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Conversions des protestants au catholicisme

La composante religieuse

I.3 Unité de religion : Interdiction du protestantisme

I.3.2 Conversions des protestants au catholicisme

L’interdiction du protestantisme dans les colonies n’est pourtant pas toujours aussi stricte qu’elle apparaît dans les ordonnances royales. Les colonies sont parfois utilisées pour ôter de la métropole des éléments perturbateurs ou dé-rangeants. Ainsi, en 1688, plusieurs protestants sont envoyés en Martinique dans le but de les éloigner du royaume et de les engager à se convertir au ca-tholicisme. Les colonies sont utilisées ici comme des lieux de purification : les protestants y sont envoyés pour y apprendre, au contact de religieux, la

173 Mémoire à l’attention de la Compagnie d’Occident sur la Louisiane, 1716, FR ANOM COL C13A 4 p. 933.

174 Que nous verrons au chapitre II.

vraie foi, à l’instar des tribus amérindiennes converties par les missionnaires.

Ce n’est qu’après avoir abjuré leur foi et s’être convertis au catholicisme que les protestants obtiennent le droit de revenir en France comme le prouve une lettre du ministère de la Marine aux autorités de la Martinique :

« Le Supérieur des Jacobins a la Martinique m’a donné advis que quelques uns des Religionnaires que le Roy a envoyé en cette isle y ont fait abjuration et paroissent estre convertis de bonne foy surquoy je suis bienaise de vous dire que sa Majesté ayant resolu de faire repasser en France ceux qui continueront a bien faire leur devoir, Il est à propos que vous me fassiez sçavoir leur noms afin que je puisse vous envoyer les ordres nécessaires pour les faire revenir. »175

Cette lettre démontre la vision de pureté attachée aux colonies de l’Empire français. Il s’agit, ainsi que nous le verrons avec les tribus amérindiennes, de lieux vierges, où la foi catholique doit être apportée aux populations encore ignorantes afin de les instruire et de les faire entrer dans l’Église catholique.

Cette mission d’évangélisation est présente dans les textes de toutes les lettres patentes constitutives de nouvelles colonies, mais également, dans le cas de la Martinique, à l’égard des protestants. Ces « récalcitrants » à la foi catholique sont envoyés loin de la métropole afin d’être « purifiés », conver-tis. Ensuite seulement, après avoir abjuré leur foi et en avoir embrassé une nouvelle, ils obtiennent le droit de revenir en France. Or, cette loi s’applique également aux Amérindiens qui, eux, obtiennent la nationalité française ainsi que tous les droits qui en découlent, dont celui de se rendre en France métro-politaine, après s’être convertis au christianisme :

« Ordonnons que les descendants des françois qui s’habituerons audit païs, ensemble les Sauvages qui serons amenés à la cognoissance de la foy, et en feront profession, soient désormais sensés et réputés pour naturels françois, et comme tels puissent venir habiter en France quand bon leur semblera, et y acquérir, tester, succéder, accepter donations

175 Au Sieur Dumaitz, 7 janvier 1688, FR ANOM COL B 14 F°13.

et legs tout ainsi que les sujets regnicoles et originaires françois sans estre tenus de prendre aucune lettre de declaration ny de naturalité. »176 La conversion de ces protestants au catholicisme est prise très au sérieux par le pouvoir métropolitain. Ces nouveaux catholiques sont étroitement sur-veillés depuis leur arrivée dans la colonie afin de s’assurer du sérieux de leur conversion. Une lettre du ministère de la Marine datée de 1689, soit une an-née après l’arrivée des protestants à convertir en Martinique, démontre l’im-portance de l’enjeu puisqu’ils sont à la fois le sujet d’un mémoire et d’instruc-tions royales aux représentants du roi :

« Je vous envoye la copie d’un mémoire qui a esté donné au Roy sur la conduite des nouveaux convertis qui sont aux Isles de l’Amérique. Il seroit fascheux que les choses fussent en aussy mauvais estat qui est marqué dans ce mémoire et j’ay peine a le croire. Cependant il est ne-cessaire que vous me fassiez sçavoir ce qui en est et que vous fassiez en sorte d’engager ces nouveaux convertis a mieux faire leur devoir et surtout a envoyer leurs enfants aux instructions. »177

À la même époque, cette politique de conversion est utilisée dans plusieurs colonies en même temps comme le démontrent différentes lettres émanant du ministère de la Marine178adressées à Saint-Domingue ainsi qu’en Guade-loupe179et portant sur le même sujet.

La correspondance entre Versailles et les colonies démontre cependant que cette politique de conversion des protestants, bien que désirée par le gou-vernement, peine à être mise en application. En effet, certains protestants se révèlent peu enclins à changer de religion :

«[…] il y [les protestants] en auroit beaucoup moins si on avoit pu les persuader de se soumettre aux ordres de S. M. mais ils se font malheu-reusement un merite de leur obstination ce qui fait qu’ils se derobent

176 Édit du roi pour l’établissement de la compagnie de la Nouvelle-France du mois de mai 1628, mai 1628, art. 17, FR ANOM COL A 21 F°50. Nous verrons les implications de cette loi aux points I.3.5 et IV.4.

177 A Mr Dumaitz de Goimpy, 7 octobre 1689, FR ANOM COL B 14 F°52v.

178 A Mr Ducasse, 27 août 1692, FR ANOM COL B 14 F°399.

179 Pierre Hinselin, gouverneur, 26 février 1687, FR ANOM COL C7A 3 F°139 etPierre Hinselin, 13 avril 1687, FR ANOM COL C7A 3 F°143.

aux exhortations que les R. p. Jesuites leur font soit qu’ils soient preve-nus de l’opinion qu’une conversion forcee leur seroit moins honteuse, soit qu’en effet cet ouvrage soit réservé à l’autorité du Roy qui seul les peut mettre dans la voie du salut. »180