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Une conversion enzymatique est né- né-cessaire à l'absorption du POD

Rôle des phosphatases

L'absorption du phosphore sous forme de POD ne se fait pas directement, ainsi que cela a été évoqué dans la figure 13 du cha-pitre 1. Le POD est en fait converti en PID par voie enzymatique, avant d'être absorbé sous cette forme35 (par les transporteurs de

35 Parler "d'absorption du POD" est donc un abus de langage, qui sera néanmoins conservé par en-droits pour ne pas alourdir inutilement le manus-crit ; le terme exact étant "utilisation ", ou "recy-clage" du phosphore contenu dans le POD.

phosphate présentés dans le chapitre pré-cédent). Ce recyclage du phosphore consti-tutif du POD implique des enzymes appe-lées phosphatases. Ces phosphatases appar-tiennent à une large famille d'enzymes qui catalysent l'hydrolyse de molécules orga-niques phosphorées (esters de phosphate) en un ion phosphate (PID) et une molécule organique portant un groupement hy-droxyle (appelée alcool en chimie orga-nique), comme présenté sur la figure 19 et la figure 20. Ces enzymes sont retrouvées dans l'ensemble du vivant, aussi bien dans les bactéries que les plantes et les animaux. Les coraux et leurs zooxanthelles ne font pas exception.

Existence de phosphatases alcalines et acides

Comme toutes les enzymes, les différentes phosphatases présentent un pH optimal, auquel leur activité est maximale. Si ce pH est supérieur à 7, on parle de phosphatases alcalines (PA), sinon de phosphatases acides (PAc). Spécificité de substrat, mé-canismes catalytiques et voies d'inhibition diffèrent entre les phosphatases alcalines et acides (Neumann, 1968; Fernley, 1971; Hollander, 1971).

Chez les zooxanthelles, les deux types d'activités enzymatiques sont présentes (respectivement nommées APA et APAc pour l'activité des phosphatases alcalines et acides; Jackson et al., 1989; Annis et Cook, 2002). Chez l'hôte, seule une activi-té acide a éactivi-té rapporactivi-tée (Hayes et Goreau, 1977; Domart-Coulon et al., 2001).

Localisation des phosphatases

Les phosphatases sont généralement asso-ciées à la périphérie des cellules (enzymes

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membranaires ou proches de la membrane; Kuenzler et Perras, 1965; Møller et al., 1975; Doonan et Jensen, 1980). Néan-moins, certaines phosphatases sont plutôt intracellulaires ou vésiculaires, et jouent un rôle dans la régénération des ressources internes de DOP de la vacuole ou du dic-tyosome (Cooper et al., 1974; Swanson et Floyd, 1979; Barlow et Triemer, 1986). De manière générale, et comme c'est le cas pour la majorité des enzymes, le pH opti-mal des phosphatases reflète le pH du mi-lieu dans lequel elles fonctionnent. Ainsi, l'APAc est plutôt associée aux phospha-tases intracellulaires, tandis que l'APA est plutôt associée aux phosphatases

ex-tracellulaires en milieu marin.

Chez les zooxanthelles, une activité phos-phatase extracellulaire (Annis et Cook, 2002), acide et alcaline, et une activité in-tracellulaire (Jackson et al., 1989), acide, ont été rapportées et étudiées. Chez l'hôte corallien, une activité phosphatase intracel-lulaire, acide, a parfois été rapportée, mais elle n'a jamais été caractérisée plus avant (Hayes et Goreau, 1977; Domart-Coulon et

al., 2001).

Durant cette thèse, les coraux utilisés lors des expériences étaient entiers et les zooxanthelles intactes. Or, l'activité des phosphatases intracellulaires n'étant obser-vable qu'après lyse des cellules, seule

l'ac-Figure 20 | Activité des phosphatases

Les phosphatases présentent souvent une spécificité de substrat large, c.à.d. qu'elles sont capables d'hydrolyser un grand nombre d'esters de phosphate différents. Cela est dû au fait que la reconnais-sance du substrat se fait principalement au niveau du résidu phosphate, et non de l'ester.

L'exemple illustré sur cette figure présente le test colorimétrique permettant de doser l'activité de la phosphatase alcaline (APA). En (1), le produit de synthèse pNPP ajouté dans l'eau lors des expé-riences, est hydrolysé par la phosphatase des coraux ou de leurs zooxanthelles, ce qui libère une molé-cule de PID et un alcool ; puis, en (2), donne un produit coloré en jaune (figure 19), le pNP, après al-calinisation avec de la soude (source des ions OH-) d'un échantillon d'eau prélevé. La couleur jaune est dosée en spectrophotométrie, à une longueur d'onde de 400 nm (Kuenzler et Perras, 1965).

