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CHAPITRE 2 : LA RECENSION DES ÉCRITS

2.1 LA COLLABORATION

2.1.2 Andragogie et apprentissage collaboratif

2.1.2.2 Continuum coopération / collaboration

Dans notre recherche, nous avons choisi d’utiliser le terme collaboration et l’épithète correspondant «collaboratif» pour désigner l’apprentissage coopératif en contexte

andra-gogique avec des apprenants adultes. Les paragraphes qui suivent explicitent la réflexion qui a mené à cette décision.

Étymologie. De façon générale les auteurs n’établissent pas de distinction entre les termes

«collaboration» et «coopération» et ils emploient indifféremment l’un pour l’autre, sui-vant en cela l’usage courant et les dictionnaires qui donnent les deux termes comme sy-nonymes. Daniel (1996) utilise l’étymologie du premier pour caractériser le second.

«Collaboration» renvoie au latin cum, «avec» et laborare, «travailler» ou collaborare, qui peut signifier «collaborer avec» ou «collaborer à». Cette étymologie nous situerait sur la voie conduisant aux éléments fondamentaux de la coopération et à sa dimension mo-rale qui se manifeste en reléguant au second plan les résultats académiques à atteindre (travailler à) pour accorder la priorité aux jugements, aux attitudes et aux comportements à développer (travailler avec) : partager des buts communs ; interagir aux plans personnel et social ; rechercher l’égalité entre les membres du groupe ; communiquer ; s’ouvrir aux autres et être motivé intrinsèquement. Daniel prend position en affirmant que l’important n’est pas tant la tâche à réaliser que l’élaboration et la remise en question de buts com-muns et de stratégies pour les atteindre, chacun travaillant avec les autres selon ses talents particuliers.

Processus et tâche. La réflexion de Lewis (1996) renferme la même interrogation à pro-pos du processus et de la tâche. Même si les mots «coopération» et «collaboration» sont utilisés indistinctement pour décrire des personnes qui sont en interaction d’une façon ou d’une autre, si on veut réfléchir sur des outils et des environnements pour supporter de telles actions conjointes, il faut établir une distinction entre les deux termes. Une pre-mière clarification apparaît avec l’intention qui sous-tend l’action (intention of action).

D’une part, la coopération reposerait sur un groupe de personnes qui se supportent mu-tuellement dans la réalisation d’activités dirigées vers l’atteinte des objectifs de chaque individu impliqué. La collaboration, d’autre part, reposerait sur l’établissement d’une

48 signification et d’un langage communs relativement à la tâche qui conduit le groupe à se fixer un objectif commun.

Apprentissage coopératif et travail collaboratif assistés par ordinateur. En formation à distance et plus spécifiquement en communication médiatisée par ordinateur, deux cou-rants de recherche illustrent cette distinction. «L’apprentissage coopératif assisté par or-dinateur» (CSCL : Computer supported cooperative learning) réfère à la notion de coopé-ration dans le contexte où chaque membre du groupe a des objectifs individuels ou per-sonnels et que l’intention qui sous-tend l’action du groupe est l’apprentissage. «Le travail collaboratif assisté par ordinateur» (CSCW : Computer supported collaborative work) renvoie au travail collaboratif quand chaque membre du groupe partage les mêmes objec-tifs que les autres membres et que l’intention qui sous-tend l’action du groupe est le tra-vail. Ce que les deux groupes ont en commun c’est qu’un apprentissage se produit par l’intermédiaire de l’expérience que ce soit intentionnel ou non. Lewis (1996) en conclut que sur le plan purement cognitif, coopération et collaboration peuvent être presque iden-tiques mais aux plans intentionnel et contextuel, les processus semblent être différents.

Tâches et objectifs. Pour Imel (1997), la distinction entre les termes, selon les tâches à réaliser et les objectifs poursuivis, est importante pour former des groupes d’adultes parce que c’est la nature même de l’apprentissage à réaliser qui est en cause. Elle distingue trois types d’apprentissage en groupes : les groupes collaboratifs visent des savoirs39 (commu-nicative knowledge) ; les groupes coopératifs poursuivent des objectifs de savoir-faire (instrumental knowledge) ; les groupes transformatifs (transformative groups learning) recherchent le savoir-être (emancipatory knowledge). Dans ces deux derniers groupes, la distinction entre l’apprentissage individuel et l’apprentissage de groupe tend à se confon-dre. Selon Cranton (1996), l’apprentissage coopératif valorise la tâche à accomplir sous le

39 «Savoir, savoir-faire, savoir-être», traduction libre.

contrôle du formateur alors que les apprenants collaboratifs travaillent de concert à la construction du savoir en partageant l’environnement d’exploration créé par le formateur, et que les groupes transformatifs sont impliqués dans une réflexion critique, facilitée par le rôle du formateur, en vue de changements sur les plans personnel ou social.

