Chapitre 2 - Stratégie de construction sur surface : post-fonctionnalisation par couplage de
2.3 Couplage de Sonogashira sur une monocouche iodée
La plateforme monocouche iodée est préparée à partir d’une monocouche nitrobenzène
déposée à la surface d’une électrode de carbone vitreux par réduction électrochimique du
4-nitrobenzènediazonium tetrafluoroborate en présence de la 2,2-diphényl-1-picrylhydrazyle (DPPH)
utilisé comme médiateur redox. Les groupes nitrobenzène de surface sont ensuite transformés en
iodobenzène par réduction électrochimique du nitro en amine, suivie d’une réaction de Sandmeyer.
La surface S0-8 recouverte d’une monocouche d’unités iodophényle est alors engagée dans une
réaction de couplage de Sonogashira avec l’éthynylferrocène. Les différentes étapes de modifications
sont décrites à la Figure 26 et présentées en détail dans les paragraphes suivants.
191 Y. R. Leroux, P. Hapiot, Chem. Mater. 2013, 25, 489–495.
Figure 26: Préparation et post-fonctionnalisation de la plateforme monocouche iodée S0-8.
2.3.1 Préparation de la monocouche iodée
Étape 1 : Modification d’une électrode de carbone par réduction du sel de 4-nitrobenzènediazonium
en présence de DPPH
Dans un premier temps, un greffage par voltampérométrie cyclique du sel de
4-nitrobenzènediazonium 14 (commercial) est réalisé en effectuant 2 balayages successifs du potentiel
entre 0,3 V et - 0,75 V (vs Fc
+/Fc) en présence de la DPPH. Dans cette procédure, la DPPH est utilisée
comme médiateur redox afin d’obtenir une monocouche de 4-nitrophényle, correspondant à la
surface modifiée S0-6 (Figure 27).
Figure 27: Voltampérogrammes cycliques d’une solution d’acétonitrile contenant 1 mM de 4-nitrobenzènediazonium 14 + 0,1 M nBu4NPF6 enregistré à v = 50 mV/s sur une électrode de carbone vitreux en présence de 2mM de DPPH. 1er cycle (courbe noire), 2nd cycle (courbe rouge). La courbe en gris montre le voltampérogramme cyclique obtenu à 100 mV/s sur
Les voltampérogrammes cycliques superposés correspondent aux deux cycles du greffage et à
la réponse de la DPPH seule en solution. La DPPH présente deux systèmes réversibles localisées à
– 0,12 V et 0,4 V (vs Fc
+/Fc). Ainsi, au cours de l’électrogreffage du sel de 4-nitrobenzènediazonium, les
radicaux aryles produits dans la couche de diffusion par réduction du sel de diazonium sont en partie
consommés par une réaction de couplage avec la forme réduite de la DPPH. Cette diminution de la
concentration en radicaux aryles au voisinage de l’électrode, limite l’attaque radicalaire de la surface
de carbone. Par ailleurs, la présence d’un substituant nitro fortement électroattracteur en position
para du sel de diazonium empêche l’attaque électrophile du sel de diazonium sur les premières
molécules greffées en surface. L’ensemble de ces deux processus limite la modification de surface au
dépôt d’une monocouche d’unités nitrobenzène.
Electroréduction des groupes nitro en amine (étape 2) et réaction de Sandmeyer sur surface
(étape 3)
La monocouche de nitrophényle est ensuite réduite électrochimiquement en
4-aminophényle pour mener à la surface S0-7. Cette étape de réduction est réalisée en effectuant 2
balayages successifs entre 0 et -1 V (vs Ag/AgCl) dans H
2SO
40,1 M (Figure 28).
Figure 28: Voltampérogrammes cycliques enregistrés à v = 50 mV/s dans H2SO4 0,1 M. 1er cycle (courbe noire), 2nd cycle (courbe rouge), dernier balayage aller du potentiel (courbe grise).
Au cours de la réduction de S0-6 en S0-7, une vague cathodique irréversible localisée à - 0,55 V
(vs Ag/AgCl) est obtenue au premier balayage du potentiel. Au cours des cycles suivants, la diminution
progressive de l’intensité du courant de réduction correspond à la réduction des groupements nitro
en amine.
Une troisième étape consiste à halogéner les fonctions amines primaires aromatiques pour
permettre le couplage de Sonogashira.
