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Collèges, lycées, universités : lutter contre la précarité menstruelle pour

C. LES AUTRES PUBLICS À SOUTENIR

2. Collèges, lycées, universités : lutter contre la précarité menstruelle pour

L’accès des collégiennes, lycéennes et étudiantes aux protections menstruelles a été abordé à de très nombreuses reprises au cours des différentes auditions et déplacements conduits par vos Rapporteures. Deux problématiques sont apparues de manière récurrente : l’accès ponctuel à des protections en cas de nécessité et la précarité à laquelle peuvent être régulièrement confrontées certaines jeunes femmes. Si le besoin n’est pas le même selon ces deux types de situations, l’enjeu demeure toutefois commun : être en mesure de suivre ses cours dans de bonnes conditions. Lors du déplacement de vos Rapporteures à Lille, Mme Sandrine Rousseau, vice-présidente de l’université de Lille, a insisté sur cet enjeu : il n’est pas possible d’assister à son cours lorsque l’on a ses règles mais que l’on ne dispose pas de protection menstruelle.

Considérant qu’offrir à chaque élève et à chaque étudiant des conditions convenables pour suivre leur scolarité est une question d’égalité des chances et participe du principe républicain de méritocratie, vos Rapporteures estiment qu’un effort doit aujourd’hui être fait pour mieux prendre en compte la précarité menstruelle en milieux scolaire et étudiant.

Émergeant depuis peu dans le début public, cette problématique de la précarité menstruelle est un impératif. Plusieurs expérimentations ont déjà été mises en œuvre dans certains établissements. C’est notamment le cas de l’université de Lille qui, en 2019, a distribué gratuitement à ses étudiantes 15 000 lots de deux paquets de serviettes menstruelles. Comme en ont témoigné la vice-présidente de l’université et plusieurs associations étudiantes, cette distribution a été un véritable succès. Elle a été organisée dans les halls des différents campus de l’université, de manière visible, participant ainsi à la déconstruction du tabou des règles. Il s’agit d’ailleurs là d’une volonté politique

de l’université qui affirme qu’« ici, il n’y a pas de honte à avoir ses règles ». Les paquets de serviettes menstruelles ainsi mis en évidence ont permis de lancer des conversations sur ce sujet ; les étudiantes rencontrées ont d’ailleurs témoigné que leurs camarades masculins étaient extrêmement intéressés et heureux de pouvoir poser sans gêne des questions sur les menstruations.

À la suite de cette distribution, des protections à l’unité ont été à plusieurs reprises installées dans les toilettes et des paquets de protections sont désormais en accès libre et gratuit dans plusieurs lieux de vie de l’université. Cela permet encore une fois de rendre visibles ces produits du quotidien habituellement dissimulés. Certaines difficultés ont pu être rencontrées pour les protections à l’unité mises à disposition dans les toilettes qui ont parfois servi de jeux ou de projectiles à des étudiants peu scrupuleux. Pour autant, cette expérimentation a rencontré un vrai succès et est très largement soutenue par la communauté étudiante.

Cette réussite a conduit l’université de Lille à programmer le renouvellement de cette opération en 2020 et en 2021 en l’élargissant avec d’autres produits, notamment 1 200 coupes menstruelles et 200 kits de six serviettes menstruelles lavables. Grâce au développement de partenariats, cette opération annuelle devrait désormais avoir un coût net limité à 25 000 euros pour l’université.

Vos Rapporteures ont été convaincues par la nécessité et la pertinence de la démarche menée par l’université de Lille. Celle-ci sera d’ailleurs développée en 2020 dans 25 autres universités en France. Lors de leur déplacement à Rennes, vos Rapporteures ont d’ailleurs rencontré Mme Gaële le Noana, fondatrice de la start-up Marguerite & Cie qui fournit des distributeurs de protections à l’unité et qui développe de nombreux partenariats avec des universités.

Vos Rapporteures tiennent toutefois à rappeler qu’il est important, y compris dans les distributeurs déployés en milieu universitaire, que les femmes aient le choix de leur protection menstruelle parmi différents types et parmi différentes marques. Elles considèrent que la distribution doit se développer dans l’ensemble des universités de France à travers deux types d’aides complémentaires :

− la mise à disposition de protections à l’unité pour des besoins ponctuels ;

− une distribution régulière de paquets de protection à destination des étudiantes les moins aisées et visant à couvrir l’ensemble de leurs besoins en la matière.

Le premier type de distribution, à l’unité, s’apparente en réalité à la mise à disposition de papier toilette et doit pouvoir se développer notamment dans les toilettes des universités. À la lumière de l’expérience lilloise et de l’absence d’abus ou de malveillances, vos Rapporteures estiment que ce second type de

distribution peut tout à fait se traduire par une mise à disposition de paquets en libre accès dans les lieux de vie universitaires.

Recommandation n° 32 : généraliser la distribution gratuite de protections menstruelles au sein des universités françaises.

Au-delà du monde universitaire, des protections menstruelles doivent également être accessibles pour toutes les élèves du secondaire. Si au lycée le même type de double distribution peut sans doute être mis en place, il semble que ce modèle doive être adapté pour le public des collèges. En effet, les différents témoignages recueillis par vos Rapporteures, ainsi que les échanges qu’elles ont pu avoir avec le personnel du collège Rosa Parks lors de leur déplacement à Rennes, ont bien montré que la mise à disposition en libre accès dans des lieux non surveillés comme les toilettes conduirait, de manière certaine, à des abus, notamment à des jeux utilisant les protections, entraînant ainsi un important gaspillage et en privant par là même les jeunes filles des protections dont elles pourraient avoir besoin. Un autre système de distribution doit sans doute être pensé pour cet environnement spécifique. Les infirmeries et les vies scolaires doivent avoir un stock de protection que les jeunes filles puissent venir chercher et vos Rapporteures préconisent de réfléchir à un moyen de permettre un accès libre plus discret. En effet, les jeunes filles ne sont pas toujours à l’aise pour demander à un adulte, surtout s’il s’agit d’un homme, des protections menstruelles.

Recommandation n° 33 : multiplier les lieux de distributions de protections menstruelles dans les collèges et les lycées, en particulier dans les lieux de vie des élèves, et expérimenter la mise en place de distributeurs dans les toilettes.

En sus des collèges et lycées, cette question de l’accès aux protections doit également être mieux prise en compte dans les lieux de vie des jeunes comme les pensionnats ou les foyers de l’aide sociale à l’enfance. Vos Rapporteures considèrent que dans ces lieux, les protections menstruelles doivent être distribuées de manière systématique aux jeunes filles, au même titre que le papier toilette par exemple.

Lors de leur déplacement à Lille, vos Rapporteures ont pu rencontrer Mme Chevaler, infirmière de l’association « Le GAP » (1), accompagnée d’une assistante sociale de l’association, qui ont témoigné des conditions d’accès aux produits d’hygiène pour les jeunes placés en foyer. Ceux-ci disposent de 8 euros par mois pour acheter l’ensemble des produits dont ils ont besoin et le budget est le même pour les filles et les garçons. Vos Rapporteures soulignent la faiblesse de ce budget et la nécessité de prendre en compte, dans le budget des jeunes filles placées en foyer, l’acquisition des protections menstruelles.

(1) Le GAP est un groupement d’associations du Nord-Pas-de-Calais du secteur social et médico-social, œuvrant pour la protection de l’Enfance et de l’Adolescence en difficulté.

Recommandation n° 34 : s’assurer que dans les lieux d’hébergement de certains jeunes, comme les pensionnats ou les foyers de l’aide sociale à l’enfance, les protections menstruelles soient accessibles.