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L’échec doit être une possibilité – tant que vous en apprenez quelque chose.

JE COMMENCERAI CE CHAPITRE en vous demandant de réfléchir à tous les usages possibles d’une brique. J’aimerais que vous dressiez une liste de tout ce à quoi vous pouvez penser. Je ne suis pas pressé. De toute façon, je ne lirai pas vos réponses avant la fin de cette section.

Cette liste a un lien direct avec le sujet de ce chapitre : la créativité. Nous allons voir comment définir celle-ci (pas facile), ce qui y fait obstacle (encore moins facile), et enfin, comment la stimuler (ce qui est le plus difficile).

Historiquement, les neuroscientifiques ont éprouvé des difficultés à étudier la créativité – non parce que nous ne croyons pas à sa réalité, mais parce qu’elle ne nous semble pas assez quantifiable ou caractérisable, du moins en l’état des techniques. Nous ne sommes pas certains de ce que nous observons vraiment, ou de ce que nous devons chercher.

La plupart d’entre nous seraient d’accord pour dire que Léonard de Vinci était créatif. Nous dirions qu’Einstein l’était aussi, ainsi que Beethoven, George Balanchine et Louis Armstrong. Leurs cerveaux s’abreuvaient-ils à la même source créative lorsqu’ils ont créé leurs chefs-d’œuvre ? Ont-ils tous mobilisé les mêmes régions cérébrales pour engendrer leurs créations les plus célèbres ? Nous n’en avons aucune idée. Ce qui nous réduit à dresser des listes.

À ce propos, qu’en est-il de la vôtre ? Inclut-elle, parmi les utilisations possibles, un presse-papier ou un butoir de porte ? Avez-vous pensé à poser votre brique sur le couvercle d’une marmite d’eau portée à ébullition afin d’empêcher le liquide de s’échapper ? Ce sont là des réponses assez standard. Elles ont en commun de ne pas s’écarter beaucoup des propriétés portantes de la brique.

Certains chercheurs noteraient faiblement de telles réponses, du fait même qu’elles ne divergent pas beaucoup de ce pour quoi la brique est conçue à l’origine. Voici une réponse qui, en revanche, obtiendrait une note élevée : réduire la brique en poussière, puis utiliser la poudre obtenue pour teinter de la peinture. Cette utilisation est très éloignée de la fonction originelle de la brique. Les chercheurs attachent beaucoup de valeur à une telle divergence. En fait, c’est ce genre d’écart qu’ils mesurent lorsqu’ils

quantifient certains types de créativité. On parle d’évaluation de la pensée divergente.

Diriez-vous qu’une réponse est plus créative que d’autres ? La plupart des gens – y compris moi-même – estimeraient que l’idée du pigment est plus innovante, et de nombreux scientifiques seraient d’accord.

La pensée divergente n’est qu’un type de créativité parmi d’autres que les chercheurs s’efforcent de caractériser. Nous allons en examiner plusieurs.

En chemin, nous verrons s’il existe des moyens de transformer un butoir de porte en pot de peinture.

Original ou insensé

Pensez-vous que le passage ci-dessous est créatif ou dépourvu de sens ?

« Je viens d’une université étrangère […] et il faut une plausité de toutes sortes d’amendements pour étudier le code des enfants […] et il ne s’agit pas de perturbation ou de métition mentale […], c’est une loi

d’amurisation. »

Ce discours a réellement été prononcé ; il est extrait d’un article scientifique du milieu du siècle dernier. D’un certain point de vue, il témoigne d’une créativité hors norme : l’orateur fabrique ses propres mots.

Comme on peut imaginer de nouveaux usages pour une brique, il y a ici création d’un vocabulaire. Cela va bien un moment, je suppose, mais cela a-t-il du sens pour vous ? Cet énoncé prend des libertés avec la langue ; mais quelle en est l’utilité ? Il est de fait difficile, voire impossible, de comprendre cette déclaration.

Donc, je répète ma question : ce passage est-il créatif ou dépourvu de sens ?

Ce n’est là qu’un des nombreux dilemmes auxquels les chercheurs sont confrontés lorsqu’ils tentent de définir la créativité. Quelle est la différence entre originalité et absurdité ? Quel scalpel comportemental les chercheurs peuvent-ils utiliser pour séparer l’idiotie du sublime ?

