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du commerce mondial depuis 1945

L’évolution de la configuration des échanges commerciaux

Entre 1945 et la fin des années  1980, le commerce international est resté concentré autour d’un petit nombre de pays dévelop-pés à économie de marché. Mais la seconde mondialisation a transformé cette configu-ration du commerce mondial avec l’essor des pays émergents. La Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie (les BRIC) ont ainsi pris une place croissante dans les échanges com-merciaux en profitant d’avantages compara-tifs construits sur des segments de chaîne de valeur intensifs en travail non qualifié, mais aussi sur des productions intensives en capital et en travail qualifié (les services liés aux TIC et l’industrie pharmaceutique en Inde par exemple). La part des pays émer-gents dans le commerce international a ainsi

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doublé, ce qui est conforme à leur nouveau poids économique. En conséquence, on observe depuis le début des années 2000 un déplacement du centre de gravité du com-merce international vers l’Asie-Océanie. C’est d’ailleurs pour contrer cette baisse de la part du commerce transatlantique que les États-Unis et l’Europe ont repris les négociations du Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI) en 2013.

La composition des échanges s’est elle aussi transformée. Les produits primaires qui dominaient les échanges de marchandises au xixe  siècle ne représentent plus qu’un quart du commerce. Ce sont aujourd’hui les produits manufacturés qui dominent les échanges et notamment les produits intermé-diaires. Le poids des services s’élève égale-ment grâce à la baisse des coûts de transports et l’essor des TIC. Certains services autre-fois « abrités » de la concurrence internatio-nale sont devenus échangeables à l’échelle internationale, comme l’enseignement, la santé, etc. L’essor des services est également porté par le commerce intra-firme des mul-tinationales et de leurs filiales ou sous-trai-tants étrangers (tâches d’analyse, de saisie de données, tâches interactives comme les centres d’appels, etc.). Enfin, les formes des échanges commerciaux se sont modifiées : le commerce intra-branche représente plus de 30 % du commerce mondial et presque 60 % des échanges intra zone euro ; le commerce intra-firme se développe également à mesure que la fragmentation des chaînes de valeur s’intensifie.

La coexistence du régionalisme et du multilatéralisme

La mondialisation correspond bien souvent à une régionalisation des échanges. Celle-ci s’explique à la fois par les mécanismes décrits par le modèle gravitaire et par l’accentuation du régionalisme commercial dans les années 1990.

C’est en Europe que la part du commerce intra-régional est la plus élevée, même si elle a tendance à stagner en dépit des élargis-sements successifs de l’Union  européenne. Ce commerce progresse également en Asie-Océanie avec la mise en place d’une

division régionale du travail organisée autour de la Chine.

En Amérique, l’ALENA et le MERCO-SUR ont favorisé l’intégration commerciale dans les années 1990, mais la part du com-merce intra-régional demeure plus limitée : 48  % des échanges de biens en 2011 sont internes, et le commerce des pays d’Amé-rique latine est de plus en plus tourné vers les pays d’Asie-Océanie. Enfin, le Moyen-Orient, la Communauté des États indépen-dants (CEI) et l’Afrique ont des exportations essentiellement inter-régionales et ce malgré la multiplicité des accords régionaux.

Les gains à l’échange et les théories

du commerce international

Les thèses mercantilistes et le débat avec la physiocratie

Pour le mercantilisme, la puissance d’une nation dépend de sa richesse, elle-même assimilée aux métaux précieux. Seul le com-merce extérieur, en dégageant un solde excé-dentaire, peut attirer de l’or et de l’argent dans le pays. Il convient donc de limiter les importations et d’accroître les exportations car le commerce international est un jeu à somme nulle : le gain de l’un équivaut à la perte de l’autre puisque les métaux précieux qui sortent d’un pays par le canal des impor-tations vont vers d’autres pays exportateurs. Ainsi W. Petty (1623-1697) préconise le pro-tectionnisme commercial pour accumuler des réserves d’or. Au contraire, les physiocrates prônent le «  laissez faire les hommes, lais-sez passer les marchandises ». La controverse entre mercantilistes et physiocrates reste d’ac-tualité mais les arguments se renouvellent.

