• Aucun résultat trouvé

Cas des nanomatériaux d’oxyde de cuivre

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 47-51)

Chapitre I : Contexte scientifique

C. Cas des nanomatériaux d’oxyde de cuivre

Le cuivre est un métal malléable retrouvé dans la composition de bijoux, d’armes et d’outils.

Il présente également une bonne conductivité thermique et électrique, une résistance à la corrosion et des propriétés antibactériennes et antifongiques qui rendent son utilisation intéressante dans des domaines très divers comme l’électronique, l’agriculture, la construction et la médecine. Il fait également partie des éléments essentiels à la survie des organismes et est nécessaire pour le fonctionnement d’enzymes clés (telles que CuZnSOD et le Cytochrome-C-oxydase).

Son utilisation à l’échelle nanoparticulaire a été estimée majoritaire dans le domaine des catalyseurs (68 t/an), suivie de l’électronique et optique (60 t/an), des peintures et pigments (48 t/an) et de différents secteurs impliqués dans l’aérospatial, le domaine médical, les cosmétiques, l’énergie et l’environnement (24 t/an) (Keller et al., 2013). La principale application menant à la contamination du compartiment aquatique proviendrait de leur utilisation dans les peintures et les pigments compte tenu de leur application possible directement dans la matrice receveuse (Keller et al., 2013; 2017). Par exemple, leur incorporation dans les peintures antisalissure pour bateaux mène à leur rejet progressif dans le milieu aquatique (Adeleye et al., 2016). L’incorporation de ces NM dans les peintures permet principalement d’améliorer les capacités antibactériennes et antifongiques des produits, menant ainsi à des rejets de biocides dans l’environnement. Compte tenu du peu d’informations disponibles quant à l’évaluation du risque de ces NM, la règlementation sur les produits biocides (RPB) permet leur incorporation dans les produits d’usage courant et entraine ainsi une exposition de l’homme et de l’environnement à des substances potentiellement toxiques (Brinch et al., 2016). Dans ce contexte, une évaluation des effets de

21

CuO NM contenue dans des peintures a été réalisée à différents stades de leur cycle de vie dans le cadre de cette thèse.

2. Comportement dans l’environnement

Le cuivre (Cu) peut présenter quatre états d’oxydation : le cuivre élémentaire (Cu ; métal solide) ; l’ion cuivreux (Cu(I), Cu+), l’ion cuivrique ou cuprique (Cu(II), Cu2+) et plus rarement la forme de Cu(III) (Cu3+). Il est principalement retrouvé dans les eaux sous la forme Cu2+ et Cu+ mais le Cu+ est moins stable et à tendance à devenir du Cu2+. Ces deux formes de cuivre sont considérées comme biodisponibles. Cependant, le cuivre peut se retrouver sous forme complexée dans les eaux naturelles, et notamment dans les eaux marines du fait de la forte présence d’ions avec lesquels il va pouvoir se lier, modifiant ainsi sa biodisponibilité pour les organismes aquatiques.

Les concentrations environnementales des nanomatériaux à base de cuivre ont été estimées comme faibles (ng à µg/L) dans les eaux de surface, mais elles pourraient atteindre localement des concentrations assez élevées pour mener à de la toxicité (Keller et Lazareva, 2014 ; Keller et al., 2017). Les nanomatériaux d’oxyde de cuivre peuvent, comme les autres NM, subir des transformations telles que l’agrégation, la sédimentation et la dissolution. Leur dissolution augmente lorsque le pH diminue et lorsque la force ionique et la concentration en MON augmentent (Peng et al., 2017). Ainsi, la dissolution de CuO NM est relativement faible (< 1%) à pH environnemental (pH 7-8), tandis qu’elle peut atteindre une forte dissolution au pH acide d’organites cellulaires comme les lysosomes (> 50% à pH=3-4) (Keller et al., 2017; Peng et al., 2017). Elle est également augmentée en présence d’une forte force ionique, notamment de NaCl, mais est dépendante des électrolytes en solution. Elle est également dépendante du type de MON. L’agrégation et la sédimentation sont plus importantes à pH isoélectrique, ainsi qu’à force ionique élevée, tandis qu’elles sont réduites en présence de MON (Peng et al., 2017). Ainsi, de nombreux paramètres influencent le devenir des nanomatériaux de Cu dans l’environnement, et ainsi leur biodisponibilité et leur potentiel toxique.

