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thème 4:  le rapport au corps

13.2 Christian

Christian est un professionnel ayant une triple « casquette », MK, Ostéopathe et formateur en technologie. Il a été diplômé depuis quelques années dans cette même école dans laquelle il s’est proposé d’intervenir quelques années auparavant, et dans laquelle il intervient maintenant.

L’entretien s’est déroulé au sein de l’IFMK dans un bureau tranquille, ou aucune allée et venue ne s’est produite. C’était pendant l’heure du déjeuner avant que le professionnel n’intervienne en travaux pratiques auprès des étudiants.

L’entretien a duré une heure. Il semble être structuré en trois parties. Une partie parait basée sur des propos déclaratifs souhaitant démontrer une pratique codifiée faisant références à des techniques validées, reproductibles, en lien avec une recherche de scientificité de niveaux de preuves

« reproductibilité », « validité ». La deuxième partie de l’entretien parait montrer un deuxième visage avec l’apparition « de l’instinct, du don de guérir ». La troisième partie apparait comme cherchant à faire le lien entre l’instinct, le don et l’apprentissage d’une démarche scientifique. On pourrait imaginer une dissonance cognitive, un sentiment de « pensée magique », tel le masseur des Mains du miracle de Kessel « le bouddha magique qui soigne tout par le massage » (p7).

Christian suit toujours le même plan pour son bilan, donc « il est reproductible », le plan de ce bilan est très structuré, et codifié, il a été créé en fonction de ses lectures, de « la valeur de la bibliographie ». C’est la prise de contact, « État civil renseignements généraux administratifs habituels classiques » le bilan est réalisé « sur table » puis c’est le » début du traitement et planification des séances ». Il y a clarification de la plainte du patient : « comment il ressent dans sa vie en, quoi ça le gène si ça l’empêche de travailler tout ça le niveau de douleur éventuellement »

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« ensuite le bilan morpho en position debout ensuite position assise les tests cliniques qui sont plus dérivés de la pratique ostéo palpation générale en fonction des lieux douloureux évaluations articulaires d’abord segmentaires puis évaluations plus précises arthron par arthron évaluation au niveau du bassin (pour)voir si ses articulations sont libres au niveau des coxo-fémorale ensuite bilan étage par étage sacrum si on est sur un niveau lombaire L5 L 4 l3/ T12 palpation ligamentaires musculaires pour les tensions évaluation des hypo extensibilités ischio triceps pelvi trochantériens fessier test endurance musculaire de Shirado pas souvent de Sorenson pour les para vertébraux et ensuite vérification c’est plus douloureux c’est moins douloureux »

Christian conçoit le rôle du MK comme étant le traitement du mouvement dès qu’il y a un problème de dysfonction. « Dès qu’il y a dysfonction ou atteinte de l’appareil locomoteur c’est le kiné » d’un autre côté il ne conçoit pas la spécificité du kiné à rechercher une situation de handicap, « c’est trop grossier» « ce n ‘est pas la plus-value du kiné » « Le MK diagnostique la structure qui est hypo mobile, traite cette structure pour lever cette déficience il travaille sur les structures », « Ce n’est pas seulement fonction déficiences handicap, pourquoi, cela se situe avant ». Nous retrouvons les différentes composantes de la CIF (OMS 2001)

« Tous les patients que j’ai au cabinet ne sont pas en situation de handicap ils sont en convalescence, ils ont des déficiences, mais ils ne sont pas en situation de handicap » « Je ne vois pas la spécificité du kiné dans cette recherche du handicap c’est tellement grossier que tout le monde peut le voir ». « La spécificité du kiné c’est de diagnostiquer les hypothèses causales » « le diagnostic MK se fait aussi par la palpation or beaucoup d’éléments ne sont pas palpables, le diagnostic MK existe mais il est difficile à poser. » « Le diagnostic de la causalité des déficiences qui pourront entrainer des limitations ». Nous retrouvons là la définition du diagnostic masso-kinésithérapique exprimée par l’équipe de Plas et citée précédemment.

Christian exprime son ressenti sur la technique manuelle .Et le MK est un « Auxiliaire médical, nous sommes là pour traiter les problèmes locomoteurs du patient du médecin » le médecin ayant fait le diagnostic médical « Le diagnostic médical est très important, on n’est pas capable de porter un diagnostic, on n’est pas formé, on peut le discuter » le professionnel estime être dans le subjectif de par sa pratique en libérale et de par la demande du patient. « Moi c’est compliqué car j’ai une pratique libérale, et le subjectif c’est important ». La demande du patient qui est envoyé par le médecin, est basée sur un ressenti exprimé par le patient. « Ce que l’on fait et que l’on ressent, on s’en sert aussi dans l’évaluation on se base sur un ressenti manuel individuel », On retrouve ici la notion de rapport au corps, de corps thérapeutique. Le MK a instrumentalisé son corps pour en faire un outil.

