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CHAPITRE 3 VERS UNE NOUVELLE MÉTHODE POUR LA SYNTHÈSE AUTOMATIQUE DE FORMES

3.1 Le cahier des charges intermédiaire

À l’heure actuelle, il apparaît difficile d’appliquer des traitements automatiques sur les informations fonctionnelles fournies par le client dans la mesure où elles sont souvent exprimées dans le langage naturel. Toutefois, quelques tentatives visent à représenter les fonctions d’un produit manufacturier sous la forme d’entités modifiant des données d’entrée en données de sortie (fonction de transformation, cf. Chapitre 1 §4.3). Cependant, ces approches ignorent certains types de fonctions telles que l’esthétisme … Dans le but de prendre en considération des fonctions de natures différentes, il est important de définir un formalisme permettant une automatisation. Ce formalisme est appelé cahier des charges intermédiaire dans le sens où il est construit d’après le cahier des charges du client et dans la mesure où il sert de point de départ pour la génération de la géométrie du produit. On peut considérer le cahier des charges intermédiaire comme une autre modélisation du cahier des charges du client. De plus, nous verrons que ce cahier des charges sera représenté par des courbes : nous pouvons donc parler de multi-modélisation. Le choix d’un des modèles dépendra des traitements à appliquer sur le cahier des charges.

Intuitivement, les fonctions du produit peuvent être traduites en contraintes sur les entités composant le produit (cf. Figure 3-4). C’est l’approche utilisée par la méthode de la maison de la qualité (cf. Chapitre 2 §3.2.2) qui préconise aux concepteurs de reformuler les besoins du client (exprimés en langage naturel) en spécifications d’ingénierie basées sur des paramètres. Ces paramètres doivent pouvoir être valués. Ce qui signifie, d’une certaine façon, que des notions relativement subjectives (les fonctions) sont transcrites en informations beaucoup plus objectives (les paramètres). Cette intuition ne peut se montrer qu’à l’aide d’un exemple. Pour cela, considérons la conception d’une bouteille d’eau. Nous nous plaçons dans le cas d’une nouvelle conception sans considérer les éventuelles conceptions précédentes. De ce fait, la conception de la bouteille ne doit pas être vue comme une conception routinière dans la mesure où on suppose qu’aucune bouteille d’eau n’a déjà fait l’objet d’une réalisation. En réalité, on suppose que le concepteur n’a aucune idée de la forme du produit ; il ne connaît que ses spécifications.

L’objectif du formalisme FBS est d’apporter une assistance lors de la conception conceptuelle. Nous faisons donc un point des diverses exploitations qui en sont faites dans la bibliographie. Nous pensons que ces outils feront partie de la prochaine génération de logiciels industriels. La première assistance envisageable, liée à l’existence d’une bibliothèque des produits conçus préalablement, consiste à proposer au concepteur les solutions apportées par le passé à un problème donné lorsque celui-ci se pose à nouveau. C’est ce que propose [Umeda et al. 96] pour faciliter la réalisation d’une fonction par un comportement. Il ne s’agit donc pas directement d’une assistance au développement de la hiérarchie fonctionnelle (premier niveau de FBS) mais plutôt des couches comportements et structures (deuxième et troisième niveau de FBS). La recherche d’une solution adaptée dans la bibliothèque de produits se fait, semble-t-il, sur une base syntaxique avec les inconvénien

cahier des charges décomposition fonctionnelle traduction manuelle identification des composants et des liens entre eux composant1 PP11, PP21… composant2 PP12, PP22… composant3 PP13, PP23… lien1 lien2 sélection d’un composant < contrainte sur PP12 > < contrainte sur PP22 > < contrainte sur PPi2 >

< contrainte sur PPn2 >

cahier des charges intermédiaire construction de … l’espace des formes solutions utilisation de l’estimation pour … visualiser les solutions les plus

prometteuses

déduction manuelle, pouvant être assistée traduction automatique

(a) (b) (c)

(d) (e)

(f)

légende :

Chapitre 3 Vers une nouvelle méthode pour la synthèse automatique de formes

Thèse de l’université de Metz soutenue le 12 Janvier 2000 – D. Pallez 68

Voici une liste non–exhaustive des fonctions que doit satisfaire le produit :

− contenir une certaine quantité de liquide (1l ; 1,25l ; 1,5l …) donc respecter une certaine étanchéité pour un liquide précis ;

− pouvoir tenir dans la main d’un être humain ;

− être compressible pour utiliser un minimum de place une fois l’utilisation terminée (recyclage) ; − être léger ;

− être stable ; − être beau ;

− être résistant à des chocs d’une certaine puissance …

Une étude approfondie de chacune de ces fonctions aboutit au cahier des charges intermédiaire pouvant s’exprimer de la façon suivante :

− la masse totale de l’objet ne doit pas dépasser 1,6 kg pour une contenance de 1,5 litres ;

− le volume doit être inférieur à 1,5l pour satisfaire la possibilité à l’être humain de le manipuler d’une seule main sans anse ;

