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CHAPITRE 4 – DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE

4.2. Procédures

4.5.3. Critères de rigueur

L’appréciation d’une recherche est directement liée à la rigueur scientifique qui la caractérise. En conséquence « cette rigueur devrait se retrouver à plusieurs niveaux dans les efforts pour démontrer la crédibilité du cheminement, de la méthodologie, de l’analyse des données, de l’étude des aléas et des épiphénomènes sociohistoriques et de la présentation des données (Drapeau, 2004 : 83) ». Notre étude, de nature constructiviste nous commande de laisser émerger la représentation construite du mode de vie des enfants de notre enquête (Levy : 1994). Cette posture épistémologique postule de suivre les critères de rigueur méthodologique décrits par Lincoln et Guba (1985), à savoir : la crédibilité, la transférabilité, la fiabilité et la confirmation, pour décrire les forces et faiblesses de notre recherche.

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a) Crédibilité (validité interne)

Garantir la « crédibilité de notre recherche consiste à réaliser sa « validation interne », ou premièrement nous nous assurons que les thèmes de notre schéma d’entrevue cautionnent la voie empruntée pour répondre aux objectifs de notre recherche, ce qui est le cas (Gohier, 2004 : 6) ». Ce schéma se trouve renforcé par un questionnaire sociodémographique afin d’obtenir une abondante information sur les enfants de la rue de notre enquête. Deuxièmement, nous avons procédé à une triangulation des données collectées (Lincoln et Guba : 1985). Comme nous l’avons mentionné, les trois étudiants-enquêteurs et l’étudiant- chercheur ont consigné dans leur journal de bord ou carnet de notes les éléments du contexte à la fin de chaque entrevue. Les caractéristiques des habitats de fortune, de l’état général et les luttes des enfants en quête du quotidien, les différentes activités illicites observées correspondent en tout point aux déclarations notées lors des rencontres.

b) Transférabilité (Validité externe)

Elle implique l’application des résultats à d’autres contextes ou permet des « ouvertures par une analyse de deuxième niveau, de vérifier des résultats obtenus au moyen de techniques différentes, d’intégrer ces résultats dans une autre recherche ou de faire la synthèse de différentes études portant sur le même objet de recherche (Miles et Huberman, 1984 : 23) ». Dans le cadre de notre recherche, la taille de l’échantillon, 25 participants, n’est pas statistiquement représentative pour prêter à généralisation, cependant elle nous a permis d’atteindre une nette saturation empirique des informations. De plus, en matière de recherche qualitative, la qualité est plus importante que la quantité. Donc, vu l’homogénéité de nos sujets, la transférabilité des liens sociologiques découverts et vérifiés par l’étude peut s’étendre sur d’autres recherches ayant le même objet.

c) Fiabilité

Traditionnellement, « la fiabilité réfère à la validité qui suppose la fidélité qui, elle-même, réfère aux circonstances selon lesquelles une même méthode d’observation produit

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constamment la même mesure (Kirk et Miller, 1986 : 41) ». Pour assurer la fiabilité de notre schéma d’entrevue, un pré-test a été d’abord réalisé sur un petit échantillon individuel de 5 participants des deux sexes, puis d’un focus group. Les résultats de ce pré-test nous a permis de retravailler quelques questions de nos instruments et opérer certains réajustements afin d’alléger le questionnaire et de le clarifier davantage. Avec les entrevues individuelles et le focus-group, le questionnaire sociodémographique et le schéma d’entrevue ont été entièrement abordés et toutes les questions ont été répondues. Sur ce, « la confirmation suppose que les résultats obtenus concordent avec les informations collectées (Duperré, 2011 : 77) ». Alors l’interprétation des résultats ci-dessous permettra de juger de la confirmation.

