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Concepts de résilience

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 49-53)

Alors que la vulnérabilité est plutôt centrée sur le système technique du réseau, la résilience est une notion qui implique une réaction, donc l’étude du système sociotechnique (les infrastructures et la couche organisationnelle). De très nombreuses définitions existent autour de la résilience, mot popularisé par la conférence de Hyogo et le programme d’action des Nations Unies [United Nations, 2012]. Hollnagel distingue deux approches de celle-ci [Hollnagel, 2009]. La première présente une organisation résiliente comme une organisation à haute fiabilité, c’est-à-dire capable d’éviter les crises grâce à une grande « qualité de fonctionnement » [Leplat, 2007]. La seconde vision analyse les systèmes face à des accidents majeurs, afin de comprendre les failles des organisations. Seule cette deuxième approche intéresse ce travail au vu des contraintes des différents projets. L’état de l’art qui suit est donc centré sur la définition d’une résilience FACE à un évènement donné.

Bruneau fait figure de référence lorsque l’on parle du concept de résilience. Il propose de définir la résilience d’une communauté face au risque sismique à l’aide de quatre dimensions [Bruneau, 2003] :

· la robustesse : capacité des bâtiments à faire face à un certain niveau d’intensité, sans perte de fonctionnalité ;

· la redondance des systèmes, c’est-à-dire leur capacité à être facilement substituables ;

· des ressources adaptées (moyens humains, matériels et structures), c’est-à-dire la capacité de la société à identifier des problèmes, établir des priorités, mobiliser des moyens en vue d’un but déterminé ;

· la rapidité, c’est-à-dire la capacité à hiérarchiser et à atteindre les objectifs fixés dans le temps imparti pour limiter les endommagements.

Cependant la notion de rapidité paraît correspondre au résultat des trois premières caractéristiques : la capacité à hiérarchiser et à atteindre ses objectifs est influencée par le dimensionnement des ressources disponibles, la redondance des systèmes et le taux de dommage aux infrastructures. De plus, l’évaluation de la résilience d’une communauté n’est pas entièrement transposable à l’évaluation de la résilience des systèmes sociotechniques que

sont les réseaux techniques. D’autres définitions, plus spécifiques à ces systèmes, peuvent être mises en parallèles à la définition de Bruneau.

Woods distingue dans la littérature quatre concepts de résilience : La résilience comme un retour à l’équilibre après un traumatisme, la résilience comme synonyme de résistance, la résilience comme capacité d’extension de ses performances à un environnement changeant et la résilience comme capacité d’adaptation face aux surprises, cette dernière étant basée sur l’architecture du système (redondance notamment) [Woods, 2015]. Si certaines de ces catégories croisent bien la définition de Bruneau, elles semblent traduire des choix d’auteurs qui ne constituent pas un consensus autour du terme de résilience.

Reghezza propose alors d’expliquer la cohérence entre les catégories de résilience face au risque, en les distinguant par l’instant auquel la résilience est mesurée [Reghezza, 2013].

· Au moment de l’impact, la résilience est perçue comme une capacité à résister au choc, c’est- à-dire qu’elle s’oppose à la vulnérabilité du système.

· Après la déstabilisation, dans une phase d’urgence, la résilience « s’entend comme capacité à se maintenir malgré le choc, à l’absorber et à revenir à l’état d’équilibre » [Reghezza, 2013]. Elle se définit comme la capacité à maintenir ses fonctions stratégiques, même dans un état dégradé et à restaurer rapidement le système perturbé vers un état stable.

· Sur un temps plus long, la résilience correspond à la capacité de récupération du système, qui couvre autant la reconstruction matérielle que la reconstruction des échanges socio-économiques.

Ces trois périodes peuvent d’ailleurs être mises en perspective avec la définition du CGEDD des trois phases de retour à la normale.

· Les phases de diagnostic et de sécurisation, qui correspondent à l’évaluation de la capacité d’absorption effective face à l’aléa.

· La phase de rétablissement provisoire des services (définie comme « frontière de la crise et de l’après-crise. Les réparations provisoires concernent souvent le rétablissement d’un service et non celui des infrastructures »).

· La phase de réparation définitive où le « préfet n’y voit plus matière à « action de crise » transversale appelant sa coordination, ferme le centre de crise et les acteurs agissent désormais sans coordination » [CGEDD, 2016]

Dans la littérature scientifique, Francis et Lhomme confirment l’intérêt des trois temps caractéristiques de Reghezza lorsque l’on parle de résilience. En effet, ces deux auteurs associent à chacune de ces phases une capacité propre de la résilience. Lhomme propose, de son côté, d’analyser la résilience des réseaux techniques sur la base des trois capacités suivantes :

· la capacité de résistance, déterminée par les endommagements matériels consécutifs à un scénario donné ;

· la capacité d’absorption, capacité à fonctionner en dépit d’évènements perturbateurs ;

· et la capacité de récupération, capacité à remettre en service des composants défaillants [Lhomme, 2012].

Francis [Francis, 2014] a, quant à lui, retenu trois capacités légèrement différentes, sur la base de la comparaison de 25 définitions de la « résilience », en fonction de leur contexte d’emploi (système organisationnel, système socio-écologique, système économique, système social, système d’infrastructures). Celles-ci sont présentées ci-dessous et sur la Figure 9 [Francis, 2014].

· La capacité d’absorption : il s’agit de « l’intensité des perturbations que le système peut absorber avec peu d’efforts en ayant peu de conséquences ». On peut rapprocher cette définition de la notion de robustesse, de résistance et de redondance. Dans tous les cas il s’agit d’une capacité relativement « passive » du système.

