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Caractéristiques de la ration susceptibles d’affecter la synthèse apparente de vitamines B dans le

CHAPITRE 1 : REVUE DE LITTÉRATURE

1.4 Synthèse de vitamines B dans le rumen de la vache laitière

1.4.2 Caractéristiques de la ration susceptibles d’affecter la synthèse apparente de vitamines B dans le

1.4.2.1 Niveau de lipides

Chez les ruminants, les lipides sont importants, car ils occupent plusieurs fonctions. Par exemple, ils sont une bonne source énergétique et ils contribuent à la structure et à la fluidité des membranes cellulaires. Les lipides sont divisés en plusieurs classes dépendamment de leur structure moléculaire. Les acides gras sont un constituant majeur de plusieurs classes de lipides. Les acides gras possèdent une chaîne hydrocarbonée qui peut être sans liaisons doubles, les acides gras saturés, ou avec une ou plusieurs liaisons doubles, les acides gras mono- ou polyinsaturés. Les acides gras insaturés sont reconnus pour être néfastes pour certaines populations microbiennes présentes dans le rumen (Harfoot et Hazlewood, 1997). Afin de contrer leurs effets, les microorganismes du rumen peuvent effectuer de la biohydrogénation. Cela consiste à saturer les chaînes d’acides gras en ajoutant des molécules d’hydrogène. Ce procédé biochimique se déroule en plusieurs étapes où chacune d’entre elles génère des intermédiaires. Néanmoins, les acides gras insaturés peuvent être bénéfiques pour la santé humaine de plusieurs façons. Ils contribuent par exemple à une meilleure santé cardiovasculaire, immunologique et inflammatoire (Williams, 2000). De plus, certains acides linoléiques conjugués (ALC), isomères de la biohydrogénation de certains acides gras polyinsaturés, peuvent avoir des effets biologiques positifs

Chez les ruminants, une ration normale contient une teneur plutôt faible en lipides, de l’ordre de 2 à 5% sur une base de matière sèche (Doreau et Ferlay, 1994). Comme mentionné précédemment, l’addition d’une source lipidique dans la ration d’une vache laitière peut avoir plusieurs avantages autant sur la santé animale que la santé humaine. Un des suppléments qui peuvent être utilisés par l’industrie alimentaire bovine est la graine de lin. Il est possible de la retrouver sous forme de graine crue, micronisée ou extrudée. L’huile peut aussi être extraite et ajoutée directement à la ration. En théorie, le procédé d’extrusion soumet la graine de lin à un traitement thermique afin de briser les cellules végétales, ce qui rend possiblement la graine plus accessible pour la dégradation ruminale et ses lipides plus rapidement disponibles pour la lipolyse et la

biohydrogénation (Doreau et al., 2009). Cette équipe de recherche a ainsi montré que la supplémentation en graines de lin extrudées permet d’augmenter le flux duodénal d’intermédiaires insaturés par rapport à une supplémentation en graines de lin roulées. Gonthier et al. (2004) ont montré chez la vache laitière qu’une supplémentation en graines de lin extrudées, à raison de 12,6 % sur une base de matière sèche, n’induit pas d’effets sur la digestibilité ruminale de la matière sèche et de la matière organique entre les traitements témoins et ceux supplémentés en graines de lin. Par contre, la graine de lin extrudée entraîne une meilleure digestibilité ruminale de la matière sèche et de la matière organique que la graine de lin micronisée (Tableau 1.5). Pour sa part, l’huile de lin peut être néfaste sur la digestibilité de la matière organique dans le rumen du mouton (Ikwuegbu et Sutton, 1982). Cependant, Ueda et al. (2003) n’ont pas observé ces effets négatifs pour la digestibilité chez des vaches laitières en lactation dont la ration était supplémentée avec 3% d’huile de lin.

Tableau 1.5 : Digestibilité ruminale de vaches laitières soumises à un régime de graines de lin1

Digestibilité ruminale (% de l’apport)

