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Considérant que l’organisation participante possède une structure matricielle faible de projet, les résultats décrivant la gestion des activités routinières et, par la suite, la gestion de projet sont présentés. En outre, puisqu’il s’agit d’un aspect distinctif de cette recherche, les éléments discutés par les employés concernant leur double fonction sont également mis en lumière.

4.1.1 La gestion des activités routinières

Le premier élément retenu pour comprendre et décrire cette organisation publique est la gestion des activités routières. Pour ce faire, les caractéristiques suivantes sont abordées : les niveaux hiérarchiques et les instruments de gestion des ressources humaines relatifs à l’amélioration des compétences, à l’évaluation du rendement et à la dotation.

Au regard des différents documents administratifs tels que l’organigramme et les rapports annuels de gestion, la structure organisationnelle est divisée par services administratifs et dépendamment de ces derniers, six niveaux hiérarchiques séparent la plus haute instance, le conseil municipal (les élus), de la base, les employés. Selon

d’autres documents administratifs tels que le plan de développement individualisé et le processus de gestion de la performance et du développement des cadres, les dispositions administratives quant à la gestion des ressources humaines sont régies par les directions des services. Cependant, au quotidien, l’encadrement des subalternes peut être effectué par les cadres intermédiaires (chef de division, surintendant et superviseur en chef) et des cadres de premier niveau (superviseur, responsable et coordonnateur). Toutefois, les documents relatifs à l’amélioration des compétences des cadres et des employés mentionnent qu’il s’agit d’une responsabilité également attribuée à la personne elle-même.

Plus précisément, deux outils de gestion des ressources humaines liés à l’amélioration des compétences sont recensés : un pour les cadres et un second pour les employés. Il faut noter que, depuis 2017, les cadres s’impliquent dans un processus de gestion de la performance et du développement. Un document administratif indique que le processus de gestion de la performance et du développement des cadres « […] consiste à établir une communication constante avec l’employé pour s’assurer qu’il comprend très bien les résultats attendus de lui, le soutenir dans l’exercice de ses fonctions et l’aider à maintenir ou à améliorer sa performance » (p. 4). Les principes directeurs sont : la cohérence, la responsabilité partagée (rétroaction, soutien, encourager le développement des compétences dans une perspective d’amélioration continue), l’équité et l’adaptabilité (au contexte, aux besoins d’affaires et à la nature des responsabilités). Il stipule que « [l]e développement des compétences de gestion favorise l’atteinte des objectifs de

performance et le cheminement de carrière, ainsi, il rejoint les besoins individuels et organisationnels » (p. 7). Par ailleurs, dans le cadre d’une enquête pilotée par le service des ressources humaines en 2018 concernant la compréhension, l’utilisation et les pistes d’amélioration possibles du programme de développement des compétences pour les cadres actuellement déployé, différentes pistes de réflexion sont identifiées. À la suite d’une analyse sommaire des résultats de cette enquête, en matière de développement des compétences, les cadres semblent éprouver des difficultés à trouver une cohérence entre leur évaluation des compétences, leur plan de développement élaboré et les formations suivies. En plus des activités de formation qui impliquent l’apprentissage par projets, les cadres demandent un accompagnement plus soutenu et mieux adapté par un professionnel dans le domaine. Ce constat s’est aussi révélé au cours du dernier entretien de groupe de la présente recherche, où tous sont présents; il y est mentionné « […] qu’antérieurement, comme dans toute organisation, à la […]10, il y a eu des gens

qui ont été nommés à des postes de gestion en reconnaissance de leur performance antérieure et non pas parce qu’ils avaient les compétences pour devenir gestionnaire […] » (Tous 7911). En bref, les cadres sont soumis à une procédure RH de gestion

de la performance et d’identification des compétences à développer. L’organisation

10 Dans le but de préserver l’anonymat de l’organisation participante, son nom n’est pas indiqué. 11 À titre de rappel, le mot « Tous » signifie qu’il s’agit d’un propos émis par une personne qui a participé au septième entretien de groupe où employés, cadres et professionnels du SRH sont présents.

semble reconnaître que l’amélioration des compétences favorise la performance, et le système en place est en phase d’appropriation par les employés ciblés.

