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CHIMIE DU PLASMA D AIR ET APPLICATIONS 1 Plasma seul

Les plasmas froids présentent l’avantage de produire un milieu très réactif dans un gaz qui reste à température ambiante. Pendant longtemps les DBDs furent utilisées industriellement en tant qu’ozoneurs [Becker 20, Otto 29]. Les espèces chimiques issues du plasma sont maintenant mises à profit pour décomposer des molécules polluantes. La compréhension des mécanismes chimiques se produisant dans les filaments de plasma ont suscité le développement de codes numériques (Figure 23).

Figure 23 : Simulations obtenues avec des codes cinétiques 0 D dans l'air à 1 bar. En ordonnée : nombre de

particules normalisé par le nombre total de particules du gaz. [Kogelschatz 88]

Cette simulation 0 D ne tient pas compte de la diffusion des espèces dans le gaz environnant le filament. Elle donne cependant les échelles de temps à considérer :

• Les premières espèces créées sont des espèces chargées qui constituent le plasma : électrons, ions négatifs et positifs, ainsi que les états excites (N2(A), O2(A)). Ces espèces ont une durée de vie de l’ordre de la microseconde

• Les radicaux (O(3P)) sont créés dans le même temps, et survivent une centaine de

microsecondes.

• Enfin, au bout de quelques millisecondes il ne reste que les produits à longue durée de vie : ozone et oxydes d’azote.

Les radicaux sont particulièrement importants pour la chimie du plasma. Ils sont produits par impact électronique au sein du filament. L’oxygène atomique est un radical important, mais dans l’air humide et en présence de molécules fournissant assez d’atomes d’hydrogène, on trouve aussi le radical OH.

Figure 24 : Concentrations en O, OH et O3 calculées par une simulation 0 D pour une décharge photo-

déclenchée dans de l’air humide (77,6% N2 + 20% O2 + 2,4 % H2O) à 25°C et 1 bar, pour une

énergie de 100J/L. [Pasquiers 04]

Lorsqu’un composé organique volatil est introduit dans le gaz, la chimie est encore plus difficile à explorer. Les réactions de la molécule avec les espèces du plasma engendrent la génération de multiples sous produits qui doivent être identifiés. Un procédé idéal convertirait tout le COV en CO2 et

H2O, avec en moindre proportion du CO (toxique pour l’homme !). Cependant, ce n’est pas le cas et

parfois les sous produits obtenus sont plus nocifs que la molécule initiale. Un moyen d’orienter la chimie favorablement est d’utiliser des catalyseurs, ou photocatalyseurs.

5.2. Combinaison plasma et (photo)catalyse

Les premiers réacteurs de couplage DBD/catalyseur ont été brevetés dans les années 70 aux états unis [Foster 72]. Dans ces réacteurs, le catalyseur est disposé dans l’espace inter électrodes. On appelle ces dispositifs des « packed bed reactors ». Le matériau peut aussi être placé en post décharge, où il interagit avec les espèces à longue durée de vie du plasma, notamment l’ozone.

L’utilisation du couplage plasma/catalyse a pour vocation d’oxyder les COV, mais aussi de réduire des NOx [Pasquiers 04].

Les photocatalyseurs sont des semi-conducteurs dont la bande interdite (« band gap » en anglais) est très large (entre 2,5 et 4 eV). Sous irradiation UV des électrons de la bande de valence absorbent l’énergie nécessaire pour passer dans la bande de conduction du réseau cristallin, créant ainsi une paire électron-trou. Une partie de ces paires électron-trou va pouvoir faire des réactions d’oxydo réduction avec des réactifs adsorbés à la surface du photocatalyseur. La photocatalyse est un processus hétérogène faisant interagir les espèces de la phase gaz avec ceux de la phase solide. Les échanges se font via des mécanismes d’adsorption et de désorption.

Le TiO2 est reconnu comme étant le plus performant pour l’oxydation de nombreuses molécules [Tanaka 91, Deng 01, Bamwenda 01]. Il peut être utilisé sous deux formes: anatase et rutile, qui ont des gaps semblables : 3,2 eV pour l’anatase et 3,02 eV pour le rutile. [Sumita 02].

Il a été montré que le support poreux du photocatalyseur améliore l’oxydation du C2H2 en augmentant le temps de résidence des molécules dans le plasma. Le TiO2, lorsqu’il est activé, est responsable d’une activité chimique spécifique. Cependant pour cela les UVs émis par le plasma ne suffisent pas. L’activation doit être faite par des lampes UV externes.

