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Chapitre deuxième : Science, poésie et classicisme du style

À l’héritage d’une matrice classique correspond une écriture qui se fait également conventionnelle. Lorsque la science est presque unanimement condamnée parce qu’elle parle une langue souvent critiquée pour sa laideur et son recours au barbarisme, on se souvient avec nostalgie d’un siècle pendant lequel les scientifiques eux-mêmes professaient des leçons stylistiques452. Pascal Duris rappelle, à ce propos, que la controverse qui opposa Buffon et Linné reposa notamment sur des questions de style453. Persister à décrire les choses de la science en les parant d’effets d’écriture, c’est a priori porter sur elle un regard rétrospectif et anti-positiviste.

Certains romans de Jules Verne mettent précisément en scène cette évolution controversée. Paganel, le géographe des Enfants du Capitaine Grant (1868), fustige les formulations qui recouvrent d’une épaisseur analogique les choses naturelles. Après avoir eu l’occasion d’observer des « phénicoptères » (des flamants) s’envoler, le scientifique pose à ses compagnons la question suivante :

« Eh bien, dit-il au major quand la troupe eut disparu, les avez-vous vus voler ? – Oui certes, répondit Mac Nabbs, et, à moins d’être aveugle, on ne pouvait faire moins.

– Avez-vous trouvé qu’en volant ils ressemblaient à des flèches empennées ? – Pas le moins du monde.

– Pas du tout, ajouta Robert.

– J’en étais sûr ! reprit le savant d’un air de satisfaction. Cela n’a pas empêché le plus orgueilleux des gens modestes, mon illustre compatriote Chateaubriand, d’avoir fait cette comparaison inexacte entre les flamants et les flèches ! Ah ! Robert, la comparaison, vois-tu bien, c’est la plus dangereuse figure de rhétorique que je connaisse. Défie-t’en toute la vie, et ne l’emploie qu’à la dernière extrémité454.

La langue de la poésie, celle à laquelle sacrifiait par le passé l’auteur des Mémoires d’outre-tombe lorsqu’il propose cette « comparaison455 », présente à la vérité un miroir qui la déforme. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, le style peut être conçu comme un danger rhétorique qui glisse un écran entre l’objet et le mot. Il tend à opacifier la réalité plutôt qu’il ne permet de

452 Quoique cette nostalgie soit probablement idéalisée pour une bonne part.

453 Pascal Duris, Linné et la France (1780-1850), Genève, Droz, coll. « Histoire des idées et critique littéraire », 1993. Voir notamment la partie intitulée « Une question de style », p. 34-37, dans laquelle l’historien des sciences oppose le style de Linné, caractérisé par la concision, à celui de Buffon, marqué par l’emphase.

454 Jules Verne, Les Enfants du capitaine Grant [1868], repris dans Voyages extraordinaires, Jean-Luc Steinmetz (éd.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2012, première partie, chapitre XX, p. 182.

455 Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris [1811], « Quand ces beaux oiseaux volent à l’encontre du soleil, tendant le cou en avant, et allongeant les pieds en arrière, ils ont l’air de flèches empennées avec des plumes couleur de rose », dans Œuvres romanesques et voyages, Maurice Regard (éd.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 1969, p. 1166.

112 l’approcher de plus près. Pourtant, Paganel lui-même, lorsqu’il s’agira de composer ses mémoires en vue d’enrichir la connaissance géographique, sacrifiera à la nécessité du style :

Le savant géographe s’y [sa cabine] tenait presque toujours enfermé. Il travaillait du matin au soir à un ouvrage intitulé : Sublimes impressions d’un géographe dans la Pampasie argentine. On l’entendait essayer d’une voix émue ses périodes élégantes avant de les confier aux blanches pages de son calepin, et plus d’une fois, infidèle à Clio, la muse de l’histoire, il invoqua dans ses transports la divine Calliope, qui préside aux grandes choses épiques.

Paganel, d’ailleurs, ne s’en cachait pas. Les chastes filles d’Apollon quittaient volontiers pour lui les sommets du Parnasse ou de l’Hélicon. Lady Helena lui en faisait ses sincères compliments. Le major le félicitait aussi de ces visites mythologiques456.

Le géographe représente les hésitations d’un siècle tout entier tiraillé entre les sciences exactes et le souci de bien dire, entre l’aspiration positive du siècle présent et la formulation élégante du siècle précédent.

