Partie II – Les questions qui se posent
2.3. La fin de vie
2.4.2.2. Un consentement éclairé
Qu’il soit donné par les titulaires de l’autorité parentale ou par l’enfant lui‐même, le consentement à l’acte médical doit, comme le prévoit l’article L. 1111‐4 du code de la santé publique, être « éclairé ».
Une telle exigence suppose qu’une information préalable au consentement soit fournie par le corps médical. Cette obligation d’information a été rappelée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui estime que les États parties à la convention sont « tenus de prendre les mesures réglementaires nécessaires pour que les médecins s’interrogent sur les conséquences prévisibles que l’intervention médicale projetée peut avoir sur l’intégrité physique de leurs patients et qu’ils en informent préalablement ceux‐ci de manière à ce qu’ils soient en mesure de donner un accord éclairé »286.
En droit interne, c’est l’article L. 1111‐2 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002, qui précise le contenu de cette information, laquelle doit porter « sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
286 CEDH, 2 juin 2009, Codarcea c. Roumanie, n° 31675/04.
Page 141
Relevons que ces différents éléments sont également ceux pris en compte pour apprécier le caractère nécessaire, au sens de l’article 16‐3 du code civil, de l’acte médical envisagé, notamment sa balance avantage‐risque.
Le Conseil d’État constate que les soignants sont souvent dans l’incapacité de fournir aux parents d’un nourrisson présentant des variations du développement génital une information exhaustive sur l’utilité et les risques des actes médicaux envisagés.
D’une part, les cas cliniques demeurent très rares, et sont pris en charge au hasard des naissances par des équipes de soins qui n’ont pas nécessairement l’expertise suffisante en la matière pour être en mesure d’éclairer les parents sur les conséquences éventuelles des traitements envisageables.
D’autre part, peu d’études portent sur le suivi des personnes concernées tout au long de la vie, ce qui ne permet pas d’appréhender de manière satisfaisante l’évolution de leur état de santé et, notamment, des résultats à long terme des traitements dont elles ont pu faire l’objet.
Dans ces conditions, deux orientations méritent selon le Conseil d’État d’être privilégiées.
En premier lieu, il convient de s’assurer que lorsqu’un nouveau‐né présente une variation du développement génital, la famille dispose d’une information complète et suffisante lui permettant d’appréhender de manière sereine la situation ainsi que, le cas échéant, la nécessité médicale des traitements envisagés. Cela implique de favoriser les travaux de recherche clinique et en sciences sociales afin d’être en mesure de connaître davantage les besoins des patients et les résultats effectifs, sur le long terme, des traitements effectués. Une telle information passe également par l’élaboration, nécessairement interdisciplinaire, de protocoles de soins visant à définir les bonnes pratiques selon les différentes situations qui se présentent, auxquels les soignants pourront se référer lorsqu’ils font face à de telles situations.
En second lieu, il serait opportun, afin de s’assurer que des traitements ne présentant pas une nécessité médicale ne soient pas mis en œuvre avant que l’enfant soit en état d’exprimer sa volonté et de garantir un accompagnement psychologique des parents, d’orienter les familles des nouveau‐nés présentant les variations les plus marquées vers un nombre limité d’établissements disposant de compétences pluridisciplinaires en la matière. Les traitements les plus intrusifs, s’ils sont envisagés, pourraient être réservés, sur le fondement de l’article L. 1151‐1 du code de la santé publique287, à certains établissements de santé disposant d’une expertise suffisante et pluridisciplinaire, à l’instar des centres constitutifs de référence des maladies rares (CRMR) du développement génital, situés à Lyon, Paris, Lille et Montpellier. S’agissant
287 Ces dispositions prévoient que « la pratique des actes, procédés, techniques et méthodes à visée diagnostique ou thérapeutique (…) peuvent être limitées pendant une période donnée à certains établissements de santé. Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent, après avis de la Haute Autorité de santé, la liste de ces établissements ou précisent les critères au vu desquels les agences régionales de santé fixent cette liste (…) ».