Traitements alimentaires

SEM Témoin Graine de lin crue Graine de lin micronisée Graine de lin extrudée

Matière sèche 66,9 64,2 57,9 68,7 1,89

Matière organique 57,7 57,8 52,0 61,3 1,70

1 Adapté de Gonthier et al. (2004)

En outre, la graine de lin extrudée semble être la forme à privilégier lors d’une supplémentation alimentaire. C’est d’ailleurs sous cette forme que l’équipe de Gómez-Cortés et al. (2009) a exposé que cette source lipidique permet une augmentation de la production laitière. Cette augmentation semble attribuée à une meilleure offre énergétique, ce qui pourrait aussi expliquer les effets bénéfiques sur les performances reproductives puisque les vaches sont en meilleures conditions pour la prochaine gestation. Cependant, une contribution en graines de lin extrudées supérieure à 15% de l’apport en matière sèche induit une diminution de la teneur en matière grasse du lait (Ferlay et al., 2013). L’approvisionnement accru en graines de lin extrudées dans la ration résulte en une augmentation de la teneur en matières grasses alimentaires. Ces modifications peuvent avoir un effet inhibiteur sur les protozoaires, ce qui a pour conséquence de réduire la production de méthane. Martin et al. (2008) ont ajouté 5,7 % de lipides provenant de la graine de lin dans la ration de vaches laitières ce qui a effectivement entraîné une diminution des émissions de méthane.

23 base de matière sèche, sont ajoutées à la ration (Gonthier et al., 2004). En 2010, l’équipe de Côrtes et al. (2010) a montré que l’ajout de graines de lin a modifié le profil en acides gras dans le liquide ruminal. Pour ce qui est de la microflore, un examen superficiel dans le rumen des moutons a révélé des changements marqués dans la population microbienne (Czerkawski, 1973). Dans cette expérience, lorsque la teneur en acides gras libres dérivés d'huile de lin était plus élevée dans la ration, il y avait une chute drastique des protozoaires. Puis, lorsque la ration témoin a été servie de nouveau aux moutons, le nombre de bactéries a diminué alors que celui des protozoaires a remonté, sans par contre retrouver sa concentration initiale. Il semble que le nombre inférieur de protozoaires soit associé à l’augmentation du nombre de bactéries présentes dans le rumen et à des valeurs plus élevées de synthèse de protéines microbiennes. Cela pourrait donc aussi entraîner une variation de la synthèse apparente de vitamines B.

1.4.2.2 Source de glucides et niveau d’azote

Afin d’obtenir de l’énergie pour combler leurs besoins d’entretien, de croissance, de reproduction et de production laitière, les vaches transforment l’énergie contenue dans leur alimentation en un combustible organique appelé adénosine triphosphate (ATP). Cette énergie alimentaire se retrouve sous forme de glucides majoritairement (entre 60 et 70%), mais aussi sous forme de protéines et de matières grasses (NRC, 2001). Afin de dégrader les glucides dans le rumen, la population microbienne procède à l’hydrolyse extracellulaire des polymères glucidiques puis à la fermentation intracellulaire des glucides simples. Cette fermentation produit des acides gras volatils, principalement les acides acétique, propionique, butyrique et valérique, à partir du pyruvate formé lors de la glycolyse des glucides. Le rendement énergétique du métabolisme microbien dépend de la voie métabolique utilisée. Ces acides gras volatils servent ensuite à fournir de l’énergie pour entre autre le bon fonctionnement des tissus de l’animal et la production de lait.

Les glucides de la ration fournissent de l’énergie aux microorganismes du rumen ainsi qu’aux tissus de l’animal. Les glucides non fibreux se composent de sucres simples, d’amidon, d’acides organiques et de glucides de réserve. Les glucides non fibreux constituent la partie la plus digestible par la vache, quoiqu’il reste peu de cette fraction glucidique à digérer après leur passage dans le rumen. Les glucides fibreux sont, pour leur part, des éléments essentiels de la ration puisqu’ils contribuent au bon fonctionnement du rumen. Les fibres sont contenues dans les parois cellulaires des végétaux. Elles sont composées de glucides structuraux, sont beaucoup moins digestibles que les glucides non fibreux et comprennent de la cellulose, de l’hémicellulose et de la lignine (NRC, 2001). Subséquemment, les sources de glucides utilisées dans la ration des vaches laitières influencent le taux de fermentation de ceux-ci. Par exemple, l’amidon, qui est un glucide facilement fermentescible, est facilement attaqué par des amylases sécrétées par la microflore amylolytique

du rumen et prend seulement quelques heures à être dégradé. Un glucide structural, quant à lui, est lentement fermentescible et peut être fermenté pendant 24 heures.

