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La Cour au cœur du réseau

Conclusion du Chapitre 1

Section 2. La Cour au cœur du réseau

119. La théorie du droit international pénal comme réseau paraît particulièrement convaincante pour décrire la complexité et l’évolution récente de ce droit si spécifique au sein du droit international général. Le fait que les juridictions ad hoc soient vouées à disparaître entraîne nécessairement une certaine primauté de la CPI au cœur de ce réseau. Ainsi, la Cour pénale internationale semble être un nœud important de ce réseau. La création de cette dernière emporte pour finalité politique une lutte contre l’impunité et un respect des droits de l’homme, autant pour l’accusé que pour les victimes. Elle a donc un rôle essentiel à jouer dans l’évolution du droit international pénal. Cette position d’influence se constate de nombreuses manières. Dans un souci de concision, plusieurs points seront abordés, en particulier ceux qui touchent à l’appréciation des preuves, tandis que d’autres seront laissés de côté327. En premier lieu, le droit applicable de la Cour apparaît particulièrement large, et met en évidence cette idée de réseau à divers degrés (§1). En deuxième lieu, les relations processuelles permettent de qualifier le système processuel de la Cour de système participatif (§2). Finalement, les multiples relations de la Cour avec des acteurs externes soulignent la pertinence du réseau tout en diversifiant (§3).

§ 1. Un droit applicable en réseau

120. L’article 21 du Statut dispose du droit applicable par la Cour. L’objectif de cet article était de fixer les sources principales relatives au droit pénal afin de respecter le principe de légalité. Les rédacteurs voulaient également éviter l’approche d’Antonio Cassese328. En effet, ce dernier, alors juge au TPIY, fit preuve d’innovation juridique pour combler l’absence d’un tel texte en interprétant largement les éléments constitutifs de la coutume329. Dès lors, l’article 21 illustre la première codification des sources du droit international pénal330. Trois sources principales sont recensées : les textes juridiques créateurs de la Cour, le droit international et les principes généraux nationaux. La lettre du Statut de Rome établit une hiérarchie entre ces trois sources. Cette hiérarchie s’explique

327 Les confirmations jurisprudentielles concernant la définition des crimes ainsi que des aspects procéduraux qui ne portent pas sur la preuve ne seront pas analysés puisqu’ils dépassent le fond de la présente thèse.

328 DEGAN V.-D., « On the Source of International Criminal Law », CJIL, 2005, no 4, p. 83.

329 CRYER R., « International Criminal Tribunals and the Sources of International Law. Antonio Cassese’s Contribution to the Canon », JICJ, Vol. 10, no 5, 2012, p. 1045-1061 ; FAN M. D., « Custom, General Principles and the Great Architect Cassese », JICJ, Vol. 10, no 5, 2012, p. 1063-1079.

par la volonté des États d’accorder une primauté au Statut et au Règlement. La Cour a d’ailleurs confirmé le caractère hiérarchique des sources331. Toutefois, toutes les sources listées à l’article 21 sont pertinentes pour interpréter le Statut332. Par conséquent, la hiérarchie est souple afin de permettre une certaine discrétion judiciaire333. On aperçoit déjà les interactions entre les différentes sources de l’article 21 (A). Le 2e paragraphe de l’article 21 participe également au réseau en ce qu’il prévoit des interactions jurisprudentielles entre les Chambres au sein de la Cour (B).

L’interprétation en réseau des sources applicables A.

121. Des liens inextricables sont effectués entre le Statut de Rome, le Règlement de procédure de preuve et les Éléments des crimes, puisque des renvois multiples sont opérés entre ces trois textes. Ces renvois créent un réseau normatif particulièrement complexe. Cela a même résulté dans un désaccord entre juges sur la portée normative des Éléments des Crimes. L’article 9 du Statut précise que les Éléments ne font qu’aider les juges à interpréter les crimes prévus par le Statut, alors que l’article 21 dispose que ce texte est applicable au même titre que le Statut. Dans l’affaire Al-Bashir, la Chambre préliminaire I s’est penchée sur la définition du génocide. Elle a constaté que l’article 8 du Statut ne prévoit pas l’existence d’un élément contextuel tandis que ce dernier existe au sein des Éléments des crimes. La majorité a donc considéré qu’il n’y a pas de contradiction entre le Statut et les Éléments sur l’existence d’un élément contextuel pour caractériser le crime de génocide334. Toutefois, cette approche a été fortement critiquée. La Juge Anita Usacka fut ainsi dissidente sur cette question335. D’ailleurs, cet élément contextuel n’est pas présent dans la définition coutumière du génocide. Les juges auraient dû appliquer uniquement le Statut, sans prendre en compte les éléments des crimes336. Ce conflit normatif n’aurait pas dû avoir lieu puisque le Statut prime sur les Éléments des crimes. On peut donc constater un défaut d’interprétation de la part des juges. En cas de conflit entre les différents textes juridiques instituant la Cour, les juges doivent faire appel aux principes généraux