Un tel scalpel n’existe malheureusement pas. Au fil des ans, des âmes courageuses ont avancé diverses idées sur le sujet, dont la plupart rendent humbles. La définition la plus largement utilisée découle d’une de ces audacieuses entreprises :

« […] il est communément accepté que la production d’une idée ou d’un produit à la fois original et utile est une caractéristique centrale

de la créativité. »

Dans le jargon scientifique, « communément accepté » signifie « nous allons en rester là pour l’instant ». C’est l’équivalent scientifique de la capitulation.

Bien que cette définition soit très incomplète, elle n’est pas dénuée d’intérêt. La séparation de la créativité en deux ancres conceptuelles, l’originalité et l’utilité, a fait émerger quelques idées pouvant être testées et permis d’apporter de fructueux éclairages scientifiques sur la nature de la pensée innovante.

Un des plus précieux résulte de l’effort fourni par les biologistes de l’évolution pour comprendre l’utilité première de la créativité. Ces derniers s’accordent sur le fait que celle-ci a le plus probablement dérivé de la nécessité de s’adapter aux changements du climat dans le passé. Il se trouve que le climat africain, lors des quelques derniers milliers d’années de notre séjour dans le Serengeti, était très instable, passant d’un climat très chaud et humide à un climat froid et sec – parfois en l’espace de deux générations.

Cette instabilité posait toutes sortes de nouveaux défis du point de vue de notre survie. Les chasseurs-cueilleurs qui purent appliquer des solutions inédites à des problèmes non moins nouveaux s’adaptèrent le mieux au changement. Ceux qui n’étaient pas assez innovants périrent. La créativité conférait donc un avantage en termes de survie : elle permit à notre espèce de parer aux coups météorologiques.

À la lumière de ce récit des origines évolutives, la seconde ancre, utilitaire, de notre définition de la créativité, s’explique d’elle-même : la solution innovante devait avoir une certaine fonctionnalité pour être évolutivement avantageuse. C’est pourquoi il y a deux ancres plutôt qu’une.

« Une plausité de toutes sortes d’amendements » peut paraître créatif, mais cela n’est pas suffisant pour nous sauver de l’instabilité environnementale.

Pour votre gouverne, l’homme à qui l’on doit la citation reproduite au début de cette section souffrait de schizophrénie. Les chercheurs ont une expression pour désigner ces emmêlements verbaux : la « salade de mots ».

C’est un symptôme commun de certaines formes de schizophrénie. Les

paroles de ce patient étaient certainement uniques, mais selon la définition que nous utilisons, elles n’étaient pas très créatives.

Convergence versus divergence

C’est une chose de définir la créativité comme devant produire quelque chose qui soit à la fois unique et utile. C’en est une autre d’identifier les discrets substrats neuronaux – s’ils existent – qui sous-tendent ces caractéristiques jumelles. Les scientifiques abordent généralement les grandes questions comme celles-ci en proposant des modèles, en les testant, puis en recherchant les régions cérébrales pouvant expliquer le fonctionnement de leurs modèles.

Nous allons examiner trois modèles dans ce chapitre : la pensée divergente/convergente, la désinhibition cognitive et un phénomène ancien, tout simplement appelé « flow » (ou flux). Tous débordent d’idées pouvant être testées. Tous ont été étudiés par des experts, dont le travail consiste à repérer les fonctions comportementales extérieures dans les profondeurs fluides du cerveau.

Vous vous rappelez quand je vous ai demandé de penser à de nouveaux usages pour une brique ? C’est un exercice de pensée divergente. Cette dernière est le gadget cognitif qui pousse une personne à concevoir autant d’idées innovantes que possible – à partir de certains paramètres – de façon très ouverte et détendue.

Le deuxième modèle, celui de la pensée convergente, est pratiquement l’inverse de la pensée divergente. Ce gadget cognitif pousse la personne à imaginer de nombreuses solutions créatives, uniques, à un problème donné.

Les solutions doivent converger sur une tâche.

On trouve un excellent exemple de pensée convergente dans le film Apollo 13, relatant comment la NASA a géré les avaries du célèbre vaisseau spatial éponyme. Le film décrit de nombreuses manières innovantes de résoudre les problèmes (l’une d’elles implique d’utiliser la couverture d’un manuel d’entraînement, un tendeur élastique et des chaussettes !). Le seul but est de faire revenir le vaisseau et de ramener les astronautes sains et saufs à la maison.

La différence entre ces deux types de créativité pouvant être déroutante, voici une façon simple de les distinguer : voyez la pensée divergente

comme un feu d’artifice, avec de multiples arcs multicolores explosant à partir d’un point central. Voyez la pensée convergente comme un verre grossissant, concentrant de nombreux points de lumière en une source unique.