L’azote est un élément chimique que les vaches laitières obtiennent dans leur alimentation sous forme protéique et non protéique. Le métabolisme de l’azote, qui a été identifié comme étant le principal facteur dirigeant l’efficacité d’utilisation de l’azote par les ruminants (Tamminga, 1992), se compose de deux événements distincts. Premièrement, l’attachement des bactéries aux particules alimentaires permet la dégradation des protéines alimentaires par l’activité des protéases microbiennes. L’efficacité de cette dégradation dépend de la microflore ruminale et du type de protéines ingérées. La seconde étape du métabolisme azoté est la synthèse de protéines microbiennes (Bach et al., 2005). Cette synthèse est dépendante de la disponibilité d’énergie dans la cellule. Lorsqu’il y a suffisamment d’énergie, les acides aminés peuvent être utilisés directement pour la synthèse endogène d’acides aminés et de protéines microbiennes. Cependant, si l’énergie est insuffisante, les acides aminés sont désaminés et fermentés en acides gras volatils, molécules impliquées dans le métabolisme énergétique de l’animal. Néanmoins, même si l’énergie est suffisante, la désamination peut également avoir lieu dans le rumen lorsque des acides aminés nécessaires aux bactéries ne sont pas disponibles.

En alimentation bovine, le synchronisme énergie-protéine est un aspect important afin de maximiser le métabolisme microbien et ainsi éviter le gaspillage de l’un ou l’autre des substrats (énergétique ou protéique; NRC, 2001). Si le taux de dégradation des protéines est supérieur au taux de fermentation des glucides, il y a de grandes quantités d’azote perdu sous forme d’ammoniac. Inversement, si le taux de fermentation des glucides dépasse le taux de dégradation des protéines, il y a une diminution de la synthèse de protéines microbiennes (Bach et al., 2005). Belanche et al. (2012) ont montré que chez les vaches consommant un régime riche en fibre, la concentration en ammoniac du rumen était environ 2,3 fois plus élevée que chez les vaches nourries avec un régime riche en amidon. Ce résultat suggère un meilleur synchronisme énergie-protéine incluant une meilleure capture d’azote par les microorganismes du rumen et une plus faible production d’ammoniac lorsque des glucides facilement fermentescibles sont consommés.

25 organique. Leurs résultats montrent également une diète riche en amidon comparée à une diète riche en fibre se traduit en un recyclage de l’azote supérieur et une meilleure utilisation de l’azote ammoniacal.

Par ailleurs, il y a quelques décennies, une équipe de recherche illustra que la synthèse de vitamines B dans le rumen est influencée par la composition de la ration, et les variables de cette étude étaient le niveau d’azote et la source de glucides contenue dans ces rations (Lardinois et al., 1944). De l’azote sous forme d’urée (200 g d’urée/jour) était ajouté à la ration de vaches laitières et de veaux. Cette étude comprenait un traitement témoin contenant une ration de base de foin de fléole et de mélasse de maïs; un deuxième traitement contenant la ration de base et une supplémentation d’azote sous forme d’urée, puis un troisième traitement contenant la ration de base, la supplémentation d’urée et une supplémentation en glucides facilement fermentescibles sous forme d’amidon. L’ajout d’urée a permis d’augmenter la synthèse de riboflavine, d’acide nicotinique, de biotine et d’acide pantothénique, et cela davantage lorsque le niveau de glucides facilement fermentescibles était plus élevé (Figure 1.10).

Figure 1.10: Contenu en riboflavine (a), acide nicotinique (b), acide pantothénique (c) et biotine (d) par gramme de matériel ruminal sec chez la vache laitière (Adaptée de Lardinois et al., 1944)

0 2 4 6 8 10 12 14 Foin de fléole & mélasse de maïs Foin de fléole, mélasse de maïs & urée

Foin de fléole, mélasse de maïs, amidon & urée µ g / g a) Riboflavine 0 10 20 30 40 50 60 70

Foin de fléole & mélasse de

maïs

Foin de fléole, mélasse de maïs & urée

Foin de fléole, mélasse de maïs, amidon &

urée µ g / g b) Acide nicotinique 0 5 10 15 20 Foin de fléole & mélasse de maïs Foin de fléole, mélasse de maïs & urée

Foin de fléole, mélasse de maïs, amidon & urée µ g / g c) Acide pantothénique 220 240 260 280 300 Foin de fléole & mélasse de maïs Foin de fléole, mélasse de maïs & urée

Foin de fléole, mélasse de maïs, amidon & urée m µg / g d) Biotine

L’étude présentée ci-dessus date de plusieurs années, mais elle contient des notions qui sont toujours d’actualité. Les méthodes d’analyses actuelles sont plus raffinées et il serait intéressant d’investiguer à nouveau l’influence du niveau d’azote ainsi que de la source d’énergie sur la synthèse apparente de vitamines B dans le rumen des vaches laitières.

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