L’influence de la conception de Buffon continue de se faire sentir, comme le démontre assez la fortune persistante de la formule prononcée devant l’Académie Française en 1753 : « Le style est l’homme même457 ». Selon l’analyse de Jacques Dürrenmatt458, cette expression reflète une opinion particulièrement en adéquation avec son temps. Buffon cristallise en une phrase courte l’opinion dominante sur l’écriture des XVIIe et XVIIIe siècles. Cet aphorisme souligne que « le style engage toutes les facultés de l’homme dans sa quête d’une parfaite adéquation de son dire à la chose, qu’il le distingue aussi par là de toutes les autres créatures459 ». En somme, dans la pensée buffonienne, le style est ce qui unit l’homme au monde, ce qui lui permet de le toucher du doigt, en même temps qu’il l’en sépare (comme l’indique cette idée de « distin[ction] ») : il n’est pas question d’« originalité » chez Buffon, pour reprendre les mots de José-Luis Diaz460. Jacques Dürrenmatt et José Luis Diaz montrent que la lecture romantique de la parole du naturaliste contrevient à la pensée de celui-ci. Au XIXe siècle, son interprétation, qui culminera avec la petite phrase de Vinteuil, fait du style un principe d’« individuation » de l’auteur qui était bien absent de la pensée des Lumières. Ces articles montrent que la réception de ce court énoncé durant la première moitié du XIXe siècle repose sur des lectures biaisées qui préfigurent l’acception moderne de la notion de style. Celle-ci en vient alors à désigner les signes qui transparaissent, dans l’écriture, de la personnalité

456 Jules Verne, Les Enfants du capitaine Grant, op. cit., deuxième partie, chapitre II, p. 265.

457 Buffon, « Discours à l’Académie Française » [1753], repris dans L’Histoire naturelle, Paris, J. Tallandier, coll. « Le Trésor des lettres françaises », 1975, p. 34.

458 Jacques Dürrenmatt, « “Le style est l’homme même”. Destin d’une buffonerie à l’époque romantique », Romantisme, 2/2010 (no 148), Style d’auteur, p. 63-76.

459 Ibid., p. 64.

460 José-Luis Diaz, « L’individuation du style entre Lumières et romantisme », Romantisme, 2/2010 (no 148), Style d’auteur, p. 45-62, p. 48 pour la citation.

113 irréductible et singulière de l’auteur. Il ne s’agira donc pas de mesurer la persistance d’un style d’inspiration buffonienne (sensible notamment à l’éloquence oratoire et à la période), mais plutôt de montrer la survie d’une conception stylistique qui s’attache à l’idée que l’écriture doit d’une part embellir le savoir scientifique, et d’autre part qu’elle doit revêtir une forme personnelle et individualiser la matière parée des fleurs du beau style.

Une large part des auteurs qui chantent la science en poésie ne tient pas compte de cette évolution conceptuelle. Au contraire, ces poètes ont conservé la mémoire du sens premier de l’aphorisme de Buffon. Pour cette raison, leurs formulations revêtent fréquemment des allures classiques. La condamnation massive du genre de la poésie scientifique s’explique peut-être, en partie, par cette fascination stylistique des poètes scientifiques. Obnubilés par les travaux de Buffon, de Linné, voire de Cuvier, ils persistent à produire des œuvres qui passent aux yeux de leurs contemporains pour des poncifs anachroniques. Nous verrons cependant qu’ils ne se contentent que rarement d’une servile imitation.

1. LE TECHNOLECTE SOUS ANATHÈME

« D’ailleurs, ils sont jolis, vos néologismes. Des mixtures de grec et d’argot, des infusions d’anglais et de latin ! Le jargon de Babel ! Ce sont les herboristes et les apothicaires qui les font, les néologismes. », Théophile Gautier461.

La citation de Théophile Gautier révèle le désamour que les poètes portent aux technolectes. Pourtant, il faut convenir que l’attitude qui consiste à les tenir à l’écart des compositions poétiques est fréquemment considérée lors du second XIXe siècle comme une posture anti-moderne. Les poètes de la science s’attachent parfois hardiment à prendre en compte poétologiquement cette contradiction.

