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Il a été considéré, par le droit international classique, que le territoire colonisé fait partie intégrante de la souveraineté de l’Etat colonisateur, puisque, le droit international n’avait

pas à s’intéresser au statut de l’individu dans les territoire colonisé, d’où l’idée selon

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laquelle toute ingérence constituait le meilleur explosif capable de faire sauter les Etats 128. En effet, le droit international du temps de la colonisation se limitait à une fonction régulatrice des rivalités ou encore de la concurrence entre les pays colonisateurs afin d’éviter dès la naissance des conflits autodestructeurs pour ces Etats 129. Par exemple : les colonies portugaises en Afrique, et les quatre provinces côtières de la Libye depuis 1939 130. Mais il pourrait avoir une partie du territoire d'un Etat ayant un caractère spécial 131. La conférence de Berlin en 1885 a tiré des conséquences juridiques au colonialisme concernant notamment le sens de la légitimité et a donné les moyens d'étendre les règles avec la fin de l’unité religieuse et l’entrée de l’Angleterre, de la France et du Pays Bas dans la politique d’expansion coloniale 132. Le Portugal et l’Espagne virent leurs possessions contestées par ces puissances sur bien des points où ils n’avaient pas la force suffisante pour les maintenir. En effet, parfois la découverte d’un territoire n’avait été suivie d’aucune occupation effective 133.

Le territoire de la France allait s’enrichir à travers l’annexion de l’Algérie selon les dires des autorités diplomatiques françaises à l'Assemblée Générale des Nations Unies 134.

Les territoires qui sont sous l’autorité des puissances coloniales sont considérés comme les propriétés de ces dernières, telle est la position de la Cour internationale de Justice dans son avis consultatif dans l’affaire du Sud-ouest Africain. Elle affirme en effet : « le

territoire du Sud-ouest Africain était l'une des possessions allemandes d'outre-mer pour lesquelles l'Allemagne, en vertu de l'article 119 du traité de Versailles, a renoncé à tous ses droits et titres en faveur des principales puissances alliées et associées » 135.

128 R. CHARVIN, loc.cit., p. 114 et s.

129 Ibid.

130 Après l’occupation de la Libye par l’Italie en 1911 il procèda à son découpage en quatre provinces dont deux à l’ouest notamment Tripoli et Misrata puis Benghazi et Derna à l’est.

131 D. RODOGNO, Fascism's European empire: Italian occupation during the Second World War, Cambridge University Press, 2006, p. 61.

132 G. DE COURCEL, op.cit., p. 146.

133 Ibid., p. 146.

134 M-K. BELKACEM, « Le caractère international de l'Algérie et le prestige du monde avant 1830 »,

Journal des Sciences Juridiques, N° 2, décembre 1994, p. 30.

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Le même sort a été réservé au Cameroun, notamment dans sa partie septentrionale auparavant sous contrôle du Royaume-Uni. Cette partie était l'une des « possessions

d'outre-mer », à l'égard desquelles l'Allemagne avait renoncé à ses droits et titres en vertu

de l'article 2 du traité de Versailles du 28 juin 1919 136.

33. Après la Première Guerre Mondiale, la Société des Nations (SDN) 137, avait créé le régime de « mandat », qui était, disait-on, fondé sur une volonté des grandes puissances de développer l’économie, la civilisation et l’enseignement dans les colonies jusqu’au point où ces futurs Etats seraient capables de gérer leurs propres affaires. Puis, des années plus tard, une évolution fut constatée : la Cour internationale de Justice déclarera une illégalité de la colonisation en Namibie et en Afrique du Sud en posant deux principes importants : le premier de non-annexion et le second de bien-être et de développement des peuples, avec pour objectifs ultimes l'autodétermination et l’indépendance 138.

Ce régime du mandat était exprimé dans l’article 22 du Pacte de la SDN qui le considérait comme un moyen pour développer les peuples colonisés et les aider jusqu’au moment où ils seraient capables de gérer leurs propres affaires. Les diverses tendances, exprimées au courant des dernières années de la guerre, ont eu leur influence sur les décisions prises durant la conférence de la Paix pour les questions coloniales 139.

Dans la rédaction du traité de Versailles, des modifications étaient prévues au régime des actes de Berlin et de Bruxelles de 1890. Le président WILSON était partisan de la remise des colonies allemandes et des territoires de l’Empire ottoman à la Société des Nations, qui confierait un mandat à certaines puissances pour les administrer, tenant compte du vœu des populations pour le choix du mandataire 140. En un seul mot, la SDN va procéder à « l’internationalisation de la gestion coloniale » qui s’est traduite par la mise en place du régime de mandat dans lequel le peuple pouvait profiter d’une émancipation

136 Affaire du Cameroun septentrional, exceptions préliminaires, loc.cit., p. 21, §. 2.

137 F. L’HUILLIER,L’inauguration de la Société Des Nations, 1920, p. 119.

138 Affaire du statut international du Sud-ouest Africain, loc.cit., p. 129, §. 2.

139 Disponible sur le site http://mjp.univ-perp.fr/traites/sdn1919.htm. Consulté le 10 mars 2013.

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allant jusqu’à la possibilité de se conduire seul 141. Certes, la gestion fut organisée, mais en fait, elle est l’affaire des pays colonisateurs dans leur propre intérêt 142.