331 Chambre préliminaire I, Affaire le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al-Bashir, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’Omar Al Bashir, 4 mars 2009, ICC-02/05-01/09-3-tFRA, par. 126.

332 SCHABAS W., The International Criminal Court : A Commentary on the Rome Statute, Oxford, OUP, 2010, p. 385.

333 CRYER R., « Royalism and the King : Article 21 of the Rome Statute and the Politics of Sources », New Crim. L. Rev., Vol.12, no 3, 2009, p. 393-394.

334 ICC-02/05-01/09-3-tFRA, par. 117-133.

335 ICC-02/05-01/09-3-tFRA, p. 111-113, par. 16-20.

d’interprétation des textes juridiques337. D’ailleurs, la Chambre d’appel rappelle les diverses méthodes d’interprétation en appliquant la Convention de Vienne sur le droit des Traités338, ce qui le caractère international du Statut de Rome339.

122. Ces principes généraux d’interprétations permettent également au juge d’interpréter le Statut par rapport à d’autres normes, telles que le droit international ou les droits nationaux. La Cour pénale internationale devient alors l’un des nœuds du réseau, ainsi que les autres juridictions internationales pénales comme le propose Diane Bernard. Ainsi, la Cour pourra exploiter la jurisprudence foisonnante des TPI pour appliquer le Statut. Par exemple, afin de définir le standard d’appréciation probatoire d’au-delà de tout doute raisonnable, les juges de la Cour ont repris la définition élaborée par les Tribunaux340. La Cour va donc interagir avec les TPI en reprenant leur jurisprudence. Néanmoins, à l’instar des TPI et du TSSL341, la Chambre d’appel précise que les jugements des TPI ne sont pas contraignants à l’égard des Chambres de la Cour342. Elle tisse alors un réseau jurisprudentiel entre les différentes juridictions pénales internationales conduisant à une certaine harmonisation des règles. D’ailleurs, la référence à des jurisprudences externes à la Cour peut aider à identifier des coutumes internationales et des principes généraux du droit, et elle permet de légitimer les décisions de la Cour en démontrant leur pertinence et leur cohérence sur la scène internationale343. Néanmoins, la volonté des parties et de certains juges de la CPI à entériner la jurisprudence des autres juridictions internationales pénales provoque une entrave légale et sociologique au développement du système unique

337 SCHABAS W., A Commentary, op. cit., p. 387 ; BITTI G., « Chapter 16. Article 21 of the Statute of the International Criminal Court and the treatment of sources of law in the jurisprudence of the ICC », in STAHN C., SLUITER G., The Emerging Practice of the International Criminal Court, Leiden, Nijhoff, 2009, p. 291-292 ; GROVER L., « A Call to Arms : Fundamental Dilemmas Confronting the Interpretation of Crimes in the Rome Statute of the International Criminal Court », EJIL, Vol. 21, no 3, 2010, p. 543-583.

338 Chambre d’appel, Situation en République démocratique du Congo, Arrêt relatif à la Requête du Procureur aux fins d’obtenir l’examen extraordinaire de la décision rendue le 31 mars 2006 par laquelle la Chambre préliminaire I rejetait une demande d’autorisation d’interjeter appel, 13 juillet 2006, ICC-01/04-168-tFRA, par. 33 ; Chambre d’appel, Affaire Le Procureur c. Germain Katanga, Arrêt relatif à l’appel formé par Germain Katanga contre la décision de la Chambre préliminaire intitulée « Décision relative à la requête de la Défense concernant les langues », 27 mai 2008, ICC-01/04-01/07-522-tFRA, par. 38 ;

339 Chambre de première instance III, Affaire Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, 21 mars 2016, ICC-01/05-01/08-3343-tFRA, par. 75-81.

340 Voir Partie 2, Titre 1, Chapitre 1 de la présente thèse.

341 NICHOLSON J., « The Role Played by External Case Law in Promoting the Legitimacy of International Criminal Court Decisions », Nordic Journal of International Law, Vol. 87, 2018, p. 193.