141 tivité des phosphatases extracellulaires a

pu être observée et analysée. De plus, les expériences ayant été menées en eau de mer (pH alcalin), c'est donc l'APA et non l'APAc qui a été étudiée.

2 Problématiques scientifiques et objectifs de l'étude

Dans ce contexte, l'objectif des travaux présentés dans ce chapitre a été de déter-miner quelles sont les conditions d'utilisa-tion du POD par les coraux, et dans quelle mesure l'absorption du phosphore contenu dans le POD peut compenser l'absence des deux autres formes de phosphore, le PID et le POP. Les rôles respectifs de l'hôte et des symbiotes dans l'APA ont tout d'abord été examinés, puis l'effet de divers facteurs environnementaux a été caractérisé. Les paramètres suivant ont été testés : lumière, présence/absence de symbiotes, et nutrition hétérotrophe. Enfin, cette étude a été com-plétée par un bilan chiffré des apports de phosphore pour la symbiose à des concen-trations environnementales de PID, de POD et de POP. Ce bilan est présenté dans l'article 4, et sera discuté dans le chapitre 7. Ces travaux se basent sur les hypothèses suivantes.1) Les symbiotes et l'hôte pré-sentent probablement des besoins en POD différents, et donc une affinité différente pour ce substrat. De plus, 2) l'hypothèse que l'APA diffère selon le clade des zooxanthelles a été testée. Concernant l'ef-fet des paramètres environnementaux, on s'attend à ce que, 3) l'augmentation de la photosynthèse avec la lumière entraîne une augmentation de l'APA, similairement a ce qui a été observé pour le PID. Il est égale-ment attendu que 4) l'absence de

zooxan-thelles chez des coraux blanchis (égale-ment nommés aposymbiotiques, c.à.d. des coraux ayant perdu leurs zooxanthelles symbiotiques), qui présentent par ailleurs une très faible absorption de PID, entraîne une augmentation de l'APA pour compen-ser le manque de PID. Enfin, 5) l'absence de nutrition hétérotrophe de l'hôte suppri-mant les apports de POP, l'APA devrait également augmenter en l'absence de nour-riture.

Les paragraphes qui suivent résument les principaux résultats issus de la mise en œuvre de ces objectifs et hypothèses. Ces résultats ont fait l'objet d'un article soumis pour publication à une revue à comité de lecture international (article 4), au sein duquel ils sont discutés en détail. La tech-nique employée pour doser l'activité de la phosphatase alcaline est illustrée sur la figure 19 et détaillée sur la figure 20.

3 Absorption du phosphore organique dissous

Comparaison des coraux entiers et des

zooxanthelles fraîchement isolées

Les résultats obtenus durant cette thèse ont montré que l'APA extracellulaire est détec-table même à de très faibles concentrations de pNPP. À 0,05 et 0,50 µmol L-1 de pNPP, l'APA mesurée pour l'hôte est de 0,8 ± 0,1 et 4,1 ± 0,4 nmol mg prot-1 h-1. L'étude cinétique, réalisée pour des con-centrations de pNPP allant de 0,05 à 5000 µmol L-1, a montré que l'APA est dépen-dante de la concentration en POD dans l'eau pour les zooxanthelles isolées et pour les cellules animales, avec une cinétique de type Michaelis-Menten (article 4, figure 5). Cela n'avait jamais été démontré

aupara-142

vant, ni pour les zooxanthelles, ni pour l'hôte, bien que le même type de cinétique existe pour les APA et APAc intracellu-laires des zooxanthelles (Jackson et al., 1989).

La comparaison des paramètres cinétiques obtenus a démontré que les zooxanthelles présentent une affinité bien plus forte pour le POD que l'hôte, avec une constante36 Km

22 fois plus faible que l'hôte (7,6 ± 1,5 µmol L-1 contre 170,0 ± 26,2 µmol L-1). De plus, l'APA mesurée pour les zooxanthelles dans l'ensemble des expériences réalisées a généralement été plus élevée que l'APA de l'hôte (article 4, figures 2, 3 et 5). Si l'on suppose que les zooxanthelles fraîchement isolées présentent le même Km que les zooxanthelles en symbiose, ces résultats montrent que les zooxanthelles semblent relativement bien adaptées pour une ab-sorption efficace du POD issu du métabo-lisme de l'hôte, et tendraient à indiquer qu'elles sont généralement confrontées à une concentration micromolaire de POD au sein de la vacuole périsymbiotique. Au contraire, le Km relativement fort de l'hôte indique que les phosphatases alcalines de l'hôte ne sont pas à leur optimum aux faibles concentrations de POD présentes dans l'eau de mer.

Rôles respectifs de l'hôte et des