Les analyses de l’école classique

Selon les classiques, les pays trouvent intérêt à échanger parce qu’ils sont différents. En laissant jouer la « loi du marché », l’alloca-tion des ressources productives devient opti-male. Mais, selon A. Smith (1723-1790), la division nationale du travail est limitée par l’étendue du marché. Le commerce interna-tional est donc le moyen de participer à un plus grand marché et de bénéficier de tech-niques plus efficaces. Pour A. Smith, chaque

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pays a ainsi intérêt à se spécialiser dans les productions pour lesquelles il dispose du coût de production le plus bas (c’est son avantage absolu) et à échanger pour bénéfi-cier des avantages absolus des autres pays. Les gains à l’échange obtenus conduisent à une augmentation de la production mondiale réalisée avec un même volume de travail. Cette conception d’un commerce fondé sur des avantages absolus se heurte cependant à une contradiction majeure : si les produits sont toujours moins coûteux à l’étranger, il n’y a plus de commerce international pos-sible.

D. Ricardo (1772-1823) va résoudre cette contradiction dans Des principes de l’écono-mie politique et de l’impôt (1817), en mon-trant que dans certaines situations d’échange, un pays qui ne disposerait d’aucun avantage absolu aurait intérêt malgré tout à jouer la carte de la spécialisation et de l’ouverture au commerce international. C’est ce que montre la théorie des avantages comparatifs, esquis-sée par R. Torrens dès 1815, et formulée par D. Ricardo.

F. List et le protectionnisme éducateur

F. List (1789-1846) s’oppose aux analyses de D. Ricardo dans son principal ouvrage, Sys-tème national d’économie politique (1840). Il y défend l’idée d’un protectionnisme éducateur. Pour F.  List, le libre-échange de l’école classique ne sert qu’à masquer la domination britannique et à la renforcer en jouant des inégalités de développement entre nations. Selon List, l’intervention de l’État instaurant un protectionnisme éducateur, à l’abri duquel pourront se développer les forces productives, peut permettre à un pays de participer aux gains à l’échange. Ce pro-tectionnisme des « industries dans l’enfance » est transitoire. Une fois le retard économique de la nation comblé et le développement industriel amorcé, les pays ont les moyens de participer au jeu du libre-échange. C’est en ce sens qu’il écrit : « Le protectionnisme est notre voie, le libre-échange est notre but. » L’influence de List a été considérable en Alle-magne.

Les théories de l’impérialisme et de l’échange inégal

Pour K.  Marx (1818-1883), le commerce international est un moyen temporaire de résoudre les contradictions du mode de production capitaliste en fournissant des débouchés aux marchandises produites dans les pays développés et des matières premières à bas prix. Le mode de production capitaliste ne peut retarder la baisse tendan-cielle du taux de profit qu’en exploitant les différents empires coloniaux constitués à partir du xvie siècle. La spécialisation inter-nationale, présentée comme une donnée par les économistes classiques, est appréhendée par Marx comme le produit de l’histoire et des rapports de domination entre les nations. Selon K.  Marx, « l’Inde a été contrainte de produire du coton, de la laine, de l’indigo, etc. pour la Grande-Bretagne » (Le Capital). Néanmoins, Marx pense que le commerce international, vecteur du capitalisme, va pro-voquer la destruction des structures précapi-talistes dans les pays moins avancés. Entre le protectionnisme qu’il qualifie de « conser-vateur » et un libre-échange « destructeur », c’est à ce dernier que va sa préférence. « Le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C’est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange » (Discours sur la question du libre-échange, 1848).

Dans la filiation marxiste s’est développée une analyse de l’impérialisme initiée par J. A. Hobson (1858-1940) et approfondie par les marxistes autrichiens, O.  Bauer (1881-1938) et surtout R. Hilferding (1877-1941) qui jette les bases d’une théorie (Le Capital financier, 1904) dont s’inspire Lénine (1870-1924).