342 Chambre d’appel, Affaire Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, Decision on the appeals of Mr William Samoei Ruto et Mr Joshua Arap Sang against the Decision of Pre-Trial Chamber II of 23 January 2012 entitled « Decision on the Confirmation of Charges Pursuant to Article 61(7)(a) and (b) of the Rome Statute », 24 mai 2012, ICC-01/09-01/11-414, par. 31.

de la Cour344. Les Chambres s’est avéré résiliente face à ces propositions insistantes afin de respecter la hiérarchie normative qui découle de l’article 21du Statut345. Ainsi, plusieurs juges de la Cour ont rejeté l’approche des Tribunaux sur plusieurs points procéduraux et substantiels. Par exemple, à propos de la question de la préparation des témoins par les parties, La Chambre de première instance I, dans l’affaire Lubanga, a déclaré que « les règles de procédure des tribunaux ad hoc et leur jurisprudence en la matière ne sont pas automatiquement applicables à la CPI sans avoir été analysées en détail »346, et met en évidence la divergence du cadre procédural des différentes juridictions. Certains pourraient penser qu’une telle décision va à l’encontre du réseau, et accentue l’idée de fragmentation. Au contraire, transposer des règles procédurales d’un système à un autre n’est pas toujours aisé. Dès lors, la Cour peut décider d’utiliser les pratiques procédurales des Tribunaux, tout comme elle doit en écarter certaines afin de respecter en priorité le système établi par le Statut. Une telle remarque vaut également pour le droit substantiel347. Par exemple, la Chambre de première instance I a repris le test du contrôle global, développé par le TPIY dans l’affaire Tadic, pour déterminer l’internationalisation d’un conflit348. Elle cite également la jurisprudence du Tribunal spécial pour la Sierra Leone pour définir l’infraction d’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans349. Dans l’affaire Al-Mahdi, la Chambre de première instance VIII met en exergue la différence de définition du crime poursuivi entre la Cour et le TPIY, et conclut à l’absence de pertinence de la jurisprudence du Tribunal350. Par conséquent, la Cour interagit régulièrement avec la jurisprudence des juridictions pénales internationales, constituant alors un véritable nœud du réseau proposé par Diane Bernard.

123. Les interactions de la Cour avec d’autres juridictions dépassent le droit international pénal. Du fait de l’absence de hiérarchie au sein des juridictions internationales, la Cour peut adopter des avancées jurisprudentielles de la Cour internationale de justice et des

344 BITTI G., op. cit., 2009, p. 296.

345 CLARENC BICUDO N., « Article 21. Droit applicable », in FERNANDEZ J., PACREAU X., UBÉDA-SAILLARD M. (dir.), Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Commentaire article par article, Paris, Pedone, 2e éd., Tome I, 2019, p. 967-970.

346 Chambre de première instance I, Affaire Le Procureur c. Lubanga Dyilo, Décision relative aux pratiques employées pour préparer et familiariser les témoins avant qu’ils ne déposent au procès, 30 novembre 2007,

ICC-01/04-01/06-1049-TFRA, par. 43.

347 NICHOLSON J., op. cit., p. 198-206.

348 Chambre de première instance I, Affaire le Procureur c. Thomas Dyilo Lubanga, Jugement rendu en application de l’article 74 du Statut, 14 mars 2012, ICC-01/04-01/06-2842-tFRA, par. 541 et suivants.

349 Ibid., par. 603 et 616.

350 Chambre de première instance VIII, Affaire le Procureur c. Ahmad Al Mahdi, Jugement portant condamnation, 27 septembre 2017, ICC-01/12-01/15-171-tFRA, par. 16.

juridictions régionales des droits de l’homme. La Cour a ainsi traité la question des immunités des chefs d’État en exercice en prenant pour référence plusieurs décisions de la CIJ351. Elle a également emprunté à la CEDH son approche jurisprudentielle de la notion de droit équitable, en relation avec la présence de l’accusé au procès352, l’erreur judiciaire353 ou encore le droit à la vie privée dans le cadre de l’admissibilité probatoire d’écoutes téléphoniques354. Ces quelques exemples montrent que la Cour reste flexible sur les sources en traduisant et transposant certains principes juridiques définis par d’autres juridictions internationales, en particulier celles s’intéressant au droit international des droits de l’homme355. L’inverse est aussi vrai, plusieurs juridictions internationales pénales ont considéré que le Statut de Rome faisait partie de la coutume internationale et elles ont donc cherché à l’appliquer356. Par exemple, les chambres extraordinaires cambodgiennes ont utilisé le statut de Rome pour interpréter la notion de circonstance aggravante357. Par conséquent, les interactions entre les différentes juridictions internationales sont réciproques, ce qui démontre l’intérêt de la théorie du réseau pour analyser le système de la Cour.

