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Le chien de protection en France - qui a fait ses preuves pour la protection des

1. LE DEROULEMENT DE LA MISSION ET SON CONTEXTE

1.2. Quelques éléments de contexte

1.2.2. Le chien de protection en France - qui a fait ses preuves pour la protection des

A. Historique

Couramment présent en France jusqu’au milieu du XIXème siècle, le chien de protection voit sa population décliner avec la quasi-disparition des grands prédateurs. Sa zone de répartition est alors limitée à quelques vallées pyrénéennes où quelques exploitations l’utilisent encore, surtout pour lutter contre les chiens divagants et l’ours.

Le travail mené en France sur le chien de protection des troupeaux a commencé dans les années 1980, lorsque René Schmitt, de l’Institut Technique de l’Élevage Ovin et Caprin (ITOVIC) propose à quelques éleveurs volontaires d’introduire expérimentalement des chiens de protection pour se protéger des attaques de chiens. Des essais sont alors menés en

"sélectionnant" empiriquement une quinzaine de chiens de lignées de travail de Montagne des Pyrénées "1 sur les quelques exploitations de la Vallée d’Ossau les utilisant encore.

Les chiots sont introduits dans des exploitations de la Drôme, de l’Ardèche, de la Lozère et du Massif Central. Ces chiens, principalement "territoriaux", protègent d’abord les exploitations et ne montent pas en alpage. Ils constituent pourtant le vivier de chiens provenant de souches de travail dans lequel on puisera ensuite lors des premiers programmes d’accompagnement du retour du loup dans les Alpes. En 1989, l’Association pour la Promotion des Animaux de Protection (APAP) est créée. Ses membres sont essentiellement des éleveurs d’ovins. Elle se charge de sélectionner des chiens issus des souches de travail et d’approvisionner les demandeurs.

En 1991, la population de chiens au travail est estimée à une centaine d’individus. Cette rapide augmentation incite l’Institut de l’élevage à mettre en place un fichier "chiens de protection"

avec leurs origines afin d’éviter l’accouplement de chiens inadéquats. En 1992 Joël PITT, détaché à l’Institut de l’élevage, s’occupe officiellement du programme chien de protection.

De 1992 à 1996, un programme « chien de protection des troupeaux » accompagne le développement de cette technique de protection. Ce programme, copiloté par l’Institut de l’élevage et l’APAP a pour objectif de repérer les meilleures souches pastorales en activité et de définir les conditions optimales d’utilisation des chiens. À partir de 1993, l’Institut de l’élevage et l’APAP mettent en place un nouveau dispositif de diffusion des chiens. Ils mettent à disposition des chiens âgés d’environ 6 mois, dont une grande partie de l’éducation a été réalisée par un éleveur du réseau APAP. Ce programme "chiens de 6 mois" est finalement abandonné quelques années plus tard, car, si le chien "débourré" semble plus facile à placer, son âge et sa taille compliquent son intégration au milieu des brebis qui réagissent mal à cette intrusion. Les données acquises au cours de ce programme conduisent à des recommandations concernant l’introduction et l’utilisation des chiens de protection dans un troupeau. La mise en place de ces chiens s’appuie essentiellement sur les expériences américaines d’introduction et notamment celles de Ray Coppinger.

En 1996, une méthode d’utilisation du chien de protection est élaborée par Pascal Wick.

Début 1997, le premier programme LIFE Loup « conservation des grands carnivores en Europe – le loup en France » se met en place pour une durée de 3 ans. Il s’applique principalement dans le département des Alpes-Maritimes. Une technicienne est alors chargée d’assurer la mise en place et le suivi des chiens de protection. À travers ce programme, des chiens sont financés aux éleveurs confrontés à la prédation, et c’est le début de l’extension de l’utilisation du chien de protection dans les Alpes. Le nombre de chiens mis en place ne cesse d’augmenter avec une soixantaine d’introductions recensées par an.

Avec le second programme LIFE en 2000, et l’extension du loup sur de nouveaux secteurs, on passe à 80 puis rapidement à plus de 100 nouveaux chiens introduits par an. Leur nombre est estimé à 350 dans les Alpes françaises. Quatre techniciens sont recrutés pour s’occuper, dans l’arc alpin, de la mise en place des mesures de protection des troupeaux comprenant, entre autres, le suivi des chiens.

1 Chien appelé couramment Patou ou Pastou ( de « pastre », berger)

En 2003, ce sont 7 techniciens qui sont voués à la mise en place des moyens de protection dans les départements des Alpes-Maritimes, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Drôme, Isère, Savoie et Var. Le nombre de techniciens sera porté plus tard à 8 avec l’ajout du département de la Haute-Savoie. Un réseau se met rapidement en place entre ces techniciens avec un recensement systématique des chiens de protection. Ce recensement permet de constituer une base alpine assez complète des chiens au travail.

