• Aucun résultat trouvé

CONSE´QUENCE SUR L’ACTION RE´CURSOIRE EN CAS

SECTION 2. L’AUTORITE´ DE LA CHOSE JUGE´E AU PE´NAL SUR LE CIVIL

C. CONSE´QUENCE SUR L’ACTION RE´CURSOIRE EN CAS

D’ACCIDENT DE LA CIRCULATION CAUSE´ EN E´TAT D’IVRESSE PAR LE PRENEUR D’ASSURANCE

70. De ces conside´rations, la Cour de cassation en de´duisait que si le juge prononc¸ait deux peines distinctes, il avait e´te´ implicitement de´cide´ qu’il n’y avait pas de lien de cause a` effet entre les deux infractions et que de`s lors la consommation d’alcool n’e´tait pas a` l’origine de l’accident de circulation : ‘il a e´te´ certainement et ne´cessairement juge´ que l’e´tat d’intoxication alcoolique du demandeur n’a e´te´ ni la cause ni l’une des causes de l’accident dont le demandeur a e´te´ tenu responsable, et dont la re´paration incombait a` (...) son assureur’8. La Cour de cassation pre´cise ainsi ‘qu’il en re´sulte que lorsque le juge pe´nal a prononce´ deux peines distinctes, le juge saisi de l’action civile est tenu de conside´rer comme e´trange`re au de´lit d’imprudence la faute ayant fait l’objet d’une pre´vention distincte’9. La re´paration du dommage e´tait de`s lors entie`rement

1. N. COLETTE-BASECQZet N. BLAISE, Manuel de droit pe´nal ge´ne´ral, o.c., p. 359.

2. Loi du 11 juill. 1994 relative aux tribunaux de police et portant certaines dispositions relatives a` l’acce´le´ration et a` la modernisation de la justice pe´nale, M.B., 21 juill. 1994, art. 45. Voir e´g. F. RIGAUX, ‘Chronique d’une mort annonce´e : l’autorite´ ‘erga omnes’ de la chose juge´e au criminel’, o.c., p. 230. 3. N. COLETTE-BASECQZet N. BLAISE, Manuel de droit pe´nal ge´ne´ral, o.c., p. 360.

4. Ibid., p. 361.

5. F. RIGAUX, ‘Chronique d’une mort annonce´e : l’autorite´ ‘erga omnes’ de la chose juge´e au criminel’, o.c., p. 230.

6. N. COLETTE-BASECQZet N. BLAISE, Manuel de droit pe´nal ge´ne´ral, o.c., p. 367. 7. Ibid., pp. 367-369.

8. Cass. (1rech.), 19 sept. 1968, Pas., 1969, I, p. 72. Voir e´g. A. JACOBS, ‘Que reste-t-il de l’autorite´ de chose juge´e du pe´nal sur le civil ?’, o.c., p. 658 ; R. DECLERCQ, Beginselen van strafrechtspleging, o.c., no3375 ; B. CEULEMANS, ‘Vers la suppression du caracte`re absolu de l’autorite´ de la chose juge´e au pe´nal sur le proce`s civil ulte´rieur ?’, note sous Cass. (1rech.), 2 nov. 2001, J.L.M.B., 2002, p. 686 ; A. DENAUW, ‘L’action re´cursoire de l’assureur : vers un abandon de l’autorite´ de la chose juge´e au pe´nal ?’, J.T., 2000, p. 393. Voir e´g. Cass. (1rech.), 22 juin 1989, Pas., 1989, I, p. 1169, avec les conclusions de l’Avocat ge´ne´ral PIRET; Cass. (2ech.), 16 sept. 1986, Pas., 1987, I, p. 53.

9. Cass. (1rech.), 21 mai 1970, Pas., 1970, I, p. 827, avec les conclusions de l’Avocat ge´ne´ral G.VAN DER

MEERSCH. Voir e´g. Cass. (1rech.), 20 sept. 1996, Pas., 1996, I, p. 842 (les juridictions de fond avaient en l’espe`ce explicitement de´cide´ que l’unique cause de l’accident re´sidait dans une violation du Code de la route). Copyright Kluwer - for internal use only

a` la charge de la compagnie d’assurance qui e´tait prive´e de son action re´cursoire1 et qui ne pouvait, lors de l’instance pe´nale, intervenir en vue de favoriser le prononce´ d’une peine unique a` l’encontre de son client malgre´ son inte´reˆt2.