124. L’article 21 précise que les principes généraux du droit provenant des principaux systèmes nationaux constituent également des sources pour la Cour. Cette disposition est un compromis entre les États qui souhaitaient l’application directe du droit national et ceux qui considéraient que la notion de principes généraux permettait d’outrepasser la référence nationale358. Toutefois, cette idée prévalait déjà au sein de la CIJ et des Tribunaux, puisque plusieurs juges ont spécifié qu’une partie de leur fonction était

351 Voir par exemple ICC-02/05-01/09-139-tFRA, par. 33-35 ; ou encore, Chambre préliminaire I, Affaire Le Procureur c. Omar Hassan Ahmad Al-Bashir, Decision under article 87(7) of the Rome Statute on the non-compliance by South Africa with the request by the Court for the arrest and surrender of Omar Al-Bashir, 6 juillet 2017, ICC-02/05-01/09-302.

352 Chambre de première instance IX, Affaire Le Procureur c. Dominic Ongwen, Decision on the Defence Request to Order a Medical Examination of Dominic Ongwen, 16 décembre 2016, ICC-02/04-01/15-637-Red, par. 9.

353 Chambre de première instance II, Affaire le Procureur c. Mathieu Ngudjolo, Décision sur la Requête en indemnisation en application des dispositions de l’article 85(1) et (3) du Statut de Rome, 16 décembre 2015,

ICC-01/04-02/12-301, par. 43.

354 Chambre de première instance VII, Affaire le Procureur c. Bemba et al., Decision on Request to declare telephone intercepts inadmissible, 24 septembre 2015, ICC-01/05-01/13-1284, par. 18.

355 PANOUSSIS I., RICHE M., « Les incidences du droit international des droits de l’homme sur l’organisation de la procédure devant la CPI », in FERNANDEZ J., PACREAU X., UBÉDA-SAILLARD M. (dir.), Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Commentaire article par article, Paris, Pedone, 2e éd., Tome I, 2019, p. 323-342.

356 SADAT L., The International Criminal Court and the Transformation of International Law : Justice for the New Millenium, Leiden, Nijhoff, 2002, p. 923.

357 CETC, Chambre de première instance, Jugement du premier procès dans le cadre du Dossier no 002, 7 août 2014, Dossier no 002/19-09-2007/ECCC/TC, Doc no E313, par. 1069.

d’analyser les divers systèmes juridiques nationaux afin de déterminer s’il existait une tendance en faveur d’un principe juridique particulier359. C’est aussi ce que fait la Cour européenne des droits de l’homme en recherchant l’existence d’un consensus européen360. Ces principes généraux pourraient notamment servir à étoffer la liste non exhaustive des motifs d’exonération de la responsabilité pénale prévue à l’article 31 du Statut. La Cour va donc pouvoir observer l’ensemble des systèmes juridiques étatiques pour déterminer, dans certaines circonstances, si un principe général de droit peut combler une lacune du Statut. Dans l’affaire Ngudjolo, la Chambre de première instance II a opéré une telle étude pour définir le terme d’erreur judiciaire. Elle en arrive à la conclusion que de profondes divergences existent entre les principaux modèles juridiques361 rendant impossible la traduction d’un éventuel principe sur cette question au sein du système de la Cour. Hormis cet exemple, les juges analysent principalement leur système d’origine, et omettent d’intégrer dans leurs recherches les autres systèmes juridiques, conduisant à un chauvinisme légal regrettable362 qui risque d’éroger le principe de sécurité juridique et d’amoindrir la jurisprudence antérieure.

La possibilité du Precedent au sein de la Cour B.