Je m’appuierai sur la définition d’Yves Jeanneret, selon laquelle les technolectes sont des « mots qui disent la science462 ». Comme son nom l’indique, le technolecte est un vocable (lecte) qui dénote une réalité liée à un champ particulier du savoir (techno). C’est un sociolecte ne s’adressant qu’aux spécialistes du champ dont il est question. En dehors de son champ, le

461 Émile Bergerat, Théophile Gautier, entretiens, souvenirs et correspondance [1879], 3e éd., Paris, G. Charpentier, 1880, quatrième entretien, p. 118, cité par Georges Matoré dans Le Vocabulaire et la société sous Louis Philippe [1951], Genève, Slatkine reprints, 1969, p. 129.

462 Yves Jeanneret, Écrire la science, formes et enjeux de la vulgarisation, chapitre II, « Problématique de l’appropriation des savoirs », première sous-partie, « Les mots qui disent la science », Paris, Presses universitaires de France, coll. « Science, Histoire et Société », 1994, p. 82-109.

114 technolecte ne vaut que pour sa connotation scientifique et ne dénote rien. La question de l’utilisation en poésie des technolectes et des nouveaux mots forgés par la science ne date pas du XIXe siècle comme en témoignent de nombreux textes de l’anthologie Muses et ptérodactyles, La poésie de la science de Chénier à Rimbaud463. La présence problématique du terme technique ne se pose pas de la même façon à travers les âges : comme le dit Pierre Louis, quand la langue scientifique française se base presque exclusivement sur des emprunts à des langues étrangères ou sur des compositions issues de termes gréco-latins (des confixations464), les anciens « utilisent, pour évoquer les phénomènes qu’ils veulent décrire, des mots de tous les jours465. » Il n’y a donc pas, a priori, dans le grec et le latin, de terme spécialisé, dont le sens ne serait pas partagé par tous et dont la présence dans un corpus poétique poserait problème. Après les siècles classiques, grands forgeurs de néologismes techniques et scientifiques, la possibilité de l’utilisation poétique de ces termes est fortement débattue dans de nombreux textes théoriques, chaque parti trouvant d’ardents défenseurs. D’un côté, les réfractaires refusent les technolectes pour des raisons de fond (la poésie est subjective, le terme technique est par définition monosémique et impersonnel) et de forme (les néologismes scientifiques sont des mots longs et aux sonorités barbares). De l’autre côté, leurs adversaires appellent cette union de leurs vœux en alléguant le droit à la justesse poétique (le poète veut nommer précisément les choses qu’il chante).

1.1.Un bref historique : technolectes et poésie avant 1850

Dans les esthétiques classiques, la langue poétique doit puiser dans un vocabulaire partagé par tous. Dès le XVIe siècle, Thomas Sébillet reprend cette idée de Cicéron466. En rhétorique, le choix des lexies relève de l’élocution : l’elocutio poétique doit « rejetter[sic] les mal convenantes et aptes, et retenir les propres et bienséantes », et pour cela il faut reprendre la leçon des classiques « qui enseignans l’usage dés mos, ont dit qu’il les faut prendre de la bouche

463 Hugues Marchal (dir.), Muses et ptérodactyles, op. cit., voir notamment p. 51, 65, et surtout 313-321.

464 En lexicologie, la confixation est la création d’un mot savant sur la base d’une composition à partir de deux mots dont au moins un est une racine gréco-latine, soit un confixe.

465 « Remarques sur les origines du vocabulaire scientifique français », Pierre Louis, dans les Documents pour l’histoire du vocabulaire scientifique, no 9, Publication de l’institut national de la langue française, C.N.R.S., 1989, p. 2.

466 Cicéron, De l’Orateur [De Oratore, 55 av. J.-C.], Livrepremier, III, 12 : « […] l’art de la parole […] est à découvert, à la portée, pour ainsi dire, et à la disposition de chacun, instrument d’une pratique journalière, langage usuel de la conversation ; si bien que dans les autres genres on excelle, à proportion qu’on s’écarte davantage de l’intelligence et de la compréhension du vulgaire ; mais dans l’éloquence, ce serait la plus grave des fautes que de rejeter les façons de s’exprimer, les façons de penser et de sentir communes à tous les hommes. », Edmond Courbaud (trad.), Paris, Les Belles Lettres, coll. « des universités de France », 1985, p. 11-12.

