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Cinétique d’étalement de la goutte

Chapitre III. Mouillage de substrats de silicium oxydé par des fondus de polymère :

A. Cinétique d’étalement de la goutte

Lorsque l’on dépose une goutte de PBd sur un wafer de silicium, on la voit d’abord s’étaler, puis au bout d’un certain temps, elle finit par s’arrêter avec un angle de contact constant non nul. Par

ailleurs, si nous faisons la même expérience avec une goutte de PDMS, celle-ci ne s’arrête pas, du moins pendant 24h d’observation.

De plus, nous avons mis en évidence au début de ce chapitre qu’il se forme des films de mouillage au-devant des gouttes de fondu de polymère. Par conséquent, la description de l’étalement de la goutte faite par la loi de Tanner au paragraphe I.1.B.i semble adaptée : on étudie une goutte qui s’étale sur son film précurseur. Les forces motrices sont les forces capillaires, pilotées par les ten-sions interfaciales γ, poussant la goutte de dimension caractéristique L à s’étaler pour réduire l’interface liquide/air, et le cisaillement visqueux dans le liquide dissipe l’énergie et freine l’étale-ment. L’équilibre des énergies motrices et dissipatives conduit à une loi prédisant les variations de

θ avec t :

$~ @>H(A*/,- ( I.25 )

Nous comparons en Figure III.53 l’évolution θ(t) de gouttes macroscopiques (d’un rayon de l’ordre du mm) de PBd et de PDMS déposées sur un wafer de silicium.

Figure III.53 : Evolution de l’angle de contact de gouttes de PDMS (39300 g/mol) et du PBd (5800 g/mol) s’étalant sur un wafer de silicium recouvert de 2 nm de silice sous RH 11%.

On retrouve que le PDMS respecte la loi de Tanner : on observe une décroissance de l’angle de contact selon le temps réduit à la puissance 3/10.

L’évolution de l’angle de contact du PBd est quant à elle plus singulière. On observe en effet 2 régimes sur la courbe d’étalement. Tout d’abord, l’angle de contact décroit comme le prédit la loi de Tanner (à t < 100 s, l’évolution observée est due à la condition initiale). On retrouve une variation de θ en t-3/10. Dans un second temps, l’angle de contact devient constant : c’est le moment où on observe que la goutte arrête de s’étaler (t > 104 s).

i. Arrêt de la goutte et film secondaire

Nous avions décrit plus tôt, au paragraphe III.1.A.i, que le film secondaire commence à apparaître peu de temps avant l’arrêt de la goutte : il y a une condition sur la vitesse de la goutte pour que l’on observe le secondaire. Celle-ci doit être de l’ordre ou inférieur à V2* qui dépend de D2*.

Lors des observations en ellipsométrie, l’épaulement sur le profil de diffusion du précurseur arrive très tôt (quelques minutes) alors que pour des gouttes millimétriques, le film secondaire apparaît environ une heure après le dépôt (quand on l’observe). Cela signifie qu’une goutte macroscopique atteint la vitesse seuil V2*bien plus tard qu’une goutte microscopique.

2 4 6 8 10 2 4 θ ( °) 100 101 102 103 104 t (secondes) PBD PDMS 3/10

III.3. Gouttes macroscopiques Cet effet est prédit par la loi de Tanner, la vitesse de la goutte est proportionnelle à la dimension caractéristique de la goutte L à la puissance 9/10 (soit au volume à la puissance 3/10). Les volumes lors de l’étalement de gouttes macroscopiques sont de l’ordre du µL, et lors des expériences d’ima-gerie ellipsométrique, celui-ci est plutôt de l’ordre de 0.1 à 1 nL. La vitesse passe donc sous le seuil

V2* bien plus tôt pour les gouttes microscopiques, ce qui explique un début de l’observation du film secondaire quelques minutes seulement après le dépôt.

ii. Loi de Tanner modifiée

La loi de Tanner suppose que la tension de surface au niveau du film de mouillage est la même qu’aux épaisseurs correspondantes au coin de la goutte. Or, dans la réalité, ça n’est pas le cas, il y a des forces à longue portée à prendre en compte, qui modifient sa tension de surface. Dans le cas du PBd, celle-ci sont attractives, et empêchent le film de s’épaissir, et donc la goutte de s’étaler complètement. Par conséquent, le raisonnement tenu doit être modifié pour rendre compte de ces forces supplémentaires responsables d’un angle d’équilibre non nul.

