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Chapitre 1. Analyse des entretiens et vérification des hypothèses

1.2. Le carnet de progrès comme élément facilitateur de coéducation

1.2.5. Le carnet de progrès : levier d’ une plus grande coéducation

coéducation

dynamique des apprentissages pour l’élève et d’une invitation à la mise en œuvre d’une

parentalité positive favorisée par la coéducation. Selon les idées dont il est porteur et les

principes qu’il défend, le carnet de progrès permet à tout coéducateur, dont les parents, de poser

un regard bienveillant sur le travail de l’élève.

C’est bien la position soutenue par la maman de Gabriel : « Je pense que c'est le tout, d'avoir

senti qu'il était bien après ce moment-là et que en fait, il y ait vraiment tous les regards croisés,

c’est-à-dire des éléments objectifs, de là où il en est, un avis aussi de son enseignante, et puis

aussi notre retour à nous, de croiser les regards, et lui de constater, je sais pas si on peut dire

son bien-être, mais le renforcement positif que ça va être pour lui. » Elle explique encore que

ce croisement de regards positifs, portés sur l’élève par une communauté éducative engagée,

permet une prise en considération des points de vue de chacun : « Nous, les parents, on a une

vision qui est la nôtre, l'enseignant a sa vision à lui, et puis l'enfant aussi, parfois, a un autre

regard. Et des fois, on prend la mesure de certaines choses quand on écoute aussi l'enfant. On

se dit aussi « mince » : nous, on a nos attentes ou notre interprétation de la situation et l'enfant

ne l'a pas vécue de la même façon. Voilà ce qui est intéressant, c'est de croiser les trois pour

vraiment prendre en compte tous les éléments ».

Par ailleurs, pour défendre la thèse selon laquelle le carnet de progrès, réponse à une demande

institutionnelle d’évaluation positive, est un élément favorisant une plus grande coéducation, il

est bon de remarquer que l’outil et le concept regardent dans la même direction : celle de la

valorisation des réussites de l’élève. Cet objectif partagé est la nature même du carnet de progrès

qui valide au fur et à mesure les réussites de chacun, il est également le message véhiculé et la

finalité recherchée par la coéducation. Pour soutenir cet argument, citons cet extrait émanant

d’un document d’EDUSCOL (2016) qui explique : « Toutes les études et la recherche

convergent pour signaler que des liens riches, resserrés, durables avec les parents contribuent

à la meilleure réussite de leurs enfants. Cela reste encore un chantier à explorer ». La réflexion

de la maman de Gabriel, par ailleurs professionnelle dans le domaine de la petite enfance et de

ce fait sensibilisée à la parentalité positive, plaide effectivement en faveur de cette centration

des coéducateurs sur la réussite de l’élève : « Voilà, on est vraiment sur de la pédagogie

positive, c'est à dire que l'enfant est vraiment valorisé dans ses compétences, on n'est pas dans

l'acquis/non acquis, on est à un stade précis et on avance. Mais c’est pas « on sait pas faire »,

c’est qu’on est à une étape ou à une autre. »

progrès a été un véritable levier de prise de conscience du rôle de coéducateur. Les échanges

avec leurs enfants respectifs autour de ce nouvel écrit scolaire ont été tout d’abord une

révélation de leur défaillance en matière de coéducation et leur a permis une introspection quant

à leur rôle de parent d’élève en classe maternelle. Aussi, le papa de Stanislas souligne à l’envi

que le carnet de progrès l’a fait évoluer dans son statut de parent d’élève : lui-même élève en

difficulté, se jugeant délaissé et frustré par son propre parcours scolaire, ayant par ailleurs un

manque de reconnaissance de son statut de parent d’élève pour ses deux enfants aînés, ces

expériences de vie délicates l’ont fait aborder le carnet de progrès avec un œil pour le moins

critique. Or, le moment d’échange priviligié avec l’enfant, le langage partagé par les

coéducateurs, l’espace de parole parental proposé en fin de carnet l’ont manifestement fait