Toujours attentifs aux implications pratiques, les chercheurs se demandent naturellement quels genres de phénomènes favorisent ou entravent les processus de pensée divergente et convergente. Le stress se révèle être un acteur majeur dans les deux cas, mais il affecte les deux types de créativité de manière très différente. D’un côté, il peut être un allié puissant et motivant de la créativité, en particulier de la pensée convergente.

Le fait que trois vies soient en jeu, dans la capsule d’Apollo 13, poussa véritablement les ingénieurs de la NASA à sortir des sentiers battus.

À l’inverse, certains types de créativité, comme la pensée divergente, fanent dans des circonstances stressantes. Quand les gens sont soumis à des pressions, dont celle du temps, ils n’obtiennent pas de très bons scores aux tests mesurant la pensée divergente. (C’est pourquoi je vous ai dit que je n’étais pas pressé dans l’introduction de ce chapitre.)

Nous disposons de preuves statistiques de la relation de codépendance entre la créativité et le stress. Un des meilleurs prédicteurs d’une créativité durable chez les individus est la façon dont ils appréhendent l’échec. Pour certains, il s’agit d’une expérience extrêmement stressante. La perspective d’un échec étouffe tout instinct d’innovation. Pour d’autres, l’échec n’en est pas un : il aide les courageux innovateurs dans leur recherche de la bonne solution.

L’échec, immanquablement

Des chercheurs œuvrant dans toutes sortes de disciplines ont exploré le lien inconfortable entre production créative et peur de l’échec. Il n’y a qu’à lire les intitulés des articles publiés. Du côté du business, on trouve des titres comme : « L’ennemi numéro un de la créativité : la peur de l’échec. » Du côté des neurosciences, on lit des choses comme : « La peur fait rétrécir le cerveau et rend moins créatif. » Ce rétrécissement se produit dans plusieurs régions cérébrales, en l’occurrence, mais plus notablement dans l’hippocampe. Et ce n’est pas rien. L’hippocampe est impliqué dans de nombreux processus essentiels à l’innovation, y compris la transformation

de traces mémorielles de court terme en formes de plus long terme. Que l’hippocampe rétrécisse suffisamment et cela interfère sérieusement avec ce traitement des souvenirs.

Pourquoi la peur de l’échec a-t-elle des effets si négatifs ? Et pourquoi notre instinct innovant est-il si spécifiquement ciblé ? Pour répondre à ces questions, nous devons examiner un trait commun aux bébés, aux scientifiques et aux entrepreneurs. Cela concerne la manière dont ils apprennent.

Les bébés apprennent à travers une série d’idées, qu’ils corrigent eux-mêmes, en utilisant un logiciel intégré qui teste les hypothèses. Ils ne cessent a) de faire des observations sur ce qu’ils pensent être le fonctionnement de leur monde, b) de tester leurs idées sur le mode essai-erreur et c) de modifier leur compréhension des choses en fonction des données recueillies. Si vous pensez que cela ressemble à ce que font les scientifiques – à la bonne vieille méthodologie scientifique –, vous avez raison.

Il y a un certain nombre d’années, un livre intitulé Comment pensent les bébés ? montrait l’extraordinaire similarité entre bébés et scientifiques (et je peux témoigner personnellement que nous avons plus d’un point commun).

Ce style hypothèse-test ne manque pas de force. Les processus itératifs, répétitifs, sont suffisamment puissants pour envoyer des fusées vers des astéroïdes lointains et assez subtils pour percer les secrets de l’atome.

Le parcours est également jonché d’échecs. En fait, l’échec fait partie intégrante du mécanisme : c’est le membre erreur de l’équation essai-erreur.

On peut voir partout des exemples du lien entre échec et créativité. Très peu de projets entrepreneuriaux réussissent à la première, la deuxième ou même la vingtième tentative. Un nombre stupéfiant de théories formulées par les scientifiques échouent lorsqu’elles sont soumises à des tests rigoureux. Même celles qui passent les tests en sortent rarement intactes. Et je ne connais pas un seul bébé qui n’ait pas passé des semaines – voire des mois – à chanceler, se relever et tomber, avant de pouvoir se tenir debout et aller de l’avant.

Si l’idée d’échec vous paralyse, cette paralysie gagnera vos projets et affectera, en définitive, votre productivité. Il est donc réellement important d’avoir la bonne attitude face à l’échec. Rappelez-vous que la créativité consiste, pour une part, à concevoir des idées originales, et, pour une autre

part, à les rendre utiles. Il se trouve que l’échec est le moteur qui transforme tout ce qui est fantastique en quelque chose de fonctionnel.