A l’inverse, si une peine unique e´tait prononce´e en pareille hypothe`se, il s’en de´duisait qu’un lien de causalite´ entre les deux e´tait a` constater, rendant possible l’action re´cursoire3. Cette jurisprudence se justifiait en raison de l’indivisibilite´ du fait; comme l’explique l’Avocat ge´ne´ral G. VAN DER MEERSCH: ‘l’infraction d’ivresse ou d’intoxication alcoolique ou l’incapacite´ de conduire (...) se confond avec l’infraction d’homicide ou de blessures involontaires ; elle constitue un e´le´ment de celle-ci et forme avec elle un tout indivisible ; elle est le de´faut ou l’un des de´fauts de pre´voyance ou de pre´caution de l’auteur de l’homicide ou des blessures’4.

Or, ‘si la ‘doctrine du fait unique’ tend a` des fins spe´cifiques de politique pe´nale, il n’est pas justifie´ de tirer de la de´cision prononce´e par le juge – pour des motifs relevant de l’exercice de l’action publique – des conse´quences ayant trait aux relations entre le pre´venu et des tiers’5.

Et ce, d’autant plus que cela risque de freiner l’auteur de l’infraction de plaider l’application de l’article 65 du Code pe´nal qui lui est pourtant plus favorable que l’article 60 puisqu’une seule peine sera prononce´e6. Cette ineptie avait d’ailleurs e´te´ souleve´e par la Cour d’appel de Mons: ‘Attendu qu’a` peine de me´connaıˆtre le droit (...) a` un proce`s e´quitable, il ne peut eˆtre admis qu’un pre´venu soit amene´ a` renoncer a` demander une application plus cle´mente de la loi pe´nale a` son e´gard, en conside´ration des conse´quences que cette application plus cle´mente pourrait avoir, sans qu’il en soit meˆme jamais de´battu, sur une e´ventuelle action civile ulte´rieure’7. Ainsi, que l’explique G. SCHAMPS, ‘s’il est le´gitime que l’assureur exerce son recours contre l’assure´ lorsque celui-ci a cause´ un accident en raison de son e´tat d’ivresse, il n’est pas e´quitable d’empeˆcher le pre´venu, pour des motifs de droit civil, de demander le be´ne´fice d’une peine unique’8.

71. Dans l’hypothe`se d’un jugement pe´nal prononc¸ant une peine unique, le conducteur, auteur des faits, e´tait empeˆche´ de contester le lien de causalite´ lors de l’action civile9: ‘le juge de re´pression (...) ne peut prononcer qu’une seule peine lorsqu’il constate que l’e´tat d’ivresse ou l’e´tat d’intoxication alcoolique est la cause ou l’une des causes des le´sions corporelles involontaires (...) ; qu’en pareil cas il s’agit, en effet, non pas d’un concours mate´riel d’infractions successives, mais d’un fait pe´nal unique (...)’10.

F. KUTY remarquait toutefois qu’il e´tait difficile d’un point de vue juridique d’affirmer que l’autorite´ de la chose juge´e au pe´nal sur le civil, dans le cadre de l’action re´cursoire, recouvre l’appre´ciation du lien causal entre le dommage et

1. G. SCHAMPS, ‘L’autonomie croissante de l’action civile par rapport a` l’action publique’, o.c., p. 97 ; Ch. HENNAU-HUBLET et G. SCHAMPS, ‘Responsabilite´ pe´nale et responsabilite´ civile : une parente´ conteste´e’, o.c., p. 144.

2. A. DENAUW, ‘L’action re´cursoire de l’assureur : vers un abandon de l’autorite´ de la chose juge´e au pe´nal ?’, o.c., p. 394.

3. R. DECLERCQ, Beginselen van strafrechtspleging, o.c., no3376. Voir e´g. Cass. (1rech.), 21 fe´vr. 1985, Pas., 1985, I, p. 763 ;

4. Conclusions de l’Avocat ge´ne´ral G.VAN DERMEERSCHsous Cass. (1rech.), 21 mai 1970, Pas., 1970, I, p. 830. Voir e´g. P. BOSSARD, ‘L’autorite´ de la chose juge´e au criminel sur le proce`s civil ulte´rieur’, o.c., p. 36.