Au début de la thèse, plusieurs mois ont été consacrés à la mesure de la concentration d’oxygène atomique dans une décharge DC pulsée à basse pression (1,6 Torr). Ces résultats ont été obtenus dans le cadre de la thèse d’Olivier Guaitella et ne figureront pas dans ce manuscrit. Les mesures ont révélé un comportement tout à fait original de l’oxygène atomique vis-à-vis du TiO2 [Allegraud 06, Guaitella

thèse].

Nous avons mesuré la concentration d’oxygène par actinométrie au cours d’un pulse de plasma de 5 ms et en post décharge temporelle. La technique consiste à mesurer le rapport entre le signal émis par une raie d’oxygène et une raie d’un marqueur inerte chimiquement, l’argon en l’occurrence. Pour faire les mesures en post décharge, on ré excite momentanément le gaz grâce à un pulse plasma de courte durée. La concentration d’oxygène est proportionnelle au rapport entre les intensités des raies d’oxygène et d’argon, noté

Ar O

I I

[Bouchoule 91, Cartry 06].

La fréquence des pulses est de 1 Hz, et chaque nouveau pulse intervient dans un gaz totalement renouvelé par le flux. Les pulses « sonde » servant à mesurer la concentration de O en post décharge ont une durée de 300 µs. La décharge est produite dans un tube de 50 cm de long. Des fibres (décrites au chapitre II) pouvaient être disposées sur la face interne du tube. Nous avons testé plusieurs matériaux :

- le tube seul

- le tube avec des fibres de silice

- le tube avec des fibres porteuses d’agrégats de SiO2 (40 g/m²)

- le tube avec des fibres porteuses d’agrégats de TiO2 et de SiO2 (20 g/m² de chaque), avec ou

sans irradiation par des UVs externes.

Figure 25: Mesures de la concentration d’oxygène atomique pendant le pulse plasma (a), et en post décharge

temporelle (b). Pulse plasma : 5 ms et 50 mA à 1 Hz. Pulse sonde : 300 µs. Flux : air + 10 % d’argon, 30 sccm, P = 1,6 Torr. 0 2 4 6 8 10 12 14 0,1 1 Io/I a r (a.u. ) t(ms) Tube silica fibre TiO2 TiO2+UV SiO2 0 1 2 3 4 5 0 2 4 6 8 [O ] (X 10 15 cm -3 ) temps (ms) Tube Si40 Si20Ti20 Si20Ti20+UV Fibres

(a)

(b)

plus faible passé ce temps. L’application d’UVs externes est marquée par une légère différence sur la deuxième pente.

Il y a donc un comportement propre au TiO2 lui-même, qui se détache des effets de porosité.

Revenons à présent au pulse de plasma. La première milliseconde est marquée par une forte désorption d’oxygène atomique dans le cas du TiO2. La Figure 26 montre la proportion d’oxygène désorbé par

rapport à la concentration atteinte en fin de pulse :

Figure 26: Proportion d’oxygène désorbé par rapport à la concentration en fin de pulse. Pulse plasma : 5 ms et

50 mA à 1 Hz, flux : air + 10 % d’argon, 30 sccm, P = 1,6 Torr.

Le TiO2 est caractérisé par une forte désorption d’oxygène. Cela montre qu’il y a une adsorption

réversible de l’oxygène atomique sur le TiO2. Il s’agit d’un phénomène lent se produisant sur des

temps de l’ordre de la milliseconde en plasma, et la dizaine de millisecondes en post décharge [Allegraud 06, Guaitella thèse].

En parallèle, des résultats plus récents acquis sur la même décharge au cours du stage de Claudia Lazzaroni au laboratoire ont montré que le C2H2 ne s’adsorbe ni sur le TiO2, ni sur le SiO2. Ces

résultats n’ont pas encore été publiés, mais ont été exposés en conférence [Rousseau 07].

Les plasmas froids sont des milieux très réactifs, ils offrent une multitude de possibilités de géométrie, et peuvent être alliés de façon profitable à des matériaux. Ces propriétés en font de bons candidats dans le domaine des innovations technologiques.

6. LE PLASMA DE SURFACE DANS LE CONTEXTE DES INNOVATIONS