4.5.4.-Interprétation des résultats

Analysons d’abord le fondement de l’interprétation des résultats.

a) Fondements

Contrairement à la procédure d’analyse de contenu, celle de l’interprétation des résultats constitue un examen exhaustif des données en clarifiant et en complétant ses conclusions à la lumière des objectifs de l’étude. Cette étape postule d’aller au-delà des résultats préliminaires et immédiats de l’enquête, c’est-à-dire, les notes de terrain, entretiens ou observations. Il en résulte donc une série de recommandations touchant les conclusions. Nous retenons que la méthode interprétative est une approche nouvelle d’analyse qualitative (Denzin et Lincoln : 1994). Axée sur une explication systématique générale, elle dépasse les frontières des données collectées et les généralise, les idées directrices de terrain, le contexte stratégique et/ou théorique de support pour arriver à une synthèse donnant naissance à deux options possibles : l’interprétation factuelle ou l’interprétation subjective.

b) Interprétation factuelle

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ce que nous avons compris du contexte ambiant, de l’environnement physique, politique et social, c’est-à-dire des données recueillies des répondants de ce contexte. En particulier, nous faisons parler ces données pour comprendre exactement ce qu’elles veulent dire. Par l’interprétation factuelle, suite logique de l’analyse de contenu, nous commentons les résultats provenant des entretiens avec les participants. Et les chercheurs comme Buber, Gadner et Richard (2004) suggèrent de consigner les points forts, faibles, les hypothèses vérifiées ou non validées, donnant lieu à l’appréciation de l’objectif de l’étude. Ce que nous avons fait quand nous allons au-delà des notes de terrain et du questionnaire en reconnaissant une subjectivité même involontaire de notre part.

c) Interprétation subjective

Lorsque le chercheur ou le responsable de l’étude se substitue aux répondants, il pratique donc une interprétation subjective (Denzin, Lincoln, 2005 ; Muchelli, 2003 ; Springle : 1994). Sa subjectivité sert à améliorer la compréhension des faits et à dire vrai.

L’interprétation subjective participe d’une démarche à deux phases ; une phase de déconstruction des données, suivie d’une phase de reconstruction des résultats (Deslauriers, 1991), schématisées comme suit par Deslauriers :

4.5.5.- Plan de déconstruction

Elle se donne pour tâche de transcrire les informations, de questionner de manière très

Phase I

Déconstruction des données, explications des données du point de vue de la problématique

Phase II

Reconstruction des résultats, raisonnements et argumentation sur les résultats

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critique, la véracité présumée des déclarations, sachant que les mots peuvent en référer à d’autres; ce, pour analyser soigneusement les données recueillies - d’où le terme de déconstruction - pour rechercher ce que les résultats signifient par rapport aux objectifs de l’étude (Feldman : 1994). Avec l’étudiant transcripteur, l’étudiant-chercheur a soumis les témoignages à un véritable test sémantique dans un esprit de géométrie, sachant que la déconstruction prend un recul des données de manière à pénétrer objectivement le sens et à les expliquer. Feldman reconnait et déclare que le processus de déconstruction prend ses sources dans les connaissances et les expériences du chercheur en utilisant un double mécanisme que sont « la réflexivité et l’introspection ».

a) Réflexivité

Elle constitue l’une des méthodes d’interprétation des données les plus répandues en matière de recherche qualitative (Merlan, Ponty, 1964 et Thines, 1980, citées par Delfosse et Rouan : 2001).

Nous adoptons ici, les réflexions de Andreani, Conchon (1998) telles quelles sont. La réflexivité est la projection de l’analyste à travers le matériel recueilli. Elle sert à dégager le sens de l’étude (Ellis et Bochner : 2000). Elle exprime le regard du Chargé d’étude sur les résultats. Elle alimente l’enquête de ses réflexions et les intègre aux informations rassemblées (les idées, les rites observés). Elle fournit l’interprétation du chercheur à travers son expérience vécue. Elle indique les idées de réflexion, de miroir et de mutation. Elle améliore l’interprétation des faits pour « dire le vrai » et supplée aux défaillances de l’instrument en le complétant et en l’améliorant. C’est ce qu’a compris l’étudiant- chercheur, déjà habitué avec ce phénomène des enfants de la rue à Port-au-Prince, et qui l’habilite à suppléer aux carences de la théorie par rapport aux réalités du terrain de l’enquête.

b) Introspection

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Garfinkel (2009). Encore une fois, nous reproduisons cette méthode verbatim. L’introspection est la perception des analyses que font les Chargés d’étude ou le chercheur à travers les expériences qu’ils ont vécues antérieurement dans d’autres circonstances et des connaissances qu’ils ont acquises (Willendorf et Bricks : 1983). Elle est une source d’enrichissement des données qualitatives. L’introspection peut être intuitive et personnelle (pensées intuitives) et fournir d’autres idées que celles de l’enquête. Elle peut aussi être guidée par les perspectives ou les les hypothèses et par le récit qu’en fait le Chargé d’étude (par exemple debriefing). Elle peut enfin être interactive et être l’objet d’un débat entre l’enquêteur et l’enquêté (e) selon les méthodes d’animation brève (Andréani et Cochon : 1998). Les enquêteurs étaient engagés dans une interaction informelle avec les participants qui leur permettait d’avoir des informations qui ne figuraient pas dans le questionnaire sociodémographique comme lieu d’origine, occupation des parents et leur religion, croyance, etc.