évoluer dans son point de vue sur l’institution : « C’est un outil qui moi, m’a réconcilié un petit

peu avec l’école. Ben j’suis toujours un petit peu fâché avec le monde scolaire, parce que pour

moi, l’école, c’est pas la vraie vie. Voilà, quoi ! Moi, j’ai fait partie de ces élèves, de cette

génération où…tu avances c’est bien, tu as des lacunes, tu te débrouilles ! Tu restes au fond et

puis tu fais pas de bruit, je veux pas t’entendre, quoi. »

Le témoignage du papa de Sarah est d’un autre ordre mais il démontre aussi très bien comment

la confrontation au carnet de progrès a été révélateur d’un statut de coéducateur ignoré : la

coéducation dans le quotidien scolaire, où selon l’expression du papa d’Etienne on fait son « job

de parent », était jusque-là soigneusement évitée par le papa de Sarah. Constatant le plaisir

partagé avec sa fille à échanger sur ses réussites scolaires, il avoue s’être intéressé au carnet de

progrès pour répondre à l’injonction de notre entretien : il constate son faible investissement à

l’école maternelle et se dit déçu par son attitude : « Moi, ce qui m’a le plus marqué, j’ai…je

réinsiste là-dessus, c’est l’implication parce que je me suis rarement senti impliqué dans la

scolarité, surtout la maternelle. Là, du coup, le carnet de progrès, le fait qu’on me dise : « Va

falloir échanger avec une personne sur ce carnet de progrès », là, tout ça, je me suis

dit : « C’est dingue que je ne me suis pas plongé naturellement dedans quoi ! » C’est un

peu…un peu prise de conscience et déception, par rapport à l’aîné, de pas avoir…peut-être

m’être plus penché dessus à la maternelle. »

En ce qui concerne ce papa, on peut assurément dire que notre entretien sur le sujet du carnet

de progrès lui aura permis de se retrouver face à lui-même, de constater son moindre intérêt et

engagement dans la vie scolaire de sa fille, et d’envisager un véritable changement de posture

vis-à-vis de l’école maternelle : « Non non…mais c’est vrai, ça revient au…à ce que je disais

pas d’instinct ! C’est ça qui est étonnant, c’est pourquoi, pourquoi ce manque, de pas y aller

spontanément ? Il faut que quelqu’un nous le demande ? »

Le carnet de progrès est-il élément facilitateur de coéducation ? Si l’on observe, au cours des

différentes phases de découverte, puis d’apprentissage, et enfin d’adoption de ce nouvel outil

dans la classe, l’évolution de la nature des échanges entre enseignante et élèves, plus encore, si

l’on focalise sur le rôle majeur de médiation qu’il tient entre parents et enfant, permettant des

interactions plus authentiques et des moments d’intimité familiale, on ne peut qu’attester le

statut de levier vers plus de coéducation qu’entretient ce dispositif. Pour faire état d’autres

preuves des effets positifs du carnet de progrès sur la coéducation, nos recherches convergent

pour estimer que la mise en place de cet outil d’évaluation est globalement apprécié pour sa

lisibilité et son message accessible à tous les coéducateurs, parents, enseignante et enfant. Par

ailleurs, il renforce le pouvoir d’agir parental, notamment par l’invitation à profiter de l’espace

de parole proposé aux familles. En outre, il peut être l’occasion d’un regard bienveillant posé

sur l’enfant, et surtout, une prise de conscience par les parents de leur rôle non négligeable de

coéducateurs autour de l’enfant et au cœur de la communauté éducative.

Ainsi, l’ensemble de ces remarques répond de toute évidence à l’hypothèse du carnet de progrès

comme élément facilitateur de coéducation.

1.3. Le carnet de progrès : un élément qui interroge, qui limite ou qui empêche la