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Construction, dépendances et intentionnalité

3.2 Analyse par problématique

3.2.7 Construction, dépendances et intentionnalité

Cette section situe les différents modèles quant à l’objectif de construction posé en 2.3.1. La question est de savoir dans quelle mesure l’origine des valeurs perceptibles à la signation est visible dans les descriptions elles-mêmes.

Un modèle purement paramétrique ne donne a priori aucune indication à ce sujet. La valeur espace neutre déjà introduite plus haut fait toutefois exception car si elle se traduit en général par un emplacement devant le corps, elle reste différente dans les descriptions de toute valeur explicite et met en évidence une différence d’intention. Par exemple, le signe non relocalisable [enceinte] a pour valeur d’emplacement final devant le ventre alors que [âge], n’exigeant pas véritablement d’emplacement, ne prend pas cette valeur explicite d’emplacement même s’il est la plupart du temps signé au même endroit. Pour ces modèles, [âge] se signe « dans l’espace neutre ».

6À ce propos, Johnson suggère que de nombreux signes « composés » de plusieurs parties évoluent en se figeant et transforment une TU transitoire non lexicale en une transition lexicale, au même titre qu’une expression de plusieurs mots français devient mot composé puis lemme en perdant un trait d’union. Par exemple : « indiquer (quelque chose) contre (une autre) » puis « contre-indiquer » puis nouvellement « contrindiquer ».

[enceinte] [âge] [forme] Fig. 3.39 – Quelle origine aux réalisations des signes ?

HamNoSys permet cette notion d’espace neutre (symbole ). Il permet aussi plusieurs formes de symétrie des mains, répertoriées dans le tableau 3.6, où « gauche/droite » signifie qu’un mouvement de la main dominante vers la droite provoque ce mouvement vers la gauche pour la main dominée, et ainsi de suite. Ces opérateurs dits de symétrie incluent donc également ce qui géométriquement est plutôt une translation, à savoir les mouvements où les deux mains se suivent (ni gauche/droite, ni haut/bas, ni avant/arrière). Dans [forme] sur la figure 3.39, la volonté du signeur est de produire un contour en conservant une symétrie entre les mains, et non de produire deux trajectoires différentes dans le même temps. Dans notre optique de construction, nous pensons que le modèle doit offrir une description distincte pour chaque intention. Le choix est laissé à l’auteur de la description.

gauche/droite

haut/bas

avant/arrière

Tab. 3.6 – Opérateurs de symétrie en HamNoSys

Liddell et Johnson ne proposent aucune notion de symétrie, ni d’espace neutre ou de paramètre non pertinent. Les descriptions sont selon eux phonétiques (articulatoires) et les spécifications d’emplacement de [enceinte] et de [âge] ne seront pas différentes en nature ; elles localiseront les mains devant le signeur. Nous perdons ainsi plusieurs aspects d’intentionnalité dans les des-criptions, mais au niveau intra-paramétrique, le principe des traits pour spécifier une valeur se rapproche à l’inverse d’une description d’intention. Pour la configuration, la sélection de doigts et l’application de traits à ceux-là met en évidence les éléments motivés d’une configuration (voir 3.2.3). La comparaison suivante en apporte la preuve :

– extension du pouce (+tpx, +tdx), sélection des index, majeur et annulaire pour les replier (+i, +m, +r, -p, -fpx et -fdx), et dégagement des doigts non sélectionnés vers le haut (-nsi) ;

– extension du pouce (+tpx, +tdx), sélection et extension de l’auriculaire (-i, -m, -r, +p, +fpx et +fdx), et repli des doigts non sélectionnés contre la paume (+nsi) ;

En ce qui concerne les doigts sélectionnés et le trait nsi, on a deux spécifications rigoureusement contraires (donc représentent deux motivations différentes) et pourtant, elles donnent le même résultat visuel, à savoir une configuration proche de celle de ‘y’ (fig. 3.40). Pour ce qui est des valeurs paramétriques fixes, cette approche par traits répond donc mieux au critère d’intentionnalité. Cette propriété ne s’étend pas au niveau inter-paramétrique.

Fig. 3.40 – Configuration pour ‘y’

Nous relevons d’autres formes de dépendance que la symétrie qui en général n’apparaissent pas dans la description des signes. Montré figure 3.41, [bureau] requiert que la main dominante suive l’orientation du bras ou de la main dominée. De même que pour l’emplacement dans [âge], la direction que prennent les doigts de la main fixe dans [bureau] n’est pas pertinente et n’importe quelle valeur convient, pourvu que la trajectoire (ou variation de l’emplacement) de la main domi-nante se fasse en fonction de cette direction. Cette dépendance inter-paramétrique n’apparaît dans aucun modèle étudié. Cette trajectoire est en général figée et définie comme latérale. De même, le regard pour [lire] en SignWriting ne peut se spécifier au mieux que latéralement vers le bas comme sur la figure 3.42.

[bureau] [ballon]

Fig. 3.41 – Dépendances entre éléments descriptifs

L’intention de le diriger vers la main dominée n’apparaît pas. Du reste, l’emplacement de cette main n’est pas pertinent donc en cas de relocalisation de cette main, le regard ne suivrait pas, la position de la main dominante non plus. Nous estimons que cette dépendance de la main dominante et du regard sur la main dominée serait pertinente au niveau de la description.

L’unique élément de dépendance interne au signe (autre que les symétries entre les mains) que nous avons pu trouver se trouve chez HamNoSys avec la notion d’orientation relative. Un symbole diacritique « ~ » apposé sous une spécification d’orientation rend celle-ci évolutive en la liant à la trajectoire de la main concernée. Par exemple, chaque main dans le signe [ballon] (cf. fig. 3.41) a une trajectoire au cours de laquelle son orientation change. Le plan de la paume reste tangent au demi-cercle sur lequel s’effectue le déplacement. Cette dépendance entre valeurs spécifiées est toutefois la seule descriptible, et les dépendances issues d’intentions comme celles de [bureau] et de [lire] restent indescriptibles.