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Conclusions et recommandations

L’étude menée par l’inspection générale met en évidence à la fois des éléments positifs et d’autres qui méritent une attention particulière et des actions à tous les niveaux.

En ce qui concerne les éléments de satisfaction, nous soulignerons le respect des horaires officiels, la stabilité du niveau de performance des élèves, la qualité de certaines démarches pédagogiques en conformité avec l’esprit des programmes.

Mais des signes sont inquiétants et appellent une action à divers niveaux. Depuis trente ans, priorité est donnée à un enseignement des mathématiques qui privilégie la résolution de problèmes. Cette tendance est conforme aux orientations internationales (enquête PISA) : les élèves sont préparés à ce type d'exercice dès l'école primaire. Il faut donc se féliciter que les maîtres empruntent largement cette direction. Toutefois, la mise en oeuvre est très imparfaite. De nombreuses séances qui visent à développer les capacités à chercher manquent de rigueur. Probablement trop complexes, elles se déroulent dans un certain désordre et ne permettent pas de conduire à une construction de connaissances solides. En outre, nombre de situations se révèlent sélectives : seuls, les élèves ayant l’habitude de ce type de réflexion en profitent pleinement. Certains problèmes sont donnés avec un objectif trop vague d’apprendre à chercher : « on joue à être mathématicien ». Cette vision se révèle contre-productive lorsqu’elle conduit à négliger les bases mathématiques : apprendre à résoudre un problème relève aussi d’un entraînement construit, d’une méthodologie progressive et intelligente. Apprendre à calculer ne passe pas uniquement par des étapes de réflexion, mais s’appuie sur la fixation d’automatismes et des acquisitions indispensables. Les programmes qui demandent exactement cette démarche semblent mal compris sur ce point :

« L’élaboration des connaissances se réalise au travers de la résolution de problèmes, leur maîtrise nécessite des moments d’explicitation et de synthèse, et leur efficacité est conditionnée par leur entraînement dans des exercices qui contribuent à leur mémorisation. » Il faut certainement revenir sur le sens de l’expression « élaboration des connaissances ».

La notion même de problème apparaît aujourd’hui confuse et diluée. Si toute notion s’élabore à travers un problème, qu’est-ce donc qu’un problème ? Et apprend-on à résoudre des problèmes ? Si autrefois les maîtres enseignaient une méthodologie de recherche et de résolution en décomposant une question complexe en questions simples (méthodologie procédurale qui a fait l’objet de beaucoup de critiques), il semble qu’aujourd’hui trop peu de maîtres proposent une méthodologie rigoureuse qui débouche sur des compétences assurées.

Sans être totalement inexistantes, les activités sur le sens (travail sur l’énoncé par exemple qui est hautement recommandé par les instructions), sur l’appropriation du problème posé par chaque élève restent peu nombreuses.

L'accent mis sur les problèmes conduit certains maîtres à négliger les exercices d'entraînement qui fixent les connaissances simples et les savoir-faire de base. Le calcul n'est pas considéré de la même manière par tous les maîtres. Savoir les tables par cœur, calculer mentalement, savoir poser des opérations sont des compétences insuffisamment travaillées. Le calcul mental n’est pas assez pratiqué. Or, cette forme de calcul est essentielle car elle conjugue réflexion et mémorisation. Dans son rapport d’étape sur le calcul, la commission de réflexion sur l’enseignement des mathématiques écrit : « Le calcul, dès les débuts de la scolarité élémentaire, peut et doit être pensé dans ses rapports au raisonnement et à la preuve. Le calcul mental a, nous semble-t-il, un rôle essentiel à jouer à ce niveau. Il

est une façon privilégiée de lier calcul et raisonnement, en mettant en jeu les propriétés des nombres et des opérations. »53 Par ailleurs, l’utilisation des calculatrices est loin d’être répandue alors qu’elle est demandée par les programmes et qu’elle est rendue nécessaire par certains types de calcul (grands nombres, nombres décimaux).

A propos du socle en mathématiques, le Haut conseil de l’éducation a proposé de

« donner une place accrue à la résolution de problèmes à partir de situations ouvertes et proches de la réalité » tout en insistant sur « la nécessité de créer aussi tôt que possible des automatismes en calcul (calcul mental, apprentissage des quatre opérations) »54. Cet équilibre fait aujourd’hui défaut dans bien des classes : les exercices d’entraînement sont trop peu nombreux et les connaissances élémentaires ne peuvent dès lors être fixées convenablement. Il faut garder à l’esprit que l’objectif d’acquisition d’une culture mathématique passe, certes, par le développement des capacités de recherche, mais aussi par l’acquisition de procédures expertes (algorithmes opératoires par exemple).

La didactique des mathématiques qui appelle des connaissances suffisantes en mathématiques n’est pas assez connue ou mal interprétée. La réflexion sur les différents concepts mathématiques est essentielle pour construire des séquences efficaces ; l’analyse des erreurs commises par les élèves est indispensable, non seulement pendant des temps de formation des maîtres où un travail approfondi peut être mené, mais également « à chaud », c’est-à-dire en situation de classe où elle doit être rapide et permettre d’engager une action correctrice appropriée. Si de nombreuses séquences observées mettent en évidence des efforts de mises en œuvre de recherche pédagogique, trop souvent, celles-ci sont peu efficaces ; elles apparaissent comme de nouvelles « recettes » susceptibles de faire entrer dans des concepts mathématiques de manière automatique. Le travail de formation des maîtres devra être approfondi, en pensant tout particulièrement à la nécessité de considérer tous les élèves et pas seulement une majorité d’entre eux. L’insuffisance de différenciation pédagogique est un souci majeur qui, s’il n’est pas propre aux mathématiques, pourrait certainement être traitée particulièrement dans cette discipline. Les mathématiques se prêtent plus facilement que d’autres disciplines à cette adaptation des tâches à effectuer au niveau et aux besoins réels des élèves. Graduer la difficulté des exercices, varier le nombre et la nature des activités est réalisable dans toute classe.