− certaines proportions dimensionnelles doivent être respectées, c’est-à-dire que la hauteur est proportionnelle à la largeur, elle même proportionnelle à la profondeur. Ainsi, il est possible de déterminer un volume englobant le produit. De ce fait, on peut obtenir les contraintes suivantes : la hauteur est inférieure à 35cm, la largeur est supérieure à 5cm et inférieure à la moitié de la hauteur … On peut donc en déduire un certain nombre de contraintes sur les paramètres d’ingénierie du produit que nous appelons paramètres intermédiaires (cf. 3.2). Comme le concepteur n’a pas d’idées précises de la géométrie du produit, nous supposons que l’ensemble des contraintes sur les paramètres va permettre, au fur et à mesure du raffinement du cahier des charges intermédiaire et de l’identification de nouveaux paramètres, de restreindre l’espace des solutions. Il est certain que tous les paramètres intermédiaires ne serviront pas à restreindre la géométrie de l’objet mais un bon nombre d’entre eux, du fait qu’ils sont liés à la géométrie, permettront de faire des choix. Par exemple, certains paramètres peuvent se référer au matériau de l’objet ; et le choix du matériau peut agir sur la géométrie du produit dans le sens où une distance minimale ou maximale est requise pour l’utilisation de ce matériau … Néanmoins, nous supposons que le nombre de paramètres et de contraintes suffiront à caractériser un ensemble de formes qu’il faut déterminer le plus automatiquement possible.

Permet à un être humain de prendre l’objet Permet le vidage et le remplissage Permet la stabilité de l’objet La matière plastique permet une certaine

légèreté

3 Approche proposée et définitions

Par ailleurs, remarquons que les fonctions du produit n’ont pas toutes la même importance : on ne portera peut être pas le même intérêt pour la compressibilité ou le recyclage que pour l’esthétisme. Ou encore, il faut absolument que la bouteille soit étanche pour contenir un liquide avant d’être esthétique. Il faut donc distinguer les fonctions principales des fonctions auxiliaires. C’est au concepteur de classer chacune des fonctions du cahier des charges suivant leur importance pour le client. Toutefois, une gestion directe des fonctions du produit apparaît très complexe. Or, nous savons que les fonctions du produit se transcrivent en contrainte sur des paramètres. De ce fait, le poids d’une fonction doit être répercuté sur les contraintes. Ainsi, chaque contrainte sera affectée d’un poids. Ce poids peut être représenté qualitativement comme le fait [Desmontils 96]. Ceci permet, par exemple, d’utiliser des termes du langage naturel tels que « important », « très important », « peu important » pour qualifier l’importance des fonctions. Comme nous l’avons vu (Chapitre 2, §3.2.4), à chaque terme du langage est associé une courbe de satisfaction. Mais, nous préférons représenter le poids d’une contrainte à l’aide d’un nombre réel. Ce nombre, appelé poids permet d’obtenir directement la ou les fonctions principales du produit. Il permettra par la suite d’opérer des calculs qui serviront à générer une forme adaptée aux spécifications, c’est-à-dire de savoir avec quel degré une forme satisfait les contraintes ou indirectement les fonctions. Rien ne s’oppose à ce que, par la suite, une représentation qualitative soit utilisée.

Le cahier des charges intermédiaire représente le cahier des charges du client exprimé dans un format compréhensible par un système informatique. Nous le définissons comme un ensemble de contraintes (cf. Figure 3-5). Chaque contrainte est exprimée formellement de la façon suivante : <PI, Relation, Expression,

Poids> où :

− PI est un paramètre intermédiaire correspondant à un paramètre de haut niveau tels que la masse, le volume, le coefficient de pénétration dans l’air, la compressibilité du matériau … Nous expliquons la notion de paramètre intermédiaire dans le paragraphe suivant (cf. 3.2) ;

− Relation est une relation mathématique contraignant les valeurs pouvant être prises par le paramètre. Nous gérons les relations suivantes : supérieure ou égal (≥), inférieure ou égal (≤), égal (=) et différent (≠). Nous expliquerons ultérieurement pourquoi les relations supérieure et inférieure ne sont pas gérées même si elles peuvent l’être ;

− Expression est une expression arithmétique pouvant contenir d’autres paramètres intermédiaires. Par exemple, une contrainte peut définir le fait que le volume doit être supérieur ou égal à la moitié de la masse (volume ≥ ½ masse) ;

− Poids est un nombre réel qui représente l’importance de la contrainte.

< volume ≥ ½ masse, 0.23 > < masse ≠ 15 kg, 0.35 > < hauteur ≤ 20 m, 0.40 > < surface = 50 m2, 0.36>

Figure 3-5. Représentation du cahier des charges intermédiaire

Chapitre 3 Vers une nouvelle méthode pour la synthèse automatique de formes

Thèse de l’université de Metz soutenue le 12 Janvier 2000 – D. Pallez 70

Comme d’importants progrès ont été réalisés ces dernières années dans le domaine de la résolution de problèmes contraints, nous espérons utiliser cette avancée pour générer un ensemble de formes solutions satisfaisant ces contraintes plus facilement qu’avec une autre méthode. La différence entre notre approche et les approches étudiées pour la résolution de contraintes se situe au niveau des informations manipulées : elles sont d’un niveau sémantique plus élevé que des contraintes purement géométriques telles que le parallélisme ou la perpendicularité, ce qui accroît la complexité du problème à traiter. Les algorithmes de résolution de problèmes contraints connaissent encore quelques difficultés lorsque les contraintes ne sont pas linéaires, c’est-à-dire lorsque le problème ne s’exprime pas comme un système d’équations linéaires.