4.5.6.- Phase de reconstruction

En appuyant le point de vue d’Andreani et Conchon (1998), nous faisons nôtres leurs réflexions sur la phase de reconstruction dans l’interprétation des résultats. L’interprétation produit une argumentation et développe ses propres idées, d’où la notion de reconstruction. Comme les solutions de l’étude ne parlent pas d’elles-mêmes, l’analyste fait part de ses réflexions pour les évaluer, de ce qu’il a ressenti, de ce qui l’a impressionné ou surpris. Son art consiste à construire le sens, à découvrir des pistes de solutions, à exprimer ses propos par ses sentiments et ses opinions et à convaincre les destinataires de l’étude du bien-fondé de ses raisonnements.

Le mécanisme de reconstruction fait appel à l’imagination et au pouvoir de conviction du Chargé d’étude ou du Chercheur. Les ressources qu’il mobilise sont sa créativité et son sens de la communication. Les recommandations constatées plus loin en sont une preuve.

a) Créativité

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configuration de ces données à trois niveaux : ce qu’elles sont présentement, ce qu’elles furent dans le passé et qu’elles peuvent suivre une progression linéaire. Et les auteurs précédant soutiennent que dans ce cas, l’effort de créativité est d’autant plus important que des nouvelles issues de l’enquête soient faibles. Le rôle de l’étude qualitative est de transgresser les raisonnements existants et d’en proposer d’autres (Andreani et Conchon : 1998). La perception actuelle de ce phénomène d’enfants de la rue par la population est tacitement dénoncée et à la lumière de nos conclusions est susceptible de prendre une nouvelle configuration.

b) Communication

Les mêmes auteurs définissent la communication dans l’interprétation des données qualitatives comme une étape indispensable dans cette entreprise. En effet, ils stipulent ce qui suit : la communication est la dernière méthode (de leur point de vue) d’interprétation qui est de confronter les points de vue et analyses. Elle repose sur l’acceptation et la communication de ses raisonnements authentiques pour y croire. Elle implique un accord entre les parties prenantes de l’enquête pour établir des conclusions stables sur lesquelles tout le monde tombe d’accord.

En analyse qualitative, plusieurs approches peuvent être employées conjointement dans une étude de cas, pourvu qu’elles ne soient pas exclusives. D’ailleurs, l’utilisation d’une seule approche pour accéder à la saturation des données laisse des interrogations ouvertes sur la façon dont une autre stratégie aurait permis d’éclairer les données (Vasilachis de Gialdino, 2006 ; Frost, Nolas, Brooks-Gordon, Esin, Holt, Mehdizadeh et Sinebourne, 2010).

En matière de recherche, c’est souvent une erreur de se contenter de l’hypothèse ou du modèle explicatif qui apparait comme le plus plausible dans un premier temps. Bien souvent, en approfondissant les choses, en envisageant d’autres perspectives, on découvre que les résultats peuvent aussi être interprétés en fonction des idées concurrentes. Cela fait partie de la déontologie du chercheur de ne pas se contenter d’une seule explication à un phénomène, mais d’envisager toutes les explications alternatives qui se présentent à lui. Ce

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souci d’envisager plusieurs modèles explicatifs procède aussi d’une volonté d’assurer la validité du processus d’interprétation des résultats. C’est le souci de plusieurs chercheurs reflétant notre position et allant dans le même sens que les préoccupations de Gialdino (2006).