Maximisez votre potentiel d’échec

Ces idées sont pertinentes dans le monde des affaires. Retournons chez Google et revenons au Projet Aristote (le projet déjà mentionné qui visait à déterminer pourquoi certaines équipes fonctionnent si bien). Les chercheurs ont conclu que la sécurité psychologique était la clé du succès, car elle permet que s’épanouisse la prise de risque interpersonnelle, ce qui, évidemment, inclut le fait d’accepter l’échec.

Depuis le Projet Aristote, des progrès substantiels ont été faits concernant la connexion entre sécurité psychologique et innovation, y compris quant à la possibilité de quantifier les normes de prise de risque. Une expérience a établi que les groupes a) qui testaient de multiples idées simultanément (entre trois et cinq propositions), puis b) sélectionnaient les deux ou trois meilleurs résultats pour pousser plus loin l’expérimentation, obtenaient un taux de succès plus élevé de 50 % par rapport à ceux qui n’itéraient pas du tout ou pas assez. Les échecs, comme les cookies, se cuisinent par fournées entières.

Peut-être inspirés par ces efforts, d’autres chercheurs se sont mis à la cuisine expérimentale de l’échec. Ils ont rapidement découvert que le droit à l’échec ne prédisait pas, en soi, la victoire. Ceux qui parvenaient à de grandes réussites et ceux qui essuyaient des échecs spectaculaires essayaient et échouaient à peu près le même nombre de fois. Quelle était la différence ? Ceux qui réussissaient s’efforçaient d’apprendre de leurs erreurs. Ils s’y confrontaient carrément, en les essorant comme des éponges.

Ceux qui n’avaient pas un tel courage et une telle ténacité avaient plus de chances de persister dans l’échec.

Une autre découverte concerne le temps écoulé entre deux échecs consécutifs. Moins les sujets étudiés laissaient passer de temps après un flop, plus leurs chances de réussite future étaient grandes. Plus ils tergiversaient, plus ils étaient susceptibles d’échouer encore. Non seulement il est bon d’apprendre de ses échecs, mais il est également important de se remettre en selle rapidement pour essayer de nouveau. Une telle rapidité n’est possible que si l’on s’autorise à échouer.

Sous le leadership sécurisant du légendaire Thomas J. Watson, IBM était réputée permettre à ses employés d’échouer. Watson Junior dirigea l’entreprise durant quelques-unes de ses années les plus innovantes et fructueuses. Une anecdote célèbre veut qu’un vice-président d’IBM tentât un jour une expérience qui échoua et coûta à la société près de 10 millions de dollars. Il fit son mea culpa sous la forme d’une lettre de démission, qu’il remit personnellement à Watson. Le vice-président fut stupéfié par la réaction de son patron. « Pourquoi voudrions-nous vous perdre ? demanda Watson en riant après avoir lu la lettre. Nous venons d’investir 10 millions dans votre éducation ! »

Il est vrai que les entreprises ne sont pas des œuvres caritatives. Watson n’avait certainement pas l’intention de briser financièrement IBM. Mais peut-être savait-il intuitivement ce qu’aujourd’hui on peut démontrer empiriquement : vous augmentez vos chances de gagner en accroissant votre tolérance à la perte.

Le chroniqueur tech Michael S. Malone le formule ainsi :

« Ceux qui y sont étrangers considèrent la Silicon Valley comme une réussite mais c’est, en vérité, un cimetière. L’échec est la plus grande

force de la Silicon Valley. »

Briser les chaînes de la peur

Alors, que devriez-vous faire si la peur de l’échec bride votre instinct d’innovation ? Y a-t-il certaines attitudes que vous pourriez concrètement cultiver pour vous défaire de ces entraves toxiques ? La réponse est « oui ».

Cela commence par comprendre pourquoi nous redoutons l’échec.

Les recherches montrent que de nombreux employés considèrent leurs erreurs comme une déficience personnelle. Pour ceux-là, l’échec ne se résume pas à quelque chose qu’ils ont mal fait : c’est un référendum sur qui ils sont, en tant que personne. Si vous éprouvez ce genre de sentiment, vous pouvez être tenté de dissimuler vos erreurs. De mentir. D’en faire porter la responsabilité à quelqu’un d’autre.