À l’égard des subalternes, une méthode d’apprentissage liée au développement individualisé est disponible depuis 2014. Toutefois, au cours des entretiens de groupe, aucun participant n’a déjà pris connaissance de cette méthode et une seule personne mentionne : « Ça s’en vient, ça fait cinq ans qu’on en entend parler » (Employé 12). Cette méthode pédagogique de gestion vise à mettre en lumière les forces de l’employé selon son supérieur immédiat, les compétences ciblées à développer, les enjeux de sa division, les enjeux de la personne et le plan de développement avec le soutien requis, un échéancier, un indicateur et un espace pour les commentaires. À partir de ces informations, l’employé doit faire l’analyse de l’efficacité de son comportement. Les techniques pédagogiques suggérées sont : les lectures, les rétroactions, les observations dans l’action, le coaching, le compagnonnage, le mentorat, le projet et le journal de bord. Dans cet ordre d’idées, l’activité de transfert proposée à l'égard des apprentissages est que l’employé prenne conscience de ce qu’il doit cesser de faire, commencer à faire et continuer à faire. Certains services administratifs proposent même, à intervalle régulier, une séance d’information animée par un employé volontaire. En effet, certains services administratifs proposent aux employés des séances d’information d’une heure à raison de deux jeudis par mois. Les animateurs de ces séances d’information sont des employés qui veulent partager des connaissances techniques ou relationnelles avec leurs collègues. Concrètement, ces employés, qui sont volontaires, inscrivent

leur nom sur une feuille avec le thème qu’ils désirent aborder. Si leur thème est retenu par le cadre du service administratif, l’employé doit préparer une courte présentation et s’exécuter le temps venu. Par ailleurs, en matière d’évaluation, les employés en période de probation doivent participer à une évaluation du rendement. Selon les employés, ces évaluations se font très rapidement et seulement durant leur période de probation qui peut varier de six mois à un an.

Pour terminer cette description de la gestion des activité routinières et de celle des ressources humaines, les procédures de dotation pour les chefs de projet recrutés à l’extérieur de l’organisation sont effectuées par le SRH. Lorsqu’il est question de dotation des chefs de projet, les compétences recherchées sont toujours celles déterminées par l’organisation : « ouverture d’esprit », « communication interpersonnelle », « intégrité » et « service à la clientèle ». Par la suite, le service RH de l’organisation, en collaboration avec le cadre responsable du projet, peut ajouter une des deux paires des compétences suivantes : « capacité d’analyse » et « autonomie » ou « savoir transmettre de l’information » et « savoir travailler en équipe ». Le profil se termine par l’énumération de compétences spécifiques telles que « savoir gérer les communications », « sens du partenariat », « capacité d’analyse » et « orientation vers les résultats ». En somme, les compétences ciblées sont en lien avec le poste de niveau hiérarchique que la personne occupera.

En résumé, l’amélioration des compétences est une préoccupation pour l’organisation dans un but de performance. Sous ce rapport, plusieurs instruments de gestion sont utilisés en ce sens.

4.1.2 La gestion de projet

Pour comprendre et décrire la gestion de projet (GP), le rôle et les responsabilités des acteurs concernés ainsi que les méthodes sont exposés.

Au regard du rôle et des responsabilités, à la suite de l’analyse des documents administratifs tels que le cadre de gestion de projet, les procès-verbaux du comité exécutif ainsi que du conseil municipal et l’outil informatisé en GP, tous les niveaux hiérarchiques ont un rôle spécifique et un pouvoir décisionnel défini. À cet effet, le conseil municipal et le comité exécutif confient les mandats d’exécution pour les grandes phases des projets, donnent leur aval pour les appels d’offres, les dépenses supplémentaires et rendent des comptes à d’autres paliers gouvernementaux, à des organisations publiques, à des entreprises privées, aux citoyens et à divers acteurs socio-économiques.

Au-dessous du conseil municipal et du comité exécutif, il y a le commanditaire qui est un directeur adjoint ou un directeur du service le plus concerné par la nature du projet, lequel est imputable à la réalisation du projet. Concernant les projets multidisciplinaires ou les projets qui mobilisent des professionnels de différents

services, un comité de pilotage peut être constitué. Il est composé des directeurs des services concernés pour qu’ils puissent prendre des décisions administratives de manière concertée et suivre le déroulement du projet.

Au dernier niveau, il y a l’EP composée d’un chef de projet et des contributeurs. Le chef de projet coordonne l’intégration, le contenu, les délais, les coûts, la qualité, les ressources humaines, les communications, les risques, l’approvisionnement et les acteurs du projet. Certains services font le choix d’attribuer le statut officiel de cadre à leurs chefs de projet pour leur déléguer un pouvoir décisionnel. Malgré cela, pour certains de ces employés : « Ils nous ont mis cadre pour donner un semblant d’autorité, mais on n’a aucune espèce de poignée auprès des ressources » (Employé 46). Certains ajoutent que même si les ressources humaines sont des employés travaillant à l’intérieur de l’organisation, les chefs de projet ne se sentent pas légitimes d’intervenir auprès de leurs collègues. À titre d’exemple, un employé mentionne (Employé 16) :

[...] on n’a pas de contrôle, moi, je n’ai pas d’employé sous moi, je suis « un professionnel X 12» et j’ai ma boss qui est chef de division, ce sont ses employés, quand j’ai besoin de ressources dans ma propre division ce ne sont pas mes employés à moi donc, je ne peux pas aller les chercher ou modifier les priorités.