Globalement, l’ensemble des informations recueillies, à part quelques nuances résiduelles, convergent et concordent avec l’observation in situ, convergence qui confirme les hypothèses, exposées au chapitre de la revue de littérature et, ceci, suivant les unités d’analyse utilisées. Les adolescents de mêmes caractéristiques démographiques, âge, semi- scolarisés ou non scolarisés, etc. des catégories codées dans la grille de codage, et qui répondent aux règles édictées par Berelson (1952) et exposées ci-devant, sont forcées d’élire domicile dans les rues à cause de la pauvreté et des dislocations des liens familiaux. Guidés par les méthodes d’interprétation décrites par (Denzin, Buber, Gadner et Richards : 2004) et reproduites précédemment, nous avons compris que l’intolérance et l’incompétence parentale teintée de mauvais attitudes et comportements, les conflits parents-enfants ont été les principales forces centrifuges des enfants. Les formes de communication chargées de violence langagière des parents biologiques ou de familles élargies, aggravées par l’absence de revenu, ont été déterminantes dans les sagas parentales. La majorité des parents des enfants abandonnés vivent d’expédients, véritable contraste avec les enfants dont les parents détiennent une activité économique et plus particulièrement avec ceux des quartiers huppés.

Carences affectives, aggravées probablement par l’illettrisme des parents et des enfants détruisent le lien social des milieux familiaux. Les relations enfants-parents s’affaiblissent ou n’existent pas ou presque. L’observation participante, dominée par notre expérience du milieu nous permet d’arriver à une taxonomie de l’enfance à l’occasion de cette étude. En effet, cette classification est de quatre ordres 1) des enfants bien mis se rendant à l’école en transport privé ; 2) des enfants accompagnés de leurs parents ou seuls en route pour l’école; 3) ceux qui prennent le transport en commun et 4) ceux qui ne vont pas à l’école et qui durant toute la journée occupent les rues en se livrant à toutes sortes d’activités pour leur survie. Partant de l’échantillon, l’ethnicité est unique. Il convient là d’exploiter la

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condensation des informations in extenso, suggérée par Van der Maren. Que ce soit la condensation anticipée, concomitante, et a posteriori; n’importe quel observateur peut en témoigner, et même à travers le pays, les ELR, EDLR, EAR, dans les rues, sont des enfants noirs et pauvres. La zone d’étude suffit à elle seule pour constater que c’est un pays de contraste.

La correspondance des résultats observés et des résultats prédits, en rapport avec l’objectif de l’étude qui est de faire ressortir les liens sociaux parents-enfants est établie par nos instruments de collecte des données et renforcée par nos connaissances et expériences dans la recherche sociale. Nous avons acquis des expériences durant plus d’une décennie (1994- 2006) dans ce domaine dans les zones défavorisées des départements de la Grand-Anse et du Plateau central en Haïti. Ainsi, nous utilisons, dans la présente étude, à ce stade de l’interprétation des résultats, les phases de déconstruction et de reconstruction de résultats (Feldman, 1994, in Andréani et Cochon, 1998), décrites dans le texte; sans oublier les mécanismes, réflexivité, introspection, créativité et communication qui sont rattachés à ces phases.

Par ces postulats de l’interprétation, les données interprétées ici inspirent des explications et réponses apportées à notre problématique en combinant les différents niveaux d’interprétations factuelle, subjective et leurs corollaires, proposées par (Buber, Gadner, Richards, 2004; Denzin, Lincoln, 2005; Muchelli 2003, Spiggle 1994 et Deslauriers, 1991 in Andréani et Cochon, 1998). Et nous avons synthétisé les résultats, nous conduisant à une compréhension globale des zones d’influence de l’étude; avec ensemble d’explications allant au-delà des résultats immédiats prêtent à généralisation.

Les relations enfants-parents que nous essayons de mettre en relief touchent au contexte global de conception, d’élaboration et de gestion de politiques publiques et conséquemment à l’équilibre social et à la cohésion nationale. Les enfants des deux sexes, dans leur langage verbal et gestuel réfèrent à la faillite des institutions nationales, à la mauvaise répartition des richesses et en un mot à l’injustice sociale qui leur font perdre confiance dans leurs dirigeants et se prêtent à toute sorte d’exploitation pour survivre. Toutefois, nous savons

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que la recherche sociale est fondamentalement inductive et que les résultats y afférents peuvent être entachés de faiblesses. Et qu’en conséquence, les liens sociologiques inexistants ou détériorés peuvent ne pas incomber uniquement aux dimensions identifiées et vérifiées sur le terrain. D’où les limites de l’étude et une investigation supplémentaire, avec beaucoup plus d’ambition en termes de couverture, par d’autres chercheurs, pourraient renforcer ou infirmer nos résultats. En annexe, sont placés les tableaux des dimensions et leurs indicateurs respectifs de même que l’évolution des indicateurs de développement humain en Haïti.

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