D’où les recommandations suivantes :

‰ Pour la formation initiale

- Prévoir des mises à niveau suffisantes en mathématiques des futurs maîtres, selon leur formation universitaire.

- Revoir la formation des IEN du premier degré en visant le développement de leur capacité d’expertise didactique en mathématiques.

‰ Pour la formation continue des personnels du premier degré

53 Rapports et documents de synthèse de la Commission de réflexion sur l'enseignement des mathématiques (CREM)- Rapport d’étape sur le calcul

http://eduscol.education.fr/D0015/calcul.pdf

54 Recommandations pour le socle commun, Haut conseil de l’éducation, 23 mars 2006

- Mettre en place une ou plusieurs actions de formation nationale (université d’été, stage du plan national de pilotage) sur l’enseignement des mathématiques pour faire le point sur les recherches pédagogiques et didactiques et les confronter aux réalités de l’enseignement, dans la diversité de ses réussites.

‰ En matière de pilotage académique

- Favoriser la diffusion d’une culture mathématique auprès des maîtres par une animation associant des inspecteurs (IA-IPR de mathématiques et IEN) et des formateurs exerçant en primaire et en secondaire (groupe de travail académique sur l’enseignement des mathématiques, avec si nécessaire des déclinaisons départementales).

- Mettre en place un programme de formation des maîtres adapté aux besoins repérés, en liaison avec les IUFM.

‰ En matière de pratiques d’inspection

- Porter une attention particulière aux équilibres entre les divers types d’activité mathématique dans les classes.

- Approfondir les analyses des séances vues sous un angle didactique.

- Veiller à la régularité de la pratique (quotidienne) du calcul mental.

- Prêter une attention particulière aux différents aspects de la résolution de problèmes et notamment à la qualité des activités proposées aux élèves dans ce cadre.

- Veiller à l’existence des programmations (cycle et classe) et des progressions.

‰ En matière d’action pédagogique

- Différencier les activités proposées aux élèves à chaque séance de mathématiques, cette discipline s’y prêtant particulièrement bien.

- Être attentif aux erreurs commises par les élèves ; s’attacher à les comprendre et y remédier dès leur découverte.

- Rééquilibrer, partout où c’est nécessaire, les temps d’activité des élèves de manière globale sur une année en accordant davantage de place aux exercices d’entraînement.

- Equilibrer les activités au cours d’une séance de mathématiques en commençant systématiquement par un temps de calcul mental.

- Suivre une progression en calcul mental ; s’assurer de la connaissance des tables d’opération (par cœur).

- Faire une place plus large au calcul instrumenté.

- Avoir recours aux outils informatiques, notamment pour individualiser les apprentissages.

- Faire résoudre des problèmes empruntés aux situations de la vie courante, à celle des élèves et de leurs familles.

‰ Etudes, recherches

- Etablir des comparaisons internationales entre les parcours mathématiques des élèves d’école primaire (objectifs, compétences, démarches).

- Développer et soutenir des activités de recherche pédagogique autour du calcul et de l’aide à l’élève en mathématiques.

Remerciements

Les membres du groupe de pilotage de cette étude :

Madame Viviane Bouysse, inspectrice générale de l’éducation nationale Monsieur Jean Hébrard, inspecteur général de l’éducation nationale Madame Michèle Leblanc, chargée de mission à l’inspection générale Madame Christine Saint-Marc, chargée de mission à l’inspection générale Monsieur Xavier Sorbe, inspecteur général de l’éducation nationale et

Monsieur Jean-Louis Durpaire, inspecteur général de l’éducation nationale, rapporteur

tiennent à remercier

leurs collègues du groupe de l’enseignement primaire : madame Martine Safra, doyenne ; messieurs Jean-Michel Bérard, Yves Bottin, Philippe Claus, Jean David, Marcel Duhamel, Alain Houchot, Pascal Jardin, Christian Loarer, Henri-Georges Richon

Mesdames et messieurs les recteurs des académies d’Amiens, Orléans-Tours, Nancy, Nantes, Paris, Reims, Strasbourg

Mesdames et messieurs les inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation des départements : Bas-Rhin, Ardennes, Aube, Cher, Doubs, Essonne, Gironde, Indre, Haute-Marne, Haute-Saône, Loire-atlantique, Maine-et-Loire, Marne, Moselle, Paris, Somme

Mesdames et messieurs les inspecteurs de l’éducation nationale des circonscriptions visitées ; tout particulièrement mesdames Lecardonnel, Grandchamp-Darragon, Hodeau, Ouanas, Ranc, Talmo, Yessad-Blot, messieurs Bigorgne, Bouzy, Cotty, Denizot, Fritz, Gazay, Mille.

ainsi que

La commission permanente des IREM pour l’enseignement élémentaire Monsieur Philippe Scatton, IA IPR de mathématiques de l’académie de Reims Monsieur Rémi Brissiaud , maître de conférences, IUFM de l’académie de Créteil Monsieur Roland Charnay, professeur agrégé honoraire

Monsieur Jean-Claude Duperret, professeur agrégé, directeur centre IUFM de Troyes Monsieur Michel Fayol, professeur des universités, Université de Clermont-Ferrand Madame Catherine Houdement, maître de conférences, IUFM de l’académie de Rouen

Monsieur Bernard Sarrazy, professeur des universités, Université Victor Segalen Bordeaux

Madame Catherine Taveau, professeur de mathématiques, IUFM de l’académie de Paris

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