12 Dans le but de préserver l’anonymat des participants à la recherche, nous avons volontairement enlevé la profession exacte de l’employé.

Dans cette optique, les chefs de projet détiennent le statut de cadre, mais ils sont perçus comme des employés qui possèdent uniquement un pouvoir d’influence et non d’autorité.

En ce qui a trait aux MEP, ils peuvent être des représentants de leur service (équipe de projet multidisciplinaire) ou des employés d’un même service, et leur présence est requise pour tout le projet. Il est important de préciser que ces membres peuvent être des employés (professionnel ou technique) ou des cadres. D’autres peuvent s’impliquer seulement à des moments précis du projet. De plus, selon certains employés, il peut arriver que dans un projet, l’employé qui réalise une intervention ponctuelle ne soit pas celui inscrit dans le plan de travail du projet. Ces derniers précisent que cela se produit pour accélérer le processus de réalisation des livrables. À titre d’exemple, un employé mentionne (Employé 27) :

Là on s’entend, ça fait X13 ans que je suis à la ville, donc tu sais qui va

te rendre un service, j’y en dois une, il m’en doit une, un moment donné pour des accès, faire corriger un problème, si on doit repasser et remettre ça dans la pile de changement, ça va prendre des semaines[...]

De surcroît, certains employés qui s’impliquent ponctuellement dans les projets mentionnent qu’ils sont sollicités régulièrement dans les projets pour réaliser une même tâche. En résumé, les MEP peuvent être des gestionnaires, des employés techniques ou professionnels provenant de différents services administratifs ou du

même. Ces membres peuvent être présents de manière continue ou ponctuelle durant les différentes phases du projet, mais les employés inscrits dans le plan de travail du projet ne sont pas nécessairement ceux qui réalisent les tâches.

En outre, l’organisation participante à la recherche possède, depuis environ cinq ans, un bureau de projets qui assume un double mandat : réaliser des projets d’envergure et développer de bonnes pratiques de GP. Toutefois, les gestionnaires, les professionnels du SRH et les employés, leur bureau de projets est principalement utilisé pour le premier mandat. Par ailleurs, le bureau, en partenariat avec d’autres services administratifs, coordonne et anime une communauté de pratique en GP. Pour faire court, cette communauté de pratique est ouverte aux chefs de projet et aux gestionnaires qui se rencontrent à quatre reprises durant l’année pour discuter de différents sujets.

En ce qui concerne les méthodes de GP, selon les personnes participantes à la recherche, deux d’entre elles sont pratiquées : la méthode en cascade (waterfall) proposée par le PMBOK et les méthodes agiles. Concernant la méthode en cascade, elle est décrite dans le cadre de la GP de l’organisation. À des fins de synthèse, la méthode en cascade décrite dans le PMBOK (le Guide du corpus des connaissances en management de projet) est un processus unique de réalisation d’un projet axé sur les outils techniques (Morris, 2013). Quant à la méthode agile, elle vise principalement la satisfaction des acteurs et l’efficacité de l’équipe projet. Cette méthode présente plusieurs particularités, notamment une planification segmentée

par petites périodes de temps (appelées sprint), un processus itératif et une attention soutenue portée sur l’équipe de projet (Crowder et Friess, 2015). Les employés identifient plusieurs limites à la méthode de gestion en cascade puisqu’ils constatent que les projets se réalisent rarement de manière séquentielle. Quant aux méthodes agiles, de l’avis des gestionnaires, « les concepts agiles à la base c’est les humains avant les livrables, c’est le face to face, maximiser ces choses-là au détriment de. […] » (Gestionnaire 64). Un employé ajoute (Employé 46) :

Je sais que c’est la même, je dis comme nous on fonctionne à la ville, puis vous vous fonctionnez en waterfall, à chaque fois que moi je fais une reddition de comptes, OK, là j’ai fait ça, il faut que je prenne 1 sprint, 3 sprints, sprint 4 que je le transforme de façon à ce que les grands projets le voient et le prennent, dans le fond tu dis « oui », mais on ne la suit pas du tout parce que nous, en informatique, on travaille en mode agile pas en mode waterfall où on fait des Gantt par exemple prédictif […]

Toutefois, une autre personne mentionne que cette autre méthode de GP peut amener une certaine confusion puisqu’elle n’est pas formelle (Employé 24) :