Contrôle et autonomie. On retrouve cette notion de contrôle dans un document de travail réalisé au LICEF40 dans un contexte de formation continue à distance. Henri & Lundgren-Cayrol (1997) proposent une distinction fondée sur deux variables complémentaires : le degré d’autonomie de l’apprenant et le niveau de contrôle exercé par le formateur.

L’apprentissage coopératif serait surtout réservé aux jeunes apprenants dont l’autonomie cognitive n’est pas encore suffisamment développée et qui peuvent avoir besoin de plus de contrôle. L’apprentissage collaboratif serait surtout utilisé avec les adultes générale-ment plus autonomes et par conséquent, exigeant moins de contrôle de la part du forma-teur. Les approches coopérative et collaborative, qui découlent toutes deux de la même philosophie, seraient situées aux deux extrémités d’un continuum basé sur l’autonomie caractéristique des apprenants adultes, tout comme dans le continuum pédagogie / andra-gogie évoqué précédemment. Dans cette perspective, l’apprentissage coopératif est conçu comme une préparation à l’apprentissage collaboratif, le passage de la coopération à la collaboration devenant un exercice de croissance vers l’autonomie.

Henri & Lundgren-Cayrol (1997) précisent que coopération et collaboration diffèrent au plan du but partagé, de la tâche à accomplir et de l’interdépendance manifestée. La répar-tition des tâches pour atteindre le but caractérise la coopération alors que dans la collabo-ration, chaque individu est responsable personnellement du but à atteindre. Pour réaliser une tâche coopérative, chacun à l’intérieur du groupe, utilise des ressources spécifiques

40 Centre de recherche LICEF, Laboratoire en informatique cognitive et en environnements de formation, Télé-université.

50 pour accomplir la sous-tâche dont il est responsable. La tâche coopérative est donc diffé-rente pour chacun des apprenants qui ne réalise qu’une partie de la grande tâche impartie à tout le groupe dans une sorte de système pyramidal. Pour réaliser une tâche collabora-tive, chacun utilise l’ensemble des ressources, y compris le groupe, pour accomplir en entier la tâche qui est la même pour chacun. L’interdépendance coopérative est très forte étant donné que la contribution de tel apprenant n’a de sens qu’en fonction de la somme de toutes les contributions complémentaires, ce qui entraîne un état de dépendance réci-proque. L’interdépendance collaborative réfère plutôt à l’association entre les membres du groupe où chacun trouve un soutien.

Terminologie. Comme nous l’avons signalé, en français, l’épithète «collaboratif» ne fi-gure pas dans les dictionnaires et en anglais même si «collaborative learning» est abon-damment utilisé dans les écrits américains, l’expression n’apparaît pas dans le thésaurus de la banque de données bibliographique ERIC, lequel renvoie au descripteur «coopera-tive learning». Notons que si le terme n’est pas encore accepté par les linguistes, il s'im-pose de plus en plus dans la recherche au Québec et en conséquence dans les communica-tions à des colloques sur le sujet. Dans un souci d’uniformité pour la recherche en ce do-maine, nous souscrivons aux distinctions proposées par Henri & Lundgren-Cayrol (1997) et nous utiliserons dans le cadre de notre recherche l’expression «apprentissage collaboratif» pour désigner l’apprentissage coopératif dans un contexte andragogique avec des apprenants adultes. Le tableau I (page 52) se veut une synthèse de la réflexion conduisant du concept «coopération» au concept «collaboration».

Applications à notre recherche. À la lumière de ces distinctions, nous classons les appre-nants qui participent aux activités d’encadrement dans le processus de la collaboration : 1) chaque apprenant est responsable personnellement du but à atteindre (la réussite du cours Fin 6100) ; 2) chacun utilise l’ensemble des ressources, y compris le groupe, pour accomplir en entier cette tâche qui est la même pour chacun et qui consiste en une série d’activités d’apprentissage ; 3) l’interdépendance réfère à l’association libre entre les

membres du groupe où chacun peut trouver le soutien qu’il vient demander librement.

L’association libre est caractéristique des interactions collaboratives en encadrement.

Nous référant à Paquette (2000), nous parlons alors de collaboration consensuelle (il y a action simultanée et finalité choisie ; la situation est a-conclictuelle) par opposition 1) aux situations de collaborations obligées (où l’action est simultanée et la finalité imposée et qui peuvent être conflictuelles) ; 2) aux situations de collaborations distribuées (où l’action est séparée et la finalité choisie) et 3) aux situations de collaborations intégratives (où les actions sont séparées et la finalité imposée).