5. G. SCHAMPS, ‘L’autonomie croissante de l’action civile par rapport a` l’action publique’, o.c., p. 98. 6. Voir F. RIGAUX, ‘Autorite´ de la chose juge´e et principe du contradictoire’, note sous Cass. (1re ch.),

18 sept. 1986, o.c., p. 214.

7. Mons, 22 oct. 1997, J.L.M.B., 1998, p. 562. Voir e´g. A. JACOBS, ‘Que reste-t-il de l’autorite´ de chose juge´e du pe´nal sur le civil ?’, o.c., p. 667.

8. G. SCHAMPS, ‘L’autonomie croissante de l’action civile par rapport a` l’action publique’, o.c., pp. 111-112. 9. Ch. HENNAU-HUBLET et G. SCHAMPS, ‘Responsabilite´ pe´nale et responsabilite´ civile : une parente´

conteste´e’, o.c., p. 144.

10. Cass. (2ech.), 2 fe´vr. 1970, Pas., 1970, I, p. 474.

Copyright Kluwer - for internal use only

l’e´tat d’ivresse du conducteur ‘de`s lors que ce lien de causalite´ ne fait pas partie des motifs ne´cessaires au soutien de la de´cision rendue sur l’action publique’1. D. PREMIERS ASSOUPLISSEMENTS

72. La jurisprudence relative a` l’action re´cursoire de l’assureur s’est assouplie tout d’abord en permettant que l’autorite´ de la chose juge´e au pe´nal sur le civil soit e´carte´e s’il y avait une contradiction entre les motifs et le dispositif de la de´cision2 ou lorsqu’il y avait une contradiction entre la de´cision pe´nale et l’information re´pressive3.

Cette seconde hypothe`se fut rencontre´e dans l’arreˆt de la Cour de cassation du 6 mai 1993 ou` la Cour rejeta un pourvoi a` l’encontre d’une de´cision relative a` une action re´cursoire et acceptant d’y faire droit alors que des peines distinctes avaient e´te´ prononce´es pour les infractions de coups et blessures involontaires et d’inaptitude a` la conduite, d’une part, et de conduite en e´tat d’e´brie´te´, d’autre part.

La Cour de cassation a conclu qu’en raison du silence du juge pe´nal quant a` la cause de l’inaptitude a` la conduite, le juge civil e´tait en droit de rechercher les e´le´ments de re´ponse dans l’information re´pressive a` ce sujet4: ‘(...) le jugement (...) qui a de´clare´ les pre´ventions e´tablies et prononce´ deux peines distinctes, n’a motive´ ni explicitement ni implicitement l’application de ces peines ; qu’il ne pre´cise pas la raison pour laquelle le demandeur n’e´tait pas en e´tat de conduire ; que, dans ces conditions, la cour d’appel a pu, en se fondant sur ‘l’information re´pressive, produite en photocopie aux de´bats’, pour rechercher la cause de cette inaptitude a` la conduite (...) et conside´rer en conse´quence que le ‘juge pe´nal n’a pu sans se contredire, de´cider que l’e´tat d’ivresse dans lequel se trouvait (le demandeur, e´tait) sans relation de causalite´ avec l’accident’’5.

1. F. KUTY, ‘Quelle est l’e´tendue de l’autorite´ de chose juge´e d’une de´cision pe´nale sur le juge civil en cas de condamnation a` des peines distinctes du chef de conduite en e´tat d’ivresse et d’infraction au code de la route ?’, note sous Cass. (1rech.), 26 juin 1997, J.L.M.B., 1998, p. 1004.

