• Aucun résultat trouvé

Le cerveau

Dans le document Camille FLAMMARION DIEU DANS LA NATURE (Page 93-108)

Livre 3 - L’âme

I. Le cerveau

Erreur des psychologues et des métaphysiciens qui dédaignent les travaux de la physiologie. Physiologie anatomique du cerveau. Rapports du cerveau et de la pensée. Ces rapports ne prouvent pas que la pensée soit une qualité de la substance cérébrale. Discussion et preuves contraires. Que l'esprit règne sur le corps.

Erreur d'assimiler la pensée à une sécrétion ou à une combinaison chimique. Quelques définitions naïves des matérialistes. Absurdité de leur hypothèse et de ses conséquences.

Le géologue Agassiz a formulé, il y a longtemps déjà, cette réflexion fréquemment applicable : « Toutes les fois qu'un fait nouveau et saisissant se produit au jour dans la science, les gens disent d'abord : ce n'est pas vrai. Ensuite : c'est contraire à la religion. Et à la fin : Il y a longtemps que tout le monde le savait. »

En effet, la vérité a deux sortes d'adversaires : les sceptiques du matérialisme et les sceptiques du dogme. Si l'on s'étonne à bon droit que les physiologistes adorateurs de la matière osent proclamer avec l'accent de l'autorité et de la certitude que l'homme, aussi bien que le choeur tout entier de la vie terrestre, n'est qu'un produit aveugle de la matière, on peut s'étonner à meilleur droit encore qu'il y ait à notre époque des esprits cultivés et même célèbres, qui soient restés si complètement en dehors du mouvement des sciences chimiques et physiques, qu'ils ignorent jusqu'aux plus ba-nales objections que ces sciences présentent à l'idéalisme, et qu'ils ne se doutent pas le moins du monde des modifications nécessaires apportees par ce mouvement dans toutes les conceptions de la pensée humaine.

Ainsi, nous avons encore aujourd'hui des savants, philosophes, théologiens, métaphysiciens, penseurs (dont les noms plus ou moins illustres pourraient être alignés ici si nous en sentions l'opportunité), qui parlent de Dieu, de la providence, de la prière, de l'âme, de la vie future et présente, des rapports de la Divinité avec le monde, des causes finales, de la marche des évé-nements, de l'indépendance de l'esprit, des formules de l'adoration, des entités spirituelles, etc., dans les mêmes termes et dans le même sens qu'en parlait la scolastique au seizième siècle. Ces sortes de parleurs immobiles sont plus curieux et plus inexplicables encore que les précédents. A les entendre affirmer, sur leur ton magistral, les propositions les plus contestables, à les voir ignorer les difficultés si rudes que des âmes plus clairvoyantes ont tant de peine à surmonter, à les observer exposant dans leur verve intarissable et dans leur sécurité naïve leurs prétendues inattaquables vérités, on croirait vraiment qu'ils se sont endormis en cette année mémorable, où Copernic, mourant, recevait le premier exemplaire de son livre De revolutionibus, et qu'ils se réveillent seulement aujourd'hui dans l'inconscience des révolutions opérées. Comme ces esprits, hélas ! sont très nombreux, et qu'ils rallient encore autour d'eux un nombre considérable de partisans, il est bon de donner à tous une idée des faits dont ils devraient tenir compte, et de leur montrer que ce n'est pas à eux qu'il appartient de garder le dépôt grossissant du trésor humain s'ils persistent ainsi à dormir de leur triste sommeil.

Ceux-là qui décrivent minutieusernent la nature et les fonctions de l'âme qui expliquent parfaitement en quel moment, par quel moyen elle prend possession du corps de l'enfant au sein de la mère, et semblablement par quelle porte elle s'échappe au dernier soupir, qui racontent sous quelle forme elle parait devant Dieu et reçoit dans l'autre monde la récompense ou la punition, temporaires ou éternelles, de ses actions pendant la vie, qui mettent en évidence son mode de communion avec son Créateur, qui prétendent qu'elle est complétement indépendante de l'organisme, qu'elle règne sur la matière d'après les idées innées qu'elle apporte en s'incarnant, qu'elle peut dominer cette matière comme une chose étrangère, persécuter son corps en lui refusant, par le jeûne, les macérations et l'abstinence, la satisfaction de ses besoins, qui exposent en détail

l'histoire de l'âme, pur esprit descendu sur la terre comme en une vallée d'épreuves, en un mot ceux-là qui, à quelque religion, à quelque croyance, à quelque système, à quelque pays qu'ils appartien-nent, perdent leur éloquence et leur temps à expliquer longuement des solutions qui ne résolvent rien et des signes qui ne signifient rien46, ceux-là, dis-je, doivent être invités à méditer les observa-tions apportées d'année en année par le progrès des sciences positives. Et comme ces observaobserva-tions constituent précisément la base des conclusions matérialistes, notre double devoir est de les exposer d'abord, afin de juger ensuite si les conclusions sont légitimement conclues.

