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1.1 Contexte général

1.1.2 Contrôle de la pollution atmosphérique et définition de charges critiques

1.1.2.1 Tendances des émissions et dépôts de soufre et d’azote avant et après la mise en place des

accords pour contrôler la pollution atmosphérique

Entre 1930 et 1965 les émissions mondiales de soufre et d’azote d’origine anthropique ont dépassé les émissions provenant des processus naturels (Fig. 1-1b ; Galloway, 2001). L’augmentation des émissions et des dépôts de SOx, NOx et NH3 identifiée par R.A. Smith en

Angleterre au 19ème siècle, apparaît comme un problème écologique à la fin des années 1960 et début des années 1970 (Driscoll et al., 2001). C’est ainsi que la pollution atmosphérique est devenue une préoccupation mondiale et demeure un problème d’actualité. La forte augmentation des émissions de soufre et d’azote et la démonstration de leurs conséquences nocives sur l’environnement et la santé humaine poussent les politiques à signer le « Clean Air Act Amendments » (CAAA) en 1970 aux États Unis ainsi que l’Accord International sur la Pollution Atmosphérique Transfrontière à Longue Distance (CLRTAP) en 1979 à Genève. Ce dernier fut ensuite complété par le Protocole de Göteborg en 1999 visant à réduire l’acidification, l’eutrophisation et l’ozone troposphérique. Ces accords ont été ratifiés pour contrôler et réduire la pollution de l’air en agissant sur les sources des émissions. À partir des années 1990, les mesures mises en place semblent démontrer leur efficacité avec l’amorce d’une baisse des dépôts. Une diminution d’environ 60% et 38% (par rapport aux teneurs maximales) des dépôts de soufre et d’azote est actuellement constatée en Europe (EMEP, 2011). Malgré cette baisse, l’évolution des dépôts azotés apparaît encore instable, présentant même une tendance à la hausse d’après certaines prédictions (Galloway et al., 2004; Dentener

et al., 2006a).

En France, l’évolution des émissions de gaz polluants a été étudiée au cours de la période 1960-2010 (Ulrich et al., 1993; CITEPA, 2012). Avant 1950, de faibles émissions de composés acides ont été reportés (Dambrine et al., 1995). A l’instar de ce qui a été observé à l’échelle mondiale, les pollutions atmosphériques se sont intensifiées à partir de 1950. D’après le rapport du Centre Interprofessionnel Technique d’Études de la Pollution Atmosphérique (CITEPA) sur les inventaires d’émissions des substances polluantes dans l’atmosphère, les évolutions des émissions entre 1980 et 2010 sont dans une phase de décroissance caractérisée

par une réduction (i) très forte de SOx (92%), (ii) importante de NOx (44%), et (iii) significative

de NH3 (10%). Par rapport aux objectifs fixés dans les divers accords et directives, la France a

montré que ses objectifs de réduction d’émissions ont été atteints en 2010, sauf pour le NOx

(CITEPA, 2012). En ce qui concerne les dépôts atmosphériques de soufre et d’azote, leurs pics ont été atteints au cours des années 1970 et 1980, respectivement (Fig. 1-2). L’évolution de ces dépôts a suivi la tendance européenne montrant une réduction de leurs niveaux à partir des années 1980 et 1990 d’à peu près 70% et 21% pour le soufre et l’azote, respectivement, en 2010 (EMEP, 2011). Si les dépôts de soufre ont diminué fortement, retournant aux niveaux des dépôts du début du 20ème siècle, ceux d’azote restent encore élevés (Fig. 1-2).

Figure 1-2 Évolution des dépôts (a) de soufre et (b) d’azote (réduit et oxydé) en France au cours du 20ème siècle et début du 21ème siècle. En rouge, les tendances des dépôts à la hausse

atteignent leurs pics au cours des années 1970 et 1980, respectivement, pour le soufre et l’azote. En bleu, les tendances des dépôts à la baisse à partir des années 1980 et 1990, respectivement, pour le soufre et l’azote. Source de données: European Monitoring and Evaluation Programme (données issues de la modélisation, EMEP, 2011).