193Pour cela, l’électrode S0-7 est insérée dans un schlenk
contenant de l’acide para-toluènesulfonique (p-TsOH, 0,3 mmol) dans 1 mL d’acétonitrile, puis le
mélange est refroidi à 0 °C. Un ajout de nitrite de sodium (NaNO
2, 0,2 mmol) préalablement solubilisé
dans 1 mL d’eau est ensuite effectué afin de générer le sel de diazonium sur la surface. Enfin, un ajout
d’iodure de potassium est réalisé (KI, 0,25 mmol) pour permettre l’halogénation, suivi d’une agitation
de 15 minutes et d’un retour à température ambiante. Comme précédemment, l’électrode est
finalement rincée, lavée 5 minutes aux ultrasons dans l’eau, puis dans de l’acétonitrile, avant d’être
séchée 30 minutes à l’étuve à 70 °C.
2.3.2 Caractérisation de la monocouche iodée par XPS et AFM
Les surfaces de carbone obtenues aux différentes étapes de la préparation de la surface iodée
ont été étudiées par XPS. Des analyses de l’azote (niveau de cœur N 1s) et de l’iode (niveau de cœur I
3d) confirment le greffage, la réduction et l’halogénation des surfaces carbonées (Figure 29).
Figure 29: Spectres XPS N 1s et I 3d des surfaces de carbone vitreux modifiées (les spectres XPS et les structures chimiques des surfaces correspondantes sont identifiés par couleur).
Comparé au spectre XPS du carbone non modifié, le spectre XPS de l’azote montre, après
réduction du sel de 4-nitrobenzènediazonium, un pic intense de photoélectrons à 406 eV
correspondant aux groupes nitro, accompagné d’un signal augmenté à 399,5 eV qui peut être attribué
aux ponts azoïques de surface produits par attaque électrophile du sel de diazonium sur la surface de
carbone. Un épaulement visible vers 401,5 eV est dû à des traces d’ammonium provenant du sel de
fond. Après réduction électrochimique des groupes nitro en amine, la contribution azotée aux plus
hautes énergies de liaisons a pratiquement disparu, au profit d’une augmentation de la contribution à
399,5 eV, démontrant l’efficacité de la conversion électrochimique. Il est important de noter que dans
le cas de multicouches obtenues par réduction du sel de 4-nitrobenzènediazonium, Daniel Bélanger a
rapporté que la réduction électrochimique des nitro en amine était incomplète,
194en raison d’une
mauvaise accessibilité des groupes nitro au sein de la multicouche aux ions de l’électrolyte. Dans notre
cas, la conversion quasi complète des groupes nitro en amine est cohérente avec le dépôt sur la surface
du carbone d’une monocouche d’unités nitrobenzène. Suite à la transformation des fonctions amine
primaire de surface en unités iodobenzène par réaction de Sandmeyer, le spectre XPS montre
l’apparition d’un pic de photoélectrons I 3d à 621 eV, confirmant ainsi l’étape d’halogénation.
Après avoir éliminé localement une partie de la couche organique déposée avec la pointe d’un
AFM en mode contact, une image AFM du creux formé permet de déterminer l’épaisseur de la couche.
Par cette procédure, l’épaisseur de la couche iodée est estimée à 0,9 nm ± 0,12 nm (Figure 30). Cette
valeur est proche des dimensions d’un motif iodobenzène, en accord avec le dépôt d’une monocouche
(l’épaisseur théorique d’une monocouche iodée est de l’ordre de 0,6 nm et la rugosité du PPF est de
0,3 nm). Par ailleurs, la couche organique est relativement homogène à la vue du contraste observé
par AFM, ce qui démontre que les différents traitements chimiques n’ont pas altéré l’intégrité de la
monocouche nitrobenzène de départ.
Figure 30: Détermination de l'épaisseur de la couche organique S0-8 par AFM.
2.3.3 Couplage de Sonogashira de l’éthynylferrocène sur la monocouche iodée
Après couplage de Sonogashira réalisé en utilisant le même protocole que précédemment
(Figure 26) avec l’éthynylferrocène comme sonde redox (Figure 31 A), la surface de carbone modifiée
S1-C a été examinée par XPS (Figure 31 B) et par voltampérométrie cyclique dans une solution
contenant uniquement un électrolyte support (Figure 31 C).
Figure 31: A) Couplage de Sonogashira sur monocouche iodée avec l’éthynylferrocène. B) Spectre XPS Fe 2p de la surface de carbone vitreux S1-C. C) Voltampérogrammes cycliques enregistrés dans l’acétonitrile + 0,1 M nBu4NPF6 à v = 100 mV/s avec
la surface S1-C (courbe en noire), comparé à la réponse d’une électrode native (courbe grise).