Les hommes qui traitent les questions avec le plus de dédain et les jugent avec le plus d'assurance sont ordinairement ceux qui les connaissent le moins, par cette raison bien simple que ne les ayant pas approfondies ils ne se doutent pas des difficultés qu'elles présentent au scrutateur. Nous avons encore aujourd'hui des métaphysiciens qui ferment les yeux pour mieux se voir en eux-mêmes et qui n'ont aucune idée de la méthode expérimentale. Ceux-là donc qui répètent depuis cinq cents ans, sans se douter de la difficulté qu'il y a à soutenir cette proposition, que l'âme est un être incarné dans le corps et indépendant de ce corps, feront bien de réfléchir sur la succession des faits que nous allons développer ici.

Quelque opinion que l'on ait sur la nature de l'esprit, on ne peut douter que le cerveau ne soit l'organe des facultés intellectuelles. Examinons sa structure. Cette structure, dit Carl Vogt47 est extrêmement compliquée, il n'y a dans le corps humain aucun organe qui, avec un nombre propor-tionnellement aussi petit d'éléments anatomiques constituant sa substance, possède une si grande quantité de parties différemment conformées et prouvant évidemment, par leur forme extérieure, leur structure interne, leur position et leurs rapports mutuels, qu'elles président à des fonctions spéciales, à la fixation desquelles on n'est pas encore arrivé.

Quant aux parties élémentaires qui composent la substance cérébrale de l'homme et des animaux, elle forme deux groupes principaux : une substance grise, tantôt plus ou moins noirâtre ou jaunâtre, qui offre à l'oeil nu une apparence assez homogène, et une substance blanche, dans laquelle l'oeil nu peut distinguer des faisceaux plus ou moins apparents, courant dans des directions déterminées.

La substance grise forme certainement le foyer principal de l'activité nerveuse, la blanche, par contre, parait être la partie conductrice. S'il s'agit de concevoir les rapports de la structure cérébrale avec le développement intellectuel, c'est surtout sur la substance grise et sur les points qui sont en grande partie formée par elle, qu'il faut porter de préférence son attention.

Le cerveau est partagé en deux hemisphères latéraux, par un sillon profond qui suit sa ligne mé-diane, et dans lequel pénètre un repli de la dure-mère nommé la faux du cerveau. Un second repli de la même membrane, nommé tente du cervelet, est tendu horizontalement dans la région postérieure de la tête, et sépare le cervelet des lobes postérieurs du cerveau qu'elle supporte. Le cerveau proprement dit forme donc ainsi un tout complet qui, d'après le témoignage du développement embryologique et de l'anatomie comparée, s'étend et finit par dominer et comprimer sous lui toutes les autres parties. Cette extension augmente dans la série des animaux à mesure que ceux-ci s'élèvent dans l'échelle, avec une tendance marquée vers le type du cerveau humain.

Examiné en dessus, chaque hémisphère semble former une masse distincte, présentant à sa surface une quantité de sillons contournés, séparant des bourrelets intestiniformes ou circonvolutions. Les deux hémisphères sont généralement semblables. Ils sont divisés en trois segments se suivant et

46 « Il faut que je l'avoue, disait assez franchement Voltaire (Dict. phil., art. Âme) lorsque j'ai examiné l'infaillible Aristote, le docteur évangélique, le divin Platon, j'ai pris toutes ces épithètes pour des sobriquets. Je n'ai vu dans tous les philosophes qui ont parlé de l’âme humaine, que des aveugles pleins de témérité et de babil, qui s'efforcent de persuader qu'ils ont une vue d'aigle, et d'autres curieux et fous qui les croient sur leur parole, et qui s'imaginent aussi de voir quelque chose. »

47 Leçons sur l’homme, III.

qui sont d'avant en arrière : les lobes frontal, pariétal et occipital. Vu de côté, il y aurait à ajouter : le lobe inférieur temporal, et, en outre, un petit lobe caché qu'on a nommé File, ou lobe central.