Page 142
des nouveau‐nés présentant des variations moins marquées, leur prise en charge médicale nécessite a minima que les CRMR du développement génital soient informés de leur naissance afin que leur situation fasse l’objet d’une discussion pluridisciplinaire à l’occasion des réunions mensuelles de concertation nationale.
Page 143
3. Partie III – Les questions posées par les évolutions scientifiques et techniques
3.1. Les évolutions en matière de génomique
3.1.1. La génétique, un domaine évolutif et d’une particulière sensibilité La génétique est, au sein de la biologie, la discipline qui étudie la transmission des caractères héréditaires, ainsi que le support de cette hérédité : les gènes, et plus généralement l’ADN. Cette étude traitera uniquement de la génétique constitutionnelle (héréditaire)288. Depuis la découverte en 1953 de la structure de la molécule d’ADN et son séquençage, commencé dès la fin des années 1970 et achevé en 2003, les techniques permettant d’étudier le génome289, voire de le modifier, soulèvent des espoirs par les perspectives thérapeutiques qu’elles ouvrent. Toutefois, ces avancées s’accompagnent de la crainte que ces techniques ne soient mobilisées à des fins eugéniques, en réduisant la diversité de l’espèce humaine au prétexte de l’améliorer.
En tout état de cause de telles perspectives accréditent l’idée d’un « déterminisme génétique » (en écho à l’importance sociale accordée à l’hérédité), qui gagne d’emblée à être nuancée à l’aune de trois séries de considérations290 :
- le génome ne détermine pas forcément le phénotype291 d’un individu : ce dernier est aussi le produit d’autres facteurs – qu’ils soient épigénétiques292 ou environnementaux. Comme l’explicite R. Dawkins, « il n’y a pas plus de correspondance biunivoque entre les morceaux du génome et les morceaux du
288 À l’exclusion de la génétique somatique (état du génome de cellules tumorales) et de la pharmacogénomique (qui permet des traitements personnalisés en limitant les effets secondaires).
289 Ensemble de l’information génétique portée par tous les chromosomes.
290 Pour une remise en perspective, v. Inserm (dir.), « Tests génétiques : questions scientifiques,
médicales et sociétales », Les éditions Inserm, Paris, 2008, XXXV, 351p.
291 Les caractéristiques physiques d’une personne.
292 L’épigénome « regroupe les mécanismes de régulation par lesquels le génotype conduit à la
diversité des phénotypes et au fonctionnement de la cellule et de l’organique (…) Cette régulation est mise en œuvre au travers de marques épigénétiques qui sont de différentes natures : modifications chimiques de l’ADN lui‐même, modifications des protéines autour desquelles l’ADN est enroulé, régulateurs qui se collent à l’ADN et modifient l’utilisation ou non des gènes » (CCNE, 21 janvier 2016, avis n° 124, Réflexion éthique sur l'évolution des tests génétiques liée au séquençage de l'ADN humain à très haut débit, p. 15).
Page 144
phénotype, qu’il n’y en a entre les miettes d’un cake et les morceaux de la recette »293. Ainsi, contrairement à ce que laissent à penser certains discours, les caractéristiques d’un individu (aspect physique, quotient intellectuel) et son destin médical restent assez largement imprévisibles sur la base d’une analyse de l’ADN ; - même si la connaissance par l’homme de son génome a été étendue, elle reste
lacunaire et peut conduire à sur‐interpréter l’importance des gènes déjà connus. En particulier, le rôle de l’ADN dit « non codant » et l’interaction entre les gènes restent largement méconnus, de même que l’incidence des facteurs épigénétiques sur leur expression. Par ailleurs, à l’exception des maladies monogéniques à pénétrance complète294, les allèles ou haplotypes295 associés à certaines maladies ne révèlent qu’un risque accru de les développer, dessinant en quelque sorte une cartographie probabiliste. Dans tous les cas, l’âge de développement de la maladie, et la sévérité de son expression, restent extrêmement variables et ne peuvent être précisément anticipés.
- souvent, les résultats obtenus à l’occasion de recherches sur l’animal sont ipso facto présentés dans la perspective de leur application à l’homme, alors même qu’une telle équivalence est scientifiquement incertaine et qu’en tout état de cause, elle requiert du temps.