En fait, dans le raisonnement tenu dans le cas du mouillage total (section I.1.B), l’équation ( I.16 ) doit être modifiée. En effet, la force de traction au niveau du film de liquide γfilm (où l’angle est nul) doit être modifiée. La tension de surface γ est modifié par les forces à longue portée au niveau du film (voir équation ( I.48 )). A tout moment de l’étalement de la goutte, on :

= − . cos$ ( III.17 )

A l’équilibre, la force F tirant sur le coin de goutte est nulle, car celle-ci est à l’arrêt :

= − . !"# $% = 0 ( III.18 )

On en déduit une expression de γfilm en fonction de l’angle de contact d’équilibre θeq.

= . !"# $ % ( III.19 )

Et donc l’équation ( I.17 ) donnant la force de la goutte hors angle d’équilibre devient :

= (!"# $ %− !"# $) ( III.20 )

D’où, en réinjectant dans l’équation ( I.18 ):

!"# $ %− !"# $ =3>;0. $), ( III.21 )

Nous pouvons remarquer ici qu’un calcul plus précis de Cox-Voinov ([10], [11]) donne un préfac-teur de 4,5 et non de 3, ce qui revient à faire une erreur sur la viscosité de 50%. Pour la suite, nous continuons avec le préfacteur égal à 3.

Et avec l’équation ( I.22 ), il vient :

(!"# $ − !"# $%) = @4NA,/*;0H$)³/*8$

8( , ; = >,

0 = 0i sH u ~10 ( III.22 )

L’équation ( III.22 ) est l’équation différentielle qui régit l’évolution d’une goutte qui s’étale sur son film, qui lui-même « pousse » sur la goutte à cause des interactions à longue

portée. Dans ce cas, le système conduit à une situation d’équilibre où la goutte a un angle de contact θ et coexiste avec le film.

iii. Solution numérique

Il n’existe pas de solution analytique à l’équation différentielle ( III.22 ). Il est en revanche possible de la résoudre numériquement. Nous présentons en Figure III.54 la solution calculée pour la con-dition initiale et l’angle d’équilibre suivants :

$(( = 0) = $- = 50°, $ % = 10°, R= 0,5 ( III.23 )

Dans les paramètres exposés en ( III.23 ), l’angle de contact à l’équilibre θeq et l’angle de contact initial θ0 (angle de contact mesuré sur la première image) sont choisis proches des valeurs observées expérimentalement sur le PBd. Le rapport lL/V* est choisi égal à 0,5, et correspond à des chaînes de PBd de masse molaire proche de 5000 g/mol.

Figure III.54 : Evolution de l’angle de contact solution de l’équation différentielle ( III.22 ), avec les paramètres ( III.23 )

Nous voyons que l’évolution de θ sur la Figure III.54 a la même allure que la courbe de θ pour le PBd en Figure III.53. D’abord, θ décroît en t-3/10 comme le prédit la loi de Tanner classique (équa-tion ( I.25 )), la partie de la courbe aux temps courts (t < 1 seconde) étant dépendante de la condition initiale θ0. Ensuite, aux temps longs (t > 100 secondes) θ devient constant : la goutte arrête d’avancer et tend vers θeq.

La solution numérique de l’équation ( III.22 ) décrit bien les observations expérimentales. iv. Modèle Tanner initial

Afin de simplifier la résolution de l’équation ( III.22 ) et d’obtenir une solution analytique appro-chée afin d’exploiter nos mesures, nous pouvons nous placer dans deux régimes. Le premier a lieu juste après le dépôt de la goutte, lorsque l’angle de contact est significativement supérieur à l’angle d’équilibre. Cela équivaut à dire que les forces provenant des interactions à longue portée au niveau du film de mouillage et agissant sur le coin de la goutte sont négligeables.

