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Présentation du modèle biologique Le triton alpestre

2.3. Cycle de vie

Le cycle de vie des tritons alpestres est en général amphibionte. Les tritons pas- sent ainsi une partie de leur vie dans l’eau et une autre sur terre. Les tritons alpestres adultes en phase terrestre regagnent un point d’eau, connu ou inconnu, à l’occasion de migrations post-hivernales. Ceux qui se sont déjà reproduits dans un point d’eau l’année précédente peuvent montrer une fidélité pour celui- ci. Le bouquet d’odeurs émanant du point d’eau est un point de repère utilisé par les tritons pour s’orienter. Mais dans des systèmes subdivisés (complexe de mares par exemple), des passages existent entre les différents points d’eau, mais ils sont tout de même limités. Dans ce cas, on parlera d’un système en métapopulation (JOLY& MIAUD1989b, 1993, MIAUD1990).

La période de reproduction varie avec la latitude et l’altitude. Toutefois, elle débute presque toujours à la fin de la période de refroidissement annuel (BLAB & BLAB 1981, GÜTLEB 1991a, VON LINDEINER 1992, FABER 1994, SCHABETSBERGER& GOLDSCHMID1994). A basse altitude, la migration des tri- tons commence lors de nuits humides durant lesquelles il ne gèle pas, tandis qu’en altitude, elle commence à la fonte des neiges et au dégel des points d’eau, les tritons pouvant même migrer de jour sur les névés (VILTER& VILTER1962, DENOEL 1996). Les migrations ont des pics d’intensité, mais peuvent s’étaler sur plusieurs semaines ou même des mois. Les deux sexes ne migrent pas tou- jours de façon coordonnée. Ainsi, les femelles arrivent un peu plus tard à l’eau dans un site en Allemagne (BLAB& BLAB1981) et dans deux sites autrichiens (FABER1994, SCHABETSBERGER& GOLDSCHMID1994). Les migrations peuvent aussi être concentrées sur quelques jours et concerner des déplacements sur des dénivelés de plus de 100 m (VILTER& VILTER1962). Les adultes quittent l’eau un à plusieurs mois après y être entrés (BLAB& BLAB 1981, VON LINDEINER 1992). Dans les populations d’altitude, le cycle de reproduction peut même être biennal (VILTER & VILTER 1963). A l’inverse, en région méditerranéenne, en Italie, les tritons T. a. apuanus de certaines populations, localisées, en milieu xérique, pourraient se reproduire à deux moments de l’année : au printemps et en automne, les deux saisons étant séparées par une période de latence estivale (ANDREONEet al. 1991, ANDREONE& DORE1992).

Après avoir été fécondées, les femelles pondent leurs oeufs un à un, au nombre de 100 à 500. Elles les emballent, le plus souvent, dans la végétation aquatique, tel du cresson ou des glycéries (MIAUD 1990, 1991b, 1995). Les oeufs pondus par une même femelle n’ont pas forcément le même père (RAFINSKY 1981). Après une période de 2-3 semaines, seul un faible pourcen- tage des oeufs est encore présent. De ces œufs éclosent alors des larves à respi- ration branchiale (3% dans une population française de basse altitude : MIAUD 1991b), la durée du développement étant tributaire de la température de l’eau. Alors qu’à une vingtaine de degrés, elle est d’une dizaine de jours, à basse tem- pérature, elle peut être de plus de 3 semaines (KNIGHT1937). Après l’éclosion, les larves vont se développer dans l’eau, puis se métamorphoser un mois et

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demi à trois mois plus tard et devenir des juvéniles (MIAUD 1990, 1996). Néanmoins, en altitude, les larves peuvent passer l’hiver à l’eau, voire devenir pédomorphes. A basse altitude, les juvéniles vont quitter l’eau entre la fin du printemps et la fin de l’automne pour mener une vie terrestre pouvant durer plu- sieurs années (MIAUD 1990, VON LINDEINER 1992). C’est durant cette phase qu’a lieu l’erratisme et la colonisation de nouveaux milieux, les mâles tendant à se montrer plus dispersants (JOLY& GROLET1996). Les tritons devenus adultes rejoignent alors un point d’eau qui peut ou non être celui dans lequel ils sont nés. Ils peuvent alors s’y montrer fidèles par la suite, quoique des tritons âgés puissent aussi coloniser de nouveaux milieux (JOLY& GROLET1996).

Les tritons passent habituellement l’hiver à terre, dans des abris isolés du gel. Il arrive néanmoins que les tritons hivernent dans l’eau de lacs et mares d’altitude (BREUIL 1986, GÜTLEB 1991a) et même d’étangs de basse altitude (ANDREONE& DORE1992), mais le gel ou le manque d’oxygène dissous peu- vent empêcher le passage de l’hiver sous l’eau (BRAND & GROSSENBACHER 1979, SCHABETSBERGER1993). Selon les conditions climatiques locales, ils peu- vent rester inactifs durant toute la période hivernale ou seulement durant les périodes de gel.

