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La conceptualisation « physique » et « mentale » de l’intangibilité

CHAPITRE 1 : COMPRENDRE LE SECTEUR DES SERVICES

2.3. La conceptualisation « physique » et « mentale » de l’intangibilité

et Clow, 1998 ; Kotler, 2000 ; Zeithaml et Bitner, 2000). En 1984, Flipo étend cette définition en affirmant que l’inaccessibilité sensorielle peut également être perçue pendant l’achat, voire même après achat (par exemple, l'entretien d'une automobile ou une opération chirurgicale).

En 1988, Flipo réexamine le concept d’intangibilité, et en restreint l’inaccessibilité sensorielle à la seule inaccessibilité au toucher, en le définissant comme étant synonyme de l'immatérialité. Il estime que l’immatérialité est la seule caractéristique véritablement universelle face à la très grande diversité des services. Et il ajoute que ce qui est universellement immatériel dans un service, c’est l’acte de service lui-même, et non la personne qui preste le service, ou le support physique qui lui est associé. Dès lors, il affirme qu’il est faux de considérer qu’un service est plus ou moins intangible, puisque si l’on considère le service dans son sens strict, il est par nature même intangible. Il termine en insistant sur l’importance de ne pas confondre immatérialité avec imperceptibilité - la musique, par exemple, peut être perçue par le sens de l’ouïe sans pour autant être matérielle –, et il conclut que les facteurs intangibles peuvent donc être perçus par les autres sens que le toucher.

physique d'une part, et l'intangibilité mentale d'autre part. Ainsi, les services sont par nature intangibles. Ils ne peuvent pas être touchés, goûtés, sentis ou vus. En outre, ils sont plus difficiles à comprendre, à saisir mentalement. Edgett et Parkinson (1993) supportent la définition proposée par Bateson en 1979. Nollet et Haywood-Farmer (1992) proposent qu’un élément intangible ne puisse être ni touché, ni très bien compris, quoiqu’il puisse être perçu par un autre sens ou grâce à des images mentales. Ward (1996) distingue également les composantes physique et mentale de l’intangibilité, en proposant que la composante mentale représente la facette cognitive du concept. Ennew, Watkins et Wright (1997) affirment quant à eux que l’intangibilité a deux significations : d’une part, elle fait référence à l’impalpabilité d’un service, puisque le service n’a généralement pas d’existence physique, et d’autre part, les services sont intangibles dans le sens où ils sont difficiles à définir et à comprendre. Ces auteurs soulignent qu’un grand nombre de services se caractérisent par un degré élevé d’intangibilité sur ces deux composantes, en insistant plus particulièrement sur les services dits professionnels (services comptables, services légaux, …) et les services financiers. Mittal (1999) évoque pour sa part la composante mentale de l’intangibilité en la nommant

« impalpabilité mentale », pour faire référence à la difficulté accrue pour un service d’être compris. Grove, Carslon et Dorsch (2002), dans un article sur la tangibilisation des services à travers la communication, insistent tout particulièrement sur la nécessité d’aider le client à mieux saisir mentalement le service et à en faciliter la compréhension. Ce faisant, ils suggèrent la double composante de l’intangibilité, laissant même supposer que la composante mentale constitue un plus grand défi en matière de communication. Finalement, dans leur discussion sur les fondements du marketing des services, Lovelock et Gummesson (2004) soutiennent cette conceptualisation, en ajoutant que le degré d’intangibilité mentale inhérent à un service n’est pas nécessairement corrélé avec le degré d’intangibilité physique (p.27), et que l’un ne peut pas être jugé comme étant la nécessaire conséquence de l’autre.

Sur un plan purement conceptuel, des divergences existent donc sur le sens à donner au concept d’intangibilité. Observons à présent les travaux relatifs à l’analyse de la dimensionnalité du concept et de son opérationalisation, pour compléter la présentation de l’intangibilité.

3. L’INTANGIBILITE, UN CONCEPT MULTIDIMENSIONNEL ?

Les définitions de l’intangibilité faisant référence à une composante physique et une composante mentale suggèrent que ce concept soit multidimensionnel. Trois recherches ont été identifiées, portant sur l’analyse de la dimensionnalité du concept : celle de Dubè-Rioux, Regan et Schmitt en 1990, celle de Breivik, Troye et Olsson en 1998, et celle de Laroche, Bergeron et Goutaland (2001).

Dubè-Rioux, et al. (1990) sont les premiers auteurs identifiés à proposer deux dimensions de l’intangibilité : 1) le caractère abstrait/concret, qui fait référence à l’(in)accessibilité par les sens, et 2) le caractère spécifique/général, qui fait référence à la capacité d’un terme à recouvrir un nombre plus ou moins grand de mots subalternes.