Nous faisons par ailleurs la même approximation aux petits angles que dans le chapitre I (équation ( I.17 )), en simplifiant les cosinus dans l’expression de la force F tirant sur la goutte ( III.20 ), ce qui représente une erreur inférieure à 4% lorsque θ≤ 50°:

$2B ( III.24 )

Dans ce cas, l’équation ( III.22 ) devient exactement identique à l’équation ( I.24 ), et par consé-quent, en l’intégrant, il vient:

7 10 2 3 4 5 6 7 θ ) 10-1 100 101 102 103 104 Temps (s) 3/10

III.3. Gouttes macroscopiques

$),-/*= 103 QN4S,/* 20H ( + !"i#(.,; ;

= >, 0 = 0isℎH u ~10 ( III.25 )

On détermine la constante par l’angle de contact initial θ0, au moment du dépôt de la goutte : $),-/*≈ QN4S,/* 10. ;6. 0H ( + $ -),-/*, ;

= >, 0 = 0isℎH u ~10 ( III.26 )

On représente sur la Figure III.55 la courbe obéissant à l’équation ( III.26 ) en utilisant les mêmes valeurs de l,L,V*etθ0 ( III.23 ) que pour calculer la solution exacte numérique ( III.22 ).

Figure III.55 : Comparaison entre la solution exacte de l’équation différentielle à laquelle obéit l’angle de contact de la goutte et la solution analytique approchée aux petits et grands temps.

La Figure III.55 nous montre un bon accord entre la solution analytique approchée et la solution exacte, tant que θ > 3.θeq et θ ≲ 50°. Il est donc possible d’ajuster ce modèle sur les courbes expé-rimentales pour en mesurer V*, tant que θ reste suffisamment grand devant sa valeur à l’équilibre. Avant de procéder à de telles analyses, nous examinons maintenant le régime proche de l’équilibre.

v. Approximation du Modèle près de l’équilibre

L’équation différentielle ( III.22 ) se simplifie également lorsque θ = θeq +δθ, avec δθ << θeq. Dans ces conditions, un développement limité nous donne :

$)³/*

($B− $B%) ≈

$),-/*%

2¶$ ( III.27 )

Ici, ( III.22 ) devient :

− QN4S , * .;0H 8( ≈ $),-/*¶$ 8¶$% ( III.28 ) Et donc, si on intègre de t0 à t : − QN4S , *.;0H (( − ( -) ≈ $),-/*% ln (¶$) ( III.29 ) $ = $ %+ n)Q·PS ¸ .¹º»†¼/¸ ∗R ( )¼), ; = >, 0 = 0isℎH u ~10 ( III.30 ) On compare sur la Figure III.55 la solution exacte aux solutions analytiques approchées, en res-pectant les mêmes conditions pour chacune d’entre elles ( III.23 ).

7 10 2 3 4 5 6 7 θ ) 10-1 100 101 102 103 104 Temps (s) Solution exacte Modèle Tanner initial Modèle exponentiel final

La solution analytique approchée lorsque θ→θeq s’accorde très bien à la solution exacte tant que

θ < 1,3.θeq.

Nous pouvons donc ajuster un modèle analytique approché sur les données expérimen-tales sur deux parties distinctes de la courbe d’étalement afin d’en extraire les valeurs V*

correspondant aux cinétiques d’étalement de goutte observées. vi. Ajustement aux données expérimentales

Nous commençons par ajuster sur les données expérimentales θ(t) une courbe suivant le modèle de loi de Tanner initial ( III.26 ), en utilisant le volume de goutte mesuré pour fixer L = Vgoutte1/3, et en laissant η et θ0 libre. On fixe également la valeur de γ à 30 mN.m, telle que nous l’avons mesurée au paragraphe I.1.A.v. Enfin, on fixe l à 10. Bien sûr, pour rester dans les conditions θ² >> θeq², l’ajustement est réalisé aux temps courts, lorsque θ > eq.

Dans certains cas, l’accord est bon même lorsque θ s’approche de θeq, comme nous pouvons le voir sur la Figure III.56 où l’accord est bon entre les mesures et le modèle « Tanner initial» avec une viscosité de 15.4 Pa.s jusqu’au moment où la goutte commence à s’arrêter. Cette viscosité est 2,5 fois supérieure à celle qui a été mesurée en volume : 5.9 Pa.s. Cependant, dans la plupart des cas, l’ajustement initial n’est bon que lorsque θ > eq, comme illustré sur la Figure III.58.