Depuis 20042, une nouvelle mesure dite Mesure T, puis Mesure 323 C, sur laquelle nous reviendrons dans ce rapport, a pris le relais du programme LIFE. Elle s’appuie sur un cofinancement État-Europe et permet de financer, outre l’acquisition du chien, son entretien (vaccination, nourriture).

En 2007, la population des chiens actifs dans les Alpes françaises est estimée à 1150 chiens.

Au niveau de l’arc alpin, le nombre de chiens introduits entre 1989 et 2007 est estimé à 1600 individus selon la DDTM des Alpes-Maritimes. Ce chiffre est un minimum, puisqu’il a été établi à partir des chiens référencés dans la base alpine "techniciens de prévention".

Le programme national « chiens de protection des troupeaux » mené par l’Institut de l’élevage entre 2006 et 2009, avec le concours de la Société centrale canine, a permis le recensement d’une partie des chiens de protection au travail en France et jeté les bases d’un protocole d’évaluation de leur aptitude pastorale, notamment pour ce qui concerne leur dangerosité potentielle (cf. 2.1.2).

B. Aujourd’hui

Il y a eu une évolution de la perception du chien de protection depuis le début des années 1990 jusqu’à nos jours. Si, au tout départ, pour beaucoup d’éleveurs, la mise en place d’un chien de protection paraissait signer l’acceptation du loup, rapidement les premiers utilisateurs ont reconnu leur efficacité.

Au début, les éleveurs pensaient que la fonction de protection de ces chiens était innée. Selon eux, il fallait qu'ils soient agressifs, toujours en éveil et très actifs, ce genre de caractère étant garant de leur efficacité face au prédateur. Et comme ces chiens, contrairement aux chiens de conduite, sont par nature très indépendants, travaillent de façon autonome et souvent hors de toute présence humaine, à leurs yeux ils ne nécessitaient aucun dressage ou accompagnement.

C’est ce qui a pu conduire à la mise en place de chiens assez sauvages et parfois même dangereux.

Aujourd’hui, grâce au recul, aux échanges entre techniciens et éleveurs et entre les éleveurs eux-mêmes, avec la diffusion d’expériences, les conseils, les formations et les guides, les choses ont évolué. Il est établi que la mise en place d’un chien de protection nécessite de la technique, de la motivation et que certaines règles s’imposent.

Les griefs les plus fréquents qui sont faits aux chiens de protection sont :

2 En France, décret du 28 juillet 2004 relatif aux opérations de protection de l’environnement dans les espaces ruraux – OPEDER, dont un arrêté ministériel met en œuvre chaque année depuis lors la mesure de "prévention des attaques de grands prédateurs sur les troupeaux" dans le cadre du dispositif intégré en faveur du pastoralisme du PDRH, comprenant différentes options visant à favoriser le gardiennage renforcé et le regroupement des troupeaux.

- l’atteinte à la liberté de circulation des personnes (lorsque, par crainte, des randonneurs rebroussent chemin ou doivent contourner un troupeau alors qu’ils sont sur un chemin de randonnée),

- l’agression physique envers l’homme ou des animaux de compagnie ou des chiens de chasse,

- la destruction de la faune sauvage.

L’intégration efficace du chien au troupeau n’est pas une opération facile et elle demande un effort particulier de l’éleveur et du berger. Il est habituel de dire que si l’éleveur n’est pas convaincu, les chances de réussite sont faibles : « ce n’est pas la peine ». L’efficacité de la mesure dépendra donc de la motivation de l’acquéreur et de sa détermination à procéder à sa mise en œuvre dans des conditions susceptibles de favoriser au mieux le succès de l’entreprise.

Il n’en reste pas moins que diverses difficultés peuvent survenir et un soutien technique doit être assuré auprès des éleveurs pour leur permettre de trouver les réponses efficaces aux problèmes rencontrés. Les missionnés ont ainsi auditionné une éleveuse de chèvres qui avait rencontré d’énormes difficultés avec un jeune chien qui mordait les mamelles et infligeait aux chèvres des blessures invalidantes. La production laitière de son élevage s’en était trouvée sévèrement impactée. La consultation d’un comportementaliste lui aurait sans aucun doute épargné ces dommages à répétition observés avec cet animal déviant.

Nous verrons ci-après quelles dispositions doivent être prises pour que l’intégration de chiens dans un troupeau soit couronnée de succès. D'autre part, le maintien des chiens à un niveau d’efficacité utile, sans qu’ils interagissent négativement avec les promeneurs, doit faire l’objet d’une attention régulière.

Mais nous avons constaté que d’une façon générale les éleveurs ne se résignaient le plus souvent à recourir à des chiens de protection qu’après le choc d’une première attaque. Il y a certainement un effort à faire dans l’anticipation et le travail de conviction à conduire auprès d'eux pour les amener à prendre les dispositions adaptées avant que ne surviennent les premiers dégâts.