Une exception à ce qui vient d’être présenté concerne les populations pédomorphiques. Les pédomorphes, conservant leurs attributs larvaires, telles les branchies et fentes branchiales, ne présentent pas de phase de vie terrestre. Leur métamorphose est néanmoins possible. Dans certains lacs d’altitude, les larves peuvent parfois aussi passer leur premier hiver dans l’eau et devenir de ce fait assez grandes avant de se métamorphoser (BREUIL1986, GÜTLEB1992), mais la règle générale semble rester la sortie du milieu aquatique et ce, même dans ces habitats d’altitude (BRAND& GROSSENBACHER1979).

2.4. Habitat

On trouve le triton alpestre dans la plupart des points d’eau stagnante ou à débit presque nul, tant d’origine naturelle qu’anthropique : mares, étangs, lacs, ornières forestières, fossés et trous de bombe inondés, fontaines, abreuvoirs, flaques d’eau temporaires, bassins d’orage, carrières inondées, douves, sources, bras morts de rivières, piscines. Il a même exceptionnellement été observé en eau courante. Il se rencontre dans des milieux eutrophes et oligotrophes et dans des eaux troubles ou limpides. Les milieux aquatiques dans lesquels les tritons alpestres se reproduisent peuvent contenir ou non de la végétation et être enso- leillés ou totalement ombragés. Ils peuvent être entourés de milieux terrestres très divers : prairies, pelouses alpines, bois de feuillus, conifères ou mixtes, landes, éboulis, carrières, sablières, jardins, terrains vagues (DELY 1960, DE FONSECA1981, PARENT1984, BREUIL& PARENT1987). La lucifugie est un trait qui a été constaté dans certains lacs, les tritons se maintenant dans les zones profondes (BREUIL& THUOT1983). Des habitats nouvellement créés sont rapi-

PRÉSENTATION DU MODELE BIOLOGIQUE : LE TRITON ALPESTRE

dement colonisés et représentent une aubaine car les proies y sont abondantes (JOLY & GROLET 1996). En phase terrestre, les tritons alpestres vivent cachés, pendant la journée ou la période d’hibernation, sous des pierres, des tas de bois, dans le creux d’arbres pourris, les anfractuosités karstiques ou les grottes. Ils sont fréquemment rassemblés dans de telles cachettes (BREUIL1986, GOFFIN& PARENT1982 ; obs. pers.).

Le triton alpestre se rencontre en plaine, en basse, moyenne et haute montagne. Cependant, au sud de son aire de répartition, il est généralement absent des grandes plaines fluviales, préférant les étages collinéens et monta- gnards. En Suisse, on le rencontre entre 260 m et 2520 m d’altitude, mais prin- cipalement entre 400 et 600 m d’altitude. Plusieurs centaines de populations sont toutefois localisées dans les étages subalpins et alpins (GROSSENBACHER 1988) ; en Allemagne, de 50 m à 1800 m d’altitude (GÜNTHER 1996) ; en Espagne du niveau de la mer à 2300 m d’altitude ; en France, à toutes les alti- tudes jusqu’à 2650 m (KNOEPFFLER1967, CASTANET & GUYETANT 1989) ; en Italie, en Ligurie, de quelques mètres au-dessus du niveau de la mer jusqu’à 1328 m, avec la majorité des stations entre 200 et 900 m (DORIA & SALVIDIO 1994) et en Emilia-Romagna, de 35 à 1750 m, presque tous les sites étant au- dessus de 500 m (Banque de données de l’Emilia-Romagna, S. MAZZOTTI comm. pers.).

Le triton alpestre peut cohabiter avec toutes les autres espèces de tritons présentes dans son aire de distribution (BRANA et al. 1986, GROSSENBACHER 1988, KUZMIN1991, JOLY& GIACOMA1992), formant même parfois des com- munautés de cinq espèces (ARNTZEN& DEWIJER1989). Les communautés de tritons dérivent typiquement de la définition des guildes avec un rapport de taille pouvant être de 1.4 entre espèces adjacentes (JOLY& GIACOMA1992), ce qui est fort proche du rapport général présenté pour les populations dites hut- chinsoniennes (HUTCHINSON1959). En haute altitude, il est généralement seul présent.

Il peut se maintenir dans des sites où sont présents des poissons (DE FONSECA1981). Toutefois, l’introduction de salmonidés a généralement pour conséquence l’extinction des populations de tritons (BREUIL 1985). En phase aquatique, les prédateurs des tritons peuvent être des poissons et des oiseaux d’eau (SMITH 1985, LUDER1992, REHSTEINER 1992). Des insectes (dytiques, larves de libellules) et des tritons peuvent aussi consommer les larves et œufs de tritons (MIAUD1993, BABIK1998). Leur moyen de défense peut tenir en leur venin cutané (PHISALIX1922), leur coloration aposématique exhibée lors de postures de défense (BRODIE 1977), leur mimétisme et peut-être leur cri (WEBER& SCHUMACHER1976). Les femelles englobent les œufs dans la végéta- tion aquatique. Elles les mettent ainsi à l’abri de la prédation inter-, mais aussi intraspécifique (MIAUD1993, 1994).

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