115 de chacun »467. Plus tard, le jésuite Jean-Antoine du Cerceau émet sensiblement la même théorie :

A l’égard de la première de ces deux choses, je veux dire des termes, l’autorité de l’usage est absolue et sans aucunes bornes. C’est-à-dire, qu’il n’y a point de termes si barbares, si durs, si choquans, que l’usage ne puisse établir et civiliser […] c’est de quoi nous avons de grands exemples dans notre Langue, laquelle non seulement, a naturalisé une infinité de mots tirés de Langues étrangères, tant anciennes que modernes ; mais qui même, en naturalisant certains mots, en a réglé la signification, de la manière du monde la plus arbitraire468.

Cette idée est toujours bien présente chez certains poètes du XIXe siècle, comme on le verra en particulier à travers l’exemple d’un médecin poète comme Pierre-Adolphe Piorry. Le débat est ancien mais bien vivant : le vocabulaire poétique doit-il accueillir les nouveaux mots, et notamment ceux que forge la science ?

Le XVIe siècle ouvre grandes les portes de ses dictionnaires poétiques, par l’intermédiaire de Du Bellay et de Ronsard. Le premier, dans sa Défense et illustration de la langue française, permet au poète les néologismes : « qu’il ne craigne point d’inventer, adopter et composer à l’immitation des Grecz quelques mots Francoys, comme Ciceron se vante d’avoir fait en sa Langue. […] Ne crains donques, Poëte futur, d’innover quelques termes469 […] ». Le second, Ronsard, dans la posthume « Préface sur la Franciade touchant le poëme heroïque. Au lecteur apprentif », écrit : « Tu n’oublieras les noms propres des outils de tous mestiers, et prendras plaisir à t’en enquerre le plus que tu pourras […]. Davantage je te veux bien encourager de prendre la sage hardiesse, & d’inventer des vocables nouveaux470 […] ». Néanmoins dans les deux cas il convient de n’utiliser ces néologismes qu’avec parcimonie. Du Bellay ajoute « en un long poëme principalement, avecques modestie toutesfois, analogie et jugement de l’oreille471 » et Ronsard « pourveu qu’ils soient moulez et façonnez sus un patron desjà receu du peuple472. » Sébillet partage d’ailleurs cette restriction :

[…] [J]e voeil seulement en cest endroit aviser le futur Pöéte, qu’il soit rare et avisé en la novation des mos : et comme il est contraint souvent en emprunter, pour, ainsy que dit Horace, descouvrir par notes récentes lés secretz dés choses, aussy le face il tant

467 Thomas Sébillet, Art poétique français [1548], premier livre, « IV. Du style du Poete : du choix et ordre dés Vocables, appellé en Latin, Elocution », Félix Gaiffe (éd.), nouvelle édition mise à jour par Francis Goyet, Paris, Librairie Nizet, coll. « Société des textes français modernes », 1988, p. 29-30.

468 J.-A. du Cerceau, Réflexions sur la poésie française [1742], Genève, Slatkine Reprints, 1971, p. 267-269.

469Du Bellay, La Deffence et illustration de la langue française [1549], Livre II, chapitre VI, « D’inventer des Motz, et quelques autres choses, que doit observer le Poëte Françoys », Jean-Charles Monferran (éd.), Genève, Droz, coll. « Textes littéraires français », 2001, p. 144-146.

470 Ronsard, « Au lecteur apprentif », Œuvres complètes, Jean Céard, Daniel Ménager et Michel Simonin (éd.), t. I, op. cit., 1993, p. 1173-1174.

471 Du Bellay, La Deffence et illustration, op. cit., p.146.

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modéstement, et avec tel jugement, que l’asprété du mot nouveau n’égratigne et ride lés aureilles rondes473.

La Renaissance, période de fort renouveau lexical et linguistique, admet généralement le néologisme et le terme technique dans le vers. Il est communément permis d’inventer « des vocables nouveaux », mais aussi d’utiliser des mots récemment forgés par d’autres, à la condition formelle que cet usage soit tempéré et respectueux de l’harmonie.

L’union devient plus problématique durant les siècles classiques. « Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme », tranche Boileau au vers 159 du premier chant de son Art poétique474. Qui plus est, Boileau jette le discrédit sur les néologismes par confixation que forge et emploie Ronsard :

Mais sa muse, en français parlant grec et latin, Vit dans l’âge suivant, par un retour grotesque, Tomber de ses grands mots le faste pédantesque475.