22

3. Toxicité envers les organismes aquatiques

Les CuO NM affectent les organismes à différents niveaux d’observation, du niveau populationnel en affectant la reproduction (Adam et al., 2015), au niveau individuel en affectant la physiologie des organismes et leurs réponses cellulaires (Buffet et al., 2011, 2013;

Hanna et al., 2014; Gomes et al., 2012 ; Ruiz et al., 2015 ; Pang et al., 2013) et moléculaires (Gomes et al., 2013; 2014b). Compte-tenu des multiples interactions et modifications de milieu (pH, composition en ions, protéines, etc…) ayant lieu au niveau des interfaces biologiques, il est difficile de déterminer si la part de toxicité est due uniquement à la forme nanoparticulaire ou à son produit de dissolution. D’après certaines études, les effets toxiques observés résultent des ions issus de la dissolution des NM de cuivre uniquement (Jo et al, 2012; Blinova et al, 2010 ; Aruoja et al, 2009; Tavares et al, 2014). D’autres avancent que la toxicité serait due à la fois aux NM eux-mêmes et aux ions issus de leurs dissolution (Kasemets et al, 2009), ou encore seulement aux NM eux-mêmes (Hua et al, 2014 ; Baek et al, 2011). Les observations divergent, mais les modèles d’études ainsi que les matériels et techniques d’études sont eux aussi très variés. Une approche moléculaire réalisée sur des bivalves exposés à de faibles concentrations de CuO NM (10 µg Cu/L) a montré que ces deux formes (nanoparticulaire et ionique) n’induisent pas les mêmes réponses, ce qui suggère un mécanisme d’action différent selon la forme utilisée (Gomes et al., 2014b). Les observations sont aussi en accord quant à la toxicité du cuivre ionique et nanoparticulaire qui parait plus importante que le cuivre micro- et macrométrique (Kaweeteerawat et al, 2015 ; Aruoja et al, 2009).

Le CuO peut être internalisé à la fois sous forme ionique via des canaux spécifiques, et sous forme nanoparticulaire via des mécanismes de transports passifs ou via des phénomènes d’endocytose. Les différentes formes de cuivre peuvent alors réagir avec les composés cytosoliques ainsi qu’avec les organites cellulaires et les endommager et/ou mener à une induction de ROS. Le cuivre génère également des ROS via la réaction de Fenton qui conduit à la formation de radicaux hydroxyles (HO) très réactifs. Des défenses se mettent alors en place pour contrer ce stress mais des dommages peuvent malgré tout être observés si ces défenses ne sont pas suffisantes. Chez les bivalves M. galloprovinciallis et S. plana exposés pendant 14 à 15 jours à 10 µg Cu/L de CuO NM, des défenses antioxydantes (SOD, Cat, GPx) et antitoxiques (GST), des protéines reliées à l’homéostasie des métaux (MT) et le

23

métabolisme énergétique (lactate déshydrogénase) ont été sollicités, mais n’ont pas toujours été suffisants pour contrer des dommages tels que l’endommagement des membranes (peroxydation lipidique), la neurotoxicité (inhibition de l’acétylcholinestérase), l’apoptose (caspase-3) ou la génotoxicité (test des comètes) (Gomes et al., 2011, 2012, 2013 ; Buffet et al., 2011, 2013). Des anomalies de croissance et/ou de développement ont également été mises en évidence chez différentes espèces de poisson (Ostaszewsk et al., 2016; Song et al., 2015).

Au niveau transcriptionnel, des gènes codant pour des protéines impliquées dans le cytosquelette (actine et β-tubuline), le stress oxydant et toxique (GST, SOD), l’homéostasie des métaux (MT), le stress général (HSP70) et dans la réparation à l’ADN (gadd45, Rad51) présentent des expressions modifiées chez M. edulis. D’après ces résultats, l’internalisation des CuO NM devrait se faire à travers le mécanisme d’endocytose, menant à la sollicitation de défenses antioxydantes et antitoxiques ainsi qu’à l’activation de mécanismes de réparation de l’ADN (Châtel et al., 2018). Ces observations, effectuées après seulement 24 heures d’expositions à 10 µg Cu/L de CuO NM, mettent en évidence encore une fois la précocité de ces réponses.

24

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 47-51)