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Chapitre 1. Analyse des entretiens et vérification des hypothèses

1.2. Le carnet de progrès comme élément facilitateur de coéducation

1.2.4. Le carnet de progrès : reflet de la vie de la classe et impact

impact sur le style parental

la coéducation d’autre part.

Les propos tenus par les parents qui ont profité d’un échange réel et approfondi avec leur enfant

autour du carnet du progrès témoignent du fait que ce dernier s’attache à être un reflet de

l’activité en classe.

A la lecture des vignettes, c’est le papa d’Etienne qui fait du lien entre la compétence exprimée

et l’activité de classe correspondante : « Je sais écouter quand quelqu’un parle », ben ça, c’est

quand ils sont en rond…Ah ouais, c’est vrai tous les matins, ils font un rassemblement…On

s’intéresse un petit peu à la vie de la classe, on repère un petit peu à quel moment c’est… « Je

sais jouer » : ben c’est quand on les dépose un peu le matin…Après, je crois que pendant que

certains font de l’atelier, ils ont droit d’aller dans la cuisine jouer, pour pas qu’ils soient tout

le temps… » La lecture avec l’enfant de ce carnet de suivi des apprentissages accorde ainsi aux

parents une illustration assez fine et fidèle du contenu d’une journée de classe en termes

d’activités.

Par ailleurs, si le carnet de progrès de A. est pensé comme un référentiel du parcours scolaire

balisé, qui peut donner à l’élève un programme, une représentation matérielle des étapes futures

à franchir, ce même outil fournit ces mêmes informtions aux parents : il accorde aux familles

une prise de connaissance des finalités de la scolarité en maternelle. Ayant une vision globale

des attendus des premières années d’école, les parents peuvent ainsi apprécier où en est leur

enfant par rapport aux objectifs finaux à atteindre en fin de grande section.

C’est en tout cas ce que veut signifier le papa de Stanislas : « Ca permet aux gens où justement

l’enfant, je dirais…, l’enfant lambda, de voir où on est l’enfant., et l’évolution qu’il peut y avoir

éventuellement entre les années qui passent ». La maman de Nadège peut ainsi, à la lecture du

carnet de progrès, suivre l’évolution de sa fille et la situer scolairement vis-à-vis des attendus

de la maternelle : « C’est vrai que nous, en tant que maman, on peut pas suivre l’évolution

comme la personne le…comme la maîtresse le voit, donc nous, on a…on a un rendu en fait, je

sais pas si on peut dire ça comme ça…Mais avec ce cahier-là, et moi, comme…comme je vais

me redire encore une fois, franchement, je le trouve super bien et je suis très contente de…de

l’avoir parce que moi, j’ai besoin de savoir ma fille aussi où est-ce qu’elle en est ?…est-ce

qu’elle a acquis des choses ?…les choses qu’elle n’a pas acquises aussi ? »

Outre les informations précises que le carnet de progrès fournit aux familles, on relève

également que ce dispositif s’avère être, pour 6 des 8 familles rencontrées, une démarche qui

implique et qui favorise le pouvoir d’agir parental. Il est clair que tout parent, en scolarisant son

enfant, est de fait impliqué à l’école, il n’est pas pour autant investi dans cette même école.

Pourtant c’est bien ce que cherche à promulguer la loi d’orientation de 2013 qui stipule que la

coopération « doit se concrétiser par une participation accrue des parents à l’action éducative

dans l’intérêt de la réussite de tous les enfants ».

Comment le carnet de progrès de l’école maternelle de A. répond-il à cette demande

institutionnelle ?