Je peux dire que du côté TI, nous, je pense qu’il y a un manque, quelque chose qui pourrait être amélioré, c’est de bien définir qu’on fait tel tel type de tâches, tel type de processus, comment ça doit être fait, comme ça quand le gestionnaire de projet fait son évaluation, quand on a besoin de faire telle telle chose, je pense que je suis très vague, mais je pense que tu sais où je m’en vais avec ça, de bien définir, c’est comme ça qu’on fait à la ville, la façon de faire c’est comme ça, on ne le fait pas d’une autre façon à côté parce que maintenant, ce n’est plus comme ça qu’on le fait, on s’en va dans cette direction-là donc, oui ça va peut-être prendre deux jours de plus ou deux jours de moins, mais c’est comme ça qu’on le fait, de bien définir ça, de bien le décrire, je pense que c’est pas bien décrit, c’est dans les têtes de tout le monde, plein de processus côté technologique qui […]

Par ailleurs, dans le cadre des entretiens de groupe, les employés ainsi que les gestionnaires qui font usage des méthodes agiles de GP semblent être plus à l’aise

de participer aux discussions qui traitent de l’amélioration des compétences. Selon eux, les séances de rétroaction sont plus fréquentes et intégrées dans cette méthode que dans celle en cascade (waterfall).

En matière de GP, l’organisation participante à cette recherche possède un outil informatisé de GP où tous les projets sont consignés de même que les activités administratives gérées en mode projet. L’outil incite à l’uniformité des composantes des projets et des procédures de demande d’approbation. Chaque employé peut visualiser ses contributions avec les échéanciers et les indicateurs de suivi. Cet outil de gestion exige toutefois des employés utilisateurs une connaissance appropriée de la totalité des termes et composantes d’un projet. Après avoir suivi une formation sur l’utilisation qu’on peut en faire, certains employés le trouvent néanmoins complexe et difficile à comprendre. En effet, il est observé que quelques personnes manifestent certains signes d’anxiété et de découragement (discussions négatives entre employés, refus de lire le manuel d’instruction, nombreuses questions). Par ailleurs, dans le cadre des entretiens de groupe avec les employés, ces derniers jugent cet outil « […] un beau petit logiciel. Mais un logiciel, c’est juste pour entrer des données de projet, ça ne fait pas de toi un chef de projet » (Employé 46), et « c’est pour la reddition de comptes, pour que tout le monde voie la même information » (Employé 42). Dans ce contexte, les aspects techniques des projets mobilisés par cet outil informatisé semblent malgré tout combler certains besoins.

La gestion des projets doit donc respecter les niveaux hiérarchiques des employés œuvrant à l’intérieur de la structure matricielle. En outre, avec le temps, différents instruments de soutien à la GP se déploient de façon évolutive.

4.1.3 La double fonction

Dans le cadre de la structure matricielle en place, depuis quelques années, certains employés œuvrent au sein de projets tout en poursuivant leurs activités routinières. Le degré de connaissance et de maîtrise des différents aspects liés à la GP sont d’ailleurs abordés au cours des différents entretiens de groupe avec les gestionnaires, les professionnels du SRH et les employés, de même que les sentiments et les commentaires liés à la gestion de cette double fonction.

À ce jour, les employés constatent qu’ils ont peu de connaissances et de compétences par rapport à la GP, car « […] le monde ne savent pas trop c’est quoi de la gestion de projet alors on ne sait pas c’est quoi les compétences […] » (Employé 22). Certains ajoutent que les étapes de justification et de démarrage d’un projet sont des notions floues et imprécises. Les gestionnaires et les professionnels du SRH renchérissent sur cet énoncé en mentionnant qu’il s’agit parfois d’une méconnaissance de base (les gens n’ont pas les connaissances requises) et d’autres fois, d’un manque d’aptitudes liées à la GP. Parallèlement à cela, au cours des entretiens de groupe, les employés discutent de questions d’ordre général et indiquent avoir en moyenne 10 ans d’expérience en GP ou avoir suivi une formation

scolaire en GP (14 sur 25). Pour ce qui est des neuf employés qui n’ont jamais suivi une seule formation scolaire en GP, cinq d’entre eux n’ont pas, non plus, suivi de formation d’appoint. Au total, 20 % des employés qui ont participé aux entretiens de groupe n’ont jamais suivi de formation en lien avec la GP.

De l’avis des employés, leur double fonction ainsi que la multiplication de projets les laissent avec un sentiment d’inefficacité. Ils ont aussi l’impression de perdre du temps lorsqu’ils doivent relire plusieurs fois un projet pour se remémorer les étapes subséquentes, une lacune résultant d’une implication à temps partiel. À titre d’exemple, un employé verbalise cet état d’esprit (Employé 55) :

Il y a une question d’inefficacité, mais ça va encore plus loin, je te dirais même que ça va au niveau de la motivation ou comme on dit, mobiliser