Dé p ô t du s o u fr e ( mg S m -2an -1) Dé p ô t d ’a zo te ( mg N m -2an -1) Année (a) (b)

1.1.2.2 La définition des charges critiques des écosystèmes : une approche pour contrôler la pollution

Les charges critiques représentent un concept trouvant son origine en Scandinavie en 1986 lors d’une réunion du Conseil Nordique et qui a aidé les gouvernements européens à faire des progrès vers la réduction des entrées de soufre et d’azote dans des écosystèmes sensibles (Bobbink et al., 2010). Les charges critiques ou seuils d’effets sont définis comme une estimation quantitative d’une exposition à un ou plusieurs polluants sous laquelle ne se produisent pas d’effets nocifs sur des éléments sensibles de l’environnement (Nilsson et Grennfelt, 1988). La préoccupation concernant les effets à long terme des dépôts élevés d’azote sur la santé humaine, celle des forêts, la qualité de l’eau, ainsi que le besoin d’une appréciation scientifique des niveaux de pollution tolérables pour les êtres humains et les écosystèmes ont conduit à la signature d’un protocole entre les États-Unis et la Communauté Européenne. Le but de ce protocole est de compléter les conventions pour la réduction des émissions atmosphériques déjà existantes et d’établir les charges critiques de soufre et d’azote tolérées par les écosystèmes sensibles (http://www.unece.org). C’est ainsi que le concept de charge critique a été adopté dans le cadre des activités de recherche des pays qui ont signé et ratifié la Convention de Genève (Galsomies et Probst, 2006).

Bien qu’il existe des limites méthodologiques et des incertitudes scientifiques dans les méthodes utilisées pour calculer les charges critiques empiriques, le dépassement de ces valeurs est clairement lié à la vulnérabilité des écosystèmes et des organismes vivants les composant partout dans le monde ainsi qu’à la diminution de la richesse en espèces végétales dans plusieurs écosystèmes (Bouwman et al., 2002; Dentener et al., 2006a; Bobbink et al., 2010). Jusqu’à la fin des années 1990, malgré la réduction des dépôts atmosphériques, les charges critiques en soufre et azote étaient toujours dépassées (Blake et al., 1999). En France, les charges critiques actuelles modélisées de soufre et d’azote en forêt varient avec la qualité des sols : de moins de 200 à plus de 1500 eq ha-1 an-1 (c.-à-d. de moins de 2.8 à plus de 21 kg ha-1

an-1). Les régions des Landes, des Vosges, des Alpes ainsi que quelques zones du Massif

Central ont été signalées comme les plus sensibles à l’acidification et à l’eutrophisation (Fig. 1-

3a, b; Probst et Leguédois, 2008). La quasi totalité du territoire, sauf les régions de Bretagne et

du Nord-Pas-de-Calais, n’excède pas le niveau de la charge critique pour le soufre (Fig. 1-3c). A l’inverse seules certaines zones au sud-ouest de la France et la vallée de la Rhône ont été signalées sans dépassement de la charge critique pour l’azote (Fig. 1-3d) (données issues de la modélisation, Hettelingh et al., 2008).

Figure 1-3 Cartes des charges critiques (a) du souffre et (b) d’azote issues de la modélisation à l’échelle du territoire français métropolitain (tiré de Probst et Leguédois, 2008). L’encadré en haut montre les zones à risque (c) sur le plan de l’acidification dues aux dépassements des charges critiques pour le soufre, et (d) sur le plan de l’eutrophisation dues aux dépassements des charges critiques pour l’azote, en fonction des dépôts modélisés pour l’année 2010 (tiré de Hettelingh et al., 2008).

1.2 Effets de la pollution atmosphérique d’origine anthropique sur les sols et