On observe également la même jurisprudence dans l’affaire de certaines terres à

phosphates à Nauru évoquée plus haut 143.

De même, dans l’affaire des conséquences juridiques pour les Etats de la présence

continue de l'Afrique du Sud en Namibie, où la Cour a dit qu'il faut donc se reporter au

texte même de l'article 22 dont le paragraphe 1 du Pacte rappelle, les principes qui s'appliquent aux colonies et ainsi qu’aux espaces qui ne faisaient pas partie du contrôle des pays qui les administraient avant la guerre et occupés par des peuples sous tutelle c’est-à-dire dans l’impossibilité de se gérer soi-même 144.

Le régime des mandats, défini d’abord dans l’article 19 du projet de Pacte de la Société des Nations, proposé par le président WILSON le 14 février 1919, fit l’objet de l’article 22 du projet définitif voté par la conférence. L’attribution des mandats en Afrique fut faite par la conférence entre les puissances qui avaient conquis les colonies allemandes pendant la guerre. La Grande-Bretagne se voyait attribuer la plus grande part : le Tanganika, une partie du Togo, une partie du Cameroun. L'Union Sud-Africaine reçut toute l'Afrique du sud-Ouest 145.

La France recevra la majeure partie du Cameroun et la moitié du Togo, les territoires du Congo, cédés auparavant par la France dans la convention du 4 novembre 1911 à l'Allemagne. La Belgique reçut un mandat sur les territoires du Rwanda et du Burundi au nord du lac Tanganika, et elle se plaignit que la répartition avait eu lieu sans prendre en considération ses droits au regard de sa conquête et son occupation. Le régime de mandat

141 R. CHARVIN, loc.cit., p. 116 et s.

142 Ibid.

143 Affaire de certains terres à phosphates à Nauru, loc.cit., p. 256, §. 41.

144 Affaire des conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en

Namibie (Sud-ouest Afrique), nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, loc.cit.,

p. 28, §. 45 ; Cf. L. FAVOREU, « L’arrêt du 21 décembre 1962 sur le Sud-ouest Africain et l’évolution du droit des organisations internationales », A.F.D.I., vol. 9, N° 1, 1963, p. 308.

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reconnaissait d'un côté l’existence de nations civilisées (Etats coloniaux), de l'autre celle de peuples sauvages ou attardés, technologiquement et socialement 146.

34. Pour justifier, une fois de plus, la légitimité de la colonisation à cette époque, on peut se référer à l’affaire entre le Botswana et la Namibie, dans laquelle, se fondant sur l’accord anglo-allemand la Cour a indiqué, au regard du traité conclu entre ces pays colonisateurs, le bien fondé des prétentions en déclarant : « dans sa traduction française, le texte du

compromis se lit comme suit : considérant qu'a été signé le 1er juillet 1890 un traité entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne (l'accord anglo-allemand de 1890) qui porte sur les sphères d'influence des deux pays en Afrique compromis » 147.

Comme autre mode de preuve pouvant justifier l’occupation d’un territoire, outre les textes et les cartes, on note également l’exercice effectif de la puissance coloniale sur le territoire pendant la période coloniale c'est-à-dire, le comportement des autorités administratives sur le territoire concerné 148.

A titre d’exemple dans l’affaire de la délimitation et des questions territoriales entre le Qatar et le Bahreïn, le Qatar fait état de l’antériorité de son titre sur les territoires revendiqués par le Bahreïn, se prévaut d’un arrêt rendu en 1986 dans le différend frontalier ayant opposé le Mali et le Burkina Faso, et soutient qu’il convient de considérer le titre juridique d’un Etat sur un autre et l’effectivité de la présence de cet Etat sur un autre 149. 35. On peut également être amené à considérer le droit international comme un instrument

d’expansion territoriale des sociétés européennes, au XVème siècle pour l’Amérique, et au XIXème siècle pour l’Asie et l’Afrique. On affirma même que le colonialisme reposait sur la division du monde en deux catégories dont l’une considérée comme nation civilisée, et l’autre comme barbare, hiérarchie culturelle codifiée au début du XXème siècle .Cette idée d’une hiérarchie des civilisations, même si elle est effectivement maintenant considérée comme obsolète, conserve pourtant une transposition en droit positif: dans l’article 38 (1)

146 Cf. Affaires du Sud-ouest Africain, loc.cit., p. 49, §. 93.

147 Affaire d’Aire de l'île de Kasikili/Sedudu, loc.cit., p. 1049, §. 2.

148 Affaire du différend frontalier, (Burkina Faso et République du Mali), arrêt du 22 décembre 1986,

Rec. CIJ., p. 586, §. 63.

149 Affaire de la délimitation et des questions territoriales entre le Qatar c.et le Bahreïn, (Qatar

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c) du Statut de la CIJ, qui énonce les outils mis à la disposition de la Cour, principale instance juridictionnelle de l’ONU, il est fait mention des « principes généraux du droit

reconnus par les nations civilisées » 150.

36. Ainsi, parvenu à cette étape de notre démonstration, on peut affirmer que suivant