Les anatomistes anciens n'ont accordé que peu d'attention aux circonvolutions, d'autant moins qu'ils n'avaient pas tardé à reconnaître que les deux hémisphères ne sont pas entièrement symétriques.

On considérait donc la distribution des circonvolutions comme fortuite, ou, selon la remarque d'un observateur, comme « un tas d'intestins » jetés au hasard, de sorte que les dessinateurs avaient l'habitude de les représenter à leur fantaisie sur les planches anatomiques.

Les observations plus approfondies de ces derniers temps ont cependant appris que ce beau désordre est un effet de l'art de la nature, et qu'il existe un plan défini, un certaine loi, qui jusqu'alors n'avait pas été remarquée, parce qu'on avait trop exclusivement borné les recherches à l'homme seul. Il arriva aux naturalistes, ce qui arrive aux hommes peu versés dans l'architecture, qui, au milieu de la profusion d'éléments qui surchargent un style, ne peuvent en déchiffrer le plan fondamental. D'après les dernières recherches, ces circonvolutions du cerveau seraient même d'une importance capitale, et nous en parlerons avant de nous occuper des rapports de volume et de poids.

Cette forme du cerveau, selon Gratiolet, est propre au singe et à l'homme, et il y a en même temps dans les replis du cerveau, quand ils apparaissent, un ordre général, une disposition dont le type est commun à tous ces êtres. « Cette uniformité dansla disposition des plis cérébraux, dans l'homme et dans les singes, dit ce physiologiste, est digne au plus haut point de l'attention des philosophes.

De même il y a un type particulier de plissement cérébral dans les makis, les ours, les felis, les chiens, etc., et dans toutes les familles d'animaux enfin. Chacune d'elle a son caractère, sa norme, et dans chacun de ces groupes, les espèces peuvent être aisément réunies d'après la seule considération des plis cérébraux48. »

Il parait que la pensée est en raison du nombre et de l'irrégularité des circonvolutions. L'homme, l'orang-outang et le chimpanzé ont des circonvolutions sur le lobe moyen, chez les autres espèces de singes et dans le reste des animaux, ce lobe est absolument lisse. La figure de ces sillons et de ceux qui décrivent des méandres irréguliers sur les autres lobes, est d'autant plus irrégulière que la pensée est plus caractérisée. Les animaux qui vivent en société, comme le phoque, les éléphants, les chevaux, les rennes, les moutons, les boeufs, les dauphins, offrent un dessin moins régulier que les autres. Ce qui, à ce point de vue, distingue surtout le cerveau humain de celui des singes, c'est que, parmi les circonvolutions qui se dirigent du lobe occipital vers le lobe temporal, il en est deux qui existent chez l'homme et n'existent pas chez le singe, et c'est l'un des plus grands contrastes qui séparent les deux cerveaux 49.

Dans les espèces animales et dans l'espèce humaine, la supériorité de l'intelligence paraît d'autant plus élevée, que les anfractuosités du cerveau montrent plus de sinuosités, plus de profondeur dans les sillons, plus d'empreintes et de ramifications, d'asymétrie et d'irrégularité. Les stries, très visibles sur le cerveau de l'adulte, ne se montrent pas sur celui de l'enfant, le cerveau de Beethoven présentait des anfractuosités une fois plus profondes et plus nombreuses que celles d'un cerveau ordinaire 50.

Quelques anatomistes pourront répondre, il est vrai, que de grands animaux, fort stupides, tels que l'âne, le mouton, le boeuf, offrent plus de circonvolutions sur leur cerveau que des animaux plus intelligents, tels que le chien, le castor, le chat. Mais il ne faut pas oublier les mathématiques, et se souvenir que les volumes sont entre eux comme les cubes des diamètres, tandis que les surfaces ne sont entre elles que comme les carrés. Le volume d'un corps qui s'agrandit croit plus rapidement

48 Gratiolet, Annales des Sciences natur., 3° série, t. XIV, p186.

49 Tiedemann, das Hirn des Negers mit dem des Europäers und Oran-Outang, verglichen.

50 Wagner, procès-verbal de dissection.

que sa surface. Calculons sur un exemple : Une sphère de 2 mètres de diamètre mesure 12m,566 en surface et 4m,188 en volume, une sphère de 3 mètres de diamètre mesure 28m,273 en surface et 14m,113 en volume (4/3πR3 monte plus rapidement que 4πR2). Le volume du cerveau du tigre est à son corps dans le même rapport que chez le chat, mais la surface se trouve proportionnellement plus petite,et pour atteindre un développement égal, il faut qu'elle se replie et s'enroule.