Figure III.56 : Evolution de l’angle de contact d’une goutte de PBd de 8170 g/mol sur un wafer de silicium recouvert de 3 nm de silice. Le modèle « Tanner initial » est adapté aux temps courts, et le modèle « proche équilibre » fonctionne lorsque la

goutte est proche de l’arrêt.

Pour que le modèle soit correct, il est nécessaire que l’angle de contact au moment du dépôt de la goutte soit suffisamment supérieur à l’angle d’équilibre. Cette condition n’est pas remplie pour le PBd à 897 g/mol, qui est à la fois trop peu visqueux et avec un angle d’équilibre trop élevé. Ceci rend l’ajustement irréalisable : la cinétique Tanner n’est jamais observée (voir Figure III.57), on ne peut jamais négliger les forces provenant des interactions à longue portée au niveau du film de mouillage. Concernant les chaînes à 1926 g/mol, la condition n’est pas remplie non plus : nous ne réalisons pas l’ajustement. Nous ajoutons sur les évolutions de θ(t) pour les chaînes de PBd repré-sentées en Figure III.61 des ajustements par le modèle de Tanner initial en utilisant les 10 premières mesures de θ(t), pour donner un ordre d’idée du régime de Tanner initial.

Bien sûr, nous avons également analysé les données expérimentales dans le régime θ < 1,3.θeq en appliquant l’équation ( III.30 ). On fixe de nouveau la tension de surface γ et la longueur L (à partir du volume de liquide), et nous laissons libre η et θeq, ainsi que le temps t0. Nous représentons trois de ces ajustements sur la Figure III.56 et la Figure III.58.

10 2 3 4 5 6 100 A n g le d e c o n ta c t ) 10-1 100 101 102 103 104 105 Temps (secondes) Données expérimentales Modèle Tanner initial - η=15.4 Pa.s Modèle proche équilibre - η=7.9 Pa.s

III.3. Gouttes macroscopiques

Figure III.57 : Evolution de l’angle de contact d’une goutte de PBd de 897 g/mol sur un wafer de silicium recouvert de 3 nm de silice.

Figure III.58 : Evolution de l’angle de contact d’une goutte de PBd sur un wafer de silicium recouvert de 3 nm de silice. Le modèle « Tanner initial » est adapté aux temps courts, et le modèle « proche équilibre » fonctionne lorsque la goutte est proche

de l’arrêt. a) PBd de 2730 g/mol. b) PBd de 5390 g/mol.

Proche de l’angle d’équilibre, les ajustements sont très bons et fonctionnent bien tant que θ <

1,3.θeq. Les viscosités effectives à l’équilibre (toute reportées sur la Figure III.59), qui sont les

vis-cosités pour lesquelles le modèle d’équation ( III.30 ) est le mieux ajusté, sont plus proches des viscosités du matériau massif.

Cependant sur certaines expériences comme celles présentées sur la Figure III.58, il semble y avoir deux angles « d’équilibre » différents sur lequel il est possible d’ajuster la courbe modèle. Pour les deux valeurs de l’angle de contact (θeq et θeqfinal), il est possible de décrire la courbe expérimentale avec une viscosité proche de celle mesurée en volume. La présence d’un deuxième angle d’équilibre

θeqfinal plus faible que le premier angle de contact sur lequel θ(t) commence à se stabiliser semblerait être la conséquence d’une sorte de déplacement d’équilibre dont nous parlerons ultérieurement. Pour toutes les masses de PBd que nous avons manipulées, nous avons observé un angle de contact à l’équilibre. Par conséquent, il y a a priori dans chacune des expériences un moment où l’angle de contact respecte les conditions de validité du modèle « proche équilibre ». Il est possible de faire l’ajustement sur toutes les masses molaires, exceptée celle de 897 g/mol (voir Figure III.57) où la variation d’angle de contact n’est pas compatible avec le modèle obéissant à l’équation ( III.30 ) en prenant des viscosités proches de celles mesurées en volume. Dans ce cas, des interactions a priori non prises en compte dans ce modèle peuvent être à l’origine de cet écart avec le modèle.

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