A.  Emmanuel, dans L’échange inégal (1969), cherche à donner une explication de l’exploitation du tiers-monde en s’appuyant sur la théorie de la valeur de Marx. À partir de certaines hypothèses (écarts de salaires et égalisation internationale des taux de profits) il montre qu’il existe un transfert de valeur travail des pays pauvres vers les pays riches, c’est en ce sens que l’échange inter-national est pour lui un échange inégal.

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Cette analyse est contestée par de nom-breux autres marxistes.

L’analyse néoclassique du commerce international et ses renouvellements

Les spécificités de l’analyse néoclassique La théorie néoclassique du commerce international reprend la thèse classique de l’avantage comparatif, mais la reformule sur la base de la théorie de la valeur utilité. Trois auteurs ayant publié des travaux à des dates différentes, E.  Heckscher (1879-1952) en 1919, B.  Ohlin (1899-1979) en 1933 et P. A. Samuelson (1915-2009), sont à l’origine du théorème HOS.

L’avantage comparatif lié aux différences de prix relatifs repose sur les différences en dotations en facteurs de production. Les pays relativement bien dotés dans un facteur de production (moins coûteux car abondant), seront avantagés dans les productions incor-porant relativement intensivement ce fac-teur jusqu’à l’égalisation internationale des rémunérations des facteurs de production. Le cadre de l’analyse est celui de l’équilibre général en concurrence pure et parfaite avec des rendements d’échelle constants et des facteurs de production substituables.

Ce théorème HOS est prolongé dans un second temps par l’article de W.  Stolper et P.  Samuelson en 1941 et le travail de T.  Rybczynski en 1955 qui formalisent le raisonnement et introduisent la question du prix des facteurs de production (théorème de Stolper-Samuelson, théorème Rybczynski).

De nombreuses controverses, dont le fameux paradoxe de Léontief (1953 et 1956), sont issues de la confrontation de ces théo-ries à la réalité des échanges internatio-naux. Les conclusions du théorème HOS rendent compte de façon imparfaite des flux d’échanges internationaux puisque les pays industrialisés importent et exportent des pro-duits très semblables ; il s’agit de commerce intra-branche. Le commerce international est d’autant plus intense que les pays concer-nés ont des niveaux de développement et des structures de la demande comparables. Ces flux importants d’échanges mal expliqués par les théories de l’avantage comparatif

conduisent à un approfondissement de la théorie.

L’avantage comparatif technologique (ou théorie de l’écart technologique) Dans la lignée de D. Ricardo (différences de productivité) et de J. A. Schumpeter (1883-1950) (rôle déterminant des innovations), M.  V.  Posner (1961) montre qu’une inno-vation crée un avantage comparatif pour un pays qui demeure tant que l’innovation ne se propage pas internationalement. Le commerce international devient temporaire-ment indépendant des rapports de coûts et s’explique avant tout par l’innovation. Les pays intensifs en recherche-développement disposent d’un avantage dans la production de biens qui leur confère un monopole tem-poraire. En contrepartie, ces pays importent, en provenance des pays les moins avancés technologiquement, des biens dont la pro-duction requiert des technologies banalisées. Cette analyse s’éloigne du modèle néo-clas-sique en permettant de comprendre le rôle décisif de l’État en matière de recherche et développement.

Dans la thèse du cycle du produit (Vernon, 1966), les pays les plus innovants exportent des biens pour lesquels ils disposent d’un avantage technologique puis ces biens sont banalisés et la logique de la dotation fac-torielle l’emporte. L’analyse de R.  Vernon s’éloigne, elle aussi, sensiblement de la théo-rie néoclassique du commerce international. Les facteurs de production ne sont plus immo-biles internationalement puisque le capital peut se déplacer. La rareté du capital dans les pays moins développés ne rend plus compte de leur spécialisation internationale. Le cycle de vie du produit est marqué par trois phases :

– dans une première phase, le produit est réalisé dans le pays le plus avancé technolo-giquement et disposant d’un marché interne étendu (les États-Unis par exemple) : il n’y a pas de flux d’exportations ;