D’après ces auteurs, un produit/service est d’autant plus concret que ses caractéristiques ou ses résultats peuvent être perçus sensoriellement. Ainsi, un service de nettoyage est un service relativement concret : son résultat peut être vu (la maison est propre, ça se voit), touché (passer le doigt sur un meuble et constater une absence de poussière) et senti (un parfum agréable de produits d’entretien). Par contre, une assurance vie est donnée comme exemple de service très abstrait. Ses caractéristiques et ses résultats sont difficilement perceptibles sensoriellement.

Un service est perçu comme étant général s’il est décrit par un grand nombre de mots subalternes non exclusivement liés au service en question, et qui font référence à des aspects généraux du service, de ses caractéristiques ou de ses résultats. A l’opposé, plus un service est spécifique, plus les mots pour le décrire sont limités et adaptés à ce seul service, et plus ils décrivent précisément les caractéristiques et/ou les résultats du service.

Les attributs spécifiques sont généralement des caractéristiques précises d’une entité (système de freinage ABS, système ESP de correction de trajectoire, …), alors que les attributs généraux font habituellement référence aux résultats de ces caractéristiques (p.ex.

la sécurité de la voiture). Par rapport à la définition de l’intangibilité de Bateson (1979) et Berry (1980), cette dimension souligne donc la difficulté accrue à définir et à expliquer un service.

Sur base des travaux de Dubè-Rioux, et al., Breivik, et al. (1998) proposent à leur tour les deux dimensions suivantes : 1) L’inaccessibilité par les sens (intangibilité physique) et 2) la généralité, qui est identique à la deuxième dimension suggérée par Dubè-Rioux, et al. (1990).

L’inaccessibilité par les sens signifie que les attributs intangibles sont reliés au service mentalement plutôt que physiquement, et est associée à la première dimension de Dubé-Rioux et al. (1990). Les auteurs se fondent sur les travaux d’Hirschman (1980), qui proposent que les attributs tangibles soient accessibles sensoriellement, alors que les attributs intangibles n’existent qu’à travers une construction mentale, car ne pouvant pas être appréhendés par les sens.

Sur la base d'une critique formulée à l'égard de la définition de l'intangibilité de Berry (1980) et de travaux antérieurs - dont ceux de McDougall et Snetsinger (1990), de Dubè-Rioux et al.

(1990) et de Breivik et al. (1998) -, Laroche et al. (2001) ont développé une échelle du degré d'intangibilité d'une offre de services, qui propose trois dimensions au concept étudié :

La première dimension, l'inaccessibilité aux sens, fait référence à la composante physique de l'intangibilité. Elle a été précédemment décrite par Breivik et al. (1998). Elle rappelle l’une des définitions classiquement donnée de l’intangibilité, à savoir, qu’un service ne peut pas être perçu par une expérience sensorielle directe telle que le toucher ou la vue.

La deuxième dimension, la généralité, déjà identifiée par Dubé-Rioux et al. (1990), souligne que le consommateur peut percevoir un service de façon générale ou spécifique.

« Un service est perçu comme étant général si les consommateurs ne sont pas capables de fournir une définition précise du service, de ses caractéristiques ou de ses résultats.

Inversement, un service est perçu comme étant spécifique s’il génère des définitions précises et claires du service, de ses caractéristiques et de ses résultats » (Laroche et al., 2001, p. 28).

• Laroche, et al. (2001) proposent, par rapport aux travaux antérieurs, une troisième dimension de l'intangibilité, qu'ils nomment « l'intangibilité mentale ». Les auteurs précédents (Dubé-Rioux et al., 1990 et Breivik et al., 1998) distinguaient en effet

seulement deux dimensions : le caractère abstrait ou concret (ou l'inaccessibilité aux sens), faisant référence à la composante physique de l'intangibilité, et la généralité, couvrant la composante mentale. Laroche et al. (2001) distinguent quant à eux, à côté de la généralité, une autre dimension relative à la composante mentale. Ils sont partis du constat que "la tangibilité physique ne garantit pas chez le consommateur une représentation mentale claire et tangible de l’objet, surtout si l’évaluateur manque d’expérience à l’égard de cet objet" (Finn, 1985 ; McDougall et Snetsinger, 1990). Cette conception est nouvelle par rapport aux auteurs antérieurs, qui semblent reconnaître implicitement qu’un produit/service – s’il est physiquement tangible – ne nécessite pas de construction mentale pour l’appréhender, et dès lors que le problème de l’accessibilité mentale ne se pose pas.

4. OPERATIONALISATION DU CONCEPT DINTANGIBILITE

Deux recherches séminales ont été identifiées, visant à développer un outil de mesure multi-items du degré d'intangibilité d'une offre de services : celle de McDougall et Snetsinger (1990), et celle plus récente de Laroche, Bergeron et Goutaland (2001).