Ceux qui ne voient pas leurs flops comme des défauts personnels – dont il faudrait avoir honte, qu’il faudrait cacher ou imputer à quelqu’un d’autre – se précipitent activement vers les désillusions. Et ils récoltent les

fruits de leur courage, en réussissant toujours mieux dans l’univers éprouvant et innovant de l’essai et de l’erreur. De fait, il existe des preuves que l’échec agit comme un accélérateur de la plupart des idées sensationnelles. Comme le dit le psychologue Robert Epstein : « L’échec stimule directement la créativité. Il est réellement précieux. »

Cela suggère que vous pouvez cultiver une attitude saine à l’égard de l’échec en suivant un protocole simple, en trois étapes. La meilleure illustration en est, étrangement, un pompier de Floride. Il s’agit de Matt Holladay, un costaud tout en muscles, à la tête rasée, qui paraît tout droit sorti d’un casting pour un personnage de secouriste en première ligne.

Par une journée ensoleillée, Holladay entraînait un groupe de nouvelles recrues lorsqu’un appel d’urgence parvint à la caserne : une maison était en flammes. Avec ses collègues dans son sillage, il se précipita jusqu’à la maison, s’arrêta et évalua la situation. De la fumée sortait de tout le bâtiment, à l’exception d’une chambre. Il était possible qu’une personne s’y trouve encore. Il sauta aussitôt par ce qui avait été une fenêtre et atterrit devant une frêle grand-mère. Elle était en vie ! Il la prit dans ses bras, la passa par l’embrasure de la fenêtre à ses collègues, puis sortit rapidement.

L’action de Holladay se découpe en trois étapes : d’abord, il a couru en direction du brasier, plutôt que de s’en détourner. Puis, il a évalué les dégâts, en cherchant de possibles signes de vie. Trouvant une voie d’accès, il a agi. Il est entré dans la chambre, a constaté qu’il avait eu raison et a sauvé la grand-mère de quelqu’un.

Croyez-le ou non, les recherches invitent à suivre un protocole similaire en trois étapes pour réagir à un échec.

Ces étapes sont les suivantes :

1. Précipitez-vous vers l’échec comme si vous étiez Holladay courant en direction d’un incendie. Les études – ainsi que la logique – indiquent qu’être disposé à faire face à une menace est LE meilleur moyen de la neutraliser.

2. Évaluez la situation. Déterminez si une grand-mère se trouve dans la pièce puis trouvez comment la sauver, même si l’incendie fait rage autour de vous.

3. Apprenez tout ce qu’il est possible d’apprendre de votre évaluation.

Découvrez pourquoi, en premier lieu, la maison a brûlé, puis agissez en conséquence pour résoudre ce qui a déraillé.

Transformer des Edsel en Mustang

De nombreux exemples, dans le monde de l’entreprise, attestent que ces trois étapes produisent des résultats. Le célèbre gourou des affaires Peter Drucker en a donné une illustration fameuse en décrivant l’un des plus grands flops de la Ford Motor Company : l’Edsel de 1958. Cette voiture fit l’objet d’une planification excessive, de recherches démesurées et fut spectaculairement survendue. Lorsqu’elle fut enfin mise sur le marché, les ventes furent catastrophiques. Business Insider estime que l’Edsel a coûté 350 millions de dollars à l’entreprise.

Drucker a relaté qu’au lieu de reculer devant ce coûteux feu de poubelle, les cadres dirigeants s’y confrontèrent. Ils examinèrent délibérément, systématiquement, ce qui avait failli, mirent en évidence ce qui avait bien fonctionné et établirent comment transformer l’un en l’autre. Leurs efforts se traduisirent directement par des modifications qui donnèrent naissance à la Thunderbird et à la Mustang, deux des plus grands succès automobiles de tous les temps.

Quelles sont donc les conditions permettant aux entreprises de transformer des Edsel en Mustang ? La réponse, tirée de décennies de recherches, s’avère constante, fiable et, si vous êtes cadre, quelque peu troublante. La manière dont les cadres réagissent aux échecs – les leurs et ceux de leurs collègues – affecte directement la réaction de toutes les autres personnes. La productivité de tous est contingente, non d’une action, mais d’une attitude.

Je l’ai dit, c’est troublant.

Si vous êtes cadre dirigeant ou manager, quelle attitude devriez-vous donc cultiver face à l’échec ? Afin de transformer la désillusion en monnaie sonnante et trébuchante, vous devez créer un climat au sein duquel l’échec est non seulement accepté, mais considéré comme inévitable. Et cela commence par l’exemple que vous donnez, ce que les behavioristes nomment « transfert passif ». Les managers qui endossent

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