– dans une deuxième phase, le produit est standardisé et se diffuse internationalement. La demande s’accroît dans les pays indus-trialisés et les coûts de production font l’ob-jet d’une attention plus importante. La firme américaine délocalise alors sa production

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notamment en Europe, pour contourner les barrières protectionnistes. Si les éco-nomies d’échelle l’emportent sur les coûts de transport, il est possible que les filiales européennes approvisionnent le marché américain. Le produit peut alors être vendu au pays initialement innovateur ;

– dans une troisième phase, le produit est banalisé. Les considérations de coûts deviennent déterminantes. L’implantation dans un pays en développement devient intéressante du fait du faible coût unitaire du travail. Certains pays du tiers-monde peuvent alors exporter vers le reste du monde. La théorie de la demande représentative Pour S.  B.  Linder (1961), l’avantage com-paratif ne s’explique pas tant par les carac-téristiques de l’offre (dotation factorielle ou avantage technologique) que par les caracté-ristiques de la demande. L’avantage compara-tif a en effet pour origine l’existence préalable d’un important marché intérieur (principe de la demande représentative) qui permet des économies d’échelle et un perfectionnement du savoir-faire (learning by doing). Par ail-leurs, S. B. Linder montre que les caractéris-tiques des produits exportés (leur nature, leur qualité) reflètent les goûts et le niveau de vie du pays de production. Un produit ne pourra être exporté que si la structure de la demande étrangère ressemble à celle du pays d’origine.

B.  Lassudrie-Duchêne (1971) a complété l’interprétation de S.  B.  Linder en intro-duisant la « demande de différence ». Les échanges croisés portent sur des produits semblables mais non rigoureusement iden-tiques (marque, image de marque, condi-tionnement, etc.). Le consommateur aurait un désir de se différencier (effet de démons-tration). Un bien banalisé dans le pays induit une demande d’importation de biens diffé-renciés. Les échanges croisés de produits similaires sont donc le résultat de la ren-contre de différences et d’offres de variétés qualitativement différentes sur des produits similaires.

Commerce international, rendements croissants et concurrence monopolistique La nouvelle théorie du commerce interna-tional abandonne le cadre de la concurrence pure et parfaite au profit de celui de la

concurrence imparfaite avec l’hypothèse de rendements d’échelle croissants et de la différenciation des produits. L’idée de base est formulée par K. Lancaster (1924-1999) : les consommateurs sont d’autant plus satis-faits que le nombre de variétés offertes est grand. La variété des produits implique sou-vent des coûts de production élevés compte tenu de l’échelle restreinte de la produc-tion. Le commerce international offre ainsi l’occasion de gains mutuels, de variétés de produits même si les pays ne diffèrent ni par leurs dotations factorielles ni par leur tech-nologie.

P. Krugman (Nobel 2008) met en lumière le lien entre la nature des économies d’échelle et ses effets sur le commerce inter-national :

– dans le cas des économies d’échelle internes à la firme, chaque pays se spécia-lise dans la production de quelques biens qui sont produits en quantité plus élevée et donc à un coût moyen plus faible. L’échange international conduit à un gain pour les deux pays et à une amélioration du bien-être des consommateurs, mais la spécialisation internationale est indéterminée ;

– dans le cas des économies d’échelle externes à la firme, la concentration géogra-phique de la production d’une industrie sur un territoire (effets d’agglomération) réduit les coûts moyens. Il en résulte une véritable barrière à l’entrée sur le marché de ce bien et le commerce international peut ne pas être avantageux pour tous les pays. La date d’en-trée dans la production des firmes d’un pays devient un facteur essentiel pour expliquer la spécialisation internationale. Selon P.  Krug-man, les économies externes confèrent un rôle important aux « accidents historiques » dans la structure des échanges internatio-naux. Les premiers pays entrés bénéficient d’un avantage que les autres concurrents ne pourront jamais rattraper car cet avantage ne dépend pas de la taille de l’entreprise mais de son environnement. La spécialisation héritée de l’histoire industrielle des pays per-siste et les producteurs dominants tendent à le rester, même si les avantages compa-ratifs disparaissent. Par exemple, bien que l’industrie thaïlandaise puisse produire des

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