Ces cirvonvolutions ont leur importance sans doute, mais il a été naturel de penser que le poids comparatif du cerveau chez les différentes espèces doit avoir une importance non moindre, et que ses variations dans l'espèce humaine doivent être prises en considération. Il semble en vérité que ses effets soient en proportion de sa masse. Il est plus petit chez l'enfant et chez le vieillard, que chez l'homme mûr. L'âme de l'enfant paraît se développer à mesure que la substance cérébrale se développe elle-même. Le poids normal d'un cerveau humain est de trois livres à trois livres et demie51. Celui des idiots descend parfois jusqu'à une livre. Celui de Cuvier pesait plus de quatre livres.

La grandeur, la forme, le mode de la composition du cerveau sont en même temps invoqués par nos anatomistes comme corrélatifs de la grandeur et de la force de l'intelligence qui y réside52. L'anatomie comparée nous montre sur toute l'échelle des animaux, jusqu'à l'homme, que l'énergie de l'intelligence est en rapport constant et ascendant avec la constitution matérielle et la grandeur du cerveau. Les animaux sans cervelle occupent le dernier degré de l'échelle. L'homme a le plus grand cerveau réel, pense-t-on, car quoique l'ensemble du cerveau de certains grands animaux soit plus volumineux, les parties qui servent aux fonctions de la pensée sont les plus considérables chez l'homme. Le résultat général des opérations anatomiques démontre que la diminution du cerveau des animaux augmente en descendant la série zoologique, et que les animaux des derniers échelons, tels que l'amphibie et le poisson, ont le moins de cerveau. Ces faits généraux ne sont pas sans exception, comme nous le verrons tout à l'heure, mais nous devons les exposer consciencieusement avant de les discuter ou de les expliquer.

La conviction de l'immense importance de la conformation cérébrale chez les mammifères a même donné lieu à la proposition d'une nouvelle classification uniquement basée sur cette conformation.

51 Voyez Vogt, Peacock, Hoffmann, Tiedemann et Lauret. Schneider le faisait de 3 livres ; Pozzi, de 5 livres 8 onces ; Sennert, de 4 livres ; Arlet, de 4 livres 3 onces ; Haller, de 4 livres ; Bartholin, de 4 à 5 Livres ; Picolhuomini, de plus de 5 livres. M. Lélut admet 1,320 grammes pour les cerveaux ordinaires de vingt à vingt-cinq ans. M. Parchappe, 1,323 grammes.

52 Il faut eu effet réunir ces différents caractères pour pouvoir établir un rapport entre le cerveau et l'esprit. Le poids réel ne suffirait pas. « On a autrefois affirmé, dit Carl Vogt, que l'homme possédait le cerveau absolument le plus pesant de l'ensemble des animaux Cela est vrai pour la plupart d'entre eux, seulement, les intelligents colosses du règne animal, l'éléphant et les cétacés, sont venus bientôt fournir la démonstration convaincante du peu de valeur de cette proposition. Si ce n'est pas le poids absolu, a-t-on dit alors, c'est au moins le poids relatif. Le poids du corps humain est en moyenne au poids de son cerveau comme 56 : 1, tandis que chez les animaux les plus intelligents il dépasse rarement le rapport de 100: 1. Mais si les géants s'opposaient à l'admission de la première proposition, ici ce sont les nains de la création qui infirment la seconde. La foule des petits oiseaux chanteurs offre pour rapport du cerveau au poids du corps des chiffres beaucoup plus favorables que le chiffre normal humain, et les petits singes américains offrent sous ce rapport un poids cérébral beaucoup plus fort que le roi de la création. »

Vogt pense avec raison que si le poids du cerveau peut être comparé avec quelque autre facteur numérique à prendre dans le corps, ce facteur ne saurait être qu'une longueur qui, tout en étant sujette à des fluctuations, doit cependant l'être dans des limites très étroites, peut-être la plus convenable à admettre serait-elle la longueur de la colonne épinière, à laquelle on rapporterait le poids du cerveau. Des hommes paraissant être sur le même niveau comme intelligence peuvent certainement avoir des cerveaux de poids différents, des hommes distingués peuvent offrir des poids plus faibles que d'autres qui ne se sont en aucune façon distingués de la foule, mais cela n'empêche pas qu'en général il existe un rapport approximatif entre le poids du cerveau et le degré d'intelligence, et que la détermination de ce rapport est un facteur qui ne doit en aucune façon être négligé.

