Le domaine C a pour fonction de permettre la dimérisation des récepteurs et aussi de se lier à l’ADN. Ce domaine C est le plus conservé entre les deux types de récepteurs, à la fois au sein d’une même espèce et entre des espèces différentes. La fonction du domaine D est encore mal connue mais il serait impliqué dans la translocation nucléaire. Quant aux domaines E/F, ils assurent la liaison au ligand (les œstrogènes endogènes mais aussi d’autres substances exogènes) et la transactivation ligand-dépendante (pour
revue, Roman-Blas et al., 2009). Ces deux récepteurs présentent chacun plusieurs isoformes chez
l’homme : au moins 6 pour Erα (Flouriot et al., 2000) et au moins 5 pour Erβ (Younes & Honma,
2011). Outre ces récepteurs nucléaires, un récepteur membranaire a été décrit : Gper (ou GPR30). Il
s’agit d’un récepteur à 7 domaines transmembranaires couplé à la protéine G ayant une forte affinité
pour les œstrogènes (pour revue, Nilsson et al., 2011a).
La distribution tissulaire de ces 3 types de récepteurs des œstrogènes est présentée sur la figure 25. L’homme comme la femme portent ces récepteurs dans de nombreux organes, expliquant que les œstrogènes aient un impact sur de nombreuses fonctions. Ils ne sont pas exprimés de façon égale dans tous les organes : le tractus génital féminin est très riche, expliquant l’action préférentielle des œstrogènes sur ces tissus. De même, la répartition des récepteurs varie selon le tissu : l’oviducte et l’utérus contiennent plus de Erα que Erβ alors que c’est l’inverse dans l’ovaire. Dans cet organe, les cellules de la thèque expriment préférentiellement Erα alors que les cellules de la granulosa
expriment plutôt Erβ (Fitzpatrick et al., 1999). ER α et β s’expriment dans l’ovaire de souris dès 1 jpn
(Jefferson et al., 2000) et peuvent donc fixer les œstrogènes. ERβ est la forme prédominante dans
l’ovaire, tant chez l’animal immature que chez l’adulte. ERβ est très exprimé par les cellules de la
granulosa des follicules en croissance (Byers et al., 1997). Le corps jaune, dès sa formation, passe
d’une prédominance de ERβ à ERα (Stocco et al., 2007). Les récepteurs des œstrogènes sont
également exprimés dans l’hypothalamus par les neurones à kiss (Radovick et al., 2012) et les
neurones à GnRH (Skynner et al., 1999).Il semblerait que ERα soit le récepteur essentiel aux
rétro-contrôles exercés par les œstrogènes(Couse et al., 2003, Glidewell-Kenney et al., 2007).
Kliewer et al. décrivent en 1998 un nouveau récepteur nucléaire impliqué dans les voies de
signalisation des stéroïdes (Kliewer et al., 1998). Ce nouveau récepteur est nommé Pregnane X
Receptor (PXR) et entre dans la nomenclature des récepteurs nucléaires sous le nom de Nr1i2. En
2007, Mnif et al. démontrent qu’il a pour ligand plusieurs œstrogènes (notamment l’œstrone E1 et le
17β-œstradiol E2)(Mnif et al., 2007).
Les Estrogen-Related Receptors (α et β) sont isolés en 1988 (Giguere et al., 1988). Un troisième type
(ERRγ) est isolé en 1999 (Hong et al., 1999). Leur structure s’approche de celle des ER classiques mais
le degré d’homologie de séquence est variable selon le domaine considéré. Avec près de 70 % d’homologie entre ER et ERR, le domaine de liaison à l’ADN est le plus conservé. Mais ces récepteurs
Figure 26 : Modes d’action et voies de signalisation des œstrogènes.
1 : Voie génomique classique. Les œstrogènes, liposolubles, pénètrent dans la cellule de façon passive. Ils se lient aux récepteurs. Après dimérisation, le complexe se lie à son tour aux Estrogen Response Elements (ERE) localisés dans le promoteur du gène cible.
2 : Voie indépendante des ERE. Le complexe E2 – récepteur interagit avec des Facteurs de Transcription (FT) qui se fixent sur le promoteur du gène cible.
3 : Voie indépendante du ligand. Sans E2, les ER sont phosphorylés (P) par une cascade de réactions déclenchée par des Facteurs de Croissance (FC) et vont se fixer sur les ERE.
4 : E2 active le récepteur membranaire GPER et déclenche une cascade de phosphorylations interférant avec des voies de signalisation cellulaires (voie non génomique) ou régulant l’expression génique via l’activation de FT.
D’après : Revue Bjornstrom & Sjoberg, 2005, Nilsson et al., 2011a, Murphy, 2011
E2 ER ER ER ER ER
ERE
E2 E2P P
FT FT
E2P
E2 E21 2 3 4
GPER
ERE
FC
possèdent moins de 35 % d’homologie avec ERα sur le domaine de liaison au ligand. Ceci expliquerait leur incapacité à fixer l’E2. Ils peuvent toutefois se lier à d’autres composés dotés de propriétés œstrogéniques.