2. G. SCHAMPS, ‘L’autonomie croissante de l’action civile par rapport a` l’action publique’, o.c., p. 98 ; A. DE

NAUW, ‘L’action re´cursoire de l’assureur : vers un abandon de l’autorite´ de la chose juge´e au pe´nal ?’, o.c., p. 394. Voir e´g. Cass. (3ech.), 6 janv. 1992, R.W., 1991-1992, p. 1071 et Pas., 1992, I, p. 388 ; Cass. (1rech.), 5 fe´vr. 1987, Pas., 1987, I, p. 665 ; Cass. (ch. re´unies), 8 mars 1973, Pas., 1973, I, p. 631, avec les conclusions du Procureur ge´ne´ral G.VAN DERMEERSCH; Cass. (1rech.), 18 sept. 1970, Pas., 1971, I, p. 44 et R.W., 1970-1971, p. 412, avec les conclusions du Procureur ge´ne´ral G.VAN DERMEERSCH(‘Attendu que, meˆme si le juge pe´nal, en condamnant aussi le demandeur pour avoir conduit un ve´hicule alors que le taux d’alcool dans son sang e´tait d’au moins 1,50 gramme pour mille, a fait une application errone´e de l’article 65 du Code pe´nal, il a ne´anmoins, contrairement a` sa de´cision quant aux peines, constate´ l’unite´ du fait ayant donne´ lieu aux deux condamnations, de sorte qu’a` de´faut de certitude quant a` la chose juge´e a` cet e´gard, le juge civil n’est pas lie´ par la de´cision pe´nale’).

3. M. FRANCHIMONT, A. JACOBS et A. MASSET, Manuel de proce´dure pe´nale, 4e e´d., o.c., p. 1120 ; B. CEULEMANS, ‘Vers la suppression du caracte`re absolu de l’autorite´ de la chose juge´e au pe´nal sur le proce`s civil ulte´rieur’, note sous Cass. (1rech.), 2 nov. 2001, o.c., pp. 686-687 ; G. SCHAMPS, ‘L’autonomie croissante de l’action civile par rapport a` l’action publique’, o.c., p. 99 ; A. DENAUW, ‘L’action re´cursoire de l’assureur : vers un abandon de l’autorite´ de la chose juge´e au pe´nal ?’, o.c., p. 395 et Ch. HENNAU -HUBLETet G. SCHAMPS, ‘Responsabilite´ pe´nale et responsabilite´ civile : une parente´ conteste´e’, o.c., pp. 114-115.

4. D. CHICHOYAN, ‘L’autorite´ de la chose juge´e du pe´nal sur le proce`s civil ulte´rieur’, o.c., p. 236 ; Cass. (1rech.), 13 sept. 1974, Pas., 1975, I, p. 42. Voir e´g. Cass. (1rech.), 18 juin 1987, J.T., 1987, p. 682, obs. ; Cass. (3ech.), 12 mars 1984, Pas., 1984, I, p. 815 (‘Que, toutefois, il ne suit pas de ce qui pre´ce`de qu’en prononc¸ant des peines distinctes le juge d’appel a de´cide´ certainement et ne´cessairement que l’infraction routie`re a e´te´ la seule cause de l’accident et qu’il a ainsi exclu tout lien de causalite´ entre l’ivresse, l’intoxication alcoolique et le dommage’) ; Cass. (1rech.), 7 janv. 1983, Pas., 1983, I, p. 534 (‘Attendu qu’il suit de ce qui pre´ce`de que le juge pe´nal n’a pas ne´cessairement exclu tout lien causal entre, d’une part, l’accident et le dommage, et, d’autre part, l’ivresse et l’intoxication alcoolique ; Attendu que, le juge pe´nal n’ayant pas certainement et ne´cessairement juge´ que l’ivresse n’a pas e´te´ une des causes de l’accident, l’arreˆt a pu de´cider, sans violer les dispositions le´gales cite´es au moyen et le principe ge´ne´ral du droit invoque´, sur la base des constatations de fait telles qu’elles apparaissent de l’arreˆt, que le fait de conduire en e´tat d’ivresse a e´te´ la cause de l’accident’).

5. Cass. (1rech.), 6 mai 1993, Pas., 1993, I, p. 440 et R.C.J.B., 1994, p. 163, note F. RIGAUX, ‘Sursis pour un condamne´ : l’autorite´ au civil de la chose juge´e au pe´nal’.

Copyright Kluwer - for internal use only

Cette de´cision ouvre donc une bre`che importante de l’autorite´ de la chose juge´e au pe´nal sur le civil puisque ‘la Cour a reconnu au juge civil saisi de l’action re´cursoire de l’assureur ‘la liberte´’ de rechercher dans le dossier re´pressif et non plus dans la seule de´cision pe´nale les indices d’une ‘incertitude’ quant a` la signification d’une de´cision coule´e en force de chose juge´e’1.

E. APPLICATION DE L’ARREˆT DE LA COUR DE CASSATION DU