Le débat reste vif. Charles Batteux, cent ans plus tard, dans ses Principes de la littérature, revient sur ce propos :

La poésie n’est pas moins occupée de choisir ses expressions que ses pensées. Elle veut qu’outre la propriété et la justesse, qui sont plutôt un défaut évité qu’une beauté acquise, il y ait dans son discours un certain nombre de mots qui frappent et qui piquent l’attention de l’auditeur. Elle en emprunte des langues voisines, ou des langues anciennes : elle en fait revivre de surannés, qu’on voit renaître avec plaisir, en faveur de leur énergie […] en un mot, elle s’attache à tout ce qui est extraordinaire, soit par la richesse, par la hardiesse, par la force, ou parce qu’il est nouveau476.

Il y aurait, selon Batteux, un charme inhérent aux mots inattendus et aux néologismes.

Au XIXe siècle, si la question partage encore, les arts poétiques tendent à trancher pour suivre résolument Boileau. Emmanuel-Louis-Nicolas Viollet-le-Duc, le père du célèbre architecte, ironise ainsi dans un petit poème de 1809 qui, par le succès qu’il rencontre477, lance la carrière de son auteur :

Voulez-vous du public arracher les suffrages ? De mots retentissants ornez tous vos ouvrages ; Enrichissez la langue, et sans vous rebuter, S’il vous manque des mots, sachez les inventer478.

473 Thomas Sébillet, Art poétique français, op. cit., p. 32.

474 Boileau, Art poétique [1674], Sylvain Menant (éd.), op. cit., p. 91.

475 Ibid., v. 126-128, p. 90.

476 Charles Batteux, Principes de la littérature [1774], Genève, Slatkine Reprints, 1967, p. 193-194.

477 Il connut rapidement deux nouvelles éditions.

478 Emmanule-Louis-Nicolas Viollet-le-Duc, Nouvel art poétique, poème en un chant, Paris, Martinet, 1809, p. 24, cité dans Muses et ptérodactyles, op. cit., p. 426-427.

117 Il est manifeste, selon lui, que le néologisme est une licence scandaleuse pour mauvais poète incapable de trouver le mot juste. L’ironie en moins, le poète Michel de Cubières-Palmézeaux reprend la même condamnation :

Créer de nouveaux mots est un talent facile Mais le public sévère est rarement docile A ces expressions qui peuvent dans nos mœurs Accumuler sans fin de burlesques erreurs. Avec discrétion usez d’un privilège

Qu’ont ignoré toujours les hommes de collége [sic] Et que d’un doux éclat frappant les doctes yeux Ce qui fut bien jadis fasse dire : c’est mieux. Car si vous rejettiez [sic] la méthode commune En France on parlerait vingt langues au lieu d’une. Chacun aurait la sienne, et la tour de Babel De l’Apollon français remplacerait l’autel. La grammaire a ses lois ainsi que ses scandales.

Tâchez donc d’ennoblir les tournures banales479.

En somme, tous deux reprennent la sentence classique de Marmontel : « Le Dictionnaire d’un Poëte, ce sont les Poëtes eux-mêmes480 ». Pourtant, les dictionnaires poétiques hésitent encore longtemps. Si le Répertoire de tous les mots poétiques de la langue latine ou Nouvelle classification du Gradus ad parnassum assure dans sa préface avoir supprimé les « noms techniques d’arts, de science » car ils ne sont pas « usités dans les bons poètes »481, le Gradus français célèbre les apports lexicaux de « [n]os aimables poètes descriptifs, et notamment Delille, […] [qui] ont enrichi la langue poétique d’une infinité de mots dont un dédain orgueilleux nous faisait à tout moment sentir le besoin482. » Au sein même du Nouveau dictionnaire poétique qui précède chronologiquement ces deux ouvrages, l’hésitation est présente. La préface semble condamner les mots techniques et nouveaux :

[…] [J]e me suis souvenu que je faisais le Dictionnaire des poëtes, c’est-à-dire un ouvrage où le goût n’admettait que les mots purs, consacrés par les bons auteurs […] j’ai supprimé, pour la plupart, les termes de collége et de cuisine, de tonnelier et de fondeur de cloche […] des mots de l’art typographique […], j’ai rejeté les termes engendrés par le néologisme : c’est l’usage et non la mode qui donne aux mots une valeur réelle ; ceux que conçoit l’opinion du jour sont bizarres, sont éphémères comme elle ; et la poësie ne veut rien qui ne puisse aller

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