· La capacité d’adaptation du système : il s’agit de la « capacité d’un système à s’adapter à des situations indésirables en se modifiant si la capacité d’absorption a été dépassée » Cette capacité est améliorée par la « capacité à anticiper les évènements perturbateurs, reconnaître les évènements non anticipés, se réorganiser après un évènement et plus généralement être préparé ». On est là dans une réponse active du système face à une situation de crise ou en anticipation de celle-ci.

· La capacité de récupération : elle est caractérisée par « la rapidité de retour à la normale ou à un niveau de service meilleur que l’initial ou bien par une fiabilité améliorée du système. Cette capacité est à évaluer selon les niveaux de service désirés ». On est là dans la troisième phase de Reghezza : le retour à la normale, dont la rapidité est un critère principal.

Il est à noter que la « capacité » est définie dans ce travail à la fois comme la connaissance d’un processus, de ses contraintes et de ses limites, et en même temps comme le pouvoir (l’autorité et les moyens nécessaires) de mettre en œuvre des actions [Petit Robert, 2013].

Les capacités de Francis sont définies par la notion de performance. Ce n’est pas le seul moyen d’évaluer la résilience. Gargiulo souligne qu’il existe plusieurs approches pour mesurer ces capacités, notamment celles basées sur l’évaluation de la performance ou celles basées sur des évaluations subjectives de critères identifiés [Gargiulo, 2016]. Cette dernière est utilisée par Robert notamment. Selon lui, les gestionnaires de risques dans ces systèmes sociotechniques se sont concentrés longtemps sur la protection des infrastructures critiques avant d’évoluer vers le concept de « résilience » [Robert, 2013, b]. L’ancienne notion de

« protection » était basée sur l’existence des trois critères suivants :

· L’acceptation du risque, c’est-à-dire la compréhension de l’environnement de l’infrastructure, la définition d’un niveau acceptable de perturbation par infrastructure,

· La planification de la réponse à l’aléa, c’est-à-dire les activités de prévention et de préparation, les actions de mitigation à mettre en place,

· L’anticipation de l’aléa, c’est-à-dire l’ensemble des actions qui permettent de reconnaître les changements internes et externes qui pourraient causer une perturbation de fonctionnement.

Ce dernier point nécessite donc de connaître les niveaux de sensibilité de l’infrastructure aux différentes situations. La résilience viendrait dans la continuité de ces principes, en assurant leur cohérence, via la notion de connaissance de ces seuils, des processus de réaction de l’entreprise et des rôles des différents acteurs mobilisés. La résilience devient là encore une capacité, mesurée comme résultat des critères précédents : « la capacité d’un système à maintenir ou à retrouver un niveau acceptable de fonctionnement malgré les perturbations » [Robert, 2013, b].

En dehors de la littérature scientifique, le CGEDD a, lui, définit en 2016 la résilience à l’aide de la théorie des organisations comme « la capacité d’un système à absorber une perturbation, à se réorganiser, et à continuer de fonctionner de la même manière qu’avant. La résilience concerne en général le réseau mais aussi, dans le cadre du retour à la normale, celle du service auquel participe ce réseau. » La notion de retour à la normale est alors définie comme « le retour à la situation qui prévalait antérieurement à la crise ou à une situation procurant à la population un niveau de service au moins équivalent ou, à défaut, un niveau de service pouvant être considéré comme acceptable » [CGEDD, 2016]. La notion de « niveau de service » réfère alors à la mesure de la résilience par une mesure de performance. Le CGEDD s’appuie pour sa définition sur la norme ISO 73, qui définit de façon évasive la résilience comme « capacité d'adaptation d'un organisme dans un environnement complexe et changeant ».

En conclusion, il n’existe pas de consensus autour de la définition de résilience, à part le fait qu’il s’agisse d’une ou de plusieurs « capacités ». Il revient donc à chaque auteur de définir clairement sa position. La cohérence entre le découpage temporel de Reghezza des différentes catégories de résilience et les capacités identifiées par Lhomme et Francis ont poussé l’auteur à définir la résilience des réseaux techniques, en tant que systèmes sociotechniques, comme un ensemble de trois capacités : la capacité d’absorption, celle d’adaptation et celle de récupération. Dans la mesure où l’auteur s’intéresse à des situations de crise, donc à des situations de rupture de service des réseaux techniques, la résilience sera préférentiellement évaluée par la notion de performance. Néanmoins, dans les cas où les résultats de simulation de cette performance seraient trop incertains, il faudrait estimer la performance attendue face à un évènement sur la base de l’existence de critères de résilience (existence de plan de prévention, moyens d’anticipation, etc.) correspondant aux trois capacités précédentes.

La résilience d’un réseau technique se définit alors comme la capacité à absorber un choc, à s’adapter face à celui-ci et à restaurer sa performance contractuelle dans un délai acceptable.

Ces trois capacités correspondent à des phases de la crise : l’absorption correspond à la réaction passive du système, liée à sa structure, l’adaptation correspond à la réaction active du système pour gérer la crise et mettre en place des solutions palliatives temporaires, puis la capacité de récupération, correspond à la mise en œuvre de solutions durables pour atteindre le « retour à la normale ». Ces trois phases sont présentées sur la figure ci-dessous. Il est alors intéressant de noter que la capacité d’absorption du système, dans sa dimension passive liée à la structure du système, correspond ici à l’opposé de la définition de « vulnérabilité » telle que

choisie dans le paragraphe précédent : « perte de performance du système mesurée à la fin de la réaction passive de celui-ci face à un aléa caractérisé».

Figure 9 : Les trois phases de la résilience et leur signification sur la courbe de performance [Francis, 2014]

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 49-53)

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