Mais il nous semble que ce n'est pas tant le poids absolu du cerveau, que le poids relatif à celui du corps, qu'il importe de considérer. Que le cerveau d'un éléphant ou d'un hippopotame soit plus lourd que celui d'une jeune fille, ce n'est certainement pas là un caractère distinctif en faveur des premiers. Il est plus juste de considérer les rapports, sans aller pour cela jusqu'à penser qu'un même cerveau penserait mieux dans un homme maigre que dans un corps gras. Sous cet aspect les singes et les oiseaux occupent le premier rang. Le cerveau de l’âne ne pèse que le 250e de son corps, tandis que celui de la souris des champs en pèse le 31e aussi la souris a-t-elle une petite mine assez spirituelle, comme disait Andrieux.

Les circonvolutions, le poids absolu, le poids relatif, laissant encore de grandes incertitudes sur les rapports du cerveau à la pensée, on a supposé que la supériorité de l'être est en rapport avec la quantité de graisse que le cerveau contient. L'homme a dans son cerveau plus de graisse que les mammifères, et ceux-ci plus que les oiseaux. La masse du cerveau du boeuf ne s'élève pas au sixième de celle du cerveau humain53.

Ce qui caractérise le cerveau du foetus pendant la gestation, c'est qu'il ne contient qu'une faible quantité de graisse, et surtout de graisse phosphorée. Chez les enfants, la quantité de graisse a déjà considérablement augmenté au moment de leur naissance, et elle augmente encore d'une manière assez rapide avec les progrès de l'âge. La distinction des races n'est pas marquée sur le crâne des enfants, européens ou nègres, ces crânes offrent entre eux les plus grandes ressemblances.

Balzac (Recherche de l'absolu) avait déjà eu l'idée de considérer le phosphore comme l'élément le plus important pour la pensée. Feuerbach amplifiant sur l'importance de ce corps et sur le rôle qu'un mémoire de Couerbe lui fit jouer dans le système nerveux, le donna comme principe de l'esprit.

Huarte s'imagine que cette substance s'illumine des feux du cerveau comme de ceux d'un réverbère.

Nous verrons plus loin jusqu'où Moleschott poussera l'exagération. Quant à présent terminons l'observation spéciale du cerveau par quelques comparaisons particulières dignes d'intérêt pour notre race.

Les crânes masculin et féminin présentent, dans beaucoup d'espèces, de telles différences entre eux, que l'on serait porté à les classer en deux espèces différentes. Dans l'espèce humaine, ils s'écartent également sensiblement l'un de l'autre. Le crâne féminin est plus petit, soit dans sa circonférence horizontale, soit dans sa capacité interne, et le cerveau moins lourd de la femme se rapproche de l'enfant. Un autre fait remarquable, c'est que la distance qui règne entre les deux sexes, relativement à la capacité crânienne, augmente avec la perfection de la race, de sorte que l'Européen s'élève plus au-dessus de l'Européenne que le nègre au-dessus de la négresse. Carl Vogt commente ces expériences de Welcker en faisant observer qu'il est plus facile de changer la forme d'un gouvernement que de modifier le pot-au-feu traditionnel.

La cervelle féminine pèse en moyenne deux onces de moins que le cerveau masculin. Aristote l'avait prévu depuis longtemps, et la science expérimentale a constaté que le sexe intéressant a la cervelle plus légère que le nôtre ! Peut-être est-il utile d'ajouter que les mesures n'ont pas été faites par des femmes54. Nous ajouterons aussi que la taille et le poids moyens de la femme étant inférieurs à la taille et au poids de l'homme, il serait bon de tenir compte de cette différence. Ce serait à leur avantage. Mais au surplus les dames ont une telle supériorité sur nous par les qualités généreuses du coeur, qu'elles doivent nous laisser sans regret la froide supériorité de l'entendement.

53 Von Bibra, Vergleichende Untersuchungen über das Gehirn des Mensehen und der Wirbetihiere, 129.

54 Le docteur Boyd, après avoir pesé les cerveaux de 2086 corps d'hommes et de 1061 femmes, a conclu 1285 à 1366 grammes pour les premiers, 1127 à 1238 pour les seconds.

Dans le document Camille FLAMMARION DIEU DANS LA NATURE (Page 93-108)

Documents relatifs