125. Le 2e paragraphe de l’article 21 prévoit que les Chambres peuvent appliquer les jurisprudences antérieures de la Cour. Ce paragraphe envisage donc l’utilisation discrétionnaire du Precedent au sein de la Cour. Il résulte à nouveau d’un compromis entre la Common Law, qui lie les juges aux Precedent, et la Civil Law, au sein de laquelle l’affaire jugée ne lie en principe que les parties363. Bien que cette différence soit en réalité moindre364, la lettre de cet article permet de respecter le principe de légalité en suggérant explicitement au juge de créer un droit prévisible et cohérent365. D’ailleurs, la Chambre de

359 CIJ, Statut international du Sud-Ouest africain, Avis consultatif, Opinion individuelle du Juge McNair, 11 juillet 1950, CIJ Recueil 1950, par. 148 ; TPIY, Chambre d’appel, Affaire le Procureur c. Erdemovic, Opinion individuelle présentée conjointement par Madame le Juge McDonald et Monsieur le Juge Vohrah, 7 octobre 1997, IT-96-22-A, par. 57.

360 BURGORGUE-LARSEN L., « Le jeu ambigu du consensus européen dans la détermination de la marge d’appréciation. La vision critique de Françoise Tulkens », 6 septembre 2012, disponible sur

https://strasbourgobservers.com/2012/09/06/le-jeu-ambigu-du-consensus-europeen-dans-la-determination-de-la-marge-dappreciation-la-vision-critique-de-francoise-tulkens/.

361ICC-01/04-02/12-301, par. 44, ndbp no 73.

362 W.L. C., « International Criminal Law and Culture », in HELLER K. J., MEGRET F., NOUWEN S. MH., OHLIN J. D., ROBINSON D. (dir.), The Oxford Handbook of International Criminal Law, Oxford, New-York, OUP, 2020, p. 758-760.

363 DeGUZMAN M., op. cit., p. 945.

364 SADAT L., op. cit., p. 179.

365 CASSESE A., « The Statute of the International Criminal Court : Some Preliminary Reflections », EJIL, Vol. 10, no 1, 1999, p. 164 ; PELLET A., « Chapitre 25. Applicable Law », in Antonio CASSESE, GAETA P.,

première instance III précise que « lorsqu’il y a lieu et dans un souci de rapidité, d’économie et des procédures et de sécurité juridique, il est souhaite de suivre la jurisprudence de la Cour, et en particulier les conclusions de la Chambre d’appel »366. En pratique, les juges font régulièrement référence aux principes établis par d’autres Chambres de la Cour, comme pour la participation des victimes, ou la définition des crimes. Dès lors, les interactions entre Chambres contribuent à la vie de ce réseau juridique367. Toutefois, il est arrivé à plusieurs occasions que les Chambres adoptent une décision différente par rapport à d’autres chambres.

126. Cela peut être illustré par la divergence jurisprudentielle relative à la préparation des victimes368. Dans l’affaire Lubanga, les juges avaient rejeté le protocole de familiarisation des victimes proposé par l’Accusation369. Cette dernière souhaitait pouvoir présenter aux témoins, avant leur témoignage devant la Chambre, les preuves qui y seraient discutées. Les Juges avaient considéré que cette pratique n’était pas envisageable à la Cour pour diverses raisons, notamment le frein à la manifestation de la vérité370. En effet, ce récolement des faits et des preuves antérieur à l’audience peut empêcher le témoin de paraître sincère aux yeux des juges. Cela peut ainsi avoir une incidence sur l’appréciation du témoignage en question. L’inverse fut jugé par les juges de la Chambre V dans les affaires Kenyatta et Ruto & Sang371. Ce changement de jurisprudence s’explique par la divergence sur cette question entre les systèmes nationaux et par rapport aux TPI372. Il convient toutefois de remarquer qu’il est fort probable que la Chambre V ait été

JONES J. R.W.D. (dir.), The Rome Statute of the International Criminal Court, A Commentary, Oxford, OUP, Vol. 2, p. 1066.

366 ICC-01/05-01/08-3343-tFRA, par. 74.

367 TARISSAN F., NOLLEZ-GOLDBACH R., « Analysing the first case of the International Criminal Court from a network-science perspective », Journal of Complex Network, Vol. 4, n°4, 2016, p. 616-634. Les auteurs utilisent la théorie des graphes pour modéliser le réseau juridique qui découle de l’affaire Lubanga, en particulier la référence à d’autres décisions. Cette approche informatique et mathématique démontre le caractère en réseau d’une affaire, soulignant l’apposition de ce qualificatif pour la Cour.

368 Les chambres font une différence entre « witness familiarisation » et « witness preparation ». Alors que la familiarisation est effectuée par le Greffe pour familiariser le témoin à la Cour, la préparation serait effectuée par la partie qui souhaite son témoignage. En l’espèce, il était bien question de préparation par le bureau du Procureur. Voir les développements sur ce point dans la section 2 du chapitre 1 du titre 2 de la partie 2.