- 70 - Christian enchaine sur la problématique de la profession, des techniques peu validés « c’est la problématique de la kiné et on s’en sortira jamais à mon avis, car tout ce qui est fait à la main n’est pas reproductible » et la réussite du traitement est basée sur la diminution de la plainte du patient, la sensation de la « disparition de la sensation de la rénitence « sous les doigts » « Dans sa subjectivité le patient se sent mieux ».

« Je suis persuadé que si l’on fait un test sur le sacrum on fait venir 10 thérapeutes, on a dix versions différentes » « Quand l’œil ne peux plus suivre, qu’ on se base sur le ressenti de la main, ex c1 c2, j’ai un ressenti sur ce qui bouge et ce qui ne bouge pas, c’est mon ressenti, quand on a bougé , on ne sait pas si c’est le fait de faire l’ évaluation qui a bougé , le mouvement qui a bougé si c’est l’évaluation initiale qui était fausse , ou s’il y a eu un effet » Nous avons alors souhaité savoir comment on transmettait ses savoirs sur le ressenti. « Non cela ne se transmet pas, c’est transmissible, dans la forme oui dans l’efficacité je ne sais pas / On touche aussi à l’art, une façon de faire personnelle Il y a ce qui est du don, de l’instinct Est-ce que l’art est transmissible ? » Le raisonnement clinique est perçu comme l’apprentissage d’une démarche scientifique. Derrière l’apprentissage clinique il y a apprentissage de la démarche scientifique, « c’est à dire sur un fait être capable de poser toutes les hypothèses, en garder 3, les tester, garder celle qui est la meilleure c’est l’apprentissage de la démarche scientifique derrière. » Nous pouvions nous attendre à la mise en lien entre savoirs théoriques et pratique, dans la mise en mot de l’explicitation des hypothèses de causalité.

« Pour raisonner il faut trois domaines de savoirs voire quatre: la physiologie, la biomécanique, l’anatomie et la neurologie qui est sous-évaluée », Et « Avec les connaissances en anatomie qu’ont les étudiants aujourd’hui il faut une sacre dose d’expérience et la « bonne question à poser derrière c’est alors quelqu’un à qui on confierait des malades sans formation derrière arriverait-il au même résultat dans 15 ou 20 ans on serait déçu , c’est peut-être un jugement de jeunesse je pense que quelqu’un intéressé par l’autre pour être à l’écoute de l’autre à qui on confierait des malades avec le bagout que doit avoir un professionnel je pense qu’il aurait juste quelques échecs et beaucoup de bons résultats j’ai vu des professionnels faire de la fascia thérapie c’est à dire rien et avoir de très bons résultats, de satisfactions je pense que les professionnels qui seraient même très mal formés arriveraient à de très bons résultats , non ? » .Tardif211 chez les enseignants, estime que la « distance entre les savoirs d’expérience et les savoirs acquis grâce à la formation est parfois

211 TARDIF cite par BOURDONCLE (1993) Note de synthèse, Revue française de pédagogie, 105,83-119

- 71 - vécue comme un choc »et les amènent à « rejeter purement et simplement leur formation initiale ».Peut-on transposer ici chez un MK la conclusion d’une étude chez les enseignants ?

Au cours de l’entretien, Christian déclare pourtant qu’il a changé de point de vue entre son avis d’étudiant et son statut de professionnel actuel. « Je pensais être capable de rééduquer en fin de première année parce que je mobilisais un genou j’ai changé d’avis en rencontrant des malades, il faut de solides connaissances en pathologies en psycho, être capable de parler de médicament, d’environnement, de médicaments, et ce n’est pas à l’école que l’on apprend à parler dermato »,

« à l école on survole » La rencontre avec la maladie, avec les malades a changé le point de vue. « On soigne des malades pas des pathologies , cela suppose d’autres compétences que l’on développe avec l’expérience, le temps, cela revient à reparler de l’instinct, » « L’expérience, c’est la multiplication de situations cliniques multiplications des cas cliniques, des échecs » , « On apprend par la pratique : le fait d’agir sur une situation clinique et d’avoir un retour ; avoir un enseignement à en retirer, être capable d’auto critique, analyser objectivement ce que l’on a fait » Des éléments de professionnalité cités par Wittorski apparaissent : la confrontation aux situations professionnelles, la variété des situations rencontrées, la réflexivité, l’apprenance.« Moi j’aimerais que chacun ait une formation régulière pour se mettre à jour. »