Tout d’abord, la fréquence de consultation de l’outil, fixée par l’équipe pédagogique à un

passage du document dans les familles à chaques vacances, permet aux parents une meilleure

genèse instrumentale de l’outil et une appropriation plus rapide. Ce délai de 7 semaines convient

à la maman de Gabriel qui voit, dans l’optique de la philosophie de l’outil, la prise de recul

nécessaire et le temps accordé à l’élève pour essayer, échouer, reprendre, réussir, sans subir la

pression de résultats mensuels à présenter : « Se laisser un laps de temps pour pouvoir prendre

du recul, laisser les choses décanter puis reprendre, sans forcément qu'il y ait un enjeu tous les

mois. »

Par ailleurs, le choix pédagogique de proposer, en fin de carnet, un espace de parole dédié aux

parents est de toute évidence une sollicitation supplémentaire à l’investissement parental, à une

plus grande implication, et au travers de cela, une invitation pour les parents à développer leur

pouvoir d’agir. Lors de nos entretiens, les parents à l’unanimité ont témoigné avoir apprécié

cette nouvelle sollicitation d’une parole libre et nouvelle qui leur est accordée. Toutefois, cet

espace, s’il est apprécié positivement, est appréhendé de diverses manières par les familles.

L’hétérogénéité des réponses obtenues va de l’absence de réponse, à la proposition appréciée,

jusqu’à la prise de conscience d’une plus grande implication parentale nécessaire. C’est en effet

le cas du papa de Titouan qui, s’il considère cet espace parental comme une avancée pour le

binôme enseignante/parents, avoue ne pas savoir comment le gérer : « Parce que ça implique

les parents dans l’éducation des enfants, et c’est pas juste un enfant qui est un numéro ou, voilà,

il est là, on lui fait des remarques dessus, on balance ça aux parents et on n’attend pas de

retour. Donc c’est bien d’attendre un retour, c’est juste que moi, j’en avais pas ! »

Quant au papa de Stanislas, il apprécie vivement être invité à s’exprimer en tant que parent et

juge très favorable cette initiative des enseignantes : « Non, j’ai pas souvenir qu’on m’ait

donné…J’ai pris des fois le droit d’écrire, mais là, c’est autre chose, c’est que je suis en colère !

Mais je trouve ça bien, parce qu’en tant que parents, on a aussi des choses à dire ! On est

quand même les parents des enfants ! »

Pour le papa de Sarah, cette consultation du carnet de progrès, et notamment cette invitation à

témoigner dans l’espace de parole parental est vécu comme un déclic. Emerge alors chez lui

une véritable prise de conscience de son rôle de coéducateur, de son pouvoir d’agir parental,

laissé jusqu’alors de côté pour ce qui concerne la maternelle.

La maternelle pour moi, c’est…Comment dire ? En tant que parent, je viens chercher mon

enfant et je l’emmène. Ca se résume…c’est brut de dire ça, mais c’est comme ça ! Et le

cahier, du coup, le fait d’avoir un aîné qui est passé par la maternelle et là, c’est notre

deuxième qui va à la maternelle et qui a le cahier de progrès, je sens petit à petit qu’on

m’emmène dans l’implication davantage. Voilà ce que je ressens…

Et…ça vous invite positivement ou ça vous freine ?

Ah non, je suis plutôt content parce que je me dis que toutes les étapes de la vie sont

importantes finalement. Donc négliger la maternelle, faire totalement confiance aux

professeurs et mettre tout à leur charge, pff ! c’est pas…Quand je vois l’implication que

j’ai pour l’aîné en primaire, je me dis que c’est déséquilibré par rapport à la maternelle

pour des fausses idées dans le sens : la maternelle, qu’est-ce qu’on peut faire de plus que

la professeur ? […] Donc ouais, moi, j’ai senti…j’ai senti ça comme un outil de venir

m’emmener à plus m’impliquer. Voilà, un guide.

Dans la parole du papa de Sarah citée ci-dessus, il est clair que la frontière entre les effets du

carnet de progrès sur le style parental et ses effets sur la coéducation semble très poreuse. A

travers l’appropriation parentale du carnet de progrès, c’est bien un nouveau regard et un

nouveau positionnement face au concept de coéducation qui est interrogé et qui s’est construit.

Pour envisager la façon dont le carnet de progrès peut être vecteur et encouragement à une

coéducation plus ample, repartons du contexte général de cet outil d’évaluation positive, dans

lequel les discours prônés notamment par l’OCDE évoquent la notion de « parentalité positive,

comme nouvelle forme de posture parentale ».

Aussi, la démarche initiée par le carnet de progrès est pensée dans le sens d’une construction

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