Malgré ces fortes nuances, il reste indéniable que la génétique présente des spécificités qui rendent ce domaine particulièrement sensible, qu’il s’agisse d’observer le génome ou de chercher à agir sur lui.
D’une part, les tests génétiques fournissent à l’individu des informations présentant quatre spécificités296 : ces données sont immuables297, en principe inaltérables298, fortement identifiantes et rémanentes, c’est‐à‐dire qu’elles se retrouvent pour partie chez d’autres individus appartenant à la même lignée génétique. Dans ces conditions, ainsi que le relevait le CCNE dès 1995299, un test génétique « comporte une entrée dans l’intimité d’une personne », soulignant qu’à cette occasion « peuvent être révélées des fragilités quasiment « constitutives », innées et non accidentelles, dont l’interprétation pour la représentation de soi‐même ainsi que les conséquences pour sa vie présente et future ont une importance majeure ».
293 Citation issue de la note du comité éthique de l’Inserm de décembre 2017, De la recherche à la
thérapie embryonnaire, p. 12.
294 C'est‐à‐dire celles pour lesquelles l’individu porteur de l’allèle morbide va nécessairement développer la maladie.
295 Groupes d’allèles génétiquement liés, situés sur un même chromosome.
296 Détaillées dans Les données génétiques, point CNIL, La Documentation française, 2017, p. 27.
297 C'est‐à‐dire qu’elles n’évoluent pas ou peu d’elles‐mêmes au cours de la vie.
298 C'est‐à‐dire qu’elles ne sont pas susceptibles d’être modifiées.
299 CCNE, 30 octobre 1995, avis n° 46, Génétique et Médecine : de la prédiction à la prévention.
Page 145
D’autre part, la modification du génome d’un individu, si elle portait sur les cellules germinales300 ou sur l’embryon, serait susceptible d’être transmise à sa descendance, répercutant sur les générations suivantes – de façon irréversible301 – la modification opérée, voire créant les conditions d’une dérive eugénique.
3.1.2. Les principes juridiques en vigueur en matière de génétique
Conscient de cette sensibilité, le législateur – lors des précédentes révisions bioéthiques – a érigé plusieurs principes cardinaux pour encadrer cette discipline.
En premier lieu, s’agissant des interventions sur le génome, le législateur en a circonscrit le champ en prohibant de façon absolue certaines pratiques : l’article 16‐4 du code civil interdit ainsi « toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes », le clonage reproductif302, et son dernier alinéa prévoit qu’aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne. Ces interdits sont également énoncés par les stipulations de la Convention d’Oviedo, ratifiée par la France. Lors de la révision de 2011, a également été interdite la création d’embryons transgéniques et chimériques303.
En second lieu, le législateur a circonscrit le recours aux tests génétiques :
- en limitant la finalité de tels examens : ils peuvent être entrepris uniquement à des fins médicales ou de recherche scientifique (article 16‐10 du code civil304, le contenu de ces finalités étant ensuite strictement détaillé au niveau réglementaire305) et le fait de détourner l’étude des caractéristiques génétiques à d’autres fins est pénalement sanctionné306. Dans la même logique le fait pour un individu d’avoir recours aux tests génétiques en dehors du cadre médical, notamment à ceux disponibles via Internet, est prohibé par le code pénal307.
300 Les cellules qui sont susceptibles de former les gamètes.
301 Sauf à ce qu’une modification ultérieure vienne annuler la précédente.
302 Défini comme « toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée ».
303 Art. L. 2151‐2 du CSP.
304 « L'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut être entrepris qu'à des
fins médicales ou de recherche scientifique. / Le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'examen, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'examen. Il est révocable sans forme et à tout moment ».
305 Art. R. 1131‐1 du CSP : confirmer ou infirmer le diagnostic d’une maladie génétique, rechercher les caractéristiques de gènes susceptibles d’être à l’origine du développement d’une maladie chez une personne ou sa famille, adapter la prise en charge aux caractéristiques génétiques.
306 Art. L. 1133‐2 du CSP.
307 Art. 226‐28‐1 du code pénal.
Page 146
- en entourant de garanties spécifiques la réalisation de ces examens : veillant à ce que la personne consente à un tel test en toute connaissance de cause, les textes exigent le consentement exprès écrit de la personne quant à la nature et à la finalité de l’examen308. Cette personne a également la possibilité de refuser, à tout moment, que les résultats de l’examen lui soient communiqués309. Par ailleurs, peu de professionnels sont habilités à réaliser et analyser de tels tests : seuls certains laboratoires de biologie médicale autorisés310 (et, en leur sein, seuls les praticiens agréés311) peuvent procéder à de tels examens et seul le médecin prescripteur est habilité à en communiquer les résultats312.
- en organisant un système obligatoire d’information des membres de la famille lorsqu’une anomalie génétique grave313 et qui peut faire l’objet de mesures de prévention ou de soins314 est détectée (article L. 1131‐1‐2 du code de la santé publique). Cette information peut être apportée directement par le patient ou, s’il refuse, anonymement par la médiation du médecin. Cette procédure a été étendue aux enfants nés d’un don de gamètes ou d’un don d’embryons de la personne testée : cette dernière peut, dans cette hypothèse, autoriser le médecin prescripteur à saisir le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation afin qu’il procède à l’information des enfants issus du don (dernier alinéa de l’article L. 1131‐2 du code de la santé publique).
- en interdisant que l’utilisation des tests génétiques puisse être dévoyée : toute discrimination en raison des caractéristiques génétiques a été interdite (article 16‐13 code civil, interdit également repris à l’article 225‐1 du code pénal315), notamment dans le cadre des relations de travail316 et les banques et assurances ne peuvent prendre en compte ces caractéristiques même si elles leur sont volontairement transmises par la personne concernée317.
308 Art. R. 1131‐4 et art. R. 1131‐5 du CSP.
309 Art. R. 1131‐19 du CSP.
310 Art. L. 1131‐2‐1 du CSP.
311 Art. L. 1131‐3 du CSP.
312 Art. L. 1131‐1‐3 du CSP.
313 Définie par un arrêté du 8 décembre 2014 comme : le risque de décès ou le risque de handicap
sévère – en particulier le risque d’impossibilité d’autonomie à l’âge adulte.
314 Ce même arrêté précise que cette condition n’est pas remplie lorsque, selon une forte probabilité, l’affection diagnostiquée n’est pas susceptible, chez l’apparenté, d’un acte de soin permettant d’éviter la maladie, d’en retarder l’apparition ou d’en diminuer la gravité.
315 On retrouve un interdit similaire à l’art. 21 de la Charte des droits fondamentaux.
316 Art. L. 1132‐1 du code du travail.
317 Art. L. 1141‐1 du CSP : « Les entreprises et organismes qui proposent une garantie des risques d'invalidité ou de décès ne doivent pas tenir compte des résultats de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne demandant à bénéficier de cette garantie, même si ceux‐ci leur sont transmis par la personne concernée ou avec son accord. En outre, ils ne peuvent poser aucune question relative aux tests génétiques et à leurs résultats, ni demander à
Page 147
Ce socle normatif est réinterrogé par deux évolutions intervenues depuis 2011.
3.1.3. Les nouvelles questions soulevées par l’évolution des techniques en matière de génétique
3.1.3.1. Le séquençage nouvelle génération : un changement d’échelle posant des questions inédites
Alors que le premier séquençage complet de l’ADN humain a nécessité 13 années de travail (1990‐2003), mobilisé 20 000 scientifiques et coûté 3 milliards de dollars318, il est désormais possible d’étudier, rapidement et pour un coût raisonnable319, l’exome320 et, bientôt, l’ensemble du génome321 au lieu – comme c’était le cas auparavant – de ne cibler que les gènes préalablement identifiés. L’amélioration induite est très significative : le séquençage dit de nouvelle génération multiplie par un facteur 50 000 les capacités du séquençage classique322. Cette évolution, encouragée par les pouvoirs publics dans le cadre du Plan France Médecine Génomique 2025 qui prévoit la création de 12 plateformes de séquençage génomique à haut‐débit, emporte plusieurs séries de conséquences.
En premier lieu, de tels progrès technologiques banalisent le recours aux tests génétiques, y compris hors du champ médical. Cette banalisation se retrouve en particulier sur internet, où de plus en plus de sites étrangers proposent de tels tests à des fins diverses (récréatives, généalogiques, tests de paternité, etc.).
En deuxième lieu, le séquençage haut‐débit, en ce qu’il peut conduire à analyser l’ensemble du génome, est susceptible de révéler d’autres anomalies que celles ayant justifié le recours au test génétique (par exemple, un test génétique réalisé pour identifier les causes d’un retard mental peut conduire à détecter la présence, sur un autre gène, d’un allèle exposant à un risque élevé de cancer). Cette
une personne de se soumettre à des tests génétiques avant que ne soit conclu le contrat et pendant toute la durée de celui‐ci. »
318 Les données génétiques, point CNIL, op. cit., pp. 36‐37.
319 Analyser les 25 000 gènes d’un malade (exome) coûte de l’ordre de 1 500 euros (A.
Munnich, « Nommer la maladie », L’enfant et sa famille face à la génétique, Contraste, 2018/1, n° 47). Comme l’explique également J.‐H. Déchaux, « ce qui avait exigé treize années de travail et un investissement de 3 milliards de dollars au cours des années 2000 avec le projet « Génome humain » est aujourd’hui réalisable en une heure pour moins de 1 000 euros » (« La procréation à l’heure de la révolution génomique », Esprit, 2017/10, p. 113‐129).
320 Ensemble des exons du génome, qui correspondent à la partie d’un gène codant pour la production de protéines.
321 Par les puces ADN ou par les méthodes de séquençage haut débit (next generation sequencing,
ou NGS).
322 V. CCNE, 25 avril 2013, avis n° 120, Questions éthiques associées au développement des tests
génétiques fœtaux sur sang maternel, p. 11.
Page 148
problématique des découvertes incidentes, si elle n’est pas nouvelle en médecine, se présente avec une ampleur inédite à la faveur d’un tel séquençage.
Or, la question de l’utilité d’informer le patient de ces découvertes incidentes est rendue plus complexe par la circonstance que les variants décelés ne permettent pas nécessairement323 de déduire le développement phénotypique d’une maladie.
L’information donnée dans ce cadre reste souvent probabiliste, exprimée sous la forme d’un risque accru324. En outre, même si l’anomalie en cause conduit de façon inévitable à l’apparition d’une maladie, il n’est pas possible de déterminer avec certitude les conditions de son expression (âge d’apparition et intensité des symptômes). En somme, la révélation d’un statut génétique va souvent consister en un passage d’une incertitude à une autre325.
En troisième lieu, le séquençage du génome entier génère des données massives, dont la réutilisation réitérée, notamment à des fins de recherches, est susceptible de soulever des questions en termes de protection des données génétiques.
3.1.3.2. Les conséquences du séquençage haut‐débit sur le cadre juridique actuel
La question du maintien de l’interdit des tests génétiques hors du cadre médical La banalisation du séquençage haut‐débit et le développement de la médecine préventive qu’il permet réinterrogent la pertinence de l’interdit posé à l’article 226‐
28‐1 du code pénal, lequel sanctionne le fait de solliciter, en dehors d’un cadre médical, l’examen de ses caractéristiques génétiques ou de celles d’un tiers (tests génétiques).
Sur cette question, deux éléments consensuels doivent être, à titre liminaire, relevés.
D’une part, compte tenu de l’offre croissante sur Internet et de la difficulté à caractériser cette infraction lorsqu’elle est dématérialisée, cette règle est contournée et ne permet pas, en elle‐même, d’endiguer l’essor des tests vendus directement au consommateur. D’autre part, l’interdiction de solliciter l’examen des caractéristiques génétiques d’un tiers n’est absolument pas remise en cause.
Ces précisions faites, deux approches sont envisageables :
‐ maintenir l’interdit : une telle approche, qui se justifie par l’importance symbolique
‐ maintenir l’